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BIGOT, Paul
Mis à jour le 20 mars 2009
(20 octobre 1870, Orbec-en-Auge [Calvados] – 8 juin 1942, Paris)
Auteur(s) de la notice : ROYO Manuel
Profession ou activité principale
Architecte, professeur, chef d’atelier à l’École nationale supérieure des beaux-arts
Autres activités
Conservateur et architecte en chef du Grand Palais, architecte en chef du ministère des Affaires étrangères, membre titulaire de l’Académie des beaux-arts (section d’architecture), vice-président pour 1941
Sujets d’étude
Histoire de l’architecture et de l’urbanisme romains antiques
Carrière
Interne à Rouen chez les frères de la doctrine chrétienne, remarqué par sa belle écriture, Paul Bigot est placé à 16 ans comme copiste chez un architecte parisien. Selon son confrère Paul Lemaresquier, sa vocation d’architecte serait née à l’occasion des travaux de l’Exposition universelle de 1889 et du spectacle de la construction de la tour Eiffel.
1889-1900 : études à l’École des beaux-arts à Paris dans l’atelier de Jacques André puis de Victor Laloux ; pour se faire la main, prend part à toute une série de concours où il est vite remarqué ; première candidature au Prix de Rome en 1896 : deuxième place
1900 : premier Grand Prix de Rome (sujet de l’année : « Un établissement d’eaux thermales et casino ») ; condisciple à la Villa Médicis des architectes pensionnaires Jules-Léon Chifflot, Tony Garnier, Henry Prost et Léon Jaussely ; noue aussi des relations avec les sculpteurs Henri Bouchard et Paul Landowski avec qui il collaborera une fois de retour en France
1904-1908 : choisit l’étude du Circus Maximus commesujet d’Envoi de dernière année, ce qui l’entraîne en fait à reconstituer son environnement : l’idée de la première maquette de la Rome antique est ébauchée
1908-1911 : grâce à des bourses successives, prolonge son séjour au-delà des quatre ans concédés ; fréquente l’École française de Rome, installée au palais Farnèse, et tisse des liens avec ses membres historiens, archéologues et latinistes, comme Jérôme Carcopino ou André Piganiol ; dépouille là l’essentiel de la littérature archéologique qui lui permet d’élaborer sa maquette et en tire aussi la matière de plusieurs articles scientifiques
1911 : présentation de la maquette à l’exposition archéologique de Rome (au futur musée des Thermes), qui célèbre le jubilé de la monarchie et de l’Unité italienne
1912 : retour définitif en France
1913 : présentation de sa maquette au Salon des artistes français où il obtient la Médaille d’honneur ; la transformation en bronze est interrompue par la guerre
1914-1918 : non mobilisable immédiatement, s’engage dans l’aviation, où il sera observateur
1919-1927 : comme nombre de ses confrères, participe à la reconstruction des villes du Nord et de l’Est ravagées par la Grande Guerre : construit la gare de Saint-Quentin (Aisne), restructure le quartier environnant et participe à la restauration du musée Antoine Lécuyer, puis à Blérancourt ; est aussi sollicité pour des monuments aux morts, comme à Caen et à Saint-Quentin, où collaborent ses amis sculpteurs Henri Bouchard et Paul Landowski (ceux-ci seront par la suite associés à presque tous ses projets monumentaux) ; exécute une copie de sa maquette à destination du musée de Pennsylvanie ; la reprise de la réplique en bronze par la maison Christofle traîne en longueur
1921-1932 : remporte le concours pour la construction de l’Institut d’art, rue Michelet à Paris, qu’il réalise entre 1923 et 1932 ; la maquette de Rome antique, remaniée dans son atelier du Grand Palais, est destinée à être exposée au dernier étage de l’Institut pour servir à l’enseignement de l’architecture et de l’urbanisme romain ; l’exemplaire inachevé en bronze est stocké en 1932 dans les caves du même bâtiment ; entre-temps, il poursuit une carrière d’architecte en chef du Grand Palais (dont il est aussi le conservateur) et du ministère des Affaires étrangères
1925-1929 : nommé professeur à l’École nationale supérieure des beaux-arts dans l’atelier Lambert ; lui succède et devient chef d’atelier en 1929
