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KOECHLIN, Raymond
Mis à jour le 2 décembre 2008
(6 juillet 1860, Mulhouse – 9 novembre 1931, Paris)
Auteur(s) de la notice :
TOMASI Michele
Profession ou activité principale
Écrivain
Autres activités
Historien de l’art, collectionneur
Sujets d’étude
Sculpture gothique, ivoires gothiques, art islamique, art chinois, art japonais, histoire diplomatique
Carrière
Scolarité à Paris, au lycée Condorcet, puis au collège Sainte-Barbe
1881-1884 : études à l’École libre des sciences politiques, diplômé avec distinction le 1er juillet 1884, section diplomatique
1887-1902 : direction du bulletin de politique étrangère au Journal des débats
1889 : épouse Hélène Bouwens van der Boijen, qui meurt quatre ans après. Sa vie est, dès lors, consacrée aux études, à sa collection, au patrimoine artistique français
1890 : une visite à l’exposition d’estampes japonaises organisée par Siegfried Bing à l’École des beaux-arts éveille sa passion pour l’art japonais, et marque le début de sa carrière de collectionneur
1891-1899 : conférences d’histoire diplomatique de l’Europe de 1648 à 1789 à l’École libre des sciences politiques
1895 : à la mort de son père, peut se consacrer aux études et à sa collection
1897 : co-fondateur de la Société des amis du Louvre, dont il est nommé secrétaire avec Alfred Bossy
1898 : signe la pétition en faveur de la révision du procès Dreyfus
1899 : membre du conseil de l’Union centrale des Arts décoratifs
1900 : membre du comité de l’Exposition rétrospective de l’art français à l’Exposition universelle de Paris ; participe à l’installation de l’exposition des ivoires, sous la direction d’Émile Molinier et de Frantz Marcou ; prépare le pavillon des Arts décoratifs français à l’Exposition universelle, avec Louis Metman et Jules Maciet ; lors de la fondation de la Société franco-japonaise de Paris, en devient membre du conseil d’administration et vice-président
1903 : participe à l’organisation de l’exposition des arts musulmans au musée des Arts décoratifs à Paris, conçue par Gaston Migeon
1904 : membre du comité d’organisation de l’exposition des primitifs français, tenue au musée du Louvre et à la Bibliothèque nationale de Paris
1905 : joue un rôle majeur pour l’ouverture du musée des Arts décoratifs de Paris au pavillon de Marsan du Palais du Louvre
1908 : nommé membre de la commission consultative des études de l’École spéciale d’architecture de Paris
1909-1914 : organise une série de six expositions d’estampes japonaises au musée des Arts décoratifs de Paris
1910 : vice-président de l’Union centrale des Arts décoratifs
1911 : élu président de la Société des amis du Louvre et entre, par conséquent, au Conseil des musées nationaux ; organise le pavillon des Arts décoratifs français à l’Exposition internationale de Turin avec Paul Alfassa
1914 : co-fondateur de la Société de l’art français moderne qui doit favoriser l’entente entre artistes et industriels
1917 : secrétaire du Conseil des musées nationaux
1918 : rédige un rapport sur les musées en Alsace et en Lorraine dans la perspective du retour des deux régions à la France
1920 : représente la France à Vienne en tant que délégué de la Commission des réparations
1922 : élu vice-président, puis, à la mort de Léon Bonnat, président du Conseil des musées nationaux
23 octobre 1931 : rédige son testament, par lequel il lègue la presque totalité de sa collection, comprenant surtout peintures et dessins modernes, objets d’art islamique, chinois et japonais, aux musées nationaux ; les objets légués porteront la mention « Legs de M. et Mme Raymond Kœchlin »
Officier de la Légion d’honneur ; officier de l’Ordre japonais du Temple sacré ; membre de la Commission des monuments historiques ; membre de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France ; membre du Comité directeur de la Société de l’Histoire de l’Art Français ; membre du Comité de patronage de la Gazette des Beaux-Arts ; vice-président du Comité consultatif de l’Union des femmes de France fondée par sa mère après la guerre de 1870 ; vice-président de l’Alliance française ; vice-président de la Société Franklin
