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Dessins d’architecture et d’ornement de la bibliothèque de l’INHA
Mis à jour le 23 février 2022
Les trésors de l'INHA
Auteur : Isabelle Vazelle
Dans la suite des opérations de conversion qui se déroulent depuis presque dix ans, c’est au tour des collections de dessins d’être à présent peu à peu accessibles depuis Calames, où se trouvent déjà les inventaires de la photothèque, des manuscrits (INHA et BCMN), des autographes et des fonds d’archives. L’occasion de s’attarder sur l’un de ces ensembles, celui consacré à l’architecture et à l’ornement. Les premières pièces de ce fonds sont entrées pour la plupart du temps de Jacques Doucet. Elles sont plus largement issues des fonds iconographiques et documentaires initiés par la Bibliothèque d’art et d’archéologie. Répartis par thèmes, dessins (environ 7 000 pièces) mais aussi gravures anciennes sont conservés sous la même cote (OA : Ornements – Architecture, OC : Fêtes et cérémonies, OD : Théâtre, OE : Dessins d’artistes). Rappelons qu’en tant que documents imprimés et multiples, les gravures seront décrites à terme dans le Sudoc et que la bibliothèque numérique permet d’accéder à la quasi-totalité de ces fonds. La publication de ces différents inventaires dans Calames permet ainsi de considérer l’enrichissement de la collection dans son intégralité.
Classés sous la cote OA, les dessins d’architecture et d’ornement ont fait l’objet en 1977 d’un premier inventaire publié dans le Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français par Monique Sevin, alors bibliothécaire responsable de la Réserve de la Bibliothèque d’art et d’archéologie. Ces documents témoignent du goût et de l’intérêt de Doucet pour l’ornement et l’art de bâtir. Ils font naturellement écho aux traités d’architecture et aux recueils d’ornement acquis par le couturier à la vente du collectionneur et bibliophile Edmond Foulc en 1914.
Comme le souligne l’introduction de cet inventaire, le fonds est composé de documents aux genres bien définis : « projets établis en vue de concours pour des prix de l’Académie d’architecture, relevés de monuments d’Italie, série de plans d’édifices, représentations de pompes funèbres ou de catafalques, dessins d’ornemanistes. » Ces dessins appartiennent pour la plupart à l’école française et datent des XVIIIe et XIXe siècles. Pas de grands noms ni même de pièces remarquables même si certaines proviennent de collections célèbres (Alfred Beurdeley, Philippe de Chennevières ou Charles Eggimann). Ces témoignages graphiques sont modestes et demeurent parfois l’unique manifestation d’une idée en devenir. Il y a bien sûr des exceptions, comme ce dessin très achevé du peintre allemand Johann Köning (OA 264) ayant appartenu à l’architecte Hippolyte Destailleur.
Le dessin d’architecture est sans doute la manifestation la plus mentale des arts graphiques. Il nécessite en effet de la part du spectateur un code de lecture pour le déchiffrer, intensifiant parfois le caractère austère de ce genre de document. Le dessin d’ornement quant à lui témoigne de la grande variété des motifs décoratifs développés pour l’architecture et les arts appliqués. Embellir une façade ou l’intérieur d’une demeure, orner une pièce de mobilier ou un objet, telles sont bien les ambitions du travail d’ornementation.
Être élève de l’Académie royale d’architecture sous l’Ancien Régime
Un certain nombre de dessins permettent d’envisager l’enseignement suivi par les élèves architectes de l’Académie royale d’architecture. Dès sa création, l’Académie décide d’organiser son enseignement sous forme de leçons et de concours. Chaque année l’organisation du Grand Prix permet au lauréat de recevoir une pension du Roi et de séjourner plusieurs années en Italie, à l’Académie de France à Rome. Le prix d’émulation (OA 73-74, OA 370) quant à lui, est en vigueur depuis 1763. Il a pour but de vérifier les progrès des élèves tout en les encourageant à se surpasser. Une fois rentré en France le lauréat accroît sa clientèle, s’assurant ainsi commandes et revenus. De François Franque, par exemple, au génie « très modéré » mais à la carrière prolifique, retenons les projets pour l’église Notre-Dame de la Daurade à Toulouse (OA 340), ses plans pour le château de Bry en région parisienne (OA 355-357) et pour l’hôtel Villeneuve Martignan à Avignon (OA 358-359) qui abrite aujourd’hui le musée Calvet.
La profession d’architecte au XIXe siècle
Plus tard au début du XIXe siècle, les lauréats de l’Académie de France à Rome comme les simples postulants se prendront de passion pour la représentation des monuments de l’Antiquité (OA 86-263 bis). Cet engouement est encouragé par le corps enseignant qui voit dans le fait de relever fidèlement et scrupuleusement les édifices antiques une manière d’atteindre le beau idéal. Ce travail de relevés de monuments antiques ou de la Renaissance fait qu’au moins jusqu’en 1860 ces futurs bâtisseurs vont jouer un rôle important dans le développement de l’archéologie. Ils sont d’ailleurs considérés aussi bien comme des architectes que des antiquaires-architectes.
