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Des armures pour nos collections
Mis à jour le 15 mars 2023
En coulisses
Auteur : Ezilda Mouveroux
Les fournitures de conservation de la bibliothèque de l’INHA
Boîtes, pochettes en papier permanent ou polyester, portefeuilles, porte-revues… Vous vous demandez à quoi peuvent bien servir ces conditionnements qui couvrent le document et quelles sont leur provenance ? Il ne s’agit pas seulement d’un matériel acheté à la papeterie du coin, mais de conditionnements spécialisés, que le service de la Conservation et des magasins de l’INHA s’attache à chercher, analyser et commander dans le cadre d’un marché public. Le but ? Vêtir d’une double peau nos documents fragiles et protéger ainsi le mieux possible les collections de l’INHA.
L’art de conserver
Par décret ministériel, la bibliothèque de l’INHA assure « la constitution, la conservation, l’enrichissement et la valorisation de ses collections propres et des collections qui lui sont confiées ». Qui dit enrichir et valoriser, dit avant tout conserver et protéger ! L’INHA dispose donc de moyens humains et matériels pour la conservation préventive et curative de ses collections. Afin de garantir la pérennité et l’intégrité des collections dans le temps, il faut anticiper et limiter les principaux agents de dégradations : les conditionnements sont des moyens préventifs et peuvent ainsi constituer une solide armure pour atténuer ces altérations et éviter les blessures.
Ce matériel permet de conserver et d’isoler le document dans un milieu chimiquement stable et de protéger ainsi les documents des agents extérieurs (poussière, lumière, humidité), des contaminants biologiques (moisissures et insectes) ou tout simplement des altérations humaines (mauvaises manipulations, déchirures, chutes).
Préparer un marché public
Le service de la Conservation dispose d’une ligne budgétaire propre pour l’achat de fournitures de conservation spécialisées, afin de garder un stock suffisant de matériels ; un quart du budget du service est dédié à l’achat de ces conditionnements. L’INHA publie tous les quatre ans un marché public pour mettre en concurrence les sociétés les plus disposées à répondre à nos exigences et les agents du service passent ensuite régulièrement des commandes selon les besoins. Cette année, lors du renouvellement de ce marché, un travail préparatoire a permis de cibler très précisément nos besoins en matériels de conservation. La première étape lors de la rédaction du marché est de définir l’objet de ce dernier, de procéder à l’analyse des besoins ainsi qu’à une estimation budgétaire pour rédiger ensuite le cahier des charges, aussi appelé « cahier des clauses techniques et particulières ».
L’étude des achats et des dépenses des années précédentes ainsi que les besoins émis par tous les agents intervenant au sein des collections sont des aides précieuses pour la rédaction des documents du marché. Une prospection est également menée auprès d’autres institutions patrimoniales ayant les mêmes besoins, notre principale référence étant la Bibliothèque nationale de France. Nous procédons aussi à une recherche des sociétés susceptibles de répondre à nos exigences en matière de conservation. Après avoir déterminé l’objet du marché, « la fabrication, la fourniture et la livraison de boîtes, de pochettes, de protections pour les documents et objets destinés à la conservation des collections de l’INHA », le cahier des charges est ensuite rédigé en respectant trois principes fondamentaux du Code de la commande publique : la libre-concurrence, la transparence des procédures et l’égalité de traitement des candidats.
Dresser une typologie stratégique
La bibliothèque possède des collections courantes et patrimoniales qui nécessitent des conditionnements différents selon leur matériau, leur forme, leur dimension, leur ancienneté, leur état et leur préciosité. Les documents appartenant aux collections courantes requièrent principalement des chemises et pochettes pour les ouvrages abîmés, à feuilles volantes ou acides, des boîtes pour les documents les plus dégradés menaçant de se désagréger ou encore des porte-revues pour maintenir droit des documents plus souples. Les catalogues de ventes par exemple sont conservés dans des boîtes d’archives verticales en carton ondulé, les périodiques quant à eux sont disposés dans des boîtes en polypropylène alvéolaire.
Les collections patrimoniales sont composées d’une variété de documents anciens ou rares parfois difficiles à conserver : parmi ces derniers se trouvent des archives, des manuscrits, des photographies, des estampes, des dessins, des objets, tous nécessitant des conditionnements sur mesure, adaptés à leur forme, à leurs poids, à leurs composants chimiques ainsi qu’au niveau de dégradation qu’ils subissent ou peuvent subir ultérieurement.