Étude critique
Raymond Kœchlin naquit à Mulhouse en 1860. Le lieu de naissance n’a pas, dans son cas, une importance purement anecdotique. Fils d’Alfred Kœchlin (1829-1895), industriel et homme politique, il était originaire d’une ancienne famille protestante, très francophile, qui se distingua pour son patriotisme lors de la guerre de 1870, au point d’être expulsée par les Allemands après la fin du conflit. Les Kœchlin s’installèrent alors d’abord à Belfort, puis à Paris. Ces origines semblent avoir marqué en profondeur la vie de Kœchlin, tant du point de vue de sa carrière que de sa vision du monde et, par là, de son approche de l’histoire de l’art : depuis l’École libre des sciences politiques où il fit des études d’histoire diplomatique, en passant par l’École des hautes études sociales où il tint des conférences en 1901 et 1902, jusqu’à l’École spéciale d’architecture, que son père aussi avait parrainée dans ses dernières années, les milieux qu’il fréquenta dans la capitale sont tous marqués par une significative présence de protestants. D’autre part, l’expérience douloureuse de la cohabitation, en Alsace, de deux cultures différentes en conflit, lui donna une conscience aiguë de l’importance, dans l’histoire, des rencontres et des confrontations entre les civilisations qui, au même moment ou au fil des siècles, devaient partager un même territoire. Son attachement à la terre natale ne se démentit jamais tout au long de sa vie : la première étude de Kœchlin, jeune diplômé de l’École libre des sciences politiques, était consacrée au congrès de Rastadt, à l’occasion duquel la France s’était assurée le contrôle de la rive gauche du Rhin ; dans son testament, le vieil alsacien léguait des tableaux de Paul Gauguin, Théodore Rousseau et Aristide Maillol au musée de Strasbourg. Pourtant, sa francophilie ne devint jamais, comme ce fut le cas pour certains intellectuels de sa génération, un nationalisme aveugle. Il avait d’ailleurs un réseau de connaissances international, même en Allemagne, qu’il est difficile de reconstruire aujourd’hui dans le détail. Il est toutefois révélateur que, dans son testament, Kœchlin ait voulu léguer cent mille francs pour fonder deux bourses d’études annuelles destinées à des attachés ou à des conservateurs adjoints du musée du Louvre, pour leur permettre de faire des séjours d’étude à l’étranger.
Sa formation en histoire diplomatique contribua sans doute à affiner sa perception de la complexité des rapports politiques et culturels. De fait après son diplôme, il travailla longtemps dans le même domaine : il songea d’abord à une carrière diplomatique, à laquelle il dut renoncer à cause de différends avec son père. Il entra alors au Journal des débats, où il rédigea pendant quinze ans le bulletin de politique étrangère ; entre-temps, il enseignait l’histoire diplomatique à l’École libre des sciences sociales. « Le fait d’avoir pendant longtemps dû traiter de questions aussi générales que l’histoire diplomatique et la politique européenne lui avait donné une ouverture d’esprit, une largeur de vues qui manquent à ceux qui se sont spécialisés de trop bonne heure » (Alfassa Paul, Raymond Kœchlin, notices lues aux assemblées générales de la Société des amis du Louvre, le 30 avril 1932, 1932, p. 8). Les traces de ces expériences se reconnaissent dès ses premiers travaux d’historien de l’art, par exemple dans l’article sur les influences françaises dans la sculpture belge de l’époque gothique (Gazette des Beaux-Arts, 1903), dans lequel Kœchlin indique dans les cours seigneuriales, dépendantes de la couronne française, les centres d’où le style français irradia sur les anciens Pays-Bas. Vingt-cinq ans plus tard, discutant des influences chinoises sur la céramique musulmane de Suse au IXe siècle (dans Eastern Art. A Quarterly), il faisait preuve de la même sensibilité pour les rencontres de cultures, observant la succession de civilisations au Proche-Orient (Grèce, Rome, Byzance, Islam), et d’une conscience historique toujours attentive, lorsqu’il retraçait le parcours des pièces chinoises arrivées dans le golfe Persique, le long des routes commerciales.
