Auteur(s) de la notice : LÉVY Tania

Profession ou activité principale

Professeur d’histoire médiévale, historien

Sujets d’étude

Histoire de l’art du Haut Moyen Âge ; histoire du Haut Moyen Âge ; histoire régionale (Bourgogne, Lyonnais)

Carrière

1901 : soutient sa thèse sur l’Empire carolingien et sa thèse complémentaire en latin
1902-1904 : chaire d’histoire médiévale, université de Dijon
1904-1928 : chaire d’histoire médiévale, université de Lyon
1906 : siège à la Commission des musées de Lyon
1922-1941 : président de la Commission des musées de Lyon
1925 : nommé directeur de l’École des beaux-arts de Lyon
1928 : nommé directeur de l’École d’architecture de Lyon ; fonde l’Association des anciens élèves de la faculté de lettres, dont il est le premier président
1931 : doyen de la faculté des lettres de Lyon
1934 : reçoit le prix Gobert de l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour son ouvrage sur Charlemagne paru cette même année

Étude critique

Connu avant tout comme historien de ses régions d’adoption – la Bourgogne, où ses parents s’installent dès 1870, et le Lyonnais, où il fait ses études –, Arthur Kleinclausz, d’origine alsacienne, est aussi historien de l’art. Cette formation, sous les auspices de Charles Bayet à Lyon, le conduit à aborder l’histoire de l’art d’une façon particulière, notamment par le recours aux textes.

Son expérience de professeur de lycée, à Belfort puis à Dijon, est marquée par une approche vivante de ses sujets. Il s’appuie par exemple sur les richesses locales qui peuvent susciter l’intérêt de ses élèves : « Je traçai sur le plan moderne de la ville qu’ils habitaient l’enceinte de la vieille cité romaine ; j’esquissai la figure des barbares qui l’avaient occupée quinze siècles auparavant […]. Aussitôt ma classe de se réveiller, mes paresseux de venir visiter les édifices que je leur avais signalés […]. » (discours de distribution des prix du lycée Ampère, 1914). L’histoire fait ici appel aux sources textuelles, mais également aux monuments encore visibles. C’est en cela que sa démarche d’historien et d’historien de l’art se révèle particulière.

Trois grands sujets occupent Kleinclausz tout au long de sa carrière : l’époque carolingienne, la Bourgogne et le Lyonnais, dans une démarche toutefois éclectique et polyvalente.

Ses premières publications ont pour objet des sujets proprement historiques et locaux : un article sur Belfort précède sa thèse consacrée à Charlemagne, éditée en 1902. L’histoire carolingienne ne cessera de l’intéresser, mais à la marge et dans une perspective plus historique qu’artistique. L’ouvrage issu de sa thèse est plusieurs fois réédité, mais il se penche également dans les années 1940 sur d’autres personnages proches de l’empereur carolingien, tels qu’Eginhard et Alcuin. Il participe ensuite aux volumes des Histoire de France de C. Bayet et d’E. Lavisse, plusieurs fois réédités (1905 et 1911). Mais son intérêt pour l’histoire de l’art va grandissant, et, dès 1901, on le voit écrire à propos de l’art funéraire bourguignon et aborder un de ses centres d’intérêt majeur, le sculpteur Claus Sluter. Parallèlement, ses ouvrages sur La Bourgogne (1905), Dijon et Beaune (1907), et enfin l’Histoire de Bourgogne (1909), font la part belle aux composantes artistiques de la civilisation bourguignonne.

Les premières incursions de Kleinclausz dans le domaine de l’histoire de l’art ont pour objet l’art funéraire bourguignon, dont il interroge le développement et les composantes dans deux articles de la Gazette des Beaux-Arts (1901-1902). Il poursuit ensuite ses recherches sur le sujet par un premier article consacré à Claus Sluter et son atelier, en 1903. Il étudie alors la figure du sculpteur et son atelier dans une démarche d’histoire sociale. Il restitue ainsi le lieu où logeait et travaillait Claus lorsqu’il était au service du duc, sa place particulière à la cour de Bourgogne, abordant la question du rôle et de la place de l’artiste au tournant du XIVe siècle, et s’interroge sur sa formation. Il évoque également le travail de l’atelier et la place des créations slutériennes dans l’histoire de la sculpture.

