Rendez-vous était pris avec l’historien de l’art Thibault Boulvain de longue date, à l’occasion de la parution du livre issu de sa thèse. C’était compter sans la crise sanitaire, qui en a retardé la publication. L’Art en sida, 1981-1997 est enfin paru aux Presses du réel au début de l’été. Cette étude sur les représentations de la séropositivité et du sida dans l’art américain et européen, une « somme luxuriante », pour reprendre les mots du journaliste Ludovic Lamant dans l‘interview réalisée pour Mediapart en août dernier, a rejoint les étagères du libre accès de la salle Labrouste. Thibault Boulvain revient sur la genèse de son ouvrage et nous le présente.

« L'Art en sida » dans la salle Labrouste. Cliché INHA
« L’Art en sida » dans la salle Labrouste. Cliché INHA

Vous, en quelques mots ?

Très brièvement, je suis historien de l’art, « spécialiste » d’art contemporain. J’ai récemment été nommé à Sciences Po Assistant professor en histoire de l’art. Je me définis comme historien de l’art, mais j’ai d’abord été formé en histoire, ce qui a de l’importance dans la manière dont je pratique aujourd’hui l’histoire de l’art. J’ai consacré ma thèse – en grande partie réalisée à l’INHA où j’ai été chargé d’études et de recherche entre 2013 et 2016 –, aux représentations visuelles de la séropositivité et du sida en Europe et aux États-Unis dans les années 1980-1990.

Votre fréquentation de la bibliothèque ?

Je dois bien reconnaître qu’elle est moins assidue qu’elle ne l’a été. J’ai beaucoup fréquenté la bibliothèque lorsque j’étais chargé d’études : c’était un peu ma deuxième maison. J’aimais particulièrement ces allers-retours entre le bureau rue Vivienne et la bibliothèque – à l’époque, il s’agissait encore de la salle Ovale. Et c’était un confort incroyable de pouvoir venir chercher un livre et repartir. Le déchiffrage des sources a ainsi été pour partie réalisé à la bibliothèque de l’INHA, puisqu’il s’agissait de constituer un très vaste corpus de représentations, et plus largement de collecter tout ce qui avait trait aux années 1980 à 1990. J’ai été des plus voraces à cette époque : il m’arrivait de franchir la porte de la bibliothèque au moins une dizaine de fois par jour ! Moi qui suis plutôt distrait et ai du mal à rester en place, j’ai profité à fond de ce privilège de pouvoir emprunter les livres, de les sortir, de les rapporter : c’était un luxe énorme. À cet égard, j’insiste : faire sa thèse à l’INHA est un luxe énorme.

Après quoi la salle Labrouste a représenté la découverte du libre accès, et là je suis resté davantage en place. J’ai été beaucoup plus assidu. L’Art en sida a été achevé à la bibliothèque en plein été 2019, quand Laurence Bertrand Dorléac terminait, elle, Pour en finir avec la nature morte. Nous avons ainsi travaillé côte à côte, ce qui était d’autant plus stimulant. Le livre doit tant à cette conversation sous toutes ses formes !

Plutôt salle Labrouste ou magasin central ?

Magasin central ! J’aime beaucoup cette atmosphère en réalité. Étant assez distrait de nature, j’apprécie d’être dans mon petit coin, un peu au frais, et de pouvoir avoir accès directement aux livres. Donc je m’y suis toujours quasiment installé. Dans la salle Labrouste, j’ai toujours le nez en l’air : à regarder l’architecture, les gens qui passent, et à nouveau l’architecture, et parfois rien n’avance à ce train. Mais voilà, c’est la magie du lieu, et l’on trafique avec ses forces !

Un détail insolite de la salle de lecture ?

Moins pour la salle Labrouste que pour la salle Ovale où deux choses m’ont marqué :

Quand je suis arrivé à Paris, c’était en 2009 je crois, j’avais été émerveillé par la monumentalité du lieu, j’avais l’impression d’être dans le Nautilus. C’est la première image qui m’est venue : j’étais comme en immersion dans la bibliothèque du Capitaine Nemo, avec tous ces noms de villes défilant au plafond… Tout était comme dans un rêve de science-fiction, et m’a fasciné. Et puis le fait que j’aimais tant cette salle tenait pour beaucoup sans doute à cette architecture des bibliothèques du XIXe siècle, où l’on doit faire quelques efforts d’imagination précisément pour mériter le savoir, lieux d’initiation où tout concourt pour que l’on « entre en savoir » presque comme en religion – c’est-à-dire par fascination du supérieur.

