Anonyme, Louis Viardot, XIXe siècle, Compiègne, Musée national du château de Compiègne, © Musée national du château de Compiègne. Lithographie sur papier Japon contrecollé sur papier Chine, 30,9 x 23,2 cm.

Auteur(s) de la notice :

PICOT Nicole

Profession ou activité principale

Hispaniste, critique d’art, traducteur de l’espagnol et du russe, collectionneur

Autres activités
Journaliste

Sujets d’études
Arts et civilisation espagnols, musées européens, vie artistique en France

Carrière
1818-1821 : études de droit à Paris ; inscription au tableau des avocats
1823-1824 : séjour en Espagne à la suite des armées françaises menées par le duc d’Angoulême
1826 : à partir de cette date, collaboration au Globe, au National, à la Revue des deux mondes, à la Revue républicaine, à la Revue de Paris, au Siècle
1834 : deuxième séjour en Espagne
1836-1837 : traduction du Don Quichotte de Cervantès
1839-1840 : directeur du Théâtre italien
1840 : mariage avec la cantatrice Pauline Garcia
1841-1848 : fondation de la Revue indépendante avec Pierre Leroux et George Sand
1842 à 1871 : nombreux voyages en Europe ; rédactions des guides des musées européens et traductions littéraires de l’espagnol et du russe
1859 ; à partir de cette date, collaboration à la Gazette des Beaux-Arts
1863-1870 : à Baden-Baden
1870-1871 : vit à Londres, retour définitif à Paris en 1871
1872, 1873, 1878, 1879 : membre du jury du Salon

Étude critique

Sa vocation d’hispaniste, de traducteur et de critique d’art se révèle, en 1824, dès son retour d’un long séjour en Espagne, à la suite des armées françaises. Il appartient alors à l’élite intellectuelle et libérale et collabore au Globe – « quartier général du romantisme » – dès 1826, au National – journal de l’opposition républicaine – dès 1831, à la Revue des deux mondes dès 1833, à la Revue républicaine en 1834, à la Revue de Paris dès 1835 et au Siècle dès 1836. Il propose des articles sur l’histoire politique et les arts en Espagne, sur l’actualité artistique parisienne : comptes rendus d’ouvrages, d’expositions, de Salons. Ses textes les plus importants paraissent dans le Globe, où il publie Les Lettres d’un Espagnol en 1826, puis dans la Revue républicaine où il présente le Musée de Madrid, en décembre 1834.

Par comparaison Viardot regrette les lacunes de nos collections. Il milite pour la création d’une mission scientifique en Espagne, chargée des achats ou d’échanges, afin de créer un musée français d’art espagnol. Jeannine Baticle a montré que ces souhaits peuvent avoir été un élément en faveur de la Mission Taylor, puis de l’ouverture de la Galerie espagnole de Louis Philippe, en 1838, au musée du Louvre.

Sa spécialité reconnue, c’est à lui que le banquier Alexandre Aguado (1784-1842) confie deux catalogues de sa collection : celui des deux cent quarante peintures espagnoles, puis celui des écoles espagnoles, italiennes, flamandes, hollandaise, allemandes et françaises, enrichis de notices sur les principaux peintres.

Parallèlement, il publie de nombreuses traductions de textes littéraires espagnols et en particulier celle de Don Quichotte de Cervantès, en 1826. Cette traduction toujours utilisée fut la traduction de référence pendant un siècle.

À partir de 1840, année de son mariage avec la cantatrice, pianiste et compositrice, Pauline Garcia, il voyage en Europe à l’occasion des récitals de son épouse et c’est pour lui l’occasion d’étudier les arts des pays européens. Il publie dans Le Siècle en 1840, puis en volume en 1842, une étude sur Les Origines traditionnelles de la peinture en Italie. Michèle Beaulieu loue sa précision technique en particulier dans l’étude de la mosaïque et des enluminures de manuscrits. En 1843, il publie Les Musées d’Espagne, d’Angleterre et de Belgique. Dans le catalogue de l’exposition Manet Vélasquez au musée d’Orsay, en 2002, Javier Portus et Maria de los Santos Garcia Felguera ont montré l’importance de ce guide dans l’appréciation de l’art espagnol par les voyageurs français.

Il analyse les principales collections publiques et parfois privées d’Allemagne, d’Angleterre, d’Autriche, de Belgique, d’Espagne, de Hollande, d’Italie, de Russie, et pour la France, uniquement Paris, d’abord sous forme d’articles – dans la Revue indépendante, qu’il dirige avec Pierre Leroux et George Sand de 1841 à 1848 et dans la Gazette des Beaux-Arts, de 1864 à 1869 – puis sous forme de guides, mis à jour régulièrement et très augmentés, entre 1842 et 1855. Ces cinq volumes forment la collection « Les Musées d’Europe ».

Il est le premier à mener à bien une entreprise aussi ambitieuse par la qualité et la précision de son travail et par son ampleur. Il décrit les musées à une période particulièrement féconde de leur évolution : enrichissement des collections, plus large ouverture au public, constructions de nouveaux bâtiments aux exigences muséologiques. Son plan est rigoureux. Il « distingue les écoles, les relie les unes aux autres », précise le nom de l’artiste, les éléments biographiques, stylistiques, les titres des œuvres, décrit les œuvres majeures. Il compare la valeur des collections des musées, signale les points forts et les lacunes.

