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Archives d’archéologues à la bibliothèque de l’INHA
Mis à jour le 25 avril 2018
Les trésors de l'INHA
Auteur : Isabelle Périchaud
En 1912, Jacques Doucet, soucieux d’enrichir sa documentation dans le domaine de l’archéologie, acquiert la bibliothèque gallo-romaine d’Émile Espérandieu. Parmi les imprimés se trouvent des notes scientifiques émanant de plusieurs savants, dont Espérandieu lui-même : les premières archives d’archéologues viennent d’entrer à la bibliothèque. D’autres ensembles vont suivre, généralement donnés par des personnalités liées au projet initié par Doucet : des conseillers de la première heure puis, lorsque la bibliothèque est rattachée à l’Université de Paris en 1918, des professeurs de l’Institut d’Art et Archéologie et enfin, tout récemment, des chercheurs de l’Institut national d’histoire de l’art. Au fil du temps s’y ajoutent des papiers de conservateurs de musée, d’érudits, ayant utilisé la bibliothèque. Les achats sont rares ; pour les donateurs, c’est l’affirmation d’appartenir à une communauté de savants, la certitude de voir leurs travaux connus et peut-être réutilisés par d’autres générations de fouilleurs.
Aujourd’hui, la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art conserve 24 fonds d’archives d’archéologues, témoignant de plus d’un siècle de pratique de la discipline.
Soigneusement classés dans des cartons entreposés dans les sous-sols de la bibliothèque, ces ensembles attestent pour certains de toute une vie de recherche, tels les papiers des membres de la famille Poinssot, de Paul-Marie Duval ou encore de Léon Pressouyre. Le plus souvent cependant les fonds sont partiels, à l’exemple de celui de Salomon Reinach, constitué uniquement de son impressionnante photothèque personnelle. Parfois, les archives complémentaires ou principales se trouvent dans d’autres institutions. Le petit fonds Louis Robert illustre de manière amusante cet état de fait : acquis dans une vente aux enchères en 2006, il avait échappé quelques années auparavant au transfert global des archives vers l’Institut de France, vraisemblablement oublié dans un coin de l’appartement du savant au moment du déménagement ! D’autres fois, les compléments se trouvent à la bibliothèque même, classés dans des collections patrimoniales voisines, car il a longtemps été d’usage de ventiler les pièces d’un même fonds par type de documents. Vraisemblablement données au début du XXe siècle, les archives de Claudius Tarral se trouvent ainsi pour partie dans la collection de manuscrits, tandis que les plaques photographiques du fonds Pierre Gusman, léguées à la bibliothèque en 1942 avec quantité d’autres documents, ont été intégrées dans les collections de photographies.
L’ouverture d’un carton d’archives est toujours un moment exaltant : que va-t-on découvrir qui aura peut-être échappé à la vigilance des autres explorateurs du fonds ? Les archives d’archéologues ont ceci de particulier qu’elles conservent non seulement la mémoire des hommes mais aussi la mémoire des lieux qu’ils ont étudiés. Or la fouille détruit, il faut donc tout consigner, tout fixer. Carnets où sont notées les découvertes au jour le jour, relevés, photographies de sites et d’objets, dessins, estampages constituent ainsi l’essentiel des papiers d’un archéologue. Largement présents dans les ensembles conservés à la bibliothèque, ces documents y côtoient généralement des témoignages issus d‘une activité plus classique de chercheur tels que des dossiers relatifs à des publications, des notes de travail et de cours, de la correspondance scientifique. Mais ce n’est pas tout. D’autres pièces peuvent se glisser dans les cartons. Lorsqu’on a affaire à un fonds complet, on a parfois la surprise d’y trouver des documents personnels qui rendent plus proche encore la personne concernée. Et surtout, il n’est pas rare de trouver parmi les papiers d’un archéologue ceux d’un confrère ou d’un maître, légués ou tout simplement empruntés puis oubliés, attestant d’un souhait de partage et de transmission des données de fouilles. Ce sont ainsi, entre autres, les noms d’Emmanuel-Guillaume Rey, Paul Gauckler ou encore Alfred Merlin, qu’il faut ajouter à la liste initiale de nos vingt-quatre savants.
À cette forte diversité de documents répond un périmètre disciplinaire plus resserré, garant de la cohérence de la collection. Bref tour d’horizon des fonds, répartis entre archéologie classique et archéologie médiévale.
Archéologie classique
La Grèce ancienne n’est représentée que par quelques ensembles partiels ; mais ces derniers proviennent d’éminents spécialistes (Maxime Collignon, Maurice Holleaux, Louis Robert, Charles Picard) dont les papiers restent des sources précieuses pour la discipline.
L’antiquité romaine se taille la meilleure part. Pompéi est en bonne place grâce aux archives de Pierre Gusman, riches en magnifiques dessins du site puisque ce sont également les œuvres d’un artiste. Si la documentation de Christian Landes sur les spectacles antiques couvre l’ensemble du monde romain, les autres fonds s’articulent autour de deux de ses variantes régionales majeures : le monde gallo-romain et l’Afrique du Nord.
L’archéologie gallo-romaine est tout d’abord documentée par des témoignages d’épigraphistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe (Auguste Allmer, Robert Mowat, Emile Espérandieu), alors que l’épigraphie devient une discipline scientifique servie par les techniques de la photographie et de l’estampage. Plus près de nous, les papiers de Robert Sénéchal autour des fouilles du site d’Alésia, mais surtout le fonds complet de Paul-Marie Duval sur la Gaule celtique et Paris antique, fournissent des sources indispensables à la connaissance de cette période.