Les études sur l’art musulman auraient été d’ailleurs, selon Marcel Guérin (Raymond Kœchlin 1932, p. 79) « des passe-temps à l’aide desquels Raymond Kœchlin a[vait] distrait les dernières années de sa vie ». Si on ne savait pas que Guérin connaissait l’historien depuis 1893, on serait tenté de douter de son témoignage, en considérant l’ampleur et la finesse des travaux publiés par Kœchlin sur tous les aspects des arts appliqués islamiques. Il en avait même projeté d’autres, qu’il n’arriva pas à écrire : un livre sur les ivoires, cuivres, bois sculptés et verres émaillés musulmans et un sur les tissus islamiques et leur influence sur les tissus occidentaux, qui auraient dû paraître dans la série des catalogues du musée des Arts décoratifs. Ces études étaient surtout le fruit d’une grande passion de collectionneur. Kœchlin fut en effet l’un des premiers collectionneurs à se consacrer aux arts asiatiques – musulman, chinois, japonais – avec une approche scientifique rigoureuse et une profonde connaissance des objets et de la culture qui les avait produits, se distinguant ainsi consciemment des amateurs de la génération précédente, tel Edmond de Goncourt. Kœchlin a évoqué lui-même, dans ses Souvenirs d’un vieil amateur d’art de l’Extrême-Orient, l’enthousiasme, les amitiés, les rivalités qui unissaient un petit cercle d’hommes aussi passionnés que savants. Les débuts de Kœchlin en tant que collectionneur furent tardifs : entraîné par son ami Paul Poujaud à visiter l’exposition d’estampes japonaises organisée par Siegfried Bing à l’École des beaux-arts en 1890, il en fut foudroyé. Ses achats furent d’abord timides, car les ressources lui manquaient. Mais la mort de son père, en 1895, le laissa dans une condition très aisée, et il put donner libre cours à sa passion : estampes, céramiques, laques japonaises, céramiques musulmanes, bronzes et poteries chinois vinrent côtoyer, dans son appartement parisien, les peintures et les dessins des grands maîtres du XIXe siècle français : Delacroix, Monet, Renoir, Van Gogh. Le musée du Louvre, le musée des Arts décoratifs à Paris et certains musées de province se partagèrent sa collection à sa mort, selon ses dernières volontés, après avoir bénéficié de sa générosité lorsqu’il était en vie.
C’était la conclusion naturelle d’une vie consacrée aux musées. Ami intime de Louis Metman, Jules Maciet, Gaston Migeon, Jean-Joseph Marquet de Vasselot, Kœchlin partagea avec eux l’effort de sauvegarder et enrichir le patrimoine des musées français. Il le fit en tant que membre, puis vice-président de l’Union centrale des arts décoratifs, membre, puis président de la Société des amis du Louvre, et surtout en qualité de membre et finalement président du Conseil des musées nationaux. Cette présidence fut « le seul honneur qu’il ait désiré dans toute sa vie, mais bien plus qu’un honneur, c’était pour lui une charge qu’il remplissait avec une hauteur de vues, un scrupule et une indépendance absolus » (Marcel Guérin 1932, p. 85). Sa contribution à la vie de ces institutions arriva toujours dans des moments cruciaux : en 1905, il participa d’une manière décisive à l’installation du musée des Arts décoratifs au pavillon de Marsan. Il y organisa ensuite une série de six expositions d’estampes japonaises, d’une importance primordiale : en rédigeant les préfaces aux catalogues, il livra une véritable histoire de cet art capital aussi bien pour la connaissance de la culture japonaise que pour apprécier justement le développement de la peinture occidentale du XIXe siècle. Sous la présidence de Kœchlin, le Conseil des musées nationaux dut faire face, à partir de 1923, au scandale produit par une mauvaise gestion comptable et par le détournement des fonds de la part du directeur du Conseil des musées nationaux et du secrétaire comptable. Les témoignages de l’époque concordent à reconnaître à Kœchlin un grand savoir-faire, de vraies qualités de diplomate, pour susciter des dons ainsi que pour la gestion du Conseil et de la Société des amis du Louvre, qui furent dans les années 1920 plus proches que jamais. Ce n’est peut-être par un hasard si les achats des musées nationaux et les dons de la Société privilégièrent, en ces années, la peinture et le dessin français du XIXe siècle. Sous sa présidence, la Réunion des musées nationaux s’ouvrit vers l’extérieur, subventionnant des fouilles archéologiques au Proche et Moyen-Orient, au bénéfice des départements des antiquités égyptiennes et gréco-romaines du musée du Louvre, ainsi que du musée Guimet.
