Alexandre Cabanel, Alfred Armand, 1883, Paris, musée d'Orsay, © RMN / Hervé Lewandowski. Huile sur toile, 175 x 127 cm.

Auteur(s) de la notice : ZIRMI Tiphaine

Profession ou activité principale

Architecte

Autres activités
Collectionneur, numismate (médailliste)

Sujets d’étude
Médailles italiennes des XVe-XVIe siècles

Carrière
1835/1836-1853 (?) : architecte de la Compagnie de Saint-Germain
1844-1845 : architecte d’État sur la ligne du Nord
Automne 1845-1852 : architecte en chef de la Compagnie du Nord
1852-vers 1857 : appartient à la commission de surveillance du nouveau Louvre
1854-1863 : architecte de la Compagnie immobilière
1859-1862 : architecte des Pereire (hôtel particulier de la rue du Faubourg Saint-Honoré, château d’Armainvilliers et ferme Pereire)
1869-1888 : membre fondateur de la Société des graveurs français
1855 : membre honoraire et correspondant de l’Institut royal des architectes britanniques
14 août 1862 : officier de la Légion d’honneur
1883 : prix Bordin de l’Académie des beaux-arts

Étude critique

Le portrait d’Alfred Armand peint en 1883 par son ami Alexandre Cabanel résume les différentes facettes de sa personnalité ; l’architecte y est entouré des plans et instruments de sa profession mais aussi de médailles de la Renaissance italienne, de statuettes de Tanagra, de livres et d’estampes. C’est au terme d’un long parcours qu’Alfred Armand s’est consacré à l’histoire de l’art. Après une scolarité médiocre à l’École des beaux-arts et quelques années obscures, il est engagé par Émile Pereire comme architecte de la ligne ferroviaire de Paris à Saint-Germain. À partir de cette date, il entre dans le cercle des Pereire et travaille de 1836 à 1863 dans des compagnies qu’ils ont fondées, Compagnie des chemins de fer de Paris à Saint-Germain puis Compagnie des chemins de fer du Nord et enfin Compagnie immobilière. Après avoir construit de nombreuses gares d’importance diverse, Armand se partage entre la construction de maisons de rapport et d’hôtels particuliers. Il se voit bientôt confier les vastes chantiers des premiers grands hôtels de voyageurs de Paris : l’hôtel du Louvre et le Grand Hôtel. En parallèle, il travaille pour la famille Pereire, rénove leur hôtel parisien et construit leur château à Armainvilliers. Il termine en 1863 son chef-d’œuvre, le Grand Hôtel, lorsqu’il décide de prendre sa retraite pour jouir de la fortune acquise par son travail. Après avoir, selon Georges Duplessis, « consacr[é] ses rares loisirs à s’occuper de l’histoire de l’art, qu’il avait aimée toute sa vie, mais qu’il n’avait pu étudier qu’à bâtons rompus », Armand voue les vingt-cinq années qui suivent aux voyages, à la constitution de ses diverses collections et à la rédaction d’un ouvrage de référence sur les médailleurs italiens.

La vie professionnelle d’Armand et son amitié avec le graveur Louis Pierre Henriquel-Dupont l’ont amené à fréquenter un large cercle de peintres (Alexandre Cabanel, Jean Auguste Dominique Ingres, William Adolphe Bouguereau), de sculpteurs (Pierre Jules Cavelier, Aimé Millet, Jean-Baptiste, Jules Klagmann), de graveurs en médailles (Jacques Édouard Gatteaux, Jules Clément Chaplain) et de collectionneurs et amateurs d’art. Charles Philippe de Chennevières-Pointel désigne Armand comme l’un des amis les plus intimes d’Aimé Charles His de la Salle, dans le salon duquel il fréquente entre autres amateurs Léon Both de Tauzia, Athanase Louis Clément de Ris, Eugène Müntz, Gustave Dreyfus, Frédéric Reiset et Prosper Valton. C’est His de la Salle qui initie Armand à l’achat d’œuvres d’art. La collection de dessins conservée aujourd’hui sous le nom de « collection Armand-Valton » à l’École nationale supérieure des beaux-arts a été étudiée par Emmanuelle Brugerolles qui date sa constitution des années 1865-1876 ; la prédilection d’Armand pour l’école italienne de la Renaissance y est sensible. Après 1876, Armand se détourne des dessins pour consacrer son temps et son argent à ce qui est son unique œuvre publiée : Les Médailleurs italiens des XVe et XVIe siècles. Sa réputation dans le milieu des numismates est fondée sur cet ouvrage, qui fait encore autorité, et sur les collections qu’il a constituées pour le rédiger.