Il apprécie ou critique les catalogues, rectifie des erreurs, propose d’autres attributions. Il critique fermement des restaurations fautives. Il est aussi sensible à la présentation des œuvres, souvent peu favorable dans les bâtiments anciens, beaucoup plus logiques et confortables pour les visiteurs sont les musées neufs tels que la Pinacothèque de Munich. À Paris, il analyse longuement et précisément le Louvre. Le musée de peintures manque de toiles allemandes, anglaises, espagnoles, russes. « Il souhaite éliminer les collections du musée d’Ethnographie, du musée des Souverains, du musée de la Marine, du Musée américain, collections qui quitteront le Louvre par la suite. » Michèle Beaulieu regrette son choix de classement iconographique des sculptures antiques et ses erreurs et montre l’intérêt de ses idées muséographiques.

Ses guides désirant modestement « montrer aux voyageurs la porte des musées » font beaucoup plus : ils donnent une description et une évaluation des principales collections européennes. Viardot fut plus qu’un artiste voyageur par sa contribution à la connaissance des musées européens.

À partir des années soixante, il se consacre à deux ouvrages de la collection « Bibliothèque des merveilles » : Les Merveilles de la peinture, puis Les Merveilles de la sculpture : synthèses de ses connaissances. Il collabore à l’entreprise de Charles Blanc : Histoire des peintres de toutes les écoles en rédigeant le chapitre consacré à Pablo de Cespédès (1528-1608).

Il est engagé dans les débats sur l’actualité artistique de son temps, écrivant des comptes rendus d’expositions, d’ouvrages, de Salons. Il a fait partie du jury en 1872, 1873, 1878 et 1879. Michèle Beaulieu précise ses principaux correspondants et fidèles de son Salon à Paris, à Bade ou à Londres : d’illustres musiciens, des écrivains, des historiens, les peintres Paul Chenavard, Antoine Chintreuil, Eugène Delacroix, Gustave Doré, Ernest Hébert, Ary Scheffer. Il est attentif à une « invention glorieuse : la photographie », qu’il désire voir au musée du Luxembourg. Il déplore la médiocrité des envois des pensionnaires de l’Académie de France à Rome. Dans une longue étude parue en 1861, Comment faut-il encourager les arts ?, il retrace l’historique des formations artistiques à différentes époques et leur peu d’efficacité. Il souhaite que l’État limite son rôle aux récompenses d’artistes déjà confirmés. Il attire l’attention sur les destructions des œuvres d’art.

Ses critiques, comme sa collection personnelle, reflètent ses préférences pour la Renaissance italienne, la peinture espagnole et hollandaise du XVIIe siècle. Ce musicien admirateur de Mozart, dont il possédait le manuscrit de Don Juan, traite une question neuve en tentant d’établir un parallèle entre la peinture et la musique, dans un article de la Gazette des Beaux-Arts : Ut pictura musica.

Michèle Beaulieu a précisé la place qui lui revient comme critique d’art et comme collectionneur. Elle souligne les remarquables qualités de ses études sur la peinture en Italie, sur le caractère novateur de son parallèle entre la peinture et la musique. Elle montre aussi combien son plaidoyer en faveur de la protection des œuvres est en avance sur son temps. L’essentiel de l’œuvre de critique d’art de Viardot concerne les musées Même si Michèle Beaulieu constate quelques erreurs d’attributions inhérentes à son époque, elle précise toute l’originalité de sa pensée et de ses recherches. Cette originalité est particulièrement importante pour la connaissance de l’Espagne. À la suite d’Alexandre Louis Joseph de Laborde, de Prosper Mérimée, du baron Taylor, Louis Viardot « fournit les écrits de base aux Français qui visitèrent ce musée ». C’est lui qui en publie l’étude la plus vaste.

