Nous vous avons déjà présenté Ingres et Delacroix, Michel-Ange et Rodin puis Daumier et Baudry. Pour ce dernier épisode, deux sculpteurs de la deuxième moitié du XIXe siècle sont mis à l’honneur : Jules Dalou et Jean-Baptiste Carpeaux.

Jules Dalou par Auguste Rodin (1883)

Ce buste est une fonte en bronze à la cire perdue d’Eugène Rudier (1875-1952) réalisée pour Doucet en 1907, d’après le portrait sculpté par Auguste Rodin (pas de marque visible du fondeur). Le côté gauche de la poitrine est signé « A. Rodin » à l’extérieur et le revers du buste porte le cachet « A. Rodin ».

Revenu d’exil en 1879, Jules Dalou (1838-1902) obtint une médaille d’honneur au Salon de 1883. À cette occasion, son vieil ami Rodin modela son portrait. Présentée au Salon de 1884 en même temps que le buste de Victor Hugo, cette œuvre énergique fit sensation : « Il n’y a rien au palais de l’Industrie », écrivait alors Louis de Fourcaud, « de plus moderne, parce qu’il n’y a rien de si implacablement et hautement vrai ».


Auguste Rodin, Buste de Jules Dalou, fondu par Eugène Rudier, 1907, bibliothèque de l’INHA – collections Jacques Doucet. Cliché Alice Sidoli / INHA

Jean-Baptiste Carpeaux par Émile-Antoine Bourdelle (1908)

Ce buste est le seul à ne pas être une fonte ; il a été exécuté en granit. Il est signé « A. BOURDELLE ». C’est aussi le seul dont la commande est documentée.

Le 28 novembre 1907, Bourdelle accusait réception à un anonyme (René-Jean ?) de « votre lettre attestant que Monsieur Jacques Doucet me commande le buste de J. B. Carpeaux. Je dois exécuter ce buste en granit et le monter sur piédouche en bronze doré au prix de quatre mille francs ». Bourdelle à Doucet, le 17 mai 1908 : « bientôt le Carpeaux se montrera, on le met au point. J’ai le pied en bronze doré… Je pourrai vous prier bientôt de venir voir ». Le 2 juillet 1908 : « dans quinze jours environ le transporteur vous remettra le J. B. Carpeaux à l’adresse que vous voudrez bien m’indiquer. Après le praticien j’y vais voir tous les jours et travailler quand il le faut. Dure mise au point. On a abouti à tailler grâce à la machine que mon ami a inventé[e], elle pose quinze cent points par jour. Nous sculptons le Carpeaux au marteau à air comprimé qui frappe trois mille coups à la minute. Vous voilà au courant de ce qui est du travail du Carpeaux. Il est bon de savoir la genèse des morceaux qu’on possède. Je n’aurai le Carpeaux à l’atelier que les derniers jours pour le montage, polissage, la finition ». Enfin, le 27 juillet 1908 : « je suis heureux d’avoir pu vous apporter le Carpeaux à mon retour et au moment de l’exposer la distance dans l’esprit me permettra de le parachever, s’il y a lieu. On doit simplement frotter avec vigueur avec soin tout le buste avec de la laine ou de la flanelle. Je n’avais pas le temps de prendre des transporteurs qui eussent pu le mettre là où il fallait ; le temps me manquait ».

Cette œuvre unique a été sculptée pour Doucet en s’inspirant du Carpeaux au travail, en pied, auquel Bourdelle travaillait alors. Bourdelle la tailla dans l’atelier même de Carpeaux. Comme il l’expliquait lui-même, « le buste […] est le portrait taillé construit et dans le sens d’exactitude physique. La statue est traitée dans le sens d’exactitude spirituelle ».


Antoine Bourdelle, Buste de Jean-Baptiste Carpeaux, 1908, bibliothèque de l’INHA – collections Jacques Doucet. Cliché Alice Sidoli / INHA

En savoir plus

Les lettres de Bourdelle à Doucet sont conservées dans la collection d’autographes (Autographes 36, 38,2). Elles sont consultables en ligne.

Références bibliographiques

Jérôme Delatour, service du Patrimoine