La notion de description est fondamentale dans tous les processus éducatifs d’enseignement et d’apprentissage. Il ne s’agit pas moins que de saisir les objets du monde qui nous entoure en orientant et structurant son regard pour y faire correspondre les mots justes.

« Parmi tous les outils d’investigation propres à l’histoire de l’art, la description est sans doute l’un des plus spécifiques, celui qui fonde en partie la légitimité même de la discipline. Ni la philosophie de l’art, ni l’esthétique n’accordent à la description la fonction d’une véritable introduction à une meilleure visibilité de l’œuvre d’art singulière, comme le fait l’histoire de l’art. Le regard n’est pas, on le sait, une donnée première : la description n’est pas le résultat de l’exercice du regard, mais c’est tout au contraire en faisant l’effort de description que l’on finit par bien voir. En mobilisant conjointement les facultés visuelles et la capacité de trouver un équivalent linguistique à des formes plastiques, nous transformons l’œuvre d’art en objet de connaissance. […]

 

Dans l’antiquité, nous connaissons au moins deux descriptions célèbres qui relèvent d’un genre littéraire appelé ekphrasis. Il s’agit de l’évocation dans les textes homériques du fameux Bouclier d’Achille et de la non moins célèbre Galerie de tableaux de Philostrate. L’auteur décrit les motifs et les figures qui ornent un objet ou une œuvre d’art mais introduit dans la description l’effet que l’objet produit sur le spectateur. […]

 

Le statut de la description s’est considérablement modifié à partir du moment où une société donnée a pris conscience de l’enjeu patrimonial. C’est en s’intéressant aux œuvres d’art comme témoins d’un passé national ou même régional, comme supports de mémoire, que s’est manifesté un double souci : celui de nommer et celui de conserver. Le musée fournit alors un cadre à ces deux opérations : d’une part recueillir, inventorier, classer, d’autre part conserver et exposer. […]

 

Au cours du XVIIIe siècle déjà, le langage descriptif va se stabiliser : non seulement, la grande entreprise de l’Encyclopédie lui en fournit les moyens, mais aussi l’activité des critiques comme Diderot ou des antiquaires comme le comte de Caylus. […] Depuis les années 1970, l’Inventaire des Richesses et Monuments artistiques de la France a mis au point un certain nombre de glossaires spécialisés qui ont d’une façon décisive contribué à renforcer le caractère objectif de la description. […]

 

Une bonne description constitue un enjeu considérable. Par sa double fonction sémantique et critique, elle est l’instance à partir de laquelle une véritable intelligibilité de l’œuvre est rendue possible. »

 

Roland Recht

Éclairage

La description vise à l’organisation du discours, à sa structuration, elle diffère selon son objet, mais tend toujours à ne pas être simplement un reflet, un écho de l’œuvre analysée, ce qui implique un raisonnement et induit une prise de position. Ainsi, selon l’époque, la tapisserie de Bayeux a pu être un support promotionnel des proches de son commanditaire (Odon de Conteville), être revendiquée alternativement par les Anglais ou les Normands ou encore être mise en avant par Napoléon en la faisant venir au Louvre à des fins de propagande lorsqu’il projeta d’envahir l’Angleterre… À chacune de ces occasions, la description a pu être biaisée, néanmoins, la trame historique des combats représentés est connue (conquête de l’Angleterre par Guillaume, duc de Normandie) et descriptible précisément jusqu’à des détails tels que la figuration de la comète de Halley (apparue bel et bien en 1066) ainsi que moult renseignements sur les outils, armes, tenues, bateaux et pratiques guerrières qui en font un terrain d’exploration d’une richesse quasi-infinie pour la description.

Ressource :  « Sur les pas de Beyoncé et de Jay-Z. Les oeuvres phares du clip Apeshit »

Ouvertures

On trouvera en ligne sur le site de la BnF l’intégralité du texte homérique décrivant le Bouclier d’Achille mentionné par Roland Recht ainsi que la description d’autres boucliers (ceux d’Énée et d’Hercule). D’autres pistes sont possibles, des boucliers ayant été confectionnés à toutes les époques dans toutes les parties du monde. Retenons par exemple le Bouclier en écorce australien conservé au British Museum ramassé par le Capitaine Cook sur le rivage de Botany Bay le dimanche 29 avril 1770 après une altercation avec deux aborigènes australiens.