George Roux, le Capitaine Nemo sur le toit du Nautilus, 1869. Source Wikimédia Commons
George Roux, le Capitaine Nemo sur le Nautilus, 1869. Source Wikimédia Commons

Le second détail–- c’est vraiment anecdotique mais j’ai trouvé cela absolument charmant : quelqu’un avait réussi à monter sur la verrière et à tracer : « Je t'[aime] » (le verbe étant représenté par un cœur). Cela devait être à l’adresse d’un lecteur ou d’une lectrice, je trouvais cela terriblement romantique et cela m’a d’emblée installé dans une sorte de joie, qui était aussi celle de la découverte de Paris, joie d’autant plus pérenne que cette inscription n’a jamais été effacée, elle est restée pendant des années sans qu’on ose – par respect pour les amoureux ? – y toucher.

Votre livre est issu d’une thèse : qu’est-ce qui a déterminé le choix du sujet de celle-ci ?

Je crois qu’il y a des images qui nous trouvent bien plus qu’on ne les trouve. En 2011, je tente le concours de l’Institut national du patrimoine, ce qui, rétrospectivement, n’a pas été mon idée la plus inspirée. Je vais voir à la Maison européenne de la photographie l’exposition consacrée à Hervé Guibert, écrivain, photographe, critique de photographie [Hervé Guibert photographe, ndlr]. J’entre dans la pièce où est diffusé La pudeur ou l’impudeur, le film qu’a réalisé Hervé Guibert peu de temps avant sa mort, et je suis très frappé alors, par les images – à l’écran, Guibert apparaît très malade : il est extrêmement faible, vraiment au bord de la mort –, mais aussi par la réaction du public qui regarde le film avec notamment beaucoup de peur et du dégoût, et dont les commentaires traduisent tout cela.

Voilà qui a agi comme une sorte de prise de conscience, aussi au moment où j’éprouve une nouvelle envie de recherche, abandonnée depuis mon master consacré à la révolution russe de 1917. Ces images me posaient problème, comme de toute évidence au public ce jour-là, elles nous troublaient, nous « dépaysaient », pour reprendre le mot de Paul Veyne, c’est-à-dire qu’elles nous déplaçaient dans l’inconnu, le dérangeant, le troublant… En 2011, leur capacité d’agir encore, à ce point, en disait long sur notre rapport à la maladie, et sur leur puissance singulière.

J’ai commencé à creuser, pour m’apercevoir que la question des représentations visuelles du sida était, en France, un sujet peu traité, à l’université et au musée, sauf chez certaines et certains – je pense en particulier aux travaux de Larys Frogier ou ceux de l’historienne et critique d’art Élisabeth Lebovici.

Puis tout a été très vite, une espèce d’intuition m’a convaincu que je tenais là un vrai sujet. Philippe Dagen est intéressé, accepte de me diriger. Bref, en quelques semaines, je me suis trouvé embarqué dans cette recherche sans bien savoir sa portée, mais j’étais embarqué, et comme je n’aime pas les demi-tours…

À cela s’ajoute un souvenir d’enfance, dans une sorte de télescopage des mémoires : je me suis souvenu après coup que mes parents possédaient dans leur bibliothèque À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vied’Hervé Guibert. Ils avaient deux livres de la trilogie d’Hervé Guibert, qui avait fait tant parler. Ma mère, alors professeure de lettres et grande lectrice, avait sans doute entendu parler de ce livre dans l’émission de Bernard Pivot puis l’avait acheté dans la collection « Blanche » chez Gallimard. C’est peu de chose, mais le signe tout de même que cette histoire entrait alors de toutes les manières dans l’époque.

Le Paradis, d'Hervé Guibert, dans une bibliothèque familiale nimbée de souvenirs, 2021. Cliché M. I. M.
Le Paradis, d’Hervé Guibert, dans une bibliothèque familiale nimbée de souvenirs, 2021. Cliché M. I. M.