1930 : avec Henri Bouchard, crée le monument commémoratif de la victoire de la Marne (1914) à Mondement (la construction du menhir de béton dure huit ans)
1931 : élu, le 28 novembre, membre titulaire de l’Académie des beaux-arts (section d’architecture), au fauteuil d’Henri Deglane, lui-même ancien Prix de Rome
1931-1932 : gagne, avec Henri Bouchard et Paul Landowski, le concours ouvert par la Ville de Paris pour l’aménagement de l’axe de La Défense depuis l’Étoile : le projet, une allée triomphale ponctuée de statues colossales, inclut l’aménagement d’un autel de la Paix au mont Valérien (seule la reconstruction du pont de Neuilly sera effective)
1933-1938 : plusieurs concours et projets, dont ceux de l’emplacement de l’Exposition universelle, du musée d’Art moderne, du mausolée du maréchal Lyautey, l’agrandissement du ministère des Affaires étrangères, le Monument à Aristide Briand, le Monument aux mères françaises
1937 : crée pour la durée de l’Exposition internationale de Paris une porte d’honneur, place de la Concorde, tandis que sa maquette est exposée à Chaillot – sans cesse mise à jour, soit à l’occasion de voyages en Italie, soit à la suite de lectures
1940 : professeur honoraire ; continue à concevoir des projets monumentaux (parlement d’Ankara, mausolée d’Atatürk) et à travailler à sa maquette
8 juin 1942 : mort à son domicile parisien ; ses élèves et exécuteurs testamentaires, Henri Bernard et Paul Grillo, trouvent dans son atelier la matière de deux maquettes
Étude critique
La tenue, dès la fin des années 1980, de plusieurs colloques et l’ouverture en 1996 d’un site Internet consacrés à la maquette de Rome antique conservée à Caen ont ranimé l’intérêt pour une œuvre célèbre entre les deux guerres et tombée dans l’oubli après la mort de son auteur. La toute récente publication d’une étude sur l’Institut d’art de la rue Michelet à Paris, que construisit Paul Marie Arsène Bigot entre 1923 et 1932, a éclairé une autre facette de ses activités dont on aurait tort de croire qu’elle est complètement indépendante de sa passion pour l’architecture et l’urbanisme romains. Prix de Rome 1900, contemporain de Tony Garnier dont il est l’ami, élève de Jules André puis de Victor Laloux, Paul Bigot est un excellent représentant des courants académiques de la fin du XIXe siècle et des contradictions qui les traversent.
Il représente ainsi la tradition pédagogique telle que l’a développée l’École des beaux-arts, fondée sur l’enseignement des Autorités et la pratique très particulière des Envois et du Mémoire justificatif. En ce sens, la maquette de Rome antique – indéfiniment reprise entre 1904 et la mort de l’architecte en 1942 – et les publications qui l’accompagnent sont à leur façon une espèce d’Envoi porté à son comble et destiné à éclipser l’exercice académique initialement consacré au Crque Maxime que Paul Bigot place explicitement à l’origine de l’idée du plan-relief. D’un autre côté, le choix d’une maquette, le parti pris d’une restitution étendue au centre monumental et un commentaire où le récit historique s’associe à une réflexion sur la forme urbaine et ses fonctions rapprochent l’architecte des préoccupations de ses contemporains, Tony Garnier bien sûr, mais aussi Patrice Bonnet, Léon Jaussely, Henri Prost, Ernest Hébrard et toute la génération d’architectes qui dans les années qui précèdent et suivent la Première Guerre mondiale participent à l’aménagement des grandes métropoles européennes. Bien qu’attaché à une pratique et à son enseignement (Paul Bigot est nommé professeur dès 1925, puis chef d’atelier en 1929, à l’École nationale supérieure des beaux-arts, enfin membre de l’Académie dès 1931, avec la charge de choisir à son tour les futurs Prix de Rome et de juger de leurs Envois), l’architecte intéresse l’histoire de l’art sous plusieurs aspects. Le plus évident, celui qui d’ailleurs a fait son succès auprès des historiens de l’Antiquité durant l’entre-deux-guerres, consiste dans le projet encyclopédique que met en œuvre le plan-relief et dans certaines de ses finalités.
