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Harry Shunk, Réunion constitutive du Nouveau réalisme, 17 octobre 1960, planche contact
Mis à jour le 31 janvier 2022
Les trésors de l'INHA
Auteur : Cécile Bargues
Tous les jours 20 ans !
Pour les 20 ans de la création de l’INHA, les agents et agentes de l’institut ont sélectionné des documents entrés dans les collections de la bibliothèque ces vingt dernières années et vers lesquels leur cœur les portait. Patrimoniaux ou plus courants, ces documents seront exposés au centre de la salle Labrouste tout au long du mois de janvier 2022, à raison d’un par jour, accompagné d’un texte écrit par la personne qui l’a choisi. Ces présentations reflètent les rapports personnels que nous entretenons toutes et tous à l’art, à son histoire et ses sources, au-delà de la dimension scientifique. Vous retrouverez également ces textes au fil des jours sur le blog de la bibliothèque.
Harry Shunk (1924-2006)
Réunion constitutive du Nouveau réalisme, 17 octobre 1960
Planche contact (extrait), tirage photographique argentique sur papier
20 × 7,5 cm
Shunk-Kender © J. Paul Getty Trust. © Œuvre : succession Yves Klein c/o ADAGP, Paris.
INHA – collections des Archives de la critique d’art, Rennes, fonds Restany, FR ACA PREST THE NRE008
Le fonds Pierre Restany, comme l’ensemble des collections des Archives de la critique d’art, a rejoint l’INHA en 2014.
Le fonds Pierre Restany, qui se trouve aux Archives de la critique d’art (Rennes), mesure 170,7 mètres de long pour ce qui est de la bibliothèque, et 86 mètres de long pour ce qui est des archives. Autant dire qu’il est fort volumineux. Mis bout à bout, il est presque aussi long que la rue Campagne-Première où l’homme qu’il cache (un peu comme une forêt) vivait. La première fois que j’ai consulté ce fonds d’archives, Restany – que je n’ai pas eu la chance de connaître mais chez qui une conjonction de demi-hasards et d’amitiés m’avait toute jeune conduite –, Restany était mort depuis un an ou deux. S’il avait été l’un des premiers (avec Michel Ragon) à déposer une partie de ses livres et documents aux Archives de la critique d’art, dès 1989, il y eut plusieurs étapes pour atteindre à de telles dimensions. Lorsque j’allai les lire, après le dernier versement, ses « papiers », comme on les appellerait peut-être en anglais, occupaient pour partie presque un bâtiment entier, était-ce le grenier d’une école ?, où ils attendaient d’être inventoriés. On imagine le travail. Une archiviste sympathique m’avait autorisée à entrer là-dedans et c’est un peu vers ce moment que je suis entrée dans l’histoire de l’art comme dans un lieu étrange et merveilleux.
Il serait vain de vouloir énumérer tout ce que le fonds Restany contient, mais quiconque s’intéresse à l’art des années cinquante-soixante et après (ou même avant) aurait sans doute intérêt à le compulser, à s’y perdre, à y flâner. Personnellement, j’y ai trouvé des choses que je ne cherchais pas, et inversement. Au fil de ses quelque 750 dossiers et de sa masse de manuscrits et correspondances avec les artistes, c’est un fonds qui sait créer la surprise. Pour être de proportions dantesques, il n’en recèle pas moins de toutes petites choses, comme ce morceau de planche contact qui devait fixer pour l’histoire ce 17 octobre 1960 où fut signée, chez Yves Klein et à l’instigation de Restany, la déclaration constitutive du Nouveau Réalisme : « Nouveau Réalisme = nouvelles approches perceptives du réel ». La soirée fut houleuse et il est de coutume d’écrire que cet accord, aussi minimal fût-il, dura vingt minutes seulement, au bout desquelles tensions et divergences éclatèrent entre les artistes. C’est bien ce qu’on voit ici, dans la succession quasi cinématographique de ces images si connues et reproduites : Daniel Spoerri assis interpelant quelqu’un, à ses côtés Jean Tinguely observant, Raymond Hains souriant mi-goguenard mi-amusé, Pierre Restany répondant, Jacques Villeglé concentré, François Dufrêne intervenant… « C’est très bien, ce petit groupe a éclaté sans même avoir vécu », nota Arman sur le moment. Le Nouveau Réalisme ne devait certes pas durer vingt minutes, il sera l’un des rassemblements à géométrie variable les plus féconds et les plus fondamentaux de son temps, tout en incarnant finalement les difficultés, les ambiguïtés et la force des individus aux prises avec l’idée même de collectif.
Les photographies sont dues à Harry Shunk, qui donnera forme aux rêves de quelques-uns (Le Néo-Dada emballé ou l’art de se tailler en palissade avec Hains, Le Saut dans le vide avec Klein) et constituera par ses innombrables images produites avec János Kender une documentation sans équivalent. Après la mort de Shunk, survenue en 2006 dans des circonstances d’une grande tristesse, trois ans après celle de Restany, ses 200 000 tirages, négatifs, diapositives et ektachromes ont été partagés entre plusieurs institutions, dont le Getty Research Institute (Los Angeles), le MoMA de New York et la Bibliothèque Kandinsky du Centre Pompidou – Musée national d’art moderne. Ce dernier fonds, riche de 10 000 tirages photographiques, complète aujourd’hui opportunément celui des Archives de la critique d’art, Archives qui, depuis 2014, ont intégré et enrichi les collections de l’INHA.
Cécile Bargues, département des Études et de la recherche