À ce moment-là, vous étiez loin de l’idée d’en faire un livre ?

En effet. J’ai eu un jury formidable parce que constitué de personnalités très différentes : il y avait Philippe Dagen, Laurence Bertrand Dorléac, avec qui je travaille à Sciences Po et avec qui j’ai notamment appris qu’il faut penser l’art en société, ainsi qu’Emmanuel Pernoud . Il y avait encore Vinciane Despret, une philosophe, dont l’essai sur les morts [Au bonheur des morts, Paris, La Découverte, 2015, ndlr] m’avait énormément marqué, Georges Vigarello, historien spécialiste du corps et de la santé, que j’ai toujours beaucoup admiré, comme toute cette génération du reste, qui a révolutionné l’histoire : Michelle Perrot, Alain Corbin, Arlette Farge, etc. Enfin, nous tenions avec Philippe Dagen à ce que le monde du musée soit représenté, et Bernard Blistène, alors directeur du Musée national d’art moderne, et qui est surtout un grand spécialiste de l’art contemporain, a répondu présent.

La soutenance se déroule au mieux, Laurence Bertrand Dorléac, directrice de la collection « Œuvres en sociétés » aux Presses du réel, me propose d’emblée d’y faire publier la thèse. Ce fut un travail de longue haleine, presque trois ans, mais nécessaires je crois pour en arriver à ce livre qui voulait d’abord être à la hauteur de l’événement.

De la thèse au livre, une adaptation s’imposait, j’imagine ?

J’avoue qu’il y avait une angoisse particulière de ma part de « lâcher » ce livre – ou de cesser de le « retenir » au secret –, tant cette histoire engage énormément, touche les gens à des degrés très divers, soit qu’on découvre cette histoire, soit qu’on l’ait vécue… J’ai gardé la structure de la thèse, mais j’ai repensé presque chaque mot. Moi qui suis né en 1987 et qui recevais soudain ces images très inconnues, je me sentais une sorte d’obligation de les traiter avec les mots adéquats, d’inventer une langue à même de « dire » les choses. Comme l’avait très justement souligné ma collègue du DER de l’INHA Zahia Rahmani, un des enjeux du travail était de trouver les mots, la langue. Comment parler d’une image de suicide, par exemple ? C’est très compliqué : trouver les mots, et ne pas trahir la pensée de l’artiste. Donc cette mise en livre a demandé un travail littéraire de réécriture davantage que de restructuration. Ceci dit, il y a tout de même eu une part conséquente de recherche complémentaire afin de réactualiser la thèse : en 2017, le film de Robin Campillo 120 Battements par minute était sorti. Il y avait eu aussi le livre d’Élisabeth Lebovici [Ce que le sida m’a fait – Art et activisme à la fin du XXe siècle, ndlr]. J’ai parfois voulu réinjecter du contenu, supprimer, ajuster, retrancher, réduire, rallonger. Et puis, il a fallu s’arrêter, à ce moment précis où l’on sent, non pas que l’on a tout dit, mais qu’on ne le dira pas mieux, ou qu’en dire plus serait trop en dire, ou finir par mal le dire.

Inventer une langue à même de « dire » les choses, Le Paradis, carnets, 2021. Cliché M. I. M.
Inventer une langue à même de « dire » les choses, Le Paradis, carnets, 2021. Cliché M. I. M.

Vous vous exprimez dans une langue plutôt littéraire…

J’aime écrire, l’écriture est pour moi fondamentale, un vrai travail de mise en forme de la pensée. Mais il faut aussi garder la bonne distance : en histoire de l’art, il y a une discipline, il y a une méthode. Les retours que j’ai eus pour le moment concernent beaucoup le style, ce travail de la langue, je suis surpris de cette réception, mais elle suggère à quel point certaines histoires doivent trouver leurs justes formes pour être racontées.

Est-ce un livre qu’on va feuilleter, parcourir en diagonale ou dévorer ?

Je dirais : on peut procéder de toutes ces manières. Il est massif [17 x 24 cm, 824 pages, ndlr]. Moi qui suis un grand lecteur, il n’est pourtant pas certain que je le lirais in extenso… Mais il est conçu de telle manière qu’on peut facilement lire la première partie, laisser le livre reposer, et puis reprendre à la deuxième partie, etc. Il faut faire durer la lecture, pour bien lire, quel que soit l’ouvrage.