En dehors de leurs travaux obligatoires comme les envois de Rome, les pensionnaires avaient pour habitude de dessiner les monuments qu’ils visitaient pour en garder le souvenir, accumulant ainsi des références pour leurs futures réalisations. Ils sillonneront de la sorte l’Italie à la recherche de nouveaux modèles. C’est le cas d’Hippolyte Lebas qui se rendra dans la péninsule trois fois à ses frais entre 1803 et 1811 (OA 767), de son oncle Antoine-Laurent-Thomas Vaudoyer (OA 784) et de son cousin Léon Vaudoyer (OA 718) qui multiplieront les études graphiques durant leurs séjours respectifs à la Villa Médicis (entre 1784 et 1788 pour Antoine et entre 1827 et 1832 pour Léon). Quant à Augustin Quantinet dès 1820 (OA 781) et Albert Lenoir en 1836 (OA 716, 18), tels des pionniers, ils pousseront les limites de cette exploration jusqu’en Grèce.
Concevoir et imaginer des modèles ornementaux
Une trentaine de dessins illustrent l’activité d’une famille champenoise de menuisier-sculpteur sous l’Ancien Régime. Louis I Herluison (1691-1752), dit Herluison-Cornet, et son fils Louis II (1739-1811) sont tous deux originaire de Troyes. Durant près d’un demi-siècle, ils vont participer au rayonnement d’un foyer de création tourné principalement vers une production sculptée en bois. Ils excellent dans la production de pièces de mobilier liturgique utilisées lors des célébrations religieuses et dans celles destinées à décorer les demeures des fortunés. On ne sait quasiment rien de la formation de ces sculpteurs ni de leurs sources d’inspiration, la profession paternelle restant à cette époque le seul garant de la maîtrise du métier.
L’organisation des obsèques des grands de ce monde donnait lieu par le passé à des démonstrations de puissance et de richesse. Les pompes funèbres devaient ainsi faire comprendre à l’assemblée des fidèles l’importance du défunt et résumer symboliquement les actions de sa vie. À l’époque baroque, les projets pour des monuments funéraires, des mausolées ou des catafalques participent pleinement à ce dessein. Leurs concepteurs font alors preuve de virtuosité en créant des structures où la notion d’apparat et de scénographie guident leur créativité. Une composition anonyme, certainement réalisée pour la pompe funèbre du chancelier Séguier en mai 1672, révèle ce goût pour le monumental et le désir d’impressionner (OA 308).
Les notices de ces inventaires décrivent le plus exactement possible les documents dont elles sont l’objet. On remarque à leur lecture une multitude d’annotations, légendes et autres inscriptions. Autant d’indications qui permettent à l’architecte d’ébaucher une première idée ou d’engager plus concrètement de futures réalisations, renvoyant ainsi le dessin d’architecture à son rôle fonctionnel. Parfois, au détour d’un verso, quelques lignes intriguent et éveillent l’attention. Dans l’intimité d’un atelier, nous percevons alors les affinités partagées entre les futurs architectes et leurs professeurs : « Monsieur Sobre est prié de vouloir me laisser mon crayon et mon canif, s’il l’a, et obligera celui qui a bien l’honneur d’être son très obéissant serviteur. » Signé : « Monvoisin » (OA 564 verso).
Isabelle Vazelle, service du Patrimoine
Pour aller plus loin
- Pompéi : travaux et envois des architectes français au XIXe siècle [exp. Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 14 janvier-22 mars 1981 ; Institut français de Naples, 11 avril-13 juin 1981], Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 1981. Libre accès INHA : DG70.P7 POMP 1980.
- Paris-Rome-Athènes : le voyage en Grèce des architectes français aux XIXe-XXe siècle, [exp. Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 12 mai-18 juillet 1982 ; Athènes, Pinacothèque nationale d’Athènes, 15 octobre-15 décembre 1982 : Houston, Museum of Fine Arts, 17 juin-4 septembre 1983], Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 1982. Libre-accès INHA : NA2706.F8 PARI 1982.
- Jean-Marie Pérouse de Montclos, Les Prix de Rome : concours de l’Académie royale d’architecture au XVIIIe siècle, Paris, Berger-Levrault, 1984. Libre accès INHA : NA2706. F8 PERO 1984.
- La Carrière de l’architecte au XIXe siècle [exp. Paris, Musée d’Orsay, 9 décembre 1986-1er mars 1987], Paris, Éd. de la Réunion des musées nationaux, 1986. Libre accès INHA : NA1996 CARR 1986.
- Jean-Marie Pérouse de Montclos, Architecture : description et vocabulaire méthodiques, Paris, Éditions du Patrimoine, 2011. Libre accès INHA : NA31 PERO 2011.
- Laurence de Finance et Pascal Liévaux, Ornement : vocabulaire typologique et technique, Paris, Éditions du Patrimoine, 2014. Libre accès INHA : NK1510 FINA 2014.