L’enracinement de Kœchlin dans ce milieu de collectionneurs, où les musées et les collections privées étaient très proches les uns des autres, explique aussi pourquoi quelques-unes de ses publications les plus importantes sont des catalogues de musées, tels celui des céramiques de Suse au Louvre ou celui des céramiques musulmanes du musée des Arts décoratifs, ou encore celui les catalogues de collections particulières, tels ceux des ivoires des collections de Victor Martin Le Roy et d’Émile Baboin. Les nombreuses préfaces qu’il signa pour des catalogues de vente témoignent, elles aussi, de ces liens durables, qui conduisirent à une vraie imbrication entre les divers domaines de l’activité de Kœchlin. À son engagement pour l’Union centrale des Arts décoratifs et son musée correspond une préoccupation constante de l’historien de l’art pour les arts appliqués de son temps, préoccupation qui se manifeste aussi bien dans le travail pour l’installation des pavillons des Arts décoratifs aux expositions de Paris en 1900 et de Turin en 1911, que dans ses écrits, surtout les comptes rendus des expositions d’art asiatique, où il exhorte inlassablement les artistes contemporains à s’inspirer des modèles orientaux qui savaient, à son avis, interpréter la beauté de la nature à la lumière d’un goût très fin de la stylisation. Il reconnaissait d’ailleurs aux artistes du Moyen Âge, et en particulier aux sculpteurs gothiques, cette même capacité de transfigurer les données naturelles selon des principes supérieurs. L’homme qui fréquentait la boutique de Siegfried Bing, parrain de l’art nouveau, cherchait dans les objets d’art du Moyen Âge et du Proche ou de l’Extrême-Orient la même fidélité au matériau, à la fonction, à la technique. Il approchait donc les sujets de ses études comme les objets de sa collection, avec une attention soigneuse pour chaque pièce, dont il se préoccupait surtout d’établir la localisation et la chronologie. Sollicité par Hippolyte Fierens-Gevaert à décrire les principes inspirateurs de l’enseignement de l’histoire de l’art à l’École des hautes études sociales, où il était conférencier, Kœchlin expliquait : « Le défaut de l’enseignement de l’art en France est d’affecter un caractère trop livresque. La plupart des professeurs sont des savants remarquables. Mais ils ont tout appris dans les livres. Rarement ils ont vu les œuvres dont ils parlent […]. [Notre objectif est de] donner un enseignement aussi concret, aussi réaliste que possible. Nous partons de l’œuvre même pour examiner toutes les conditions accessoires de la production » (Hippolyte Fierens-Gevaert 1903, p. 144).
Par conséquent, tous les ouvrages importants de Kœchlin sont des catalogues, ou bien des recensements. Son premier livre, La Sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au seizième siècle, publié en 1900 avec Marquet de Vasselot, est fondé sur une extensive campagne photographique, réalisée au cours d’une exploration minutieuse de la région. Comme le révèle le sous-titre « Étude sur la transition de l’art gothique à l’italianisme », le livre n’était pas seulement une contribution à la connaissance de la richesse artistique et de l’identité culturelle d’une région française, mais aussi, d’un certain point de vue, une réponse aux idées révolutionnaires sur les origines de la Renaissance défendues par Louis Courajod dans ses cours à l’École du Louvre. En traitant de « la transition de l’art gothique à l’italianisme », Kœchlin et Marquet de Vasselot cherchaient à mettre en lumière plutôt les éléments de continuité. Une préoccupation analogue guidait Kœchlin dans ses recherches sur la sculpture belge (1903) ou sur la sculpture dans la région de Troyes au XIVe et XVe siècles (1902), qui débouchèrent sur des articles, où il s’attachait à faire la part de ce qu’il appelait « idéalisme », par rapport aux tendances naturalistes, dont Courajod aurait surestimé l’ancienneté et le rôle. Ces études répondaient aussi au souci de mieux cerner les particularités des différentes provinces françaises ; en 1924 encore, Kœchlin avoua que, si l’âge ne l’empêchait pas, il aurait voulu s’engager à dresser « le tableau d’autres écoles de sculpture provinciales ».
Cet aveu est contenu dans la préface à son chef-d’œuvre, le monumental répertoire en trois volumes sur les ivoires gothiques français qui reste toujours, malgré ses défauts, l’ouvrage de référence pour toute recherche dans le domaine. Kœchlin y catalogua environ 1300 ivoires, du XIIIe au XVe siècles ; il analysa le métier des ivoiriers, les typologies et l’iconographie des objets ; il publia les documents sur l’ivoirerie. Devant la tâche d’ordonner ce matériel énorme (ses fiches comprenaient 2000 objets) et en large partie inédit, il dut inventer des critères de classification et il choisit de s’appuyer sur des détails décoratifs (décor de roses, colonnettes…) ou sur des choix iconographiques (diptyques de la Passion…). Il s’agissait, évidemment, d’éléments qui pouvaient facilement être imités, et les études des trente dernières années se sont attachées à réorganiser la division en ateliers selon des critères stylistiques et à reconnaître les rapports entre ivoires religieux et ivoires profanes, que Kœchlin avait séparés de manière trop radicale. Mais le catalogue reste néanmoins un outil de travail indispensable. À l’origine de cet ouvrage nous trouvons, encore une fois, une campagne photographique : la même année où parut le livre sur Troyes, Kœchlin eut l’occasion de photographier « la magnifique série d’ivoires réunie par Émile Molinier et Frantz Marcou dans les vitrines de l’Exposition rétrospective de l’art français » (Les Ivoires gothiques français, 1924, I, p. I). Sur cette base, il travailla à son livre pendant vingt ans, photographiant les ivoires dispersés dans les collections publiques et privées de l’Europe entière, publiant un grand nombre d’articles préparatoires sur des points précis, assumant finalement tous les frais de la publication, aussi bien de l’impression que des planches.
