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Lovis Corinth, à corps et à cris
Mis à jour le 18 janvier 2023
Les trésors de l'INHA
Auteur : Claire Karli
Chaque année, la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art se dote de nouvelles estampes modernes qui viennent enrichir un fonds, riche de plus de quinze mille pièces, initié par le couturier, collectionneur et fondateur de la bibliothèque Jacques Doucet (1853-1929). De façon avant-gardiste, ce pionnier a su s’intéresser à l’art de son temps quand le marché de l’art et le collectionnisme étaient encore fortement marqués par les œuvres d’art anciennes. Soucieux de documenter la génétique de l’estampe, l’ambition de Doucet – via Clément-Janin, le responsable de son cabinet d’estampes modernes – était de constituer en France un ensemble d’œuvres inédites et éclectiques, mais aussi d’offrir aux artistes l’accès à une production étrangère souvent hors de portée. Le choix des nouvelles acquisitions se porte aujourd’hui encore sur des pièces récentes d’artistes contemporains hommes et femmes souvent de nationalité étrangère. L’accroissement des collections d’estampes modernes nécessite plus que jamais un traitement documentaire et un catalogage précis afin de mettre en valeur ce fonds remarquable.
À l’occasion de dons exceptionnels, la collection d’estampes contemporaines de la bibliothèque s’est enrichie d’œuvres particulièrement importantes depuis 2020 comme celui de l’artiste Terry Haass (1923-2016), Ellsworth Kelly (1923-2016), Takesada Matsutani (né en 1934) ou bien encore Vera Molnár (née en 1924). Ces ensembles d’estampes, par leur diversité de techniques, leur état de conservation et leur nombre, forment chacun des ensembles des corpus représentatifs de l’œuvre de ces artistes.
Vera Molnár, Coupé en 8 (A), sérigraphie sur carton, 2015. © Vera Molnár / Paris, bibliothèque de l’INHA, EM MOLNAR 182. Photographie Michael Quemener.
En 2016, par exemple, plus de 130 gravures, 7 sérigraphies en couleurs, 5 dessins à l’encre de Chine ainsi que 11 ouvrages illustrés et portfolios comprenant chacun de nombreuses épreuves en feuilles ou reliées de l’artiste française d’origine tchécoslovaque Terry Haass ont rejoint les collections de l’INHA. Cet apport iconographique, présente de nombreuses épreuves d’artiste et permet d’éclairer de manière significative l’activité artistique de Haass, puisque l’on recense des œuvres conçues au début de sa carrière comme Intégration et Open Mind (1948) jusqu’à plusieurs sérigraphies en couleurs plus tardives (1993).
De la même manière, au cours de l’année 2018, l’institut a reçu du studio Ellsworth Kelly un important don d’estampes de ce représentant de l’art minimaliste décédé en 2015. 55 pièces (lithographies, sérigraphies et même pulpes de papier colorées) ainsi qu’un livre d’artiste comprenant onze lithographies en pleine page sont venus enrichir les collections de la bibliothèque. Ces estampes, au tirage très limité et dans des formats parfois monumentaux (comme pour cette remarquable série de portraits de l’artiste EK Spectrum I de 1988 dont les estampes mesurent 2,38 mètres de largeur) constituent un ensemble iconographique inédit pour une institution française.
Ce sont encore plus de 92 estampes et ouvrages illustrés qui ont été offerts par l’artiste japonais Takesada Matsutani, constituant là encore un apport sans précédent à l’échelle de l’institution mais aussi à l’échelle nationale puisque peu de collections publiques françaises conservent des œuvres graphiques de cet artiste. Ce dernier, qui possède un atelier au cœur de la Capitale, a notamment produit de nombreuses d’estampes sur des thèmes très organiques inspirés par la biologie. Une fois encore, le don permet d’offrir un riche panorama de l’activité de cet artiste japonais dont la carrière artistique est toujours active et féconde, par la diversité des dates de production de ces œuvres ainsi que la multiplicité des techniques d’estampes présentes (gravures au burin ou à l’eau-forte mais aussi photo-sérigraphies ou bien encore zincographies).
Première planche de Placebos, suite de 12 eaux fortes au carborundum sur papier mylar 120g, 62×45 cm, tirage 23/35, signé au crayon, imprimé par Lars Dahms et Daniel Vogler, Hamburg, édition Thomas Schütte, Düsseldorf, 2011. Paris, bibliothèque de l’INHA, Pl Res 138. © Thomas Schütte / Paris, Bibliothèque de l’INHA, photo Michael Quemener
En avril 2021, ce sont près de 40 de ses gravures et 5 ouvrages illustrés soit plus de 250 estampes au total de l’artiste contemporain allemand Thomas Schütte qui sont entrées dans les collections. Célèbre entre autres pour ses sculptures souvent monumentales, Thomas Schütte a également produit de nombreuses d’œuvres graphiques et pratiqué en particulier l’art de l’estampe qu’il a souvent conçu sous la forme d’importants portfolios, comme cet imposant ensemble intitulé Wattwanderung (2001) qui ne comporte pas moins de 139 gravures sur cuivre.
