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Pierre Bonnard, quelques aspects de sa vie à Paris
Mis à jour le 22 février 2022
Les trésors de l'INHA
Pierre Bonnard, quelques aspects de sa vie à Paris
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Mais les enrichissements continuent également au niveau des contenus. Le nombre de documents disponibles progresse, notamment lors de l’entrée dans le domaine public d’auteurs et d’artistes majeurs. C’est le cas en ce mois de janvier où les estampes de Pierre Bonnard (1867-1947) viennent de rejoindre les collections numérisées.
Pierre Bonnard naît près de Paris, à Fontenay-aux-Roses. Un parcours scolaire irréprochable aux lycées Louis-le-Grand et Charlemagne puis de brillantes études de droit semblaient le destiner à une grande carrière juridique. Il aurait pu aussi suivre la trajectoire tracée par son père dans l’administration, mais Bonnard choisit une tout autre voie. Attiré par le milieu artistique, il s’inscrit aux cours de l’Académie Julian en 1886. Fondé en 1866 par le peintre français Rodolphe Julian (1839-1907) à son domicile de la rue Vivienne à Paris, l’établissement avait déjà acquis une certaine réputation. Ses ateliers se multipliaient pour accueillir des étudiants de plus en plus nombreux. Unique école acceptant de dispenser son enseignement aux femmes, l’Académie Julian a fait émerger de nombreux talents de toutes nationalités confondues, et Bonnard y fit d’importantes rencontres. Maurice Denis (1870-1943), Henri-Gabriel Ibels (1867-1936), Paul-Élie Ranson (1861-1909) et Paul Sérusier (1864-1927), massier de l’atelier qu’il fréquente, deviennent ses amis.
Le cercle s’élargit lorsque, reçu à l’École des Beaux-arts de Paris en 1889, Bonnard fait la connaissance de Ker-Xavier Roussel (1867-1944) et d’Édouard Vuillard (1868-1940). Ensemble, les sept jeunes artistes forment le groupe des Nabis (« prophètes » en Hébreu) et prennent pour manifeste de l’esthétique qu’ils entendent développer Le Talisman, un tableau de Sérusier. Peint sur les conseils de Paul Gauguin (1848-1903) lors de son séjour à Pont-Aven, le paysage de Sérusier reprend les théories préconisées par le maître : abandon de la perspective traditionnelle, formes synthétiques cernées de contours sombres, couleurs vives en aplats. Les idées et les œuvres de Gauguin résonnent chez les Nabis comme une révélation qui les encourage à utiliser des tons purs et à inventer un nouveau langage plastique dans lequel il ne convient de garder du motif que l’essentiel, où l’image est remplacée par le symbole.
Pierre Bonnard, [Quelques aspects de la vie de Paris : Au théâtre], 1899, Lithographie, Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, EM BONNARD 11. Cliché INHA
1891 marque un tournant décisif dans la carrière de Bonnard avec sa première participation au Salon des Indépendants. Il y présente neuf peintures, dont quatre panneaux décoratifs intitulés Femmes au jardin (Musée d’Orsay, RF 1984 159 à 162), d’abord conçus comme un paravent, à la manière des Japonais dont il avait découvert les œuvres, un an auparavant, lors d’une exposition à l’École des beaux-arts.
Cette même année, il sort de l’anonymat en vendant sa première lithographie, une affiche pour la marque France-Champagne. Sa mise en page novatrice plaît : lignes dansantes et déformations audacieuses, opposition des caractères d’imprimerie et de lettres arrondies au pinceau, nombre restreint de couleurs… « Une affiche supérieure aux produits d’Appel et de Lévy, sans pour cela – enfin! – être de Chéret ou de Grasset » s’enthousiasme Félix Fénéon (1861-1944) dans sa rubrique « Sur les murs » parue dans Le Chat noir du 6 juin 1891. Le critique d’art consacre à l’affiche de ce jeune peintre inconnu une douzaine de lignes et, à titre de comparaison, se contente d’une brève phrase pour commenter celle pour le savon Cosmydor de Jules Chéret (1836-1932) placardée à la même époque. Les avis sont unanimes et son affiche, véritable coup de maître, sera même à l’origine de la vocation d’un certain Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901). Bonnard le présente à son imprimeur Edward Ancourt (1841-19??) qui est, avec l’Imprimerie Chaix, l’un des acteurs principaux de la production lithographique parisienne de la fin du siècle. Ancourt imprimera parmi les plus célèbres affiches de Lautrec comme L’Anglais au Moulin rouge (1892) ou Le Divan japonais (1893).
