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Boscoreale, un fabuleux trésor
Mis à jour le 22 avril 2022
Les trésors de l'INHA
Boscoreale, un fabuleux trésor
La bibliothèque numérique vous propose de découvrir (ou redécouvrir), au travers de deux albums photographiques, un trésor exceptionnel, celui qui fut mis au jour en 1895 à Boscoreale, à 2 ou 3 kilomètres au nord de Pompéi.
Ce remarquable ensemble, trouvé dans une citerne et composé d’une centaine de pièces d’argenterie, quelques bijoux et un millier de pièces de monnaies d’or, est aujourd’hui conservé à Paris, au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre.
Nous sommes en avril 1895 à Boscoreale, plus précisément au lieu-dit « Pisanella Settetermini », lorsque Vincenzo de Prisco (1855-1921), qui avait organisé des fouilles sur les terres dont il venait d’hériter, découvrit les ruines d’une exploitation agricole. Consacrée à la culture de la vigne ou de l’olivier, la propriété d’environ 1000 m² était formée d’une villa d’habitation et de bâtiments techniques dont le réservoir de stockage où se trouvait le trésor. Sans doute alerté par les secousses sismiques qui précédèrent l’éruption du Vésuve du 24 août 79, le propriétaire de l’époque envisagea cette cuve, vidée en prévision de la future vendange ou cueillette, comme la cachette idéale pour mettre à l’abri ses objets précieux.
Dès le mois de mai 1895, De Prisco, accompagné de l’antiquaire Ercole Canessa (1868-1929), se rendit à Paris pour proposer sa découverte au Louvre ; néanmoins le musée se vit contraint de décliner l’offre, ne pouvant s’acquitter de la somme demandée trop élevée. Mis sur le marché des antiquités, le trésor est immédiatement acquis par le baron Edmond James de Rothschild (1845-1934) mais dans l’unique perspective d’en faire cadeau au musée du Louvre comme il le stipule dans sa lettre adressée au directeur général du Louvre en date du 24 juin 1895. L’acte de donation est passé devant notaire en octobre 1895 et définitivement officialisé par décret en janvier 1896. Ce geste fut suivi d’autres dons de quelques pièces (Archives des musées nationaux – Série A : Antiquités grecques et romaines – A 8 : Dons et legs acceptés, 1799-1957) qui avaient été séparées du reste du trésor. Ainsi Edward Perry Warren (1860-1928), le comte Michel Tyszkiewicz (1828-1897) et les frères Cesare et Ercole Canessa contribuèrent, à leur tour, à l’enrichissement des collections de l’État français.
Jules Gervais-Courtellemont, Trésor de Boscoreale, Canthare, 1895, Bibliothèque de l’INHA, BCMN RES Gr.fol. BA 0177. Cliché INHA
L’archiviste paléographe, historien de l’antiquité romaine et de la Gaule, Antoine Héron de Villefosse (1845-1919) est alors conservateur en charge du département des Antiquités grecques et romaines au Louvre. Il se réjouit du « magnifique présent » fait par le baron Edmond de Rothschild dont il salue le « patriotisme éclairé » lors de la séance du 28 juin 1895 de l’académie des Inscriptions et Belles-Lettres. L’état de conservation des objets est, de plus, assez exceptionnel. Les seuls dommages subis s’avèrent légers : des pieds et anses dessoudés, des résidus de l’étoffe de laine qui protégeait les pièces collés aux parois ou des couches de cendres parfois solidifiées recouvrant le métal. Le nettoyage et la restauration sont confiés à l’expert Alfred André (1839-1919). Clairvoyant, le baron de Rothschild prit soin de faire photographier les objets avant et après l’opération puis en donna des tirages à la Bibliothèque centrale des musées nationaux ; ces tirages, d’une extrême rareté (il n’a été tiré que huit exemplaires complets de celui comptant trente-trois planches) sont ceux regroupés dans ces recueils mis en ligne.
Les pièces d’argenterie du trésor se divisent en trois catégories : vaisselle de table (cuillers, vases à boire, récipients cylindriques assimilés à des salières, œnochoés, aiguières…), objets d’apparat (coupes et plats destinés à être présentés sur un meuble) et ustensiles de toilette (miroirs et coquille). Les motifs présents sur les objets sont inspirés du règne animal et végétal : branches d’olivier, feuilles de platane, lapin, sanglier, cigognes, grues…, ou représentent des scènes historiées ou mythologiques : Léda et le cygne, Dionysos triomphant, sacrifice à Minerve… Les techniques de toreutique mises en œuvre sont diverses et révèlent la grande habilité des artisans, notamment dans la pratique du repoussé qui consiste à travailler la feuille d’argent depuis son envers pour obtenir le relief.