 

Du bouclier arverne des aventures d’Astérix (Pilote/1967, Album éponyme en 1968) au bouclier de Brennus, récompense ultime décernée à l’équipe victorieuse du championnat de France de rugby, en passant par les multiples représentations de Méduse sur des boucliers jusqu’au logo de la maison de couture Versace (visible sur des vêtements portés par la chanteuse Beyoncé, dont un de ceux portés dans le fameux clip The Carters – Apeshit (2019) tourné au musée du Louvre) de nombreux canevas peuvent être tissés entre les disciplines afin de décrire cet objet dans de multiples contextes.

Ressource :  MiniDoc « Le Bouclier d’Achille » dans le dossier « Homère sur les pas d’Ulysse » (bnf.fr)

Pistes pédagogiques

1. Associer reproductions d’œuvres appartenant à la culture antique et cartels correspondants. Décrire la diversité des techniques mises en œuvre, identifier la nature des sujets à partir d’un choix d’œuvres conservées dans des institutions muséales de proximité. L’objectif reste d’ordre méthodologique et relève de la compréhension de l’œuvre d’art par la description.

La ressource : le répertoire officiel des musées de France Muséofile

 

2. Rédiger un texte d’invention sur le mode épistolaire autour de la découverte d’un bouclier lors d’un des premiers chantiers de fouilles en Italie ou en Grèce au siècle des Lumières. Le récit se concentre sur la description de l’objet découvert, il le donne à voir, autant par sa grandeur que par ses mesures, par les matériaux et techniques employés, le sujet représenté. L’état de l’objet peut donner lieu à la rédaction d’une fiction qui n’exclue pas l’expression d’une émotion, la joie de la découverte et le jugement critique quant à sa valeur.

La ressource :« Un chantier de fouilles au siècle des Lumières

 

3. Restituer à l’oral en anglais la description d’un objet appartenant à la culture aborigène.

La ressource : un lexique de la culture aborigène (page 48)

 

4. Décrire la reproduction d’un bouclier en le confrontant aux récits homériques, Thétis chez Vulcain par exemple. L’élève saisit la dimension matérielle de l’œuvre en confrontant deux types de langage

Les ressources :
« Une image, une histoire Thétis chez Vulcain » 
L’intégralité du texte homérique décrivant le Bouclier d’Achille (Iliade, XVIII, 478-617)

Références au programme du cycle 4

Histoire des arts
Thématique 1 Arts et société à l’époque antique et au haut Moyen Âge
Les mythes fondateurs et leur illustration
Arts plastiques
Questionnements : La représentation ; images, réalité et fiction
La narration visuelle
Histoire
Thème 2 : Société, Église et pouvoir politique dans l’Occident féodal (XIe-XVe siècles)
L’affirmation de l’État monarchique dans le royaume des Capétiens et des Valois
Niveau : classe de 5e
Anglais
Connaissances culturelles et linguistiques
Rencontres avec d’autres cultures : Repères historiques et géographiques : Patrimoine historique, naturel et architectural

Compétences en histoire des arts
Décrire une œuvre d’art en employant un lexique simple adapté
Attendus de fin cycle en histoire des arts
Se rappeler et nommer quelques œuvres majeures, que l’élève sait rattacher à une époque et une aire de production et dont il dégage les éléments constitutifs en termes de matériau, de forme, de sens et de fonction
Connaissances et compétences associées en histoire des arts
Utiliser un lexique simple mais adapté au domaine artistique concerné, à sa forme et à son matériau, pour aboutir à la description d’une œuvre dans sa globalité.

Domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture
Domaine 5 Les représentations du monde et l’activité humaine

Les liens vers les œuvres citées