Il s’agit, dans la tradition pédagogique de l’École des beaux-arts, de rassembler de façon encyclopédique, mêlant histoire, archéologie et architecture, la totalité du savoir disponible à son époque sur la Rome antique. Ce souci d’approfondissement explique d’ailleurs l’évolution constante du relief et les nombreux exemplaires, complets ou partiels, produits sa vie durant par l’architecte. Il n’en reste à ce jour que deux complets, conservés l’un à l’université de Caen, l’autre à Bruxelles aux musées royaux d’Art et d’Histoire. Un exemplaire fragmentaire en bronze doré est propriété de la Sorbonne. À la différence du relief d’Italo Gismondi, conçu pour la Mostra augustea della Romanità en 1937 et toujours visible au Museo della civiltà romana (http://www.museociviltaromana.it/pe…), l’œuvre de Paul Bigot n’est pas le fruit de mobiles directement idéologiques et politiques qui la placeraient uniquement dans le champ de l’admiration. Si cette dimension n’est évidemment pas absente, on notera toutefois que le relief est inséparable d’un commentaire savant. L’énumération, le parcours et la vision panoptique qui les associe permettent de ne rien oublier. Mais ils impliquent qu’au préalable, l’architecte ait procédé à des « dénombrements entiers ». Pour embrasser la totalité de l’histoire de Rome, l’inventaire se doit d’être le plus étendu possible, avec comme conséquence de condenser, dans l’espace restreint des textes (les plaquettes de 1911, 1913, 1933, puis l’ouvrage de 1942 et celui posthume de 1955), l’information attachée à chacun des monuments cités. Il en résulte une espèce de savoir encyclopédique minimal qui, de la fondation de Rome au IVe siècle ap. J.-C., prend les formes de l’anecdote, de l’évocation mythologique, de la note technique ou historique. Car s’il importe que l’inventaire monumental soit complet, c’est que chaque monument est en puissance le support d’un commentaire infini que restreignent uniquement les nécessités de l’édition ou la culture de l’artiste. Dès lors, le travail de l’architecte consiste à ne rien laisser échapper de cette réalité disparue, non seulement pour en retrouver la grandeur, mais aussi – en la sauvegardant dans la mémoire collective – pour permettre la transmission d’un savoir. À l’Institut d’art, plus encore que dans les expositions de Rome en 1911 et de Paris en 1937, le plan-relief a une fonction pédagogique clairement revendiquée par l’architecte et qui survit jusqu’à la destruction de l’objet en 1968. À Bruxelles, où Henri Lacoste – archéologue ami de Paul Bigot – hérite d’un exemplaire du plan de Rome (actuellement exposé et restauré aux musées royaux d’Art et d’Histoire) la maquette est aussi, dans les années 1950, un instrument d’enseignement de la topographie et de l’urbanisme romains ; c’est longtemps aussi son principal statut à Caen (http://www.unicaen.fr/services/cire…) où elle est installée par le reconstructeur de l’université, Henri Bernard, élève de Paul Bigot.