L’Afrique du Nord est particulièrement bien représentée, notamment la Tunisie, par les archives de la famille Poinssot qui couvrent plus d’un siècle de fouilles dans ce pays. L’expédition en 1882-1883 du premier membre de cette dynastie d’archéologues, Julien, fut patronnée par le diplomate Charles-Joseph Tissot dont le fonds recèle de très belles aquarelles. Les ensembles de Noël Duval et Pierre Salama, arrivés plus récemment, complètent cette documentation autour du Maghreb dans l’Antiquité.
Archéologie médiévale
La période médiévale débute avec Byzance et les papiers de Charles Diehl, qui occupa la chaire d’histoire byzantine de la Sorbonne durant plus de trente ans. Elle se poursuit en Syrie où elle est documentée d’une manière originale par les archives de Paul Deschamps, pionnier de la prospection aérienne appliquée à l’archéologie. Le fonds présent à la bibliothèque, qui conserve près d’un millier de photographies aériennes de sites et châteaux croisés en Terre sainte, est un jalon fondamental de cette exploration archéologique d’un nouveau genre.
Les archives d’Elie Lambert et de Francis Salet offrent un abondant matériel iconographique, essentiellement français, composé de photographies pour l’un, de cartes postales pour l’autre.
Quant au fonds Léon Pressouyre, il contient notamment plusieurs dossiers sur les fouilles menées dans les années 1960-1970 au cloître de Notre-Dame-en-Vaux à Châlons-en-Champagne. Cette série est particulièrement intéressante car elle témoigne d’une période de renouveau de l’archéologie médiévale française et documente un type de fouilles dites « de récupération », peu pratiqué par ailleurs, consistant à prélever sur des bâtiments construits ultérieurement des matériaux provenant du monument étudié.
Plusieurs de ces fonds renferment des données inédites qui accroissent leur valeur scientifique. Mais il y a plus : méthodes de fouilles ou d’enregistrement des données, enseignement de la discipline, filiations intellectuelles, transparaissent dans les dossiers, conférant également aux archives conservées à la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art une valeur de source pour l’histoire de l’archéologie.
Liste des fonds d’archives d’archéologues conservés à la bibliothèque de l’INHA à ce jour :
- Allmer, Auguste (1815-1899) : Archives 53
- Collignon, Maxime (1849-1917) : Archives 57
- Deschamps, Paul (1888-1974) : Archives 1. Contient les papiers d’Emmanuel-Guillaume Rey et Jean-Baptiste Guillemot.
- Diehl, Charles (1859-1944) : Archives 60
- Duval, Noël (né en 1929) : Archives 127. Contient les papiers d’Alexandre Lézine.
- Duval, Paul-Marie (1912-1997) : Archives 76
- Espérandieu, Emile (1857-1939) : Archives 6. Contient les papiers de Gaston-Ovide de la Noë et Charles-Edouard Lambert mais aussi des papiers de Mowat et Allmer.
- Gusman, Pierre (1862-1941) : Archives 37
- Holleaux, Maurice (1861-1932) : Archives 91
- Joubin, André (1868-1944) : Archives 10
- Lambert, Elie (1888-1961). Archives 104
- Landes, Christian (né en 1954) : Archives 126
- Mowat, Robert (1823-1912) : Archives 7
- Picard, Charles (1883-1965) : Archives 30
- Poinssot, Julien (1844-1899), Louis (1879-1967), Claude (1928-2002) : Archives 106. Contient les papiers de Paul Gauckler, Alfred Merlin et Bernard Roy.
- Pressouyre, Léon (1935-2009) : Archives 144. Contient les papiers de Sylvia Pressouyre.
- Reinach, Salomon (1858-1932) : Archives 41
- Robert, Louis (1904-1985) : Archives 96
- Roux, Hervé de (né en 1948) : Archives 88
- Salama, Pierre (1917-2009) : Archives 128
- Salet, Francis (1909-2000) : Archives 108
- Sénéchal, Robert (actif 1960-1985) : Archives 15
- Tarral, Claudius (1810-1886) : Archives 46
- Tissot, Charles-Joseph (1828-1884) : Archives 8
Les fonds d’archives d’archéologues sont répertoriés dans Calames. La plupart sont classés et accessibles à la consultation dans l’espace Jacques Doucet de la salle Labrouste du lundi au samedi de 14h à 18h. Toute demande concernant les fonds non classés ou en cours de classement peut être adressée à rdvpatrimoine[à]inha.fr.
Le chercheur en archéologie trouvera des compléments à ces archives dans les autres collections patrimoniales de la bibliothèque.
Isabelle Périchaud, service du Patrimoine
Références bibliographiques
- Histoires d’archéologie. De l’objet à l’étude : exposition présentée à l’INHA du 15 janvier au 12 avril 2009, avec la collaboration de Irène Aghion, Mathilde Avisseau-Broustet, Arianna Esposito, Dominique Morelon, Antoinette Le Normand-Romain et Alain Schnapp. Disponible en ligne : : http://journals.openedition.org/inha/2743 (consulté le 20/03/2018)
- Clément Moussé, « Paul Deschamps et la prospection aérienne aux Pays du Levant ». Blog de la Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, 28 juin 2016. Disponible en ligne : https://blog.bibliotheque.inha.fr/fr/posts/paul-deschamps-prospection-aerienne-pays-du-levant.html (consulté le 20/03/2018)