Son étude sur cet artiste, en 1905, première monographie consacrée à Sluter, revient sur les mêmes sujets, mais dans une perspective plus élargie. La nouveauté de ce travail tient pour beaucoup à son recours aux documents, méthode déjà employée de façon heureuse dans ses articles. La préface insiste d’ailleurs sur le caractère nouveau de la méthode employée et du plan adopté dans l’ouvrage. Les documents mettent en lumière des éléments inédits de la vie du sculpteur, mais le manque de références précises a parfois été critiqué (Henri David, Claus Sluter, 1951, p. 14).

Cette méthode n’était pas inconnue de ses contemporains, mais elle était encore très largement confinée aux études proprement historiques. À Lyon, où Kleinclausz arrive en 1904, cette approche documentaire dans les études d’histoire de l’art était cependant bien connue, notamment depuis les travaux des archivistes locaux Fortuné Rolle (à propos du peintre Jean Perréal, en 1861) et de Georges et Marie-Claude Guigue (« Notes et documents pour servir à l’histoire de l’art et des artistes à Lyon du XIIIe au XIXe siècle », Lyon-Revue, 1885, par exemple). La même année, Kleinclausz complète cette étude d’ensemble autour du maître bourguignon par un article sur ses prédécesseurs, dans le prolongement de ses écrits sur l’art funéraire et en complément de son étude sur le sculpteur lui-même. Plusieurs articles de la Revue de l’art ancien et moderne reviennent également sur divers aspects de l’art bourguignon contemporain de Sluter. Ce sont finalement peut-être plus ses articles dans la Gazette des Beaux-Arts ou dans cette revue que son ouvrage qui marquent les études sur l’art bourguignon et sur Sluter, notamment par la prise en compte des textes alliée à l’étude des œuvres. Ces autres écrits consacrés à la Bourgogne, historiques ou relevant de l’histoire de l’art, mêlent également événements historiques et contexte culturel, sources et production artistique. Plusieurs articles de la Revue de l’art ancien et moderne évoquent ainsi les grandes productions de la Bourgogne ducale, du Puits de Moïse (déjà largement évoqué en 1905) aux peintres ducaux. Mais Kleinclausz s’oriente vers l’étude de sa patrie d’adoption et hormis les rééditions de ses ouvrages généraux, il ne produira plus de grande étude sur l’art bourguignon.

À la suite de sa nomination à Lyon comme professeur d’université, Kleinclausz s’intéresse à la cité rhodanienne. Il produit l’un des premiers articles généraux consacrés à l’histoire de l’art lyonnais, en 1914, à une époque de grand intérêt pour le sujet : Natalis Rondot avait déjà publié de nombreux ouvrages sur le sujet, également fondé sur les archives, mais uniquement composés de listes biographiques. Parallèlement, un projet de Dictionnaires des artistes du Lyonnais était en cours de rédaction par Marius Audin et Eugène Vial (mais il ne sera publié qu’en 1919, retardé par la guerre). Dans le contexte de ces travaux, tous fondés sur les documents mais ne faisant pas de véritable synthèse, la publication de Kleinclausz constitue une exception. Il publie également des articles sur des sujets fort divers : l’un consacré à l’architecte lyonnais Philibert de l’Orme et l’autre dédié à Jérôme Durand, orfèvre du XVIe siècle, avec la collaboration d’Henri Focillon. Mais son apport se situe aussi et surtout dans le domaine de l’histoire lyonnaise : il contribue à une importante publication consacrée à la cité en 1925, en compagnie de nombreux historiens.

Ses intérêts pour des sujets d’histoire locale, tant bourguignonne que lyonnaise, sont encore tributaires, parfois, d’une approche par écoles et styles régionaux. Toutefois, Kleinclausz se démarque par une vision généralement non nationaliste : il ne veut pas trancher, par exemple, sur la « nationalité » française ou allemande de Charlemagne car, rappelle-t-il, ces notions étaient inexistantes au temps de l’empereur (conférence à l’université de Lyon, 1917).