Toutefois, l’entreprise porte en elle sa propre contradiction : d’abord parce que la science archéologique évolue et oblige l’auteur du relief à « réviser » sans cesse son œuvre, malgré son affirmation, à la fin de sa vie, d’être enfin arrivé à une image vraisemblable : « Je m’excuse de ces réfections ; elles ne sauraient dérouter ceux qui savent que la révélation des choses antiques évolue continuellement et qu’un sujet de ce genre est susceptible de perpétuelles modifications […]. L’image de la ville ne pourra jamais être donnée que par approximation. C’est déjà beaucoup. Il faut se consoler en constatant que la plupart des ensembles sont présentement à peu près connus, tandis qu’il y a une soixantaine d’années toutes choses étaient brouillées […]. Les progrès auront été rapides » (La Rome antique au IVe siècle après J.-C., 1942, p. 7). L’autre écueil vient du fait que l’architecte n’a jamais entièrement fait la part entre l’instrument pédagogique et l’œuvre d’art qui vaut par l’émotion qu’elle dégage et entend faire partager : « Exposé dans un milieu d’art, [le relief] intéressera les peintres et surtout les architectes. À la contemplation du lieu où l’on brûla le corps de César, leur émotion sera d’un autre ordre que celle des historiens ; ils verront en lui-même le décor commémoratif et jugeront de l’idée créatrice. Ils évalueront les proportions de tel arc de triomphe à côté du Colisée, de la vaste ordonnance des thermes, la grandeur aérée du temple de Jupiter au milieu de son majestueux entourage ; ils recevront sans s’en douter tout un ordre d’émotions en se figurant assis sur les gradins du cirque, et sans savoir le pourquoi de tous ces monuments qui jalonnent la Spina, ils jouiront de son implantation monumentale ; ils assisteront au passage des triomphes et dans un cirque rempli de centaines de milliers d’hommes, ils verront par leurs yeux et n’oublieront plus » (La Rome antique au IVe siècle après J.-C., 1942, p. 7). Le plan recrée ainsi la « Rome de nos études », un monde irréel, fait des souvenirs de nos apprentissages, qui remontent à son contact et renouent avec l’imaginaire occidental de la ville. L’impression de maîtrise absolue que l’auteur semble alors déléguer aux spectateurs, et qui tient pour partie à la miniaturisation, donne au relief une dimension onirique : il est peu ou prou une espèce de vision de la grandeur de Rome et l’aboutissement d’une très ancienne méditation sur l’idée de ruines entre le rêve et l’idéologie, une réflexion que l’époque contemporaine, avec d’un côté la Rome de Mussolini et de l’autre des œuvres artistiques comme les ruines imaginaires d’Anne et Patrick Poirier, a contribué à redéfinir et à remettre en valeur de nos jours. En témoignent d’une part l’horizon temporel d’un IVe siècle sans véritable épaisseur historique, mais qui permet d’opposer au sentiment de l’imminence de la chute, l’accumulation des grands monuments, sans avoir à trancher la question complexe de leur évolution, et d’autre part la tentative, décidée dès avant 1914 et en partie réalisée, de transcrire en bronze doré le relief de plâtre. Les raisons invoquées (solidité, durabilité) ne résistent guère à l’analyse et masquent mal des préoccupations artistiques.
Tout à fait utilisable de nos jours pour peu qu’on en connaisse les limites et la genèse, le relief de la Rome antique présente un intérêt à la fois historique et historiographique. Il illustre en particulier une méthode propre aux architectes-pensionnaires – celle du projet d’architecture qui permet à son auteur de combler les lacunes de la trame urbaine : « Il fallait bien, sous peine de présenter un squelette, remplir les vides par la couleur locale […]. On ne saurait imaginer un assemblage de résurrections partielles séparées par des vides faisant penser aux espaces interplanétaires. Il fallait nécessairement ou compléter par la couleur locale, les éléments et rues antiques étant épuisés, les parties généralement acquises qui forment un riche faisceau en dehors des grands monuments plus ou moins connus, ou ne rien faire » (La Rome antique au IVe siècle après J.