Auteur(s) de la notice :

VALENTI Catherine

Profession ou activité principale

Archéologue

Autres activités
Directeur de l’Enseignement supérieur, directeur de l’École française de Rome, directeur de l’École française d’Athènes

Sujets d’étude
Éphébie antique, céramique grecque

Carrière
1861-1864 : membre de l’École normale supérieure
1864 : agrégé d’histoire
1864-1868 : membre de l’École française d’Athènes
1870 : docteur ès lettres
1873-1875 : directeur de l’École française de Rome
1875-1878 : directeur de l’École française d’Athènes
1878-1879 : recteur des académies de Grenoble et Montpellier
1879-1884 : directeur de l’Enseignement supérieur au ministère de l’Instruction publique
1871-1884 : membre de la Société nationale des antiquaires de France
1882 : membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres

Étude critique

« L’archéologie n’est pas une étude de curiosité où les objets ont d’autant plus de valeur qu’ils sont plus rares ; ce qu’elle veut surtout, c’est faire revivre les époques disparues, retrouver la physionomie des pays qui souvent ne nous ont laissé sur eux-mêmes aucun détail précis. Là est le charme de cette science si peu aride. » Ainsi Albert Dumont définissait la science archéologique dans le Cours d’archéologie qu’il dispensait en 1875 aux élèves de l’École française de Rome. Pourtant, quand il avait lui-même rejoint, une dizaine d’années auparavant, la cohorte des membres de l’École française d’Athènes, il était bien loin d’y avoir trouvé une archéologie scientifiquement constituée : en effet, dans les années 1860 encore, « on arrivait à l’École d’Athènes peu préparé aux études d’érudition, et on n’y trouvait point de direction scientifique. On devait se frayer sa voie, choisir son sujet, se faire une méthode ».

C’est précisément à la constitution de cette méthode que s’est attaché Albert Dumont, d’abord comme élève de l’École d’Athènes, entre 1864 et 1868, puis comme directeur de cette même institution de 1875 à 1878. Quand il débarque en Grèce en 1864, le jeune normalien, reçu premier à l’agrégation d’histoire, est encore façonné par la formation littéraire qui lui a été dispensée rue d’Ulm : s’il s’intéresse aux restes matériels de l’hellénisme, c’est avant tout aux inscriptions, vases et autres bas-reliefs conservés dans les musées. Malgré quelques voyages, dans le Péloponnèse ou en Thrace, c’est à Athènes que se situe pour Albert Dumont le cœur véritable de la Grèce antique : « Il se sentait moins pressé de trouver des moissons nouvelles, quand il avait sous la main tant de bon grain amassé, qui, souvent, restait inutile faute d’être mis en œuvre. » (Léon Heuzey, « Notice sur les travaux d’Albert Dumont. Albert Dumont archéologue », 1892.) Ce « bon grain » qu’il passe au crible mène Dumont dans deux directions principales. Il copie et rassemble d’une part tous les fragments et inscriptions relatifs à l’éphébie antique : matériau principal de sa thèse soutenue en 1870 – Essai sur la chronologie des archontes athéniens postérieurs à la CXIIe Olympiade –, ce travail lui permettra aussi de publier en 1875 un Essai sur l’éphébie antique. D’autre part, Dumont entreprend un autre ordre de recherche qu’il poursuivra toute sa carrière : des études sur les céramiques grecques, en particulier sur les vases, qu’il mène souvent en compagnie de son ami le graveur Jules Chaplain, et dont certaines seront publiées à titre posthume – Les Céramiques de la Grèce propre, Paris, 1888-1890.

Mais le nom d’Albert Dumont reste surtout attaché à la création de l’École française de Rome et à la réorganisation de celle d’Athènes, qu’il mène à bien dans les années 1870. Le contexte est particulier, c’est celui de la défaite française de 1870-1871 face à la Prusse ; dans le domaine intellectuel, le désastre militaire a provoqué une « crise allemande de la pensée française ». Tout en reconnaissant la supériorité de la science allemande, les savants français s’efforcent désormais de rattraper, voire de dépasser le génie germanique. En 1872, Dumont est de retour en Grèce, où il a l’idée, pour contrecarrer l’Allemagne et ancrer la présence française à Rome, d’institutionnaliser le séjour italien des membres de l’École d’Athènes – tâche d’autant plus urgente que les Allemands viennent d’annexer l’Institut de correspondance archéologique, fondé à Rome en 1829 et qui était jusque-là une institution internationale. Un décret de février 1859 prévoyait pour les « Athéniens » nouvellement nommés un séjour de trois mois en Italie, mais sans en préciser les modalités pratiques. Sous l’impulsion d’Albert Dumont, est promulgué le 25 mars 1873 un décret qui institue dans la capitale italienne une succursale de l’École d’Athènes, destinée à apporter aux « Athéniens », lors de leur passage en Italie, « des conseils et une direction ». Pendant leur séjour à Rome, dont la durée est portée à un an, les membres de l’École d’Athènes devront suivre un enseignement d’archéologie, dispensé par « un savant, choisi en raison de la spécialité de ses travaux » : c’est Albert Dumont qui est chargé de ce cours, avant de devenir, le 26 novembre 1874, directeur de l’École française de Rome officiellement créée. Un an plus tard, à la fin de l’année 1875, Dumont est nommé directeur de l’École française d’Athènes, à charge pour lui de réorganiser l’institution « athénienne » qui, après trente années d’existence, peine à retrouver un second souffle.