Bien implanté dans la cité lyonnaise, Kleinclausz occupe divers postes au sein des institutions culturelles de la ville. Directeur des Beaux-Arts dès 1925 puis directeur de l’École d’architecture, il marque de ses méthodes pédagogiques les deux Écoles. Il siège également à la Commission des musées à partir de 1906 et en devient président en 1922, parallèlement à son poste de président de la Commission du Vieux Lyon. Kleinclausz fait en outre partie des membres de l’Académie de Lyon, dans la section histoire et antiquité. Toutes ces fonctions parallèles à ses travaux de recherche et universitaires lui permettent de côtoyer des historiens tels que Jean Tricou et Henri d’Hennezel, et des historiens d’art dont Henri Focillon, avec lequel il collabore à une publication en 1924.

Tania Lévy, doctorante en histoire de l’art et chargée d’étude et de recherche (INHA)

Principales publications

Ouvrages

  • Les Origines de la ville et de la commune de Belfort et la politique de Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard. Belfort : imp. de Devillers, 1895.
  • L’Empire carolingien, ses origines et ses transformations. Paris : Hachette, 1902.
  • Quomodo primi duces Capetianae stirpis Burgundiae res gesserint, 1032-1162, thesim. Facultati litterarum parisiensi proponebat, Divione : ex typis Barbier-Marillier, 1902.
  • Le Christianisme, les barbares. Mérovingiens et Carolingiens. In Lavisse Ernest, Bayet Charles, Pfister Christian, dir., Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution, tome II, première partie : Paris : Hachette, 1903.
  • La Bourgogne. Les régions de France, III. Paris : le Cerf, 1905.
  • Claus Sluter et la sculpture bourguignonne au XVe siècle. Paris : Libr. de l’art ancien et moderne (« Les maîtres de l’art »), 1905.
  • Préface de Études sur la Réforme et les guerres de religion en Bourgogne, première série. Dijon : Damidot Frères, 1905.
  • Dijon et Beaune. Paris : H. Laurens, 1907.
  • Histoire de Bourgogne. Paris : Hachette, 1909.
  • Chapitres I à V. In Lavisse Ernest, (dir.), Histoire de France illustrée : depuis les origines jusqu’à la Révolution. Livre III, t. II Les Carolingiens. Rééd. Paris : Hachette, 1911.
  • « Introduction » et « Le Moyen Âge ». In Lyon et la région lyonnaise depuis les origines jusqu’à nos jours. Société des études locales dans l’enseignement public. Publications de la section lyonnaise, Lyon : s.n., 1913.
  • « Introduction ». In L’art à Lyon et dans la région lyonnaise depuis les origines jusqu’à nos jours. Société des études locales dans l’enseignement public. Publications de la section lyonnaise, Lyon : s.n., 1914.
  • Rapport annuel de l’université de Lyon. Lyon : Rey, 1923.
  • « Introduction » et pièces justificatives. In Georges Guigue, Arthur Kleinclausz et Henri Focillon, (dir.), Les Dessins d’élève et notes de comptabilité de Jérôme Durand, peintre et verrier lyonnais (1555-1605). Lyon : M. Audin et Cie, 1924.
  • Histoire de Bourgogne. 2e éd. rev. Paris : Hachette, 1924.
  • Lyon des origines à nos jours. La formation de la cité. Collab. de Cholley, Dubois, Dutacq et al. Lyon : impr. A. Rey, 1925.
  • Avec Charlemagne aux villes d’art de son empire. Lyon : A. Rey, 1927.
  • La Bourgogne. Paris : Hachette, rééd. 1929.
  • La Provence. Paris : Hachette, 1930.
  • Charlemagne. Paris : Hachette, 1934.
  • Avant-propos. In Jean-Hippolyte Mariéjol, dir., Charles-Emmanuel de Savoie, duc de Nemours, gouverneur du Lyonnais, Beaujolais et Forez (1567-1595). [Lyon au XVIe s.]. Lyon ; Paris : impr. Nouvelle lyonnaise ; Hachette, 1938.
  • « Aperçu artistique ». In Georges Monmarché, (dir.), Bourgogne, Morvan, Nivernais, Lyonnais. Paris : Hachette, 1939.
  • Eginhard. Paris : Société d’édition Les belles lettres, 1942.
  • Alcuin. Paris : Les Belles Lettres, 1948.