-C., 1942, p. 11). Tout aussi moderne est la manière dont l’architecte exploite certaines sources privilégiées au premier rang desquelles se placent les restes du plan en marbre de l’Vrbs datant de l’époque des Sévères (IIIe siècle ap. J.-C.) et l’inventaire cartographique des vestiges de Rome connu sous le nom de Forma Vrbis Romae et réalisé par l’archéologue Rodolfo Lanciani au début du XXe siècle. Dans le courant des préoccupations modernes, Paul Bigot raisonne désormais en termes d’ensembles monumentaux et de trame viaire, et partage avec un certain nombre de ses contemporains une vision de l’espace urbain dont certains autres de ses projets portent l’écho. Loin d’être passéiste, l’érudition romaine déployée dans le relief est soutenue par une vision de l’espace urbain en termes de circulations, de développement et d’analyse, en net décalage par rapport à la tradition de l’École des beaux-arts de la fin du XIXe siècle. S’il aime concourir – en particulier à partir des années 1920 – pour des projets de monuments, Paul Bigot n’oublie jamais complètement l’espace où ceux-ci sont destinés à s’insérer. Ainsi, comme le note Fabienne Chevallier (Paul Bigot, architecte romantique, 2005, p. 15), « son modèle n’est pas la ‘‘tabula rasa » corbuséenne, dont le maître a donné un manifeste parisien avec le plan Voisin en 1925 ». C’est dans la lecture par grandes masses que Paul Bigot applique avant tout à la Rome antique, qu’il trouve son inspiration, donnant dans ses textes l’idée d’une organisation urbaine structurée autour des voies, des jardins et des monuments publics : « Rome vue de haut montre un centre où de splendides monuments émergeaient de groupes de maisons, insulae ou domus, entourées d’une zone de verdure coupée par l’enceinte d’Aurélien. Il s’agit de ces immenses jardins remplis de constructions de plaisance et d’œuvres d’art […], qui entourent la ville et dont on ne peut que citer les noms […]. Ces jardins laissent passer tout un réseau d’aqueducs qui viennent de la campagne apporter la fraîcheur et se terminent en de monumentaux châteaux d’eau. […] De haut, on voit de grands monuments. D’abord des temples […]. On voit aussi d’immenses murs qui encadrent les forums, puis tous les édifices de plaisirs […] et ce qui est romain surtout, […] les thermes comparables, dit Ammien Marcellin, à des provinces. Enfin les docks, un peu partout répandus, mais qui ont cependant tout un quartier à eux, nommé l’Emporium […]. » « En réalité », continue Paul Bigot, « la ville ne s’arrête pas à la muraille ; à la zone des grandes propriétés succède une autre zone de grandes et de petites propriétés qui couvrent toute la campagne ; tout un réseau d’aqueducs y déverse en passant le trop-plein de ses eaux ; partout d’élégantes villas ou de véritables palais, tandis que le long des grandes voies s’allongent les faubourgs et la longue file des tombeaux » (Conférence au Salon des artistes français…, 1913, p. 35). L’originalité de la démarche – encore accentuée par le choix d’une perspective aérienne – tient alors moins à une quelconque théorie urbaine formalisée comme telle et dont le relief porterait la démonstration, qu’au souci préalable de ne rien omettre de la complexité du phénomène urbain. Cette richesse descriptive explique, à bien des égards, la fascination qu’a exercée la maquette sur toute une génération d’historiens de l’Antiquité et d’architectes (Léon Homo, Charles Picard, Pierre Lavedan, Georges Gromort, Henri Lacoste…), sensibles à la leçon de l’urbanisme colonial. Sous l’apparente confusion des alluvions historiques, un plan régulateur primitif doit pouvoir émerger et s’interpréter. Henri Lacoste est, de ce point de vue, celui qui est allé le plus loin dans la démonstration en dotant l’édition posthume du recueil de Paul Bigot de calques où figurent les axes viaires, les points cardinaux, l’emprise et le nom de bâtiments publics.