Malgré ces efforts considérables, Kœchlin ne remit jamais en discussion la hiérarchie entre les arts qui dominait à son époque : l’ivoirerie restait un art mineur, moins noble que la sculpture ou la peinture : « Les ivoires gothiques ne sont que le reflet de la sculpture monumentale et de la miniature contemporaines ; leur style, leurs thèmes sont les mêmes, et les artisans qui les ont taillés, fidèles à une tradition qu’ils n’avaient point créée, loin d’innover jamais, restent à la suite » (« Les Ivoires gothiques », dans Histoire de l’art dirigée par A. Michel, 1906, p. 459). Il croyait donc pouvoir dater les ivoires français sur la base de la chronologie des autres arts : « Et si l’on tient compte du retard qu’a toujours un art dérivé sur l’art original qu’il prend pour modèle, les règles logiques qui président au développement de la grande sculpture et de la miniature s’appliqueront aussi bien aux ivoires » (ibidem , p. 464). La conviction, ici sous-entendue, exprimée ailleurs, que l’ordre chronologique coïncide toujours avec l’ordre logique, démontre la confiance que Kœchlin avait dans une méthode qui remontait encore à Arcisse de Caumont et que l’on pourrait qualifier de « linnéenne », suivant laquelle il pouvait ranger les sculptures gothiques représentant la Vierge à l’Enfant suivant la forme de leur manteau (Essai de classement, 1921). En traitant des ivoires du XIVe siècle, il affirmait que, en l’absence d’œuvres datées, « force nous est donc de ranger les monuments logiquement, suivant leur degré de maniérisme » (« Les ivoires gothiques », 1906, p. 473). Dans sa contribution de 1902 sur la sculpture troyenne du XIVe et XVe siècles, Kœchlin expliquait : « La logique seule, non l’absolue chronologie, nous a guidés dans notre classement » (p. 20). Nous reconnaissons là, encore une fois, le souci du collectionneur de placer les objets dans une série, selon des critères qui font abstraction des conditions historiques. Dans ses points forts et dans ses limites, la contribution de Kœchlin à l’histoire de l’art est marquée par ses expériences au sein d’un milieu de collectionneurs, de conservateurs, d’artistes et d’historien de l’art, dont l’importance pour la culture française au tournant du XIXe siècle ne saurait être sous-estimée.
Michele Tomasi, maître-assistant d’histoire de l’art médiéval, université de Lausanne
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- La Sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au seizième siècle : étude sur la transition de l’art gothique à l’italianisme. Collab. de Jean-Joseph Marquet de Vasselot. Paris : Armand Colin et Cie, 1900 ; réimpression. Paris : De Nobele, 1966.
- Catalogue raisonné de la collection Martin Le Roy. Fascicule II. Ivoires et sculptures. Collab. de Jean-Joseph Marquet de Vasselot. Paris : Victor Martin Le Roy, 1906.
- Les Donations de la famille de Rothschild. Notice lue à l’assemblée générale de la Société des amis du Louvre, le 20 janvier 1909. Paris, 1909.
- L’Art décoratif moderne. Exposition internationale des industries et du travail de Turin. Paris, 1911.
- Ivoires gothiques. Collection Émile Baboin. Catalogue. Lyon, 1912.
- Jules Maciet. Notice lue à l’Assemblée générale annuelle de la Société des amis du Louvre, le 12 janvier 1912. Paris, 1912.
- Les Collections d’Extrême-Orient du musée du Louvre et la donation Grandidier. Notice lue à l’assemblée générale de la Société des amis du Louvre, le 16 janvier 1914. Paris, 1914.
- Le Maroc en paix. Notes de voyage sur l’œuvre française, 1914 et 1916. Paris : Comité du Maroc, 1917.
- Le Maroc au travail. Paris : Comité du Maroc, 1918.
- Les Dons et legs au musée du Louvre pendant la guerre, 1914-1918. Notice lue à l’assemblée générale de la Société des amis du Louvre, le 3 mars 1920. Paris, 1920.
- La Société des amis du Louvre. Ses dons au Musée, 1897-1922. Notice lue à la fête du jubilé de la Société des amis du Louvre, le 21 février 1922. Paris, 1922.
- Les Ivoires gothiques français. Paris : Auguste Picard, 1924 ; réimpression. Paris : De Nobele, 1968.
- Art musulman. Cent planches en couleur : céramique, tissus, tapis, miniatures. Collab. de Gaston Migeon. Paris : Lévy, 1928. Trad. Anglaise par Florence Heywood. Londres : Ernest Benn 1928. Éd. augm. par Yvonne Brunhammer. Paris : Charles Massin, 1956.
- Musée des Arts décoratifs. L’art de l’Islam, 1. La céramique (documents d’art. Paris : Albert Morancé, s. d. [1928].