Au-delà de l’expérience esthétique qu’elles suscitent, toutes ces œuvres graphiques permettent de documenter l’activité artistique de ces artistes et nourrissent une histoire de l’art en perpétuel mouvement. Il ne s’agit pas seulement pour l’INHA de constituer une collection d’œuvres remarquables mais bien de mettre en lumière une activité en la documentant afin de permettre aux étudiants et étudiantes, professionnels de la recherche ou artistes de bénéficier de cet ensemble. L’informatisation des données relatives à ces nouvelles pièces devient alors une opération nécessaire afin de rendre à la fois visible et accessible un patrimoine unique et, dans une optique documentaire, d’assurer une bonne communication avec les lecteurs et les chercheurs.
Le service du Patrimoine de la bibliothèque s’est engagé au début de l’année 2022 dans un vaste chantier de mise à jour du catalogue des estampes modernes pour les entrées les plus récentes. L’accès à ces œuvres est rendu possible par les notices du catalogue local de la bibliothèque de l’INHA ainsi que sur le catalogue collectif du Sudoc. La consultation des œuvres peut ensuite se faire en salle de lecture sur rendez-vous, en écrivant à rdvpatrimoine@inha.fr.
Ces notices constituent de véritables pièces d’identité de ces estampes. Y figurent en particulier les données relatives à l’édition (éditeur ou diffuseur) ou la fabrication (imprimeur, atelier, etc.) ainsi que les éléments matériels de l’estampe (technique(s), dimensions, type de papier, etc.). Un catalogage précis doit prendre appui sur plusieurs sources : la principale demeure l’œuvre originale dont chaque exemplaire comporte souvent des marques caractéristiques (un titre rapporté au crayon par l’artiste, une date, une signature, et une marque comme le numéro de tirage, la mention d’épreuve d’artiste ou d’épreuve d’essai). Mais il est important d’enrichir la notice avec d’autres éléments que l’on peut trouver dans des ouvrages de référence, les plus à jour possible, comme le catalogue raisonné de l’artiste lorsqu’il existe.
Copie d’écran de la notice de Discours d’oiseaux, de Marjan Seyedin, eau-forte, pointe sèche et aquatinte en noir sur papier Rives, 2020 (EM SEYEDIN 1).
Afin de faciliter la navigation entre les notices et d’établir des connexions entre les œuvres d’une même série, un lien a également été fait pour rassembler les éléments créés comme des ensembles par les artistes. C’est le cas de la série d’estampes d’Ellsworth Kelly « Romanesque Series », pour laquelle le graveur s’est inspiré de célèbres églises romanes française comme Sainte-Radegonde de Talmont ou l’abbatiale Sainte-Foy de Conques dans l’Aveyron. Dans cette même volonté de rassembler par l’indexation les œuvres qui possèderaient des traits communs (thèmes traités, personnages représentés, etc.), le répertoire d’autorités RAMEAU a été employé, lorsque cela a été possible, afin de permettre de lier les pièces de la collection de la bibliothèque entre elles.
Ellsworth Kelly, Bleu foncé avec rouge [Dark Blue with Red], 1964-1965, lithographie sur papier Rives, EA, 89,5 x 59,8 cm. Paris bibliothèque de l’INHA, EM KELLY 4. © Ellsworth Kelly Foundation
Ces ensembles iconographiques peuvent se présenter sous la forme d’estampes en feuilles individuelles et libres ou être assemblées en portfolios ou livres illustrés. Dans le premier cas, les estampes individuelles ont été cataloguées à la pièce et portent une cote propre aux documents iconographiques – en l’occurrence elles commencent toutes ici par « EM » pour « estampe moderne ». Les gravures assemblées en portfolio ou livre illustré ont quant à elles été cataloguées comme des ouvrages illustrés afin de pouvoir entrer toutes les données relatives à l’entreprise éditoriale. C’est le cas notamment du portfolio Obst und Gemüse, de Thomas Schütte conçu en 2019, comprenant six estampes en relief et en couleurs.
Ce sont ainsi plus de 500 notices qui ont enrichi les bases bibliographiques du catalogue en ligne de l’INHA et du Sudoc depuis le mois de janvier 2022. L’entreprise de catalogage se poursuit avec l’aboutissement du signalement de l’important don de l’artiste française d’origine hongroise Vera Molnár (née en 1924), des 54 estampes et 49 dessins préparatoires de l’artiste japonais Kiyoshi Hasegawa (1891-1980) et 11 autres épreuves d’artistes japonais, issues de la collection de cet artiste, entrées en 2021, ou bien encore un ensemble de 11 pièces de l’artiste allemand Lovis Corinth (1858-1925) offert par un collectionneur privé en octobre dernier.
Claire Karli, service du Patrimoine
« Modernes et contemporaines : les cabinets des estampes », séance du séminaire La Bibliothèque d’art et d’archéologie de Jacques Doucet : corpus, savoirs et réseaux, 27 janvier 2021, en ligne sur la chaîne Youtube de l’INHA.
Emmanuel Pernoud, « Traits d’esprit », épisode du podcast La recherche à l’œuvre, S03E01, disponible en ligne et sur les plateforme de podcasts.
Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet, un carnet de l’Institut national d’histoire de l’art sur la plateforme Hypothèses.org.