Cette variété de conditionnements fait appel à des savoir-faire et à un mode de fabrication différents, d’où la nécessité de les regrouper sous forme de lots cohérents pour une mise en concurrence stratégique des sociétés.
Dans le cahier des charges, nous avons donc réparti le matériel en cinq lots :
- Lot 1 : Pochettes et chemises en papier ou en carte sur format standard en série pour documents reliés, archives ou documents audiovisuels.
- Lot 2 : Pochettes en papier ou en polyester pour photographies, boîtes-albums et boîtes sur formats standard pour tirages photographiques et plaques de verre.
- Lot 3 : Boîtes ou portefeuilles en carton non habillé sur mesure à l’unité pour tout type de document.
- Lot 4 : Boîtes d’archives sur mesure en série.
- Lot 5 : Boîtes et porte-revues en carton non habillé sur format standard en série tout type de documents.
Trouver le bon alliage
Ces conditionnements doivent respecter les exigences imposées par l’établissement dans le cahier des charges : la durabilité, la robustesse, la facilité de manipulation et d’entretien et la qualité en matière d’esthétisme et de finition sont les principes fondamentaux pour une bonne protection des documents. Ce matériel est en contact direct avec les documents et ne doit pas dégager de substances nocives susceptibles de les dégrader. Les composants de ces conditionnements sont soumis à des normes internationales qui doivent être respectées par l’ensemble des institutions concernées par l’archivage de documents. Par exemple, la norme ISO 9706 pour le papier permanent fixe des prescriptions pour que le papier soit chimiquement et physiquement stable pendant une longue durée. Cette norme impose :
- une absence de lignine ou d’azurant optique favorisant l’acidité du papier,
- une réserve alcaline égale ou supérieure à 2 %,
- un pH compris entre 7,5 et 10,
- une résistance à la déchirure.
Ce papier permanent est demandé sur l’ensemble des lots de marché, mais il y a quelques subtilités ! Certains documents audiovisuels et photographiques anciens nécessitent un conditionnement sans réserve alcaline, d’où une séparation stricte entre les différents lots ci-dessus.
Surveiller et soigner l’armurerie
Une des missions du service de la Conservation est la surveillance des collections, amenant ainsi aux conditionnements de certains documents, voire d’un ensemble de documents. Ces conditionnements doivent également être suivis régulièrement car bien que permanent, le papier n’est jamais éternel ! L’évolution de nouveaux produits, la découverte de meilleurs matériaux ou de mauvais matériaux lors de nos achats, l’arrêt d’une fabrication, l’arrivée d’une nouvelle société doivent être pris en compte. En outre, notre comparaison avec l’armure s’arrête là, car la présence de métal oxydable est généralement proscrite ou à éviter pour les conditionnements de conservation. L’assemblage des conditionnements par des colles en dispersion aqueuse (que l’on peut dissoudre avec de l’eau) sont privilégiées. Vous remarquerez pourtant que certaines boîtes comportent des éléments métalliques ! Si la présence de métal est nécessaire, l’acier inoxydable est imposé et une fiche technique des composants chimiques utilisés est demandée à toutes les sociétés. De même la forme des assemblages est surveillée : on trouvait jadis sur les boîtes d’archives des agrafes ; ces dernières sont désormais interdites, car il y a toujours un risque de déchirer un document avec une agrafe mal positionnée. Les boîtes doivent désormais être assemblées avec des rivets en laiton inoxydables.
Une armure pour éviter l’attaque
Les conditionnements constituent un véritable moyen pour protéger, conserver les documents et prévenir des interventions plus lourdes et plus coûteuses. Cependant, pas d’inquiétude : si le conditionnement ne suffit pas ou si l’on s’aperçoit trop tard d’une dégradation du document, la conservation préventive laisse sa place à la conservation curative. Il est alors possible de procéder à de petites réparations ou restaurations dans nos ateliers ou de confier nos documents à des restaurateurs extérieurs.
Ce billet a été écrit en étroite collaboration avec Valérie Le Morvan, adjointe au service de la Conservation et des magasins.
Ezilda Mouveroux, service de la Conservation et des magasins