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Les Cartons verts : un siècle d’acquisitions (2)
Mis à jour le 21 juillet 2021
Les trésors de l'INHA
Auteur : Jérôme Delatour
Acquisitions récentes (2000-2021)
Nous avons vu précédemment que la collection des Cartons verts était née dès avant la Première Guerre mondiale, quand son créateur Jacques Doucet en était encore propriétaire. Très riche jusque dans les années 1930, en particulier pour les galeries parisiennes, elle présente ensuite des lacunes de plus en plus grandes, que des acquisitions récentes, depuis une vingtaine d’années, s’efforcent peu à peu de combler.
Depuis 2005, date à partir de laquelle un décompte précis des acquisitions a été effectué, 64 714 nouvelles pièces ont été acquises, faisant doubler la collection de taille en moins de vingt ans. Trois quarts des cartons sont aujourd’hui postérieurs à 1970. Trois quarts également concernent des vernissages individuels, de quelque 30 000 artistes de tous pays et toutes époques. Le quart restant (vernissages collectifs) émane de quelque 5 750 institutions ou manifestations, françaises ou étrangères.
Depuis le début des années 2000, la bibliothèque a plusieurs fois fait appel aux galeries françaises pour recevoir les cartons d’invitation qu’elles produisent. Malheureusement, très peu l’ont entendu et la part des cartons directement adressés à la bibliothèque demeure infime. Elle représente 11 % des acquisitions sur la période 2015-2020, soit à peine quelque 200-300 pièces par an. Le développement d’Internet et du mail depuis les années 2000, puis la crise du Covid en 2020-2021, semblent d’ailleurs inciter les institutions privées et publiques à réduire de plus en plus le volume de leurs invitations sur papier.
Les achats sont encore plus rares, de l’ordre de quelques unités par an. En effet, peu d’invitations passent en vente publique ou en librairie, ou bien il s’agit d’objets, de multiples d’artiste. Ainsi avons-nous acquis une invitation de René Lalique en verre (1912) en 2014, un « glaçon » d’Arman (1965) et un puzzle pour un vernissage d’Erró (1992) en 2017.
Galerie Lawrence, invitation au vernissage d’Arman, 11 mai 1965, inclusion en polyester de clous et billes d’acier. Paris, bibliohtèque de l’INHA, CVA1 Arman. Cliché INHA
Galerie Berggruen, invitation au vernissage des Collages de Erró, 31 mars 1992, puzzle sous pochette plastique scellée. Paris, bibliothèque de l’INHA, CVA2 Erro. Cliché INHA
La collection ne serait plus alimentée aujourd’hui sans dons rétrospectifs. De nature et d’ampleur très diverses, ces dons vont de quelques cartons à de véritables collections, constituées sur des décennies. Les donateurs d’invitations les plus immédiats sont les personnels de l’INHA eux-mêmes. Parmi eux, les directeurs et directrice de l’INHA ne sont pas les moindres, puisque de de 2015 à 2020, ils ont donné 8 500 pièces à la bibliothèque.
Galerie Iris Clert, invitation au vernissage d’Eva Aeppli, « Striptease chez Iris Clert », 30 octobre-16 novembre 1959, don de Nathalie Ulmann en 2008. Paris, bibliothèque de l’INHA, CVA1 Aeplli. Cliché INHA
De nombreux particuliers ont aussi contribué de façon significative : citons Geneviève Dieuzaide, ancienne responsable de la photothèque de la Documentation française en 2005 (environ 900 invitations concernant la photographie des années 1970 à 2000) ; Nathalie Ulmann en 2008 (environ 3 700 invitations des années 1940 à 1990, collectées par son père Stéphane Ullmann, éditeur, dont environ 200 pièces lithographiées produites par la galerie Maeght et une quarantaine de pièces de la galerie Iris Clert, outre une collection de la feuille Iris-Time publiée par Iris Clert de 1962 à 1975) ; Pierre Brochet, co-fondateur de la revue et des éditions Macula (environ 3 900 invitations des années 1970-2000) et Dominique Martin, amatrice d’art contemporain, en 2014 (environ 2 000 invitations des années 2000) ; Alain Gauvreau en 2018 (environ 1 950 invitations, essentiellement de galeries d’art contemporain parisiennes, de 1955 à 2008). La palme revient à Mechtild Wierer, designer textile autrichienne, qui en 2007 a donné environ 22 000 pièces datant de 1961 à 1997, venant en partie de l’Europe germanophone (Allemagne, Autriche, Suisse), conservées dans leur enveloppe d’origine, selon le souhait de la donatrice. Leur insertion dans la collection des cartons verts s’achève en ce moment même.