- Les Céramiques musulmanes de Suse au musée du Louvre (Mémoires de la mission archéologique de Perse, mission en Susanie). Paris : E. Leroux, 1928.
- Souvenirs d’un vieil amateur d’art de l’Extrême-Orient. Châlons-sur-Saône : imprimerie française et orientale E. Bertrand, 1930.
- M. Victor Martin Le Roy. Notice lue à l’assemblée générale de la Société des amis du Louvre, le 24 mars 1930. Paris, 1930.
- Gaston Migeon et le Louvre. Notice lue à l’assemblée générale de la Société des amis du Louvre, le 3 mars 1931. Paris, 1931.
Articles
- « La Politique française au congrès de Rastadt (1797-1799) ». Annales de l’École libre des sciences politiques, 1886, I, p. 90-126, 394-425 ; 1887, II, p. 190-221 ; 1888, III, p. 268-284 ; 1888, III, p. 399-422.
- « La Sculpture du XIVe et du XVe siècle dans la région de Troyes ». Compte rendu du LXIXe congrès archéologique de France. Troyes, 1902.
- « L’Art japonais. Conférence ». Bulletin de la société industrielle de Mulhouse. Mulhouse : imprimerie Veuve Bader et Cie, 1902.
- « L’Exposition rétrospective de l’art allemand à Düsseldorf ». Les Arts, 1902, n° 1-8, p. 8-16.
- « L’Art musulman, à propos de l’exposition du pavillon de Marsan ». La Revue de l’art ancien et moderne, 1903, n° XIII, p. 409-420.
- « La Sculpture belge et les influences françaises au XIIIe et XIVe siècles ». Gazette des Beaux-Arts, 1903, t. II, p. 5-19, 333-348, 391-407.
- « L’Art japonais et l’art moderne, à propos de la vente Hayashi ». L’Art décoratif, 1903, n° V-1, p. 129-133.
- « La Collection Gillot ». Les Arts, 1903, n° II-23, p. 17-24.
- Fierens-Gevaert Hippolyte, « L’enseignement de l’histoire de l’art en France ». Nouveaux essais sur l’art contemporain. Paris : Alcan, 1903, p. 117-156.
- « L’Invention ornementale chez les Japonais (à propos des gardes de sabre de la collection Gillot) ». L’Art décoratif, 1904, n° VI-1, p. 106-111.
- « Quelques ateliers d’ivoiriers français aux XIIIe et XIVe siècles. I. L’atelier du diptyque du trésor de Soissons ; II. L’atelier des tabernacles de la vierge ». Gazette des Beaux-Arts, 1905, t. II, p. 361-379, p. 453-471.
- « Le Musée des Arts décoratifs et la Collection Peyre au pavillon de Marsan ». La Revue de l’art ancien et moderne, 1905, n° XVII, p. 429-441.
- « Les Ivoires gothiques ». In André Michel, dir., Histoire de l’art depuis le premiers temps chrétiens jusqu’à nos jours. Paris, Armand Colin, 1906, t. II-1, p. 459-507.
- « Quelques ateliers d’ivoiriers français aux XIIIe et XIVe siècle, III. L’atelier des diptyques de la Passion ». Gazette des Beaux-Arts, 1906, t. I, p. 49-62.
- « Les Retables français en ivoire du commencement du XIVe siècle ». Monuments et mémoires. Fondation Eugène Piot, 1906, n° XIII, p. 67-75.
- « Un retable français du XIVe siècle au musée de Berlin ». Monuments et mémoires. Fondation Eugène Piot, 1909, n° XVI, p. 85-94.
- « Avant-propos ». In Estampes japonaises primitives… exposées au musée des arts décoratifs. Catalogue dressé par M. Vignier et M. Inada. Paris, 1909.
- « Un atelier d’ivoiriers de la fin du XIVe siècle ». Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, 1910, p. 16-19.
- « Harunobu Koriusaï Shunsho ». Harunobu Koriusaï Shunsho. Estampes japonaises…exposées au musée des arts décoratifs. Catalogue dressé par M. Vignier et M. Inada. Paris, 1910, p. 7-15.
- « La Chine en France au XVIIIe siècle ». Gazette des Beaux-Arts, 1910, t. II, p. 89-103.
- « Kiyonaga Buncho Sharaku ». Kiyonaga Buncho Sharaku. Estampes japonaises…exposées au musée des arts décoratifs. Catalogue dressé par M. Vignier et M. Inada. Paris 1911, p. 5-23.
- « Quelques ivoires gothiques français connus antérieurement au XIXe siècle ». Revue de l’Art Chrétien, 1911, XLI, p. 281-292, p. 387-402.