Armand rassemble, en quelques années, originaux et moulages de médailles de la Renaissance italienne mais également dessins, gravures et photographies d’œuvres d’art et d’architecture susceptibles d’étayer son analyse. Cette documentation graphique sur l’art italien de la Renaissance, ouverte à tous les amateurs, constitue le cœur de la collection léguée au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale (92 tomes sur les 213 de cette histoire universelle de l’art). En ce qui concerne les médailles, Armand réalise ses moulages en plâtre, collecte les galvanoplasties, tire parti des collections de ses connaissances parisiennes (Eugène Piot, His de la Salle, Valton, Gustave Dreyfus) et correspond avec de nombreux numismates européens (Luigi Frati, Gaetano Milanesi, Gerolamo d’Adda Salvaterra, Édouard Julius Théodore Friedländer). La collection de médailles d’Alfred Armand est une collection de travail « où la quantité prime sur la qualité », selon Michel Pastoureau. Passée dans les mains de son ami et collaborateur Prosper Valton, elle est actuellement conservée au département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France.

L’entreprise d’Armand s’inscrit dans un mouvement de redécouverte, en dehors de l’Italie, de ce pan de la vie artistique italienne des XVe et XVIe siècles. La première édition des Médailleurs italiens voit le jour en 1879. Julius Friedländer fait paraître à Berlin en 1880-1882 Les Médailles italiennes du XVe siècle (1430-1530) [Die Italianischen Schaumünzen des fünfzehnten Jahrhunderts (1430-1530)], Aloïs Heiss publie entre 1881 et 1892 les neuf fascicules des Médailleurs de la Renaissance. Jusqu’à cette époque, l’amateur de médailles de la Renaissance italienne se référait à des catalogues de médailliers, des monographies d’artistes, des études aux limites chronologiques larges (Friedrich Bolzenthal) et quelques publications richement illustrées (citons le Trésor de numismatique et de glyptique publié de 1831 à 1850 et pour lequel Henriquel-Dupont a supervisé la gravure). L’ouvrage d’Armand se signale par le nombre élevé de pièces décrites (750 médailles pour 116 artistes) et par le parti pris de mettre en avant l’artiste et le classement des médailles plutôt que la biographie des personnages représentés. Cette première édition est la publication des notes personnelles d’Armand qui avance de nombreuses identifications à partir d’analogies stylistiques et de sources d’archives ; dans la préface, l’auteur souligne le caractère incomplet de son travail.

C’est la seconde édition des Médailleurs italiens, datée de 1883, pour laquelle il obtient le prix Bordin de l’Académie des beaux-arts, qui fait autorité sur le sujet. Armand déclare ouvertement vouloir offrir au lecteur un « manuel pratique » tendant à l’exhaustivité, au contraire des autres auteurs. Il s’agit en effet du premier ouvrage à faciliter les recherches en multipliant les tables, à prendre en compte les médailles anonymes et à proposer un véritable corpus (1 300 médailles attribuées à 178 médailleurs différents dans le premier tome et 1 300 médailles anonymes dans le deuxième). Les artistes sont classés chronologiquement en se fondant uniquement sur leur activité de médailleur, les pièces étant classées alphabétiquement et non chronologiquement comme le fait Friedländer. En revanche, le classement des anonymes suit l’ordre chronologique des personnages représentés en commençant par Jésus-Christ. Malheureusement, ce corpus ne comprend aucune illustration, Armand se limitant à signaler les références des reproductions des médailles qu’il décrit. Avec la collaboration de Prosper Valton, le volume de Suppléments sort en 1887, au grand soulagement d’Armand, affaibli par la maladie qui devait l’emporter en 1888. La nomenclature mise au point par lui sert, dès 1879, à l’établissement par Both de Tauzia du catalogue des médailles léguées par His de la Salle au Louvre, et elle reste utilisée de nos jours. Le titre d’un article de George Francis Hill, « Not in Armand », révèle suffisamment ce statut d’ouvrage de référence.

Tiphaine Zirmi, archiviste-paléographe, conservateur des bibliothèques

Principales publications

Ouvrages

  • Armand Alfred. – Les Médailleurs italiens des XVe et XVIe siècles. Paris : Plon, 1879.
  • Armand Alfred. – Les Médailleurs italiens des XVe et XVIe siècles. 2e éd. revue, corrigée et considérablement augm. Paris : Plon, 1883, 2 vol. ; Suppléments à Les Médailleurs italiens des XVe et XVIe siècles, 1887.