Nicole Picot, conservateur général honoraire de bibliothèque

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

Articles

  • « Le Musée de Madrid ». In Revue républicaine, décembre 1834, p. 303-347.
  • « Pompeï ». In La Revue des deux mondes, 15 août 1840, p. 622-638.
  • « La National Gallery de Londres ». In Revue indépendante, t. I, décembre 1841, p. 471-492.
  • « L’Accademia delle Belle arti de Venise ». In Revue indépendante, t. II, janvier 1842, p.162-181.
  • « La Galerie d’Hampton Court ». In Revue indépendante, t. III, juin 1842, p. 762-773.
  • « Les Musées de Belgique. Bruges ». In Revue indépendante, t. IV, août 1842. p. 463-479, t. V, septembre 1842, p. 705-720.
  • « Les Musées de Belgique [Églises d’Anvers, musées de Bruxelles] ». In Revue indépendante, t. V, octobre 1842, p. 195-207.
  • « Musées de Madrid, écoles étrangères ». In Revue indépendante, t. VI, janvier1843, p. 49-70.
  • « L’Alhambra ». In Revue indépendante, t. VII, mars, 1843, p. 81-104.
  • « Les Musées d’Allemagne. La Pinacothèque de Munich ». In Revue indépendante, t. XIII, mars 1844, p. 228-252, t. XIV, mai 1844, p. 67-97.
  • « Manuscrit autographe du Don Giovanni de Mozart ». In L’Illustration, janvier 1856.
  • « Ut pictura musica ». In Gazette des Beaux-Arts, janvier 1859, p. 19-29.
  • « Ary Scheffer, à M. le directeur de la Gazette des Beaux-Arts ». In Gazette des Beaux-Arts, février 1859, p. 129-141.
  • « De l’école hollandaise ». In Gazette des Beaux-Arts, février 1860, p. 146-152.
  • « Le Musée de Carlsruhe ». In Gazette des Beaux-Arts, août 1864, p. 127-149.
  • « Causerie sur les arts ». In Revue germanique et française, 1er septembre 1864.
  • « Le Musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg et son nouveau catalogue ». In Gazette des Beaux-Arts, octobre 1864, p. 315-325 ; n° 11, novembre 1864, p. 398-408 ; mai 1865, p. 408-418.
  • « D’une définition de l’art appliquée à l’art de peindre ». In Gazette des Beaux-Arts, février 1866, p. 161-165.
  • « Vase grec en argent ciselé et carquois scythe en or trouvé dans un tumulus de la Crimée ». In Gazette des Beaux-Arts, mars 1868, p. 233-246.
  • « La Galerie de Cassel (Hesse) ». In Gazette des Beaux-Arts, octobre 1869, p. 281-300.
  • « De la destruction des œuvres d’art ». In Gazette des Beaux-Arts, avril 1874, p. 392-400.

Bibliographie critique sélective

  • Esclier Ernest. – Hispanistes français érudits de 1830 à 1875. De Viardot à Th. De Puymaigre. Diplôme d’études supérieures, faculté des lettres, Paris, 1961.
  • Respaut Annette. – Louis Viardot hispaniste. Diplôme d’études supérieures, faculté des lettres, Paris, 1966.
  • Aynes Jean René. – L’Espagne romantique : témoignages de voyageurs français. Paris : A.-M. Métailié, 1983, p. 77-86 (« De mémoire d’homme »).
  • Baticle Jeannine, Cristina Marinas et collab. de Ressort Claudie et Perrier Chantal. – La Galerie espagnole de Louis-Philippe au Louvre, 1838-1848. Paris : Réunion des musées nationaux, 1981 (« Notes et documents des musées de France »).
  • Beaulieu Michèle. – « Louis-Claude Viardot, collectionneur et critique d’art ». Société d’Histoire de l’Art français. Séance du 4 février 1984. In Bulletin de la Société d’Histoire de l’Art français, 1984, p. 243-262.
  • Spiegle Régis. – « Perception et Réception de la peinture romantique allemande entre 1830 et 1870 : le regard des voyageurs français ». In Fleckner Uwe et Gaehtgens Thomas, dir., De Grünewald à Menzel : l’image de l’art allemand en France au XIXe siècle. Paris : Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2003, p. 185-203.
  • Pomian Krzysztof. – « Musées français et Musées européens » [conclusion]. In Georgel Chantal, dir., La Jeunesse des musées. Les musées de France au XIXe siècle [Catalogue de l’exposition], Paris, musée d’Orsay, 7 février-8 mai 1994. Paris : Réunion des musées nationaux, 1994, p. 351-364.
  • Baticle Jeannine, Guégan Stéphane, Lacambre Geneviève et al.Manet-Vélasquez : la manière espagnole au XIXe siècle. [Catalogue de l’exposition], Paris, musée d’Orsay, 16 septembre 2002- 5 janvier 2003 ; New York, The Metropolitan Museum of Art, 24 février – 8 juin 2003. Paris : Réunion des musées nationaux, 2002.
  • Tomlinson Janis. – « Evolving concepts : Spain, painting, and authentic Goyas in nineteenth century France ». In Metropolitan museum journal, vol. 31, p. 189-202.

Sources identifiées

Paris, Archives nationales

  • F 7 12060 : dossier 2155 sur le rôle de Louis Viardot en juillet 1830

Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet

  • Ms 261 : correspondance au sujet de tableaux de sa collection

Paris, Bibliothèque nationale de France, département de la musique

  • LA-VIARDOT LOUIS 1 à 6 : correspondance avec le Dr du Temps, avec Mayerbeer, Fr. Schwab

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits occidentaux

  • Nouv. acq fr.16278 n° 74 : son testament
  • 169997, n° 420-467 : lettre à Hetzel du 4 août 1859
  • 16275, n° 338 : lettre à Tourgueniev du 4 août 1857 sur sa visite des musées de Hollande
  • 16274 : correspondance avec des artistes

Paris, direction des Musées de France

  • SBADG : lettre autographe, 29 décembre 1868, cote 0290 (30) : conteste l’achat de La Conception de la Vierge immaculée de Murillo (collection Soult)

En complément : Voir la notice dans AGORHA