Parmi les cartons d’invitation aux vernissages, il y a ceux que j’appelle des cartons « parlants » ; car leur forme, leur texture, leur matière, donnent un avant-goût très explicite de ce que l’exposition donne à voir. Un des exemples les plus remarquables et les plus anciens de ces cartons est une invitation de René Lalique (1860-1945), dont la bibliothèque vient d’acquérir un exemplaire pour enrichir sa collection de cartons d’invitation, dite des « cartons verts » (vente Primardeco, Toulouse, 25/10/2014, lot 96.1).

En 1912, Lalique imprimait à sa carrière un tournant décisif et audacieux. À cette époque, sa réputation n’était plus à faire ; son nom était un des plus en vue du monde de la bijouterie-joaillerie et de l’esthétique Art nouveau. Mais Lalique s’était insensiblement détourné de la bijouterie pour se consacrer exclusivement à son activité de maître verrier. Ses créations de verre attiraient alors déjà les commandes les plus prestigieuses, comme celle de Jacques Doucet qui lui avait commandé, cette année-là, une monumentale porte à panneaux de verre blanc et structure d’acier nickelé pour son hôtel de l’avenue du Bois, remontée plus tard dans son mythique studio de la rue Saint-James.

Pour marquer solennellement cette nouvelle orientation de son entreprise, Lalique organisa donc, en décembre 1912, une exposition entièrement dédiée à l’art du verre. Pour l’occasion, il délaissa le carton traditionnel et fit fabriquer une invitation en verre moulé-pressé de 6,5 cm de diamètre. Réalisé en verre vert patiné, cet épais médaillon présente au recto une boule de gui en relief, tandis que le verso porte le texte de l’invitation : « INVITATION À L’EXPOSITION DES VERRES DE R. LALIQUE EN DÉCEMBRE 1912 24 PLACE VENDÔME PARIS. »

médaillon d'invitation exposition Lalique 1912
René Lalique, Invitation, décembre 1912. Bibliothèque de l’INHA

Ce n’était pas la première fois, du reste, que Lalique exploitait cette idée. En 1905, déjà, une de ses invitations avait pris la forme d’un médaillon de même diamètre (6,75 cm), mais de bronze doré…

Quant à l’invitation de 1912, Marie-Claude Lalique, petite-fille de René, la réédita à partir de 1988 comme ornement de sapin de Noël. Dépourvue de texte mais munie d’un petit trou pour la suspension, cette réédition existe en plusieurs couleurs : blanc, vert émeraude, vert tilleul, bleu et ambre.

Jérôme Delatour, service du patrimoine

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