Bibliographie critique sélective

  • Bréban Philibert. – Livret guide du visiteur à l’Exposition historique du Trocadéro. Paris : E. Dentu, 1878.
  • Fillon Benjamin. – « Compte rendu du livre de M. A. Armand sur les médailleurs italiens des XVe et XVIe siècles ». Gazette des Beaux-Arts, avril 1879.
  • La Tour Henri (de). – « Bulletin bibliographique : […] Les Médailleurs italiens ». Revue numismatique, 1883, p. 85.
  • Chennevières-Pointel Charles-Philippe (marquis de). – Souvenirs d’un directeur des Beaux-Arts. Préf. de J. Foucart et L.-A. Prat. Paris : Arthena, cop. 1979 [paru en feuilleton dans L’Artiste,1883-1889].
  • Maze-Sencier Alphonse. – Le Livre des collectionneurs. Paris : Renouard, 1885.
  • Duplessis George. – Notice sur M. Alfred Armand, architecte. Paris : Plon, 1888.
  • Valton Prosper. – « Nécrologie d’Alfred Armand ». Revue numismatique, 1888, p. 476-479.
  • Courboin François. – Inventaire des dessins, photographies et gravures relatifs à l’histoire générale de l’art légués au département des estampes de la Bibliothèque nationale par M. Armand. Lille : L. Danel, 1895, 2 vol.
  • Bouchot Henri. – Le Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale : guide du visiteur, catalogue général et raisonné des collections qui y sont conservées. Paris : E. Dentu, 1895, 3 vol.
  • Hill George Francis. – « Not in Armand ». Archiv für Medaillen- und Plaketten-Kunde, 1920-1921, p. 10-28, 45-54.
  • Pastoureau Michel. – « La Naissance de la médaille : le problème emblématique ». Revue numismatique, 1982, p. 206-221.
  • Brugerolles Emmanuelle. – Les Dessins de la collection Armand-Valton : la donation d’un grand collectionneur du XIXe siècle à l’École des beaux-arts : inventaire général. Paris : École nationale supérieure des beaux-arts, 1984.
  • Beaumont-Maillet Laure. – « Les Collectionneurs au Cabinet des estampes ». Nouvelles de l’Estampe, décembre 1993, n° 132, p. 5-27.
  • Zirmi Tiphaine. – Alfred Armand (1805-1888), un architecte collectionneur. Sous la dir. de Jean-Michel Leniaud, thèse d’archiviste paléographe, École des chartes, 2003, 2 vol.

Sources identifiées

Bologne, Biblioteca dell’archiginnasio

  • Correspondance entre Alfred Armand et Luigi Frati (Cartone IX, n° 1-124)

Paris, archives des Musées nationaux

  • Dossier du legs Armand au Louvre (A8 31/07/1888)

Paris, Archives de Paris

  • Acte de naissance d’Alfred Armand (5 Mi 1/133)
  • Acte de mariage d’Alfred Armand et de Marie-Jeanne Avignon (5 Mi 1/ 214)
  • Acte de décès d’Alfred Armand (5 Mi 3/ 1076)
  • Succession d’Alfred Armand, registre des droits de succession, 2e bureau des successions (DQ7/ 11109 acte n° 588)
  • Succession d’Alfred Armand, registre des droits de succession, 2e bureau des successions (DQ7/ 11112 acte n° 1216)

Paris, Archives nationales

  • Dossier relatif à la publication du catalogue de la collection de documents sur l’histoire de l’art léguée par Alfred Armand (F17 3475)
  • Dossier relatif aux dons d’Alfred Armand à l’École des beaux-arts (AJ52 447, 1)
  • Dossier sur la « fondation Armand » au profit des élèves de l’École des beaux-arts (AJ52 507)
  • Testament d’Alfred Armand (MC/ET/XCII/1492)

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie

  • Archives du département des Estampes et de la photographie relatives au legs Armand (Ye-1-Réserve arch. 1881-1897, pièces 1309-1318)
  • Registre ms des dons (Ye-88a-Réserve)
  • Collection Alfred Armand de documents sur l’histoire de l’art (Ad-34 a-Fol)

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits

  • Papiers de Müntz, lettres et billets d’Armand à Müntz, 29/6/78-postérieur au 4/10/87 (N.a.fr. 11278, fol. 265-313)

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, médailles et antiques

  • Dossier relatif au legs de la collection de monnaies et médailles Armand-Valton
  • Collection d’objets d’art léguée par Valton en 1907, copie de lettres du notaire et inventaire sommaire (Ms 88. registre H, p. 169-178)
  • Inventaire sommaire de la collection Armand-Valton, léguée au Cabinet des médailles en 1907 (Ms 103)

Paris, École nationale supérieure des beaux-arts

  • Collection des dessins Armand-Valton

Paris, musée d’Orsay

  • Inv. RF 568. Alexandre Cabanel, Alfred Armand (1805-1888), architecte et collectionneur, 1883

En complément : Voir la notice dans AGORHA