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L’architecture de l’entre-deux-guerres en 1200 planches
Mis à jour le 24 mai 2021
Histoire(s)
L’architecture de l’entre-deux-guerres en 1200 planches
L’Encyclopédie de l’architecture, constructions modernes des Éditions Albert Morancé « ancienne maison Morel » est désormais consultable en intégralité dans la bibliothèque numérique. Petit historique…
De Bance à Morancé
À la fin des années 1780, Jacques-Louis Bance (1761-1847) s’établit comme graveur à Paris. Il rencontre rapidement un certain succès. Fournisseur de marchands d’estampes, il fait la connaissance de nombreux éditeurs et de leur clientèle. Ses affaires prospérant, il décide au début des années 1790 d’éditer lui-même ses œuvres et celles d’autres graveurs. Rapidement, il n’exerce plus que le métier de marchand. Bien que ses bénéfices soient considérables, il décide à partir de 1815 d’éditer aussi des livres et des recueils d’architecture, domaine dont il est grand amateur. La production augmente régulièrement pour devenir la principale activité de la maison Bance.
Au début des années 1830, Jacques-Louis s’associe à son fils Balthazar (1804-1862) pour éditer de luxueux recueils d’architecture dans lesquels les gravures prédominent. À partir de 1846, Balthazar dirige seul la maison d’édition. À la fin des années 1840, le fonds possède déjà plus de 600 titres d’estampes et d’ouvrages d’art et d’architecture. En 1850, il fonde avec l’architecte Victor Calliat (1801-1881) la revue L’Encyclopédie d’architecture et ils adoptent le système de souscription pour sa commercialisation. Il y aura évidemment de nombreux architectes parmi les souscripteurs dont un certain Henri Labrouste (1801-1875). La revue paraît entre novembre 1851 et septembre 1862, année du décès de Balthazar.
Le fonds Bance est mis aux enchères à la fin de cette même année et l’intégralité est rachetée par Auguste-Jean Morel (1820-1869) éditeur-libraire qui s’installe dans les anciens locaux de la librairie Bance. Associé à celui de Bance, le fonds Morel devient le mieux fourni en livres d’art et d’architecture et qui plus est, reconnu mondialement. Entre 1863 et 1865, Morel fait paraître La gazette des architectes et du bâtiment, sous-titrée Encyclopédie d’architecture. A sa mort en 1869, ce sont plus de 500 titres d’ouvrages d’architecture qui constituent le fonds. Sa veuve Thérèse Bonnetaud-Nadaud assure la succession et crée la Librairie centrale d’architecture. Entre 1871 et 1892, paraîtront quatre nouvelles séries de l’Encyclopédie d’architecture. Entretemps, en 1886, le fonds Morel est absorbé par les Imprimeries réunies mais la Librairie centrale d’architecture continue d’exister.
En 1906, le fonds Morel est cédé au libraire-éditeur Charles-Jean Eggimann (1863-1948) qui continue d’utiliser la mention « Librairie centrale d’architecture ». Après la Première Guerre mondiale, ruiné, il renonce à l’édition de luxe et se replie sur la librairie ancienne. Il se sépare du fonds en 1920.
À gauche : Encyclopédie de l’architecture, constructions modernes, Paris, Éditions Albert Morancé, 1929-1939, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, 4 GT 270. Cliché INHA. À droite : Achevé d’imprimer. Cliché INHA
Albert Morancé (1874-1951) était déjà éditeur depuis une vingtaine d’années quand il rachète le célèbre fonds Morel. Il utilise le titre comme label de qualité en se proclamant « ancienne maison Morel fondée en 1780 » (sic). Parallèlement à ses activités d’édition, il devient en 1921, « agent technique et commercial » de la Réunion des musées nationaux (RMN). Il est en fait chargé en tant que « régisseur intéressé » de l’édition et de la commercialisation des catalogues, des photos et des cartes postales mais aussi des productions sortant des ateliers de moulage et de chalcographie du musée du Louvre. Au début des années 1930, il supervise également la mise en place d’un service commercial chargé de la vente d’ouvrages dans les sites gérés par la Caisse nationale des monuments historiques. La collaboration de Morancé avec la RMN s’achève en 1934… Il redevient éditeur à plein temps et ceci jusqu’à sa mort en 1951. Son fils Gaston (1904-1992) prend sa suite et ce jusque dans les années 1980 où il vendra finalement le fonds aux Nouvelles éditions latines.
Encyclopédie de l’architecture, constructions modernes
Le catalogue de l’Institut national d’histoire de l’art répertorie quelque 120 références éditées par Albert Morancé entre 1920 et 1950 mais la majeure partie est datée des années 1920. Tous les domaines artistiques sont représentés que ce soit sous forme d’ouvrages thématiques, de catalogues d’exposition ou de catalogues de musées, principalement du Louvre. Sa collaboration avec la RMN n’y étant sûrement pas étrangère. La production de la maison semble connaître un net ralentissement à partir des années 1930. C’est durant cette décennie pourtant, et plus exactement de 1929 à 1939, que Morancé va éditer sous la forme de 12 portefeuilles de 100 planches chacun l’Encyclopédie de l’architecture, constructions modernes. La nommant ainsi, il décide sans doute de faire référence à la revue précédemment citée.