Le « triennat Dumont » à la tête de l’École d’Athènes (1875-1878) est encore célébré aujourd’hui comme un véritable tournant scientifique dans la vie de l’institution, qui n’était guère jusque-là qu’une « école de perfectionnement » peu préoccupée d’archéologie. La principale innovation introduite par Albert Dumont est la mise en place en 1876 de l’Institut de correspondance hellénique : il s’agit « de réunir à l’École [d’Athènes] quelques personnes instruites et zélées, dans le but de centraliser tous les travaux, toutes les découvertes qui se font dans l’Orient hellénique, d’en prendre connaissance et de les faire connaître aussi en Occident ». Les séances de l’Institut, qui ont lieu régulièrement dans les locaux de l’École, font écho aux réunions publiques tenues à l’Institut allemand d’Athènes, ouvert depuis le mois d’octobre 1874 : sur le terrain de la science, il n’est pas question de laisser libre cours à la supériorité allemande. En 1877 paraît le premier numéro du Bulletin de correspondance hellénique. Destiné au départ à rendre compte des séances de l’Institut éponyme, il ouvre bientôt ses colonnes aux comptes rendus des fouilles de Délos, initiées en 1873 mais développées sous l’impulsion du nouveau directeur.

À Rome comme à Athènes, Albert Dumont a contribué à former nombre de jeunes savants. « Il a été un admirable guide, un conseiller incomparable dans le choix et dans la première étude des sujets qui convenaient à l’esprit de chacun et pouvaient devenir parfois l’heureuse et féconde occupation de toute une vie de labeur. » Passeront ainsi entre ses mains Charles Bayet, Gustave Bloch, Maxime Collignon, Jules Martha, Edmond Pottier, Othon Riemann ou encore Théophile Homolle, futur directeur de l’École française d’Athènes. Non content de les avoir encadrés en Italie ou en Grèce, d’avoir orienté leurs recherches sur le terrain, Albert Dumont a également favorisé la carrière de nombre d’entre eux après son retour en France. Nommé en 1879 directeur de l’Enseignement supérieur au ministère de l’Instruction publique, il y poursuit en effet son œuvre de redressement de la science française, introduisant l’enseignement de l’archéologie à l’université et créant à Paris ou en province des chaires pour ses anciens protégés : ainsi est-ce pour Maxime Collignon qu’est instituée, en 1879, la chaire d’archéologie de la faculté des lettres de Bordeaux.

Épuisé par les missions successives qui lui sont confiées par le ministère de l’Instruction publique, Albert Dumont décède brutalement le 12 août 1884, à l’âge de quarante-deux ans, laissant derrière lui une œuvre inachevée, mais qui sera reprise et complétée par les jeunes archéologues qu’il a contribué à former lors de son passage à la tête de l’École française d’Athènes. Mélanges d’archéologie et d’épigraphie, publié en 1892 à titre posthume, a ainsi été rassemblé par l’un de ses plus fidèles disciples, Théophile Homolle. Plus que ses travaux sur l’éphébie ou sur les céramiques, c’est l’œuvre de fondateur et de réformateur que l’on retient aujourd’hui : Albert Dumont a créé ou rénové deux des principaux instituts archéologiques français implantés à l’étranger. On lui doit également la constitution de l’archéologie comme discipline universitaire.

Catherine Valenti, maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Toulouse-Le Mirail

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

Bibliographie critique sélective

  • Guillaume Eugène. – Funérailles de M. Albert Dumont. Paris : Firmin Didot, 1884.
  • Homolle Théophile. – M. Dumont. S. l. : 18 décembre 1884.
  • Riemann Othon. – Notice sur Albert Dumont. Paris : G. Klincksieck, 1885.
  • Heuzey Léon. – Notice sur les travaux d’Albert Dumont. Paris : E. Thorin, 1891.
  • Wallon Henri. – Notice sur la vie et les travaux de Charles-Albert-Auguste-Eugène Dumont, membre ordinaire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris : Firmin Didot, 1893.
  • Radet Georges. – L’Histoire et l’Œuvre de l’École française d’Athènes. Paris : A. Fontemoing, 1901.
  • Digeon Claude. – La Crise allemande de la pensée française (1870-1914). Paris : PUF, 1959.
  • Amandry Pierre. – « Albert Dumont, directeur des Écoles de Rome et d’Athènes ». Bulletin de correspondance hellénique, n° 100, livraison 1, 1976, p. 1-5.
  • Schnapp Alain. – « Archéologie et Tradition académique en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles ». Annales. Economies, Sociétés, Civilisations, n° 5-6, 1982, p. 760-777.
  • Gran-Aymerich Ève et Jean. – « Albert Dumont ». Archéologia, n° 200, mars 1985, p. 75-79.
  • Charle Christophe. – Le Personnel de l’enseignement supérieur en France aux XIXe-XXe siècles. Paris : CNRS Éditions, 1985.
  • Schnapp Alain. – La Conquête du passé. Aux origines de l’archéologie. Paris : Éditions Carré, 1993.
  • Leclant Jean. – « Histoire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres ». Dans Institut de France. Histoire des cinq académies, Paris : Perrin, 1995, p. 134-135.
  • Gran-Aymerich Ève. – Naissance de l’archéologie moderne 1798-1945. Paris : CNRS Editions, 1998.
  • Valenti Catherine. – L’École française d’Athènes. Paris : Belin, 2006.

Sources identifiées

Nantes, Archives diplomatiques

  • École française d’Athènes 1872-1909 (carton 125)

Paris, Archives nationales

  • Instituts et travaux étrangers et grecs 1871-1900 (F/17/4105)
  • Institut de Correspondance hellénique (F/17/13596)