L’affiche pour France-Champagne est exposée lors de la première exposition particulière de Bonnard à la galerie Durand-Ruel, en janvier 1896, aux côtés de celle qu’il réalise pour La Revue Blanche de son ami Thadée Natanson (1868-1951) en 1894. Le dessin de cette dernière est plus assuré et sa palette, plus sombre, est celle d’un Paris à l’approche de l’hiver où déambule une élégante toute emmitouflée de gris. Scènes de rues pittoresques et passants sont des sujets que Bonnard affectionne. Surpris au coin d’une avenue, au spectacle, le soir, au marché, sous la pluie, les Parisiens font l’objet de toute une suite de lithographies réunies sous le titre Quelques aspects de la vie de Paris (1899). Imprégnées de l’ambiance de la place Clichy et d’une vivacité citadine typiquement montmartroise, ces estampes sont le fruit d’une étroite collaboration avec Ambroise Vollard (1868-1939). Initiée lors d’une commande pour le premier Album des Peintres-Graveurs, elle se poursuivra par plusieurs expositions et des illustrations d’ouvrages, notamment pour Daphnis et Chloé.
Pierre Bonnard, [Quelques aspects de la vie de Paris : Rue le soir sous la pluie], 1899, Lithographie, Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, EM BONNARD 12. Cliché INHA
À partir de 1900, une nouvelle période débute. Sans jamais rompre ses attaches parisiennes, celui que Félix Fénéon a surnommé le « Nabi très japonard » s’éloigne de plus en plus de la capitale. Il entame de nombreux séjours en province (Antibes, Arcachon, Cannes, Marseille, Saint-Tropez, Toulon, Trouville, Vernon…) mais aussi à l’étranger (Algérie, Belgique, Espagne, États-Unis, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Tunisie). Ses thèmes de prédilection, toujours proches de sa vie personnelle, deviennent (ou redeviennent) les paysages, les intérieurs, les natures mortes, les nus féminins pour lesquels sa femme Marthe de Méligny, de son vrai nom Maria Boursin (1869-1942), est souvent le modèle. Il découvre la lumière et les couleurs du Midi de la France et s’installe au Cannet.
Même si ses réalisations de planches gravées se raréfient après 1920, Bonnard reconnaît dans une lettre à André Suarès (1868-1948) : « J’ai beaucoup appris au point de vue peinture en faisant de la lithographie en couleurs. Quand on doit étudier les rapports de tons en jouant de quatre ou cinq couleurs seulement qu’on superpose ou qu’on rapproche, on découvre beaucoup de choses », et, comme le souligne Antoine Terrasse (1928-2013), historien de l’art et petit-neveu de Pierre Bonnard : « Le parcours de l’œuvre gravé de Pierre Bonnard […] n’est pas distinct du cours de l’œuvre peint ; il l’épouse, le complète et à certains moments le renforce ».
Références bibliographiques
- Antoine Terrasse, Bonnard, Paris, Gallimard, 1988
- Francis Bouvet, Antoine Terrasse, Bonnard, l’œuvre gravé : catalogue complet, Paris, Flammarion, 1981
- Le musée Bonnard, Bibliographie consacrée à Pierre Bonnard. Disponible en ligne : https://www.museebonnard.fr/pierre-bonnard/bibliographie (consulté le 11/01/2019).