À gauche : Gare de Lens, Urbain Cassan, Encyclopédie de l’architecture, Tome I, planche 76. Cliché INHA. À droite : Habitations à bon marché à Nanterre, 1932, Henri Pacon, Encyclopédie de l’architecture, Tome VI, planche 62. Cliché INHA
À la différence de la revue du XIXe siècle illustrée de gravures, l’encyclopédie de Morancé est constituée essentiellement de photographies auxquelles sont parfois joints plans ou croquis. Les photographies sont imprimées en phototypie et la quasi-totalité est en noir et blanc. La couleur est rare de même que la personne humaine. C’est donc le bâtiment lui-même qui est mis en valeur aussi bien extérieurement qu’intérieurement. La qualité des clichés et des cadrages confère une certaine solennité. Les constructions modernes de l’entre-deux guerres sont réparties en une vingtaine de rubriques qui balayent tous les domaines : de la villa à l’immeuble de rapport, de l’usine au bâtiment administratif, du théâtre à l’église, de l’école à l’aéroport… Cet ensemble constitue aussi un panorama exhaustif de l’architecture hexagonale de l’époque. La plupart des réalisations présentées étant en France, il est logique que la majorité des architectes soient français mais de nombreux architectes européens et leurs réalisations sont néanmoins cités de même que quelques architectes nord-américains. Parmi tous ces noms, certains reviennent plus fréquemment tels les français Auguste Perret (1874-1954), Urbain Cassan (1890-1979), Henri Pacon (1882-1946), le tandem suisse Le Corbusier (1887-1965) et Pierre Jeanneret (1896-1967), l’américain Richard Neutra (1892-1970).
À gauche : Villa à San Fernando valley (Californie), Richard Neutra, Encyclopédie de l’architecture, Tome X, planche 18. Cliché INHA. À droite : Hôtel particulier à Paris, Auguste et Gustave Perret, Encyclopédie de l’architecture, Tome VII, planche 10. Cliché INHA
Un quatrième architecte français est lui aussi régulièrement cité. Il s’agit de Michel Roux-Spitz (1888-1957). L’encyclopédie présente une dizaine de ses réalisations tout au long des 12 tomes ce qui montre la place centrale occupée par cet architecte à l’époque. Élève de Tony Garnier (1869-1948) à Lyon, prix de Rome en 1920, Michel Roux-Spitz exercera outre son métier d’architecte, les fonctions de rédacteur en chef de revues d’architecture et de professeur à l’École nationale des beaux-arts. En 1932, il est nommé architecte en chef de la Bibliothèque nationale de France. Sur une période de 25 années, il réalisera entre autres, les deux étages de magasins sous le magasin central de Henri Labrouste et la surélévation de ce même magasin, le Département des estampes et le Département des cartes et plans dans le très ancien hôtel Tubeuf, œuvre de Jean Thiriot (1590-1649). Il réalisera également le dépôt annexe de Versailles qui apparaît dans le tome VIII de cette encyclopédie.
À gauche : Annexe de la Bibliothèque nationale à Versailles, Michel Roux-Spitz, Encyclopédie de l’architecture, Tome VIII, planche 19. Cliché INHA. À droite : Institut d’art et d’archéologie de l’université de Paris, Paul Bigot, Encyclopédie de l’architecture, Tome III, planche 76. Cliché INHA
L’encyclopédie signale également dans son tome III une réalisation de Paul Bigot (1870-1942) qui n’est autre que l’Institut d’art et d’archéologie. Ce bâtiment fut érigé entre 1925 et 1928 pour accueillir la Bibliothèque d’art et d’archéologie (BAA), héritière de la bibliothèque de Jacques Doucet (1853-1929) donnée à l’État en 1917 et jusque-là installée dans l’hôtel Salomon de Rothschild. La BAA occupera l’édifice situé rue Michelet de 1936 à 1993, édifice qu’elle quittera pour s’installer sur le site Richelieu et pour devenir en 2003 la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art.
Références bibliographiques
- Agnès Callu, La Réunion des musées nationaux 1870-1940 : genèse et fonctionnement, Paris, École nationale des chartes, 1994.
- Béatrice Bouvier, L’édition d’architecture à Paris au XIXe siècle : les maisons Bance et Morel et la presse architecturale , Genève, Droz, 2004.
- Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin, Christine Mengin (dir.), Richelieu : quatre siècles d’histoire architecturale au cœur de Paris, Paris, Bibliothèque nationale de France, Institut national d’histoire de l’art, 2017.
Stéphane Rouault
Service de l’informatique documentaire