On peut bien sûr aussi le lire in extenso, mais l’histoire en elle-même est lourde et douloureuse, difficile dans certaines conditions à recevoir d’un bloc. Alors le feuilleter, pourquoi pas ? Nous avons réussi à mettre beaucoup d’images, soixante-dix-huit précisément, parce que les artistes ont été extrêmement généreux. J’ai privilégié des images moins connues et qu’on ne trouve pas si facilement. Ainsi ce très beau tableau d’un artiste qu’on connaît très peu en France : Luis Cruz Azaceta, la chute d’anges en feu, qui représente un suicide.

Dans les représentations visuelles de la maladie, on observe des parallèles étonnants entre œuvres par-delà les siècles…

Le but de la recherche était à la base de faire une mise en perspective des travaux produits aux États-Unis et en Europe, d’engager une sorte de discussion transatlantique entre les œuvres. Et puis, en travaillant, en creusant, je me suis aperçu que beaucoup d’artistes voyageaient dans le temps pour en ramener du passé des images qui soient capables de parler au présent de la catastrophe.

C’est le cas notamment des images de peste. L’un des premiers articles que j’ai rédigés, intitulé Les temps pestifères [Revue de l’Art, no 193, 2016-3, ndlr] traitait justement de cette question de la représentation de la peste à l’époque contemporaine. Et au fond, on se rend compte que les artistes ont une mémoire très « proustienne », qui fonctionne par associations, qu’ils travaillent avec les références qu’ils ont comme des outils dont ils s’arment dans leur affrontement du présent. Ainsi Serrano [Andres Serrano], à la vue d’une femme décédée du sida, dans une morgue, revient à Bellini. On m’a fait un jour remarquer que l’embêtant dans cet aller-retour, autour de la peste notamment, c’est que ces images reconduiraient l’équivalence insoutenable, mais répandue à l’époque : sida = peste. Mais ce n’est pas cela du tout. Lorsque les artistes voyagent dans le temps, inventent leurs formes au contact du passé, bricolent avec lui, c’est notamment pour tenter d’être à la hauteur du présent. Dans les premières années de l’épidémie, le sida était encore une maladie inconnue, mais une catastrophe qui montait, et à laquelle il fallait bien essayer de trouver des formes. Or dans l’histoire, la peste reste la maladie paradigmatique, comme dans une moindre mesure la grippe espagnole, on l’a encore constaté récemment avec la covid. Il y a toujours une tendance à aller chercher des références dans le passé, pour le meilleur et pour le pire. Au cœur de la crise du sida, des artistes ont ainsi travaillé dans des champs de références, pour trafiquer avec la catastrophe, trouver d’autres désastres-étalons, la peste, mais encore la menace nucléaire, l’écocide, etc., à partir desquels la penser, alerter sur son ampleur. Il n’en allait pas d’une mise en équivalence, au sens strict, mais d’une construction urgente d’un désastre qui réclamait l’histoire, le passé, pour agir efficacement.

On ouvre le livre et on le referme sur un portrait vraiment saisissant…

Effectivement, je tenais particulièrement à mettre en avant cette photographie de Rosalind Fox Solomon, dont je raconte l’histoire dans le livre. C’est une artiste, qui, quand elle a photographié les malades du sida, des femmes, des hommes, des enfants, des couples hétérosexuels ou homosexuels, les a d’abord fait parler. Elle connaît leurs noms, et cela change toute la relation photographe/modèle, qui peut être une forme de « violence ». Or, ce jeune homme-là, elle ne le connaissait pas. Elle l’a croisé au détour d’une rue en 1987 à Washington. Il reste anonyme, pour elle et pour nous. Lorsque j’ai vu ce portrait, j’ai tout éprouvé, de la tristesse, et en même temps je l’ai trouvé très beau. Il me fait penser au Gilles de Watteau, il émane de cette figure en majesté cette sorte de mélancolie, de fin d’un monde.

