Auteur(s) de la notice :

SESMAT Pierre

Profession ou activité principale

Archiviste de la Ville de Nancy

Autres activités
Historien de l’art

Sujets d’étude
Art lorrain, surtout sculpture lorraine (XIVe-XVIe siècles)

Carrière
1905 : devient membre de la Société d’archéologie lorraine ; s’installe à Nancy (?)
3 juillet 1906 : soutenance de sa thèse devant l’université de Nancy
Vers 1908 : devient archiviste de la ville de Nancy

Étude critique

D’avoir entrepris et présenté la première synthèse à propos de Ligier Richier, un des plus grands sculpteurs de la Renaissance, restera le titre de gloire de Paul Louis Denis. Ce fut aussi la première « thèse d’archéologie » présentée devant l’université de Nancy. Le rapporteur en était Paul Perdrizet, alors maître de conférences, et également l’un des dédicataires. La soutenance eut lieu le 3 juillet 1906. Le compte rendu qu’en donnèrent les Annales de l’Est et du Nord apporte quelques lumières sur la formation et le cheminement du chercheur, en un mot sur sa jeunesse, période dont la chronologie reste mal définie. En 1906, Paul Denis avait 34 ans. Bourguignon par sa naissance, puis résidant à Troyes quand il collabore avec Charles Fichot à la dernière phase de sa grande entreprise La Statistique monumentale de l’Aube publié entre 1884 et 1900, rien ne le prédisposait à s’intéresser à un sculpteur qui avait vécu à Saint-Mihiel et dont les œuvres étaient destinées au Barrois et à la Lorraine. Mais à Paris, Denis fréquenta l’École des beaux-arts, section architecture, et surtout l’École du Louvre où il fut profondément marqué par les leçons que Louis Courajod professa sur la Renaissance de 1887 à 1896. Il en retint que « la question de Ligier Richier était un point d’interrogation dans l’histoire de la sculpture et que le traiter serait rendre service à l’art français ». Le hasard d’un séjour à Saint-Mihiel chez un ami fit le reste et l’entraîna sur les traces du fameux « Maître du Sépulcre ».

À Courajod encore, Paul Denis avoue, dans sa thèse, emprunter la « méthode stylistique » : « méthode essentielle et caractéristique de l’histoire de l’art » et « la seule vraiment rationnelle », en raison de l’absence quasi complète de pièces d’archives à propos de la vie et surtout des œuvres du sculpteur barrois. Cette méthode justifie aussi le processus de constitution du corpus des œuvres : nouvelles attributions proposées par l’historien – notamment le calvaire de Génicourt – mais encore attributions maintenues malgré les contestations, comme celle du retable d’Hattonchâtel, précocement daté de 1523. Ce choix méthodologique conduisit le doctorant, déjà lors de sa soutenance, à accorder beaucoup d’importance au commentaire oral des principales réalisations de Richier qu’en outre le jury et le public pouvaient contempler grâce à des projections. Le même parti pris se retrouvait dans les deux versions de la thèse, celle initiale de 1906 et celle définitive de 1911, et assurait une place prépondérante à la description des œuvres, soutenue par une abondante illustration : une centaine d’excellentes photographies réalisées par Denis lui-même, tout à fait conscient de l’importance de cette « innovation qui permettra de mieux connaître Ligier Richier. Là est, sans doute, la plus grande, la seule originalité de notre travail ».

Par ailleurs, l’édition de 1911 de la thèse subit d’intéressantes évolutions, consécutives certainement aux conseils pressants de Paul Perdrizet. À la fin de l’ouvrage, d’abord, était ajouté un avant-dernier chapitre intitulé « Caractères généraux des œuvres de Ligier Richier » où Paul Denis tentait sa propre synthèse à propos de l’art du Maître de Saint-Mihiel : il ne le considérait pas à proprement parler comme un fidèle de l’italianisme ; « il deviendra maniéré plutôt qu’italianisé ». Et souhaitant éviter tout aussi bien l’admiration excessive des Lorrains, qui considéraient leur « héros » comme l’égal des plus grands maîtres de la sculpture, notamment Michel-Ange, que la « critique trop sévère » émise par certains historiens parisiens comme Louis Gonse pour qui « L. Richier [n’était] qu’un maître de second plan, un homme de reflet », Paul Denis brossait le portrait d’un artiste certes isolé, voire confiné dans son atelier de la vallée de la Meuse, mais unique et profondément original. Par ailleurs en début d’ouvrage, apparaissait une longue introduction à vocation historiographique exposant les étapes essentielles de la fortune critique du sculpteur barrois et notamment de son œuvre majeure, le Sépulcre de Saint-Mihiel, depuis l’enquête de Dom Calmet pour sa Notice de Lorraine parue en 1756, jusqu’au moulage et à la restauration du Sépulcre menés de 1895 à 1899, années au cours desquelles Denis semble avoir entrepris sa recherche – il dit lui avoir consacré neuf années.

