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La Gazette Drouot
Mis à jour le 16 juin 2021
De la Belle Époque aux Trente Glorieuses
La Gazette DrouotDe la Belle Époque aux Trente Glorieuses
En mars 2021, la bibliothèque numérique de l’INHA s’est enrichie des 60 premières années de la Gazette de l’hôtel Drouot, plus précisément de février 1891 à décembre 1950. À l’origine du projet, il n’était question que de numériser la période 1939-1945 mais il est apparu plus exhaustif de numériser toute la collection d’ores et déjà passée dans le domaine public (délai de 70 ans). De plus, il devenait urgent de conserver ladite collection. En effet, le papier journal de l’époque est souvent fragile car acide. Cette acidité est due à la présence de lignine dans le papier fabriqué à base de bois. Ce papier devient de plus en plus difficile à manipuler et il se désagrège avec le temps. Signalons que la collection numérisée provient des collections de la Bibliothèque centrale des musées nationaux qui en possédait l’intégralité jusqu’à fin décembre 2015, date de la fermeture de la BCMN pour rejoindre les fonds de la bibliothèque de l’INHA.
L’hôtel des ventes de Drouot est inauguré en 1852. Quarante ans plus tard, Charles Oudart, commissaire-priseur, crée la gazette du même nom. Le premier numéro est daté des 8-9 février 1891. À ses débuts, la Gazette est un quotidien de 8 pages dont la parution passera à 2-3 fois par semaine en février 1896 avec un nombre de pages variant souvent (entre 2 et 8). En 1945, elle devient un hebdomadaire de 4 pages qui s’étoffera avec le temps, se transformant en véritable magazine dans le courant des années 1970. La couleur n’apparaîtra que dans la deuxième moitié des années 1980. La Gazette est aujourd’hui en 2021 toujours un hebdomadaire… qui peut dépasser les 250 pages. Pour la période numérisée, signalons que Charles Oudart dirigera le journal jusqu’à son décès en septembre 1899. Il sera officiellement remplacé en février 1900 par Alexandre Frappart et ce jusqu’à son départ à la retraite en mars 1954. Durant cette période, il y aura quatre interruptions de la parution : du 5 août 1914 au 10 avril 1915, du 1er septembre au 17 novembre 1939, du 7 juin au 3 octobre 1940 et du 10 août 1944 au 12 mai 1945.
Le contenu de la Gazette est évidemment essentiellement consacré aux ventes à l’hôtel Drouot mais aussi ailleurs dans Paris, sans oublier la province ni l’étranger. Le reste est très variable avec le temps : publicités, petites annonces, cours de la bourse, chroniques de la vie parisienne, feuilletons, comptes rendus d’exposition, focus sur un artiste voire une œuvre en particulier, sur un musée et ses collections, sur un monument et ses trésors… Pour ce qui est des ventes, les plus importantes bénéficient d’un éclairage particulier : illustration(s), annonce(s), compte rendu ou plus rarement une pleine page. Une vente se dégage plus particulièrement du lot car elle seule bénéficie d’un supplément de 6 pages sur papier glacé. Il s’agit de la vente de la collection Doucet en juin 1912 à la galerie Georges Petit.
Collection Jacques Doucet, prix complets d’adjudication, in La Gazette de l’hôtel Drouot, juin 1912. Paris, bibliothèque de l’INHA, 4 X 0991. Cliché INHA
C’est en mars 1896 qu’apparaissent les premières illustrations en première page sous la rubrique « Notre gravure » et ceci avec plus ou moins de régularité. Elles font référence à une vente, une publication (Le magasin pittoresque), un article, un artiste, une exposition, un musée… Rares sont les illustrations à l’intérieur de la Gazette. En 1901, apparaissent les premiers clichés provenant du New York Herald dont l’édition européenne est installée à Paris depuis 1887. Ce journal fournira une grande partie des images jusqu’à la première guerre mondiale conjointement avec la Gazette qui fournit ses clichés « maison ». Pendant la guerre, l’image fait sa quasi-disparition pour réapparaître après-guerre mais en moindre quantité et ceci pendant les trois décennies suivantes. Après-guerre, ce sont aussi de nouveaux contributeurs : la galerie Georges Petit à partir de 1921, Moderne imprimerie et Lahure au début des années 1930.
Dans les 40 premières années de son existence, la Gazette fait aussi appel à différents collaborateurs pour fournir des articles : essayistes ou publications comme le Magasin pittoresque ou le New York Herald. Mais un collaborateur se fait plus particulièrement remarquer par ses nombreuses contributions. Il s’agit d’Édouard Rouveyre, historien d’art mais également éditeur et libraire. Il fournira de nombreux articles (souvent extraits de ses publications) de 1903 jusqu’à son décès en 1930. Citons pour exemples une série destinée aux bibliophiles de 1903 à 1905, « Comment apprécier les œuvres d’art ancien » de 1911 à 1914, une série destinée aux antiquaires et amateurs de 1919 à 1926 et « Aide-mémoire du collectionneur » en 1927 et 1928.
Portrait de Van Gogh par lui même […] à la vente des tableaux provenant des musées allemands, in La Gazette de l’hôtel Drouot, 2 août 1939. Paris, bibliothèque de l’INHA, 4 X 0991. Cliché INHA – Gemälde und Plastiken moderner Meister aus deutschen Museen, Auktion im Luzern am 30. Juni 1939. Paris, Bibliothèque de l’INHA, VP 1939/354. Cliché INHA
Évidemment, la Gazette parle souvent des musées. Parmi ceux-ci, le Louvre fait l’objet d’un traitement particulier et bénéficie régulièrement d’une information en première page pour signaler une acquisition, un don, un legs. Mentionnons parmi d’autres, le don du Portrait de Pierre Quthe, apothicaire de François Clouet par les Amis du Louvre en 1908, l’inauguration de la collection Chauchard en décembre 1910, l’achat du Triptyque de la famille Braque de Roger van der Weyden en 1913, l’inauguration de la collection Isaac de Camondo en 1914, l’achat de L’atelier de Gustave Courbet en 1920 et l’achat de La poseuse de face de Georges Seurat en 1947.
Régulièrement, la Gazette Drouot se fait aussi l’écho de vols : des objets chez M. Wertheimer de Londres en 1907, la Joconde en 1911, un Picasso et un Modigliani dans deux galeries parisiennes en 1926, un tableau de l’école de Holbein au musée de Berne en 1930. Après la Deuxième Guerre mondiale, les annonces pour des œuvres volées ou disparues se multiplient. Citons juste une broderie portugaise égarée à Versailles « vers le mois de juin 1940 » qui fera l’objet de cinq publications en première page entre 1946 et 1948.
Ces 60 années numérisées, en ligne depuis mars 2021, représentent plus de 32 000 vues dans la bibliothèque numérique. Grâce à l’OCR (optical character recognition – reconnaissance optique de caractères), il est possible d’y effectuer des recherches plein texte. Ce nouveau corpus numérique est d’ores et déjà amené à devenir un complément précieux à notre collection de catalogues de vente qui comporte quelque 235 000 références dont plus de 10 000 sont déjà disponibles dans notre bibliothèque numérique. Pour cette période de 60 années, les catalogues numérisés disponibles sont dans Gallica pour la période antérieure à 1914 et dans la bibliothèque numérique de l’INHA, de 1914 à 1923 (à la date de l’écriture de cet article) puis de 1939 à 1945.
En vous souhaitant des recherches passionnantes !
Stéphane Rouault
service de l’Informatique documentaire