- « Les Collections d’Extrême-Orient de M. Jean Dollfus ». In Catalogue des objets d’art chinois et japonais…dépendant des collections de M. Jean Dollfus, Paris, Hôtel Drouot, 14-18 mai 1912. Paris, 1912, p. 7-10.
- « Utamaro ». In Utamaro. Estampes japonaises… exposées au musée des arts décoratifs. Catalogue dressé par M. Vignier et M. Inada. Paris 1912, p. 5-19.
- « La Céramique dans l’art musulman ». Art et Décoration, 1912, XXXII, p. 185-192.
- « La Céramique française (1867-1913) ». In Teentoonstelling van Moderne Frensche Ceramiek :[catalogue de l’exposition], Amsterdam, Stedelijk Museum, 15 mars–15 avril 1913, p. 5-16.
- « Hayashi’s collection of French pictures ». In Illustrated catalogue of the important collection of paintings, water colors, pastels, drawings and prints collected by a the Japanese connoisseur the late Tadamasa Hayashi. New York, 1913.
- « Yeishi Choki Hokusaï ». In Yeishi Choki Hokusaï. Estampes japonaises… exposées au musée des Arts décoratifs. Catalogue dressé par MM. Vignier, Lebel et Inada. Paris, 1913, p. 5-25.
- « Quelques noms d’ivoiriers des XIVe et XVe siècles ». Archives de l’art français, nouvelle période, 1913, VII, p. 17-38.
- « L’Art français moderne n’est pas munichois ». L’Art français moderne, janvier 1916, p. 1-37.
- « Quelques groupes d’ivoires gothiques français. Les diptyques à décor de roses ». Gazette des Beaux-Arts, 1918, t. II, p. 225-246.
- « Quelques groupes d’ivoires gothiques français. Le dieu d’amour et le château d’amour sur les valves de boîtes à miroir ». Gazette des Beaux-Arts, 1921, t. II, p. 279-297.
- « Essai de classement chronologique d’après la forme de leur manteau des vierges du XIVe siècle debout, portant l’enfant ». In Actes du Congrès d’histoire de l’art. III. Art occidental. Sculpture – gravure – arts décoratifs. Paris, 1921, p. 490-496.
- « La Poterie chinoise ». Art et Décoration, 1921, n° XXXIX, p. 81-88.
- « Louis Gonse ». In Collection Louis Gonse. Œuvres d’art du Japon… peintures des maîtres du XVe au XIXe siècle… Collab. de Gaston Migeon. Catalogue de la vente. Paris, Hôtel Drouot, 5-11 mai 1924, p. 5-13.
- « La Partie des échecs de Huon de Bordeaux et les ivoires français du XIVe siècle ». In Mélanges Bertaux. Recueil de travaux dédié à la mémoire d’Émile Bertaux. Paris : E. de Boccard, 1924, p. 180-184.
- « L’Exposition des Arts décoratifs modernes. Les premiers efforts de rénovation (1885-1914) ». Gazette des Beaux-Arts, 1925, t. I, p. 253-264.
- « Une exposition d’art oriental. Chine, Japon, Perse ». L’Amour de l’art, 1925, VI, p. 203-216.
- « La Collection Osvald Sirén ». In Henri Rivière, dir., Documents d’art chinois de la collection Osvald Sirén. Paris, Bruxelles, 1925, p. 6-8.
- « Les Bronzes chinois ». Art et Décoration, 1925, XLVII, p. 45-56.
- « F. Engel-Gros, collectionneur ». In Paul Ganz, dir., L’Œuvre d’un amateur d’art. La collection de Monsieur F. Engel-Gros. Catalogue raisonné. Genève, Paris, s. d. [1926], p. 1-11.
- « Eugène Mutiaux ». Revue des arts asiatiques. 1926, III, p. 66-72.
- « À propos de la céramique de Samarra ». Syria, 1926, VII, p. 234-246.
- « Étienne Moreau-Nélaton (1859-1927) ». Gazette des Beaux-Arts, 1927, t. I, p. 317-320.
- « Chinese Influences in the Musulman Pottery of Susa ». Eastern Art. A Quarterly, 1928, I, p. 3-12.
- « Les Céramiques musulmanes de Suse au Musée du Louvre ». Syria, 1928, IX, p. 40-58.
- « La Collection Octave Homberg ». In Catalogue des tableaux anciens, objets d’art et de haute curiosité européens et orientaux… composant la collection de M. Octave Homberg, 3-5 juin 1931, Paris, Galerie Georges Petit. Paris, 1931, p. 1-4.
- « L’Exposition d’art persan à Londres ». L’Amour de l’Art, 1931, XII, p. 89-100.