Articles

  • « Leçon d’ouverture du cours d’histoire de la Bourgogne, faite à l’université de Dijon, le 9 février 1897. Revue bourguignonne de l’enseignement supérieur, 1897, 25 p.
  • « L’art funéraire en Bourgogne au Moyen Âge ». Gazette des Beaux-Arts, décembre 1901, p. 441-458.
  • « L’art funéraire en Bourgogne au Moyen Âge ». Gazette des Beaux-Arts, avril 1902, p. 299-319.
  • « L’atelier de Claus Sluter ». Gazette des Beaux-Arts, 1903, p. 121-134.
  • « La lettre de Louis II à Basile le Macédonien ». Moyen Âge, 1904, 9 p.
  • « Les prédécesseurs de Claus Sluter ». Gazette des Beaux-Arts, juillet 1905, p. 26-38.
  • « Le puits des prophètes de Claus Sluter ». Revue de l’art ancien et moderne, 1905, t. XVII, p. 311-316 et 359-374.
  • « Les peintres des ducs de Bourgogne ». Revue de l’art ancien et moderne, 1906, t. XX, p. 161-176.
  • « L’hôtel des ducs de Bourgogne à Dijon ». Revue de l’art ancien et moderne, 1910, t. XXVII, p. 179-190 et 275-286.
  • « Une nouvelle Vierge de Claus Sluter ». Revue de l’art ancien et moderne, 1913, t. XXXIV, p. 81-94.
  • « L’art roman ». Résumé d’une conférence. Bulletin de la Société des amis de Vienne, 1913, no 13, p. 17-21.
  • « La légende du protectorat de Charlemagne sur la Terre Sainte ». In Syria, 1926, t. VII, p. 211-233.
  • « Philibert de l’Orme et le portail de l’église Saint-Nizier à Lyon, la fin d’une légende ». Revue de l’université de Lyon, 1928.
  • « L’art bourguignon dans la vallée du Rhône ». Annales de Bourgogne, 1929, t. I, p. 11-26.
  • Discours prononcés à la séance de clôture du Congrès des Sociétés Savantes à Lyon le samedi 27 avril 1935.
  • « L’académie de Charlemagne ». In Congrès des Sociétés savantes à Lyon. Discours prononcés le samedi 27 avril 1935 par M. Arthur Kleinclausz, M. Victor Grignard et M. Pierre Caron. Paris : impr. nationale, 1935.

Bibliographie critique sélective

  • Bredius A. – « Kleinclausz. Claus Sluter et la sculpture bourguignonne du XVe siècle ». L’Art flamand et hollandais, 5e année, janvier-juin 1908, t. IX, p. 150-151 .
  • « Arthur Kleinclausz (1869-1947) ». Plaquette éditée lors de ses obsèques, 1947.
  • Pratabuy Pierre. – L’École des beaux-arts (1900-1940), mémoire de maîtrise, Lyon III, 1991.
  • Burnand Marie-Claude. – « Arthur Kleinclausz, un universitaire lyonnais (1869-1947) ». Académie de Villefranche et du Beaujolais, 1999, bulletin no 22, p. 88-95.
  • Burnand Marie-Claude. – « Arthur Kleinclausz, historien lyonnais (1869-1947) ». Bulletin de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon, 2003, t. XXXI, p. 17-33.
  • Gabriel Nelly. – Histoire de l’École nationale des beaux-arts de Lyon. Lyon : Éditions Beau Fixe, 2007.

Sources identifiées

Lyon, archives départementales

  • 2399 W 134 (Procès-verbaux de l’assemblée générale de la faculté des lettres de Lyon, nov.1900-juil.1940)
  • 2399 W 135 (conseil de l’Université, 1929-1945)
  • 2400 W 336 (rapport annuel des doyens, 1927-1965)
  • 2400 W 338 (registre des conseils de la Faculté des lettres, 1929-1968)

Lyon, archives municipales

  • 524 WP 516 (personnel municipal, dossier individuel, Kleinclausz A.)

Lyon, bibliothèque municipale

  • Fonds Léon Vallas, cote 50

Lyon, École des beaux-arts

  • Registre des conseils d’administration (1928-1940)

Paris, Institut de France

  • Lettres à Ferdinand Lot (Ms 7308)

Paris, musée Bourdelle

  • Carte de visite (FR MB ARCH BO AB/B 1.15 et FR MB ARCH BO AB/D 18)

En complément : Voir la notice dans AGORHA