Jean-Michel Othoniel, Le Trésor de la cathédrale d’Angoulême, 2016

C’est par un beau matin de l’année 2000 que j’ai découvert une toute nouvelle bouche de métro sur la place Colette au cœur de Paris. Vision inattendue et inoubliable, poétique et colorée, au début de cette journée de travail qui s’annonçait pourtant bien comme les autres. Je me souviens d’avoir tourné un moment autour, à la recherche du nom de l’auteur de cette œuvre. Sans succès. Puis j’ai fini par descendre dans la bouche et j’ai trouvé. L’émotion que j’ai ressentie ce jour-là est à jamais intacte dans ma mémoire.Œuvre lauréate d’un concours organisé par la RATP pour les cent ans du métro parisien, et référence à Hector Guimard, ce Kiosque des Noctambules fut ma première rencontre avec le travail de Jean-Michel Othoniel, jeune artiste stéphanois, dont je n’ai cessé depuis de suivre les créations.

Vingt ans après, je ne compte plus ni les expositions auxquelles il a participé, ni les œuvres personnelles installées de façon pérenne partout dans le monde, à Versailles, au Puy-en-Velay comme à Doha au Qatar. Ce sont autant de catalogues d’exposition et de monographies qui lui ont été consacrés et sont présents sur les rayonnages de la bibliothèque de l’INHA. Lorsque l’opportunité a été donnée aux personnels de l’INHA de présenter, à l’occasion des vingt ans de l’Institut, un document « coup de cœur » issu des collections de la bibliothèque, j’ai de suite souhaité proposer le livre-DVD Le Trésor de la cathédrale d’Angoulême de Jean-Michel Othoniel, pour plus d’une raison.

Déjà parce qu’il s’agit d’un bel objet avec sa douce couverture en velours bleu nuit, ses tranches dorées et ses pages de garde à sequins.

Mais aussi parce que grâce à la préface de Monseigneur Claude Dagens, alors évêque d’Angoulême, et au texte de l’historien de l’art Adrien Goetz, l’œuvre monumentale de Jean-Michel Othoniel est replacée dans l’histoire de cette cathédrale et également dans le parcours de l’artiste.

Parce que le documentaire de Gilles Coudert et Damien Faure, que j’ai eu la chance de voir sur grand écran au cinéma le Saint-André-des-Arts à l’occasion de la sortie de cet ouvrage, nous permet d’entendre l’artiste évoquer son engagement constant dans cet ambitieux projet. Cette commande de la DRAC Nouvelle-Aquitaine lui a pris, en effet, presque dix années de sa vie.

Parce que si Jean-Michel Othoniel a l’habitude de commencer seul dans son atelier par des aquarelles, on mesure combien en vérité c’est un travail d’équipe. Chaque corps de métier, chaque savoir-faire qui a permis d’aboutir à cette réalisation majeure, est mis à l’honneur dans ce documentaire. Le Studio Othoniel, mais aussi les artisans et les maîtres d’art (verriers, dominotiers, brodeuses, vitraillistes, fondeurs, restaurateurs du patrimoine…), tous se sont engagés pour magnifier de leur art, l’écrin unique imaginé par l’artiste.

Parce que, dans une élévation progressive en trois salles correspondant chacune à un thème (« Le lapidaire », « l’engagement » et « le merveilleux »), Jean-Michel Othoniel nous fait passer des ténèbres à une lumière qui nous inonde, dans un cheminement spirituel. L’artiste, dont l’œuvre est depuis longtemps portée par la notion de sacré, nous révèle les lieux, les objets sans oublier l’engagement des hommes et leur foi.

Parce que le Trésor de la cathédrale d’Angoulême, constitué d’environ 200 objets liturgiques du XIX^e siècle pour la plupart modestes, s’inscrit par la proposition scénographique de l’artiste contemporain, dans une alliance avec le passé, une continuité pour servir l’art actuel.

Parce qu’à dire vrai, les textes, les photographies et le film de ce livre-DVD, tout nous invite à nous rendre à Angoulême, à entrer dans le Trésor de la cathédrale et, au milieu de toute cette beauté, à se sentir peut-être un peu soi-même une partie du Trésor !

Cette œuvre d’art totale devient un pèlerinage, et ce beau livre-DVD renforce en nous l’envie de se mettre en route.

Cécile Claudinon, service des Services aux publics