Proche de Léon Jaussely et de Patrice Bonnet dans l’analyse qu’il fait des lieux, Paul Bigot juge de leur esthétique en fonction de leur agencement. Est naturellement beau, l’espace structuré dans lequel le détail de l’arrangement introduit la variété comme c’est le cas pour la Priène antique. Ce sont des idées de cet ordre qu’il développe dans le plan d’aménagement de La Défense en 1931 qui ne sera jamais réalisé. « Dénué d’esprit utopique, le projet de Bigot est moderne. Il redistribue l’espace urbain de l’Ouest parisien. Il prend en compte la congestion automobile, organise entre l’arc de triomphe et le pont de Neuilly une nouvelle place, la place Clemenceau, qui brise la monotonie des tracés haussmanniens, défend l’idée d’un grand chantier sur le pont de Neuilly pour tripler sa largeur, propose des monuments, introduit une perspective paysagère sur l’île de La Défense » (Paul Bigot, architecte romantique, 2005, p. 16). Si utopie il y a, c’est sans doute alors dans le plan-relief qu’il faut la chercher, à travers une vision urbaine qui fait coexister histoire et civilisation, monuments et trames urbaines, éternité et évolution. Quant à l’Institut d’art de la rue Michelet à Paris, l’un des rares bâtiments que Paul Bigot a entièrement réalisé, il représenterait, pour citer Simon Texier, une « uchronie » plutôt qu’une utopie (L’Institut d’art et d’archéologie, 2005, p. 77). Paul Bigot paraît y exprimer, au plus fort de la querelle des anciens et des modernes, une improbable synthèse autour de l’idée même d’héritage antique. Fidèle à son érudition romaine et académique, l’architecte a su ainsi dissocier la structure du bâtiment (en moderne béton) de son parement (en briques) historié. Tandis que sa forme évoque implicitement plusieurs grands monuments sur lesquels on a abondamment glosé (palais des Doges à Venise, municipal à Pérouse, Alhambra…), les bas-reliefs de la façade retracent les différentes étapes de l’histoire de l’art à travers ses principaux chefs-d’œuvre de l’Égypte antique à la Renaissance italienne. L’une comme les autres donnent l’image d’un architecte sans doute meilleur historien de son art que bâtisseur : on a, par le passé, ironisé sur les toits-terrasse de l’Institut, privés d’écoulement.
Manuel Royo, professeur à l’université François Rabelais (Tours), ancien membre de l’École française de Rome
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Notice sur le relief de Rome impériale. Rome : Casa editrice romana, 1911.
- Conférence au Salon des artistes français devant le relief de Rome antique. Paris : Société centrale des architectes, 1913.
- Reconstitution en relief de la Rome antique. Paris : Massin et Cie, 1933 ; rééd., 1937 et Caen : Corlet impr., association des amis du plan de Rome, 1985.
- Rome antique au IVe siècle après J.-C. Paris : Vincent et Fréal, 1942. Éd. posthume remaniée par Henri Lacoste. Paris : Vincent et Fréal, 1955.
Articles
- « Recherche des limites du grand cirque ». Bolletino della Commizione archeologica comunale, 36, 1908, p. 241 sq.
- « Circus Maximus ». Mélanges d’archéologie et d’histoire, 28, 1908, p. 229-231.
- « L’Identification d’un fragment du plan de marbre et la Curie de Pompée ». Mélanges de l’École française de Rome, 28, 1908, p. 225-228.
- « Le Temple de Jupiter Vltor et la Vigna Barberini ». Bolletino della Commizione archeologica comunale, 39, 1911, p. 80-85.
- « Le Relief de Rome antique au IVe siècle ». L’Architecture, n° 47, 1911.
Bibliographie critique sélective
- Denis Maurice. – Funérailles de Paul Bigot. Paris : Institut de France, 1942.
- Lemaresquier Charles. – Notice sur la vie et les travaux de M. Paul Bigot (1870-1942). Paris : Institut de France, 1952.
- Pinon Pierre et Amprimoz François Xavier. – Les Envois de Rome, architecture et archéologie. Rome : collection de l’École française de Rome, n° 110, 1988.
- Monnier Gérard. – L’Architecture en France, une histoire critique 1918-1950. Architecture, culture, modernité. Paris : Picard, 1990.
- Bernard Henri. – « Paul Bigot, mon patron ». In Hinard François et Royo Manuel, dir. – Rome. L’espace urbain et ses représentations. Paris : Presses de la Sorbonne, 1992, p. 165-184.
- Ciancio-Rossetto Paola. – « La Reconstitution de Rome antique, du plan-relief de Bigot à celui de Gismondi ». In Hinard François et Royo Manuel, dir. – Rome. L’espace urbain et ses représentations. Paris : Presses de la Sorbonne, 1992, p. 237-256.