Musée Carnavalet, invitation au vernissage de La Rose dans l’art, 20 mai 1938, don de la BCMN en 2006. Paris, bibliohtèque de l’INHA, CVM1 Paris, musée Carnavalet. Cliché INHA
Du côté des institutions publiques, deux dons importants sont à signaler. En 2006, la Bibliothèque centrale des musées nationaux a donné sa petite collection d’invitations, émanant majoritairement de musées (environ 4 660 pièces datant de 1875 à 2003). De 2007 à 2011, la bibliothèque Kandinsky a cédé à la bibliothèque des doubles de ses collections, dont environ 2 500 invitations et livrets, principalement des années 1960-1990.
Du côté des galeries, il faut d’abord saluer les dons récurrents depuis 2005 de Baudoin Lebon, qui a tenu plus d’une fois à les porter lui-même à la bibliothèque : environ 4 000 pièces récentes en 2014, puis 2 278 en 2020, dont les invitations produites par sa galerie depuis 1977. De la même façon, de 2005 à 2019, Gabrielle Salomon (galerie Laage-Salomon) a donné 1 910 pièces des années 1977 à 2019, dont les cartons de sa galerie. Francine Szapiro (galerie Saphir) a donné 1 245 pièces en 2007. Le don par les galeries ou institutions d’une collection des cartons qu’elles ont produits est toujours précieux, car il assure de disposer d’un panorama exhaustif de leur activité. En 2018, trois mois avant sa fermeture, la Maison Rouge a ainsi donné la quasi-totalité de ses cartons produits de 2004 à 2018 (74 pièces), et en 2020, la galerie Jean Fournier a donné un exemplaire de ses 163 invitations produites de 2000 à 2020 qui manquaient aux collections de l’INHA.
Notre dernière acquisition en date est le petit fonds d’archives donné par Marie-Noëlle Bourguet Seckel en 2021. Il s’agit des matériaux rassemblés par son défunt mari Raymond-Josué Seckel (1949-2019), ancien directeur du département de la Recherche bibliographique de la Bibliothèque nationale de France, pour son mémoire de l’ENSB, Invitations aux vernissages, en 1973. Le fonds comprend son mémoire original, co-rédigé avec Henri Attia, et ses annexes, consistant en cartons originaux du début des années 1970, ses notes et manuscrits préparatoires, ainsi qu’une collection d’environ 1 500 cartons d’art contemporain constituée à l’époque de ses recherches, et continuée ensuite de façon plus lâche jusque dans les années 2000. Le mémoire d’Henri Attia et Raymond-Josué Seckel est important dans l’historiographie des cartons d’invitation. S’intéressant à un éphémère et au domaine des arts graphiques, il était tout à fait novateur dans la production de l’ENSB du début des années 1970 et reste la seule synthèse existante sur le sujet à ce jour. Les auteurs avaient rencontré de nombreux galeristes pour le rédiger.
Henri Attia, Raymond Josué Seckel, mémoire de l’ENSB, 1973, pièces justificatives. Paris, bibliothèque de l’INHA, Archives Seckel. Cliché INHA
Galerie Stadler, invitation au vernissage d’Eugenio Barbieri, Tableaux et ∞, impression sur chambre à air. Paris, bibliothèque de l’INHA, Archives Seckel. Cliché INHA
Jérôme Delatour, service du Patrimoine
Pour aller plus loin
Henri Attia et Raymond-Josué Seckel, « Les Cartons d’invitation aux vernissages, esquisse historique : résultat d’une enquête pour l’École des bibliothèques », dans La Chronique des arts, supplément à la Gazette des beaux-arts, 1260 (janvier 1974), p. 1-3.
Jérôme Delatour, « Une collection très spéciale : les ‘cartons verts’ de la bibliothèque de l’INHA », dans Nouvelles de l’INHA, 22 (juillet 2005), p. 7-12.
Jérôme Delatour, « Enrichissement des collections des bibliothèques d’art : les cartons d’invitation aux expositions », dans Nouvelles de l’INHA, 31 (avril 2008), p. 19-20.
Les cartons d’invitation peuvent être consultés tous les après-midi en espace Jacques Doucet.
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