Cours prononcés
Cours de sciences politiques à l’École libre des sciences politiques et d’art japonais à l’ École des hautes études sociales
- 1891-1899 : Analyse des principaux traités de 1648 à 1789
- 1901-1902 : L’Art japonais
Bibliographie critique sélective
- Fénéon Félix. – « Les grands collectionneurs : M. Raymond Kœchlin ». Le Bulletin de la vie artistique, 1921, n° 6, p. 165-171.
- Migeon Gaston, d’Ardenne de Tizac Henri et Alfassa Paul. – « La collection de Raymond Kœchlin ». L’Amour de l’art, 1925, n° 3, p. 95-110.
- [Anon.] – « Raymond Kœchlin ». Le Journal des débats politiques et littéraires, n° 312, 143e année, 10 novembre 1931, p. 1.
- D’Ardenne de Tizac Henri. – « Raymond Kœchlin ». Artibus Asiae, 1930-1932, nº 4, p. 167-168.
- Pottier Édmond. – « Raymond Kœchlin ». Syria, 1931, n° XII, p. 390-392.
- Kümmel Otto. – « Raymond Kœchlin ». Ostasiatische Zeitschrift, 1931, p. 205-207.
- Weigert Roger-Armand. – « Raymond Kœchlin ». Larousse mensuel illustré, décembre 1932, n° 310, p. 286.
- Alfassa Paul. – Raymond Kœchlin, notices lues aux assemblées générales de la Société des amis du Louvre, le 30 avril 1932. Paris, 1932.
- Carnot François. – « Allocutions ». Annuaire de l’UCAD, avril 1932, p. 103-104.
- Dupont-Ferrier. – « Raymond Kœchlin † ». Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 1932, n° LIX, p. 43-44.
- Guérin Marcel. – « Raymond Kœchlin et sa collection ». Bulletin des musées de France, 1932, IV, p. 66-88.
- Guérin Marcel. – « Les Estampes japonaises de la collection Kœchlin ». Bulletin des musées de France, 1932, IV, p. 145-49.
- Salles Georges. – Le Regard. Paris : Réunion des musées nationaux, 1992, p. 16-19.
- Berlin Claude, Bommelaer Anne et Diesbach de Vérène. – Raymond Kœchlin (1860-1931), collectionneur, président de la Société des amis du Louvre, puis du Conseil des Musées. Mémoire de l’École du Louvre, 1993.
- Callu Agnès. – La Réunion des musées nationaux : 1870-1946 : genèse et fonctionnement. Paris, École nationale des chartes, 1994, p. 303-383.
- Berlin Claude. – « Raymond Kœchlin. Présidence de 1911 à 1931 ». In Des mécènes par milliers : un siècle de dons par les amis du Louvre, Paris, Musée du Louvre, 21 avril-21 juillet 1997. Paris : Réunion des musées nationaux, 1997, p. 55-80.
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Sources identifiées
Halle, Landesmuseum für Denkmalpflege Sachsen-Anhalt
- Nachlass Wilhelm Vöge : lettres de R. Kœchlin à Wilhelm Vöge
Paris, archives d’Histoire contemporaine
- 1 SP 3 sdr a : programmes des cours 1889-1899
- 1 SP 12 à 13a : registres des élèves inscrits et des élèves diplômés
- Ma 64/ Mic 16-18 : R.K., Mémoire en histoire diplomatique et générale : L’Autriche et la question d’Orient, de la paix de Bucarest à la paix d’Andrinople. École libre des Sciences Politiques, 1884
Paris, archives de l’Union centrale des arts décoratifs, bibliothèque du musée des Arts décoratifs
- Documents préparatoires et manuscrit de l’ouvrage Les Ivoires gothiques français ; papiers personnels, photographies privées
- Z 104 : Le Pavillon de l’Union centrale des arts décoratifs à l’Exposition universelle de 1900. Paris, 1900. Épreuves corrigées d’un article inédit données par l’auteur en 1901
- Br. 4422 : Rapport sur le Régime des musées en Alsace-Loraine, 1918
Paris, archives des Musées nationaux
- O 30 352 : dossier sur la carrière de R.K.
- Z-8 1935-12 : dossier du legs R.K.
- 3 BB*2 à 4 : procès-verbaux des séances du Conseil des musées nationaux du 9 janvier 1911 au 3 mars 1936
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
- Ms. n.a.f. 13574, f. 250
- n.a.f. 14826, f. 124
- n.a.f. 18344, f. 339
- n.a.f. 18859, ff. 286-290
- n.a.f. 24918, ff. 2-3, 32-35, 78, 167-172, 178-184, 293-295
- n.a.f. 25124, ff. 497-48 (correspondance sur sujets divers)
En complément : Voir la notice dans AGORHA