- Ciancio-Rossetto Paola. – « Il Circo Massimo ». In Lenoir Maurice et Pisani-Sartorio Gisella, dir. – Roma antiqua, « Envois » degli architetti francesi (1786- 1901), Grandi edifici pubblici. Rome : edizioni Carte segrete, 1992, p. 228-233.
- Pinon Pierre. – « De la cité antique à la ville industrielle. La naissance de l’urbanisme ». In Hinard François et Royo Manuel, dir. – Rome. L’espace urbain et ses représentations. Paris : Presses de la Sorbonne, 1992, p. 185-199.
- Royo Manuel. – « La Mémoire de l’architecte ». In Hinard François et Royo Manuel, dir. – Rome. L’espace urbain et ses représentations. Paris : Presses de la Sorbonne, 1992, p. 201-222.
- Royo Manuel. – « Le Temps de l’éternité, Paul Bigot et la représentation de Rome antique ». MEFRIM, 104, 2, 1992, p. 585-610.
- Royo Manuel. – « La Pianta monumentale di Roma ». In Lenoir Maurice et Pisani-Sartorio Gisella, dir. – Roma antiqua, « Envois » degli architetti francesi (1786- 1901), Grandi edifici pubblici. Rome : edizioni Carte segrete, 1992, p. 280-286.
- Léclant J., dir. – Le Second Siècle de l’Institut de France, 1895-1995 : recueil biographique et bibliographique des membres, associés étrangers, correspondants français et étrangers des cinq Académies, t. I (A-K). Paris : Institut de France, 1995, p. 131-132.
- Tréfeu Frédéric. – L’Étude du plan de Rome de Paul Bigot et son évolution. Recherches sur le Champ de Mars. Deniaux Élisabeth, dir. – DEA d’histoire, Caen, 1996, 1 vol.
- Pinon Pierre. – « Le Plan-Relief de la Rome antique de Paul Bigot ». Monumental, (maquettes d’architecture), 1998, 21, p. 23-28.
- Tréfeu Frédéric. – « Une maquette en perpétuelle évolution ». Cahiers de la Maison de la recherche en sciences humaines, 1998, 14, p. 79-95.
- Tréfeu Frédéric. – « La Porticus Aemilia et les essais de localisation de Paul Bigot ». In Deniaux Élisabeth, dir. – Rome antique, pouvoir des images, images du pouvoir. Cæn : Presses universitaires de Caen, 2000, p. 105-116.
- Lecocq Françoise. – « À Caen Rome en 3D ». In Lecocq Françoise, dir. – Rome an 2000, ville, maquette et modèle virtuel. Cahiers de la Maison de la recherche en sciences humaines, n° 33, p. 233-242.
- Monnier Gérard. – « Les Architectes pensionnaires du gouvernement à l’Académie de France à Rome (1900-1914) ». In Chevrolet Claire, Guillemain Jean et al., dir. – L’Académie de France à Rome aux XIXe et XXe siècles. Paris : Somogy, 2003, p. 65-78 (« Histoire de l’art de l’Académie de France à Rome »).
- Chevallier Fabienne. – « Paul Bigot, architecte romantique ». In Texier Simon, dir. – L’Institut d’art et d’archéologie, Paris, 1932. Paris : Picard, 2005, p. 12-22.
- Chevallier Fabienne. – « Chronologie ». In Texier Simon, dir. – L’Institut d’art et d’archéologie, Paris, 1932. Paris : Picard, 2005, p. 23-27.
- Juteau Mary. – « La Frise de l’Institut : art ou d’archéologie ? ». In Texier Simon, dir. – L’Institut d’art et d’archéologie, Paris, 1932. Paris : Picard, 2005, p. 78-87.
- Pinon Pierre. – « Bigot pensionnaire à Rome, ou le vainqueur du grand cirque ». In Texier Simon, dir. – L’Institut d’art et d’archéologie, Paris, 1932. Paris : Picard, 2005, p. 28-36.
- Royo Manuel. – « Paul Bigot et la Maquette de Rome antique ». In Texier Simon, dir. – L’Institut d’art et d’archéologie, Paris, 1932. Paris : Picard, 2005, p. 37-43.