Deux études complétaient la thèse : d’abord le catalogage et la description des photographies des vitraux de Troyes et de Champagne méridionale que Paul Perdrizet avait fait réunir dans un gros album pour l’Institut d’archéologie de Nancy, puis l’analyse de quelques monuments romans de Meurthe-et-Moselle. La variété des champs de ces travaux stimula sans doute la curiosité de Paul Denis. Aussi les années 1905-1907 furent-elles pour lui une période d’intense activité intellectuelle : outre sa thèse, il publia plusieurs articles sur l’art lorrain, notamment dans le Bulletin mensuel de l’active Société d’archéologie lorraine à laquelle il venait d’adhérer. Consécration incontestable, il reçut en 1907 le prix Dupreux décerné par l’Académie Stanislas et la médaille d’argent de la Société française d’archéologie. L’article le plus important s’intéressait à la Vierge de Maxéville et constituait la première étape de la redécouverte de l’une des faces les plus brillantes de l’histoire de la sculpture lorraine : les Vierges à l’Enfant du XIVe siècle. Denis analysait la statue, en soulignait la qualité et la datait avec justesse, tout en l’attribuant à un atelier parisien. Mais quelques mois plus tard, Paul Perdrizet fustigeait son ancien « disciple » en montrant son ignorance de la signification de l’iconographie mariale : l’Enfant Jésus ne joue pas avec l’anneau passé au doigt de sa mère, mais ce geste a au contraire une valeur symbolique et fait de la Vierge la figure de l’Église-épouse du Christ. Et c’est Perdrizet qui rapprochait cette statue de la Vierge de Saint-Dié et ébauchait ainsi l’idée d’une production lorraine.

On peut penser que cette « correction » découragea les perspectives d’une carrière d’historien de l’art que Denis pouvait entretenir avec raison. En effet, devenu archiviste de la Ville de Nancy, il se contenta dorénavant d’articles historiques. Certes, il publia la version définitive de sa thèse en 1911, mais il paraît avoir en même temps tout à fait renoncé à l’histoire de l’art. S’ensuit, à partir de 1920, un étrange silence jusqu’à sa retraite. Plus vraisemblablement, Denis se consacra totalement au fonds d’archives de Nancy, notamment au classement des pièces produites après la Révolution et à la constitution d’un important fonds d’affiches et de plans.

Pierre Sesmat, professeur d’histoire de l’art médiéval et moderne à l’université de Nancy 2

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Le Maître de Saint-Mihiel. Recherches sur la vie et l’œuvre de Ligier Richier. Nancy : Berger-Levrault, 1906.
  • Le Lieutenant Georges Régnier (1877-1908). Nancy : imprimeries réunies de Nancy, 1908.
  • Ligier Richier. L’artiste et son œuvre. Nancy : Berger-Levrault, 1911.
  • Les Municipalités de Nancy (1790-1910). Nancy : Crépin-Leblond, 1910.
  • L’Évolution de la ville de Nancy à travers les siècles. Nancy : Berger-Levrault, 1912.
  • Nancy sous les obus. Images de la guerre. Nancy : Barbier, 1918.
  • The United States of America and Lorraine. The Porte Desilles at Nancy. Saint-Dié, Godmother of America. Nancy : Berger-Levrault, 1919.

Articles

  • « Une œuvre inédite de Ligier Richier : le calvaire de Génicourt ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1905, p. 51-61 et 79-86.
  • « Deux inscriptions de Pompey ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1906, p. 238-239.
  • « La Vierge de Maxéville ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1906, p. 253-269.
  • « Notes sur Bouillon, Orval, Avioth et Mouzon ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1907, p. 51-55.
  • « Note sur quelques artistes toulois. Deux documents inédits sur le sculpteur Siméon Drouin ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1907, p. 76-92.
  • « Le Sépulcre de Saint-Mihiel en 1766 ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1907, p. 158-163.
  • « Les Lépreux à la Maladrerie de la Madeleine-lès-Nancy ». Bulletin de la Société d’archéologie lorraine, 1907, p. 243-258 et 272-281.
  • « L’Église d’Olley. Étude archéologique ». Annales de l’Est et du Nord, 1907, p. 161-179.
  • « Le Mausolée de Lesdiguières et les dessins de la collection Bonnaire ». Bulletin de la Société d’archéologie lorraine, 1908, p. 27-33.
  • « Complément d’une note de M. Lucien Wiener sur le sabre de Drouot ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1908, p. 163-165.
  • « L’Incendie du Palais ducal en 1627 ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1909, p. 21-22.

Bibliographie critique sélective

  • s. n. – « Compte rendu de la soutenance par M. Paul Denis d’une thèse pour le doctorat d’université ». Annales de l’Est et du Nord, 1906, p. 609-626.
  • Perdrizet Paul. – « Maria Sponsa Filii Dei ». Bulletin mensuel de la Société d’archéologie lorraine, 1907, p. 100-108.

Sources identifiées

Pas de sources recensées à ce jour