À gauche : Couverture de l'Art en sida. Cliché INHA. À droite : Jean-Antoine Watteau, Pierrot, dit autrefois Gilles, 1718-19. Source Wikimédia Commons.
À gauche : Couverture de l’Art en sida. Cliché INHA. À droite : Jean-Antoine Watteau, Pierrot, dit autrefois Gilles, 1718-19. Source Wikimédia Commons.

Au fond, ce que j’ai essayé de faire dans ce livre, ce qui compte avant tout, c’est de raconter des histoires, de ramener à la surface, en une sorte de rappel collectif, des femmes et des hommes qui ont compté, et comptent encore.

Et j’ai trouvé cela beau d’ouvrir le livre par cet anonyme et de le refermer par lui, en imaginant peut-être – mon côté rêveur – que quelqu’un va finir par le reconnaître, un jour. Ce livre peut circuler peut-être aux États-Unis, et qui sait, quelqu’un là-bas sera en mesure d’identifier cet homme, qui est vraisemblablement mort. Et puis, ce qui m’a encore intéressé dans ce portrait, au-delà du regard qui nous fixe, c’est ce polo, sur lequel toute l’époque est résumée. J’imagine que Rosalind a dû le croiser au moment du déploiement de ce qu’on appelle « Le Patchwork des noms », un mémorial pour commémorer les morts du sida sous la forme d’une gigantesque courtepointe. En effet, il porte un pin’s « NAMES Project », en référence au Patchwork. On remarque aussi un badge d’ACT UP. Et puis ce jeune homme porte aussi une étoile de David, dont on sait la symbolique funeste, et qui fut récupérée par les activistes d’abord pour dénoncer la stigmatisation et le sort des malades.

En tout cas, cette image est très frappante. Elle est là, elle nous est contemporaine, et nous nous rendons contemporains d’elle. Et ce regard nous fixe, qui a tant à nous dire. C’est là encore le sens du livre, qui demande aux images ce qu’elles ont à nous dire.

Une réflexion à propos de la crise sanitaire ?

Le livre a été terminé pendant le confinement. C’est-à-dire que j’avais fini un tout petit peu avant et envoyé le manuscrit à la correction, lequel est revenu pendant le confinement. Et j’ai trouvé très étrange de travailler sur ce livre alors qu’une épidémie paniquait et gelait la moitié du monde. Cela m’a certainement conforté dans l’idée qu’il fallait travailler ces questions de maladie, d’épidémie. Alors que la crise sanitaire actuelle n’est pas encore finie, je crois que nous sommes tous et toutes convaincus que ce que fait une maladie, une épidémie à la société est un problème qui doit nous arrêter. Les frères Goncourt disaient très justement qu’une épidémie révèle une société comme une plaque photographique, le pire et le meilleur de ce dont nous sommes capables. N’est-ce pas encore ce qui s’est passé au moment de la covid ? On a vu là se reconduire une forme d’héroïsme chez les soignantes et les soignants, en particulier, mais aussi le racisme, à l’égard de la communauté asiatique, et des phénomènes de rejet et d’exclusion sociale.

La lecture de votre livre peut-elle nous aider à comprendre ?

Peut-être comprendre que les images ne sont certainement pas anodines en temps de maladie. On m’a souvent posé des questions au sujet des images de la covid, qui elles aussi sont des images tout à fait particulières, elles n’ont rien à voir avec celles du sida. Ce qui m’intéresse en tant qu’historien de l’art, c’est ce que produira la covid dans quelque temps. Il est encore un peu tôt pour s’en rendre compte, mais peut-être dans quelques années pourra-t-on voir ce que cette épidémie a – ou n’a pas – suscité. Cela constitue un de mes champs de recherche. Il y a des événements qui m’intéressent beaucoup en ce moment et j’aimerais sans doute en faire quelque chose dans les temps qui viennent. J’envisage par exemple de revenir un peu en arrière et notamment sur la grippe espagnole et ses représentations visuelles, qui sont peu nombreuses, semble-t-il. Et c’est très étonnant, si l’on compare à l’énorme place de l’événement épidémique dans la littérature de l’époque. Voilà qui attise ma curiosité de chercheur : j’ai envie de creuser, parce que je me dis que s’il n’y a rien, ou peu, alors il y a tout à trouver !

Christine Camara, service des Services aux publics

En savoir plus