- Texier Simon. – « L’Institut d’art et d’archéologie, antithèse d’une nouvelle modernité française ». In Texier Simon, dir. – L’Institut d’art et d’archéologie, Paris, 1932. Paris : Picard, 2005, p. 46-77.
- Royo Manuel. – Rome et l’Architecte, conception et esthétique du plan-relief de Paul Bigot. Caen : Presses universitaires de Caen, 2006.
Sources identifiées
Caen, université de Caen, Maison de la recherche en sciences humaines
- Photographies de la maquette et documents de travail de Bigot relatifs à son élaboration (photographies de fragments du plan de marbre sévérien de Rome ; planches annotées de la Forma Urbis de l’archéologue Rodolfo Lanciani) ; (http://www.unicaen.fr/recherche/mrs…)
Orbec-en-Auge, Musée municipal
- Photographies de la maquette et dessins de certains des projets de Paul Bigot, figurant aussi dans le fonds de l’Institut français d’architecture
Paris, Archives nationales
- Série F : F17 17268 : demandes de subsides, 1906 ; 1908 ; ordres de mission en Italie en 1934 et rapports (http://www.archivesnationales.cultu…)
Paris, École nationale des beaux-arts
- Envoi du Cirque Maxime daté de 1905 (5 dessins) (inv. 33975)
Paris, Institut de France
- Archives de l’Académie des beaux-arts : comptes rendus des séances sur les Prix de Rome (registres 1H9 et 1H12)
- Échanges de correspondance (5E67 et 69)
- Rapport sur l’Envoi du cirque Maxime (5E72)
- Procès-verbaux de l’Académie des beaux-arts (2E20, 21, 22) (1902-1907)
- Archives de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, fondation Piot 2J1 (mémoire sur les fouilles du Cirque Maxime ; demandes de subsides)
Paris, Institut français d’architecture
- Fonds Bigot, 268/AA/ : plus de 800 documents contenant des pièces personnelles, des travaux d’études de l’atelier Laloux, des épreuves de concours, des Envois de Rome, des dossiers sur la maquette de Rome, ses principales réalisations et projets jusqu’à sa mort ; correspondance avec certains de ses élèves (Henri Bernard, Paul Grillo), documents relatifs aux publications et copie du testament. Voir Archives d’architectes : état des fonds, XIXe-XXe siècle. Paris : direction des Archives de France, 1996, p. 155 (http://archiwebture.citechaillot.fr/awt/).
Paris, Maison Christofle
- Correspondance relative à la fonte en bronze d’une partie de la maquette de Rome antique de 1923 à 1932
Rome, Villa Médicis et École française de Rome
- Archives de l’Académie de France à Rome, correspondance des directeurs, rapports sur les Envois, 1902-1904 et activité de Bigot (1906) : cartons 135-136 et 168
- Cahier de caricatures montrant Paul Bigot et Tony Garnier
- Correspondance entre le ministère de l’Enseignement supérieur et Mgr Duchesne, directeur de l’École française de Rome, à propos des demandes de subvention formées par Paul Bigot (1906)
Rome, Villa Médicis et École française de Rome
- Archives de l’Académie de France à Rome, correspondance des directeurs, rapports sur les Envois, 1902-1904 et activité de Bigot (1906) : cartons 135-136 et 168
- Cahier de caricatures montrant Paul Bigot et Tony Garnier
- Correspondance entre le ministère de l’Enseignement supérieur et Mgr Duchesne, directeur de l’École française de Rome, à propos des demandes de subvention formées par Paul Bigot (1906)
Roubaix, musée Bouchard
- Correspondance et photographies relatives aux différents projets et réalisations où fut associé le sculpteur Henri Bouchard (monuments aux morts de Saint-Quentin, de Caen ; mémorial de la victoire de la Marne ; monument à Aristide Briand, à Albert Ier ; monument des mères françaises ; projet d’aménagement de La Défense) ; souvenirs d’Henri Bouchard sur Paul Bigot (http://www.bouchard-sculpteur.com/)
En complément : Voir la notice dans AGORHA