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Des origines du guide touristique
Mis à jour le 9 décembre 2016
Les trésors de l'INHA
Auteur : Élodie Desserle
Le Voyage et Oraisons du mont de Calvaire de Romans en Dauphiné par Pierre Gringore vient d’être mis en ligne sur la bibliothèque numérique. Cet ouvrage porte sur le chemin de croix de Romans-sur-Isère dont on célèbre cette année le 500e anniversaire. Ce chemin de croix dit du « Grand Voyage » aboutit au Calvaire des Récollets qui, classé au titre des monuments historiques depuis le 24 juillet 1986, fait actuellement l’objet d’une campagne de restauration. Les travaux, débutés au printemps 2016 par le Golgotha, se poursuivront en 2017 par le mur d’enceinte et le portail monumental.
Le chemin de croix de Romans a été fondé en 1516 par un riche et pieux marchand drapier de Romans, Romanet Boffin (1484-1545). Lors d’un voyage d’affaires, Roment Boffin découvrit le chemin de croix et le calvaire de Fribourg, construit par Pierre d’Anglisberg, commandeur de Rhodes en résidence dans cette ville. Le chemin de croix de Fribourg était alors formé par sept piliers disséminés dans la ville réalisés d’après des mesures prises à Jérusalem. Romanet Boffin décide d’en faire ériger un semblable à Romans afin de créer un chemin de croix de substitution au voyage en Terre sainte car Jérusalem se trouve sous domination turque, et les pèlerinages devenus périlleux et coûteux, sont réservés à une minorité de chrétiens. Pour faire de Romans un parfait lieu saint de substitution, le Calvaire des Récollets est implanté sur une colline dominant la ville, évoquant ainsi le Golgotha de Jérusalem. Le pèlerinage à Romans connaît rapidement un véritable succès populaire et la ville décide de doter le « Grand Voyage » d’un guide du pèlerin. Commande est passée au poète et dramaturge français Pierre Gringore qui rédige Le Voyage et Oraisons du mont de Calvaire de Romans en Dauphiné. Le tout premier guide du pèlerin de Romans est édité.
Pierre Gringore, Voyage et Oraisons du mont de Calvaire de Romans, [1516], bibliothèque de l’INHA, 12 RES 69. Cliché INHA
De tels guides étaient publiés pour chaque pèlerinage d’envergure. Ils étaient destinés à fournir aux fidèles les prières et oraisons mais également, plus largement, à les accompagner dans leurs séjours dans la ville. Ils contenaient, bien souvent, une présentation historique et géographique de la ville ainsi que des indications sur la vie pratique, ce qui en fait, en quelque sorte, les ancêtres des guides touristiques tels que nous les connaissons aujourd’hui apparus au début du XIXe siècle.
Ainsi Gringore, dans un premier temps, s’attache à démontrer en quoi la ville de Romans est « tant par sa situation, que qualité et forme, fort semblable a la saincte cité de Jerusalem ». Il n’hésite pas à appuyer son argumentaire sur un fait d’actualité de l’époque, la visite de deux franciscains français, Frère Ange de Linx et Frère Laurens Morelli, de retour de Terre sainte, qui confirmèrent les similitudes entre les deux cités. Après cette introduction, l’auteur indique au pèlerin la route qu’il doit suivre : « premièrement estre venu en ladicte ville de Romans il faudra aller au mont de Syon », « procédant plus avant on entrera au jardin dolivet » « au partir de ce lieu on prendra le chemin a main droicte » … un itinéraire détaillé des plus précis.
Pour la partie religieuse, Gringore ne délivre pas de prières liturgiques à proprement parler, il s’agit plutôt de prières de dévotion. Bien que rédigées en vers, il n’est pas question de poésie, l’usage des vers relève essentiellement du moyen mnémotechnique, ils doivent être simples, faciles à retenir.
L’aspect pratique du guide se loge également dans sa matérialité, un format de 14 x 10 cm, totalement adapté pour tenir dans la main, a été adopté par l’imprimeur-éditeur Gilles Cousteau (14??-1523?), dont on retrouve en fin d’ouvrage la marque d’imprimeur. Cette marque, utilisée dans les débuts de l’imprimerie par les imprimeurs pour authentifier leur production, est particulièrement remarquable. Couteau ne se contente pas d’un simple cadrage autour de son nom (comme il était souvent d’usage) mais réalise une vignette dans laquelle figure sa devise « Du grant aux petis » et un dessin de couteaux, sorte de rébus jouant sur l’équivocité de son nom.
Si l’ouvrage de Gringore a suscité votre curiosité, que vous souhaitez faire le « Grand Voyage » et découvrir ce chemin de croix urbain, unique en France et l’un des plus anciens d’Europe, vous pouvez vous joindre aux pèlerins lors de la procession du Vendredi Saint qui continue, chaque année, d’attirer plusieurs centaines de personnes.
Élodie Desserle, service de l’informatique documentaire
En savoir plus
- Ulysse Chevalier, Notice historique sur le mont-calvaire de Romans, Montbéliard, Impr. de P. Hoffmann, 1883. Disponible en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63309v (consulté le 06/09/2016)
- Charles Oulmont, Pierre Gringore, Paris, H. Champion, 1911. Disponible en ligne : https://archive.org/stream/pierregringore00oulmuoft#page/iv/mode/2up (consulté le 06/09/2016)
- Pascale Vernès, Dossier de presse 500e anniversaire du chemin de croix dit du « Grand Voyage », 25 janvier 2016. Disponible en ligne : https://www.fondation-patrimoine.org/read/22/projets/documents/DP%20Romans_15315.pdf (consulté le 06/09/2016)