Parmi les œuvres majeures figure la coupe à emblema, c’est-à-dire comportant un élément de décor rapporté au centre de la composition, ici un buste de femme (musée du Louvre Bj 1969). Sans fonction utilitaire, elle fait partie des pièces de prestige vouées à l’admiration des invités. Parfois appelée « coupe à l’Afrique », cette phiale en argent partiellement doré est ornée d’un médaillon dans le fond, duquel jaillit une figure féminine. Coiffée d’une dépouille d’éléphant et tenant dans ses mains un cobra et une corne d’abondance, l’effigie est entourée de nombreux attributs divins du panthéon gréco-romain ou du culte isiaque. Cette multitude de symboles complexifie l’interprétation et rend plausibles diverses hypothèses sur l’identité du personnage : portrait de la reine Cléopâtre (69-30 av. J.-C.) ou de sa fille Cléopâtre Séléné (40 av. J.-C.-5 ap. J.-C.), allégorie de l’Afrique ou d’Alexandrie ? Quoi qu’il en soit, son caractère spectaculaire et sa qualité d’exécution en font un des chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie romaine.
Jules Gervais-Courtellemont, Trésor de Boscoreale, Gobelets aux squelettes : avant et après restauration, 1895, Bibliothèque de l’INHA, BCMN RES Gr.fol. BA 0178 et BCMN RES Gr.fol. BA 0177. Cliché INHA
Bien d’autres éléments du trésor méritent cette appellation, comme ces gobelets aux squelettes (musée du Louvre Bj 1923, Bj 1924). Vases à boire munis d’une petite anse en forme d’anneau, ils se caractérisent par un décor fait d’une ronde macabre de philosophes et poètes grecs dialoguant : Épicure (341-270 av. J.-C.), Ménandre (342-292 av. J.-C.), Archiloque (712?-664? av. J.-C.), Sophocle (496?-406 av. J.-C.), etc. Les scénettes parodiques sont légendées de maximes épicuriennes gravées en pointillé invitant aux plaisirs de la vie.
D’un intérêt exceptionnel, le trésor de Boscoreale témoigne de la virtuosité des orfèvres de la fin de la République romaine et du premier siècle de l’Empire. Il prouve également l’importance accordée aux arts de la table chez les Romains pour lesquels la vaisselle est un marqueur social qui affirme la richesse et le raffinement de son propriétaire, malgré les lois somptuaires promulguées pour limiter le luxe de table. Sujet d’ostentation mais aussi de conversation, elle est un élément essentiel de la convivialité. Les vases à boire de forme cylindrique sont les plus représentés car ils permettent de dérouler une histoire en faisant tourner l’objet dans ses mains. Il n’est pas rare que les reliefs des décors se répondent d’une coupe à l’autre et deviennent ainsi le support des joutes oratoires lors des banquets. Susciter les commentaires et favoriser les échanges, telles étaient les intentions des riches Romains qui possédaient ce genre de somptueux services… un objectif pleinement atteint au vu de l’abondante littérature qui continue de paraître sur la question.
Références bibliographiques
- Antoine Héron de Villefosse, « Le Trésor de Boscoreale », Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 5 (fascicule 1-2), 1899, p. 7-132
- Antoine Héron de Villefosse, « Le Trésor d’argenterie de Bosco Reale », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, n° 3, 1895. p. 257-276
- Antoine Héron de Villefosse, L’Argenterie et les bijoux d’or du trésor de Boscoreale : description des pièces conservées au musée du Louvre, Paris, Ernest Leroux, 1903
- François Baratte, Le Trésor d’orfèvrerie romaine de Boscoreale, Paris, éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1986
- François Baratte, « Le trésor de Boscoreale : un ensemble exceptionnel de vaisselle d’argent romaine », Les Rothschild : une dynastie de mécènes en France sous la direction de Pauline Prévost-Marcilhacy, Paris, Somogy, 2016, volume 1, p. 70-81
- Cécile Giroire, La coupe à l’Afrique du trésor de Boscoréale, un chef-d’œuvre de l’argenterie romaine, musée du Louvre, Œuvre en scène : captation du mercredi 26 février 2014. Disponible en ligne : https://dai.ly/x2m5fxn (consulté le 16/07/2019)
- Institut national d’histoire de l’art, Les collections Rothschild dans les institutions publiques françaises. Disponible en ligne : https://collections.rothschild.inha.fr (consulté le 16/07/2019).
Élodie Desserle
Service de l’informatique documentaire