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Fabien Simode, des colonnes de L’Œil au plateau de « L’art entre les lignes »
Mis à jour le 28 novembre 2021
Paroles
Fabien Simode, des colonnes de L’Œil au plateau de « L’art entre les lignes »
Cette semaine, Sous les Coupoles vous propose d’ouvrir l’œil et le bon, en accueillant Fabien Simode, autrefois lecteur à la Bibliothèque d’art et d’archéologie, une des ancêtres de la bibliothèque de l’INHA, et aujourd’hui rédacteur en chef du magazine d’art L’Œil. Fabien Simode est aussi l’animateur du plateau de « L’art entre les lignes », la nouvelle série lancée par l’Institut national d’histoire de l’art, en partenariat avec L’Œil, qui vous invite au deuxième rendez-vous de sa saison le 18 novembre prochain.
Votre parcours, en quelques mots ?
Ma rencontre avec l’histoire de l’art remonte à l’adolescence, au lycée : je dessinais en amateur, alors j’ai choisi de suivre le cursus d’arts plastiques, la filière A3. Auparavant, je n’avais jamais entendu parler de cette discipline, ni dans le cercle familial, ni lors de ma scolarité. Cela a été une véritable révélation pour moi, cette initiation à l’histoire de l’art m’a donné l’envie de poursuivre à l’université ! En l’occurrence Paris 1, en commençant par une formation en histoire de l’art, puis dans le cadre d’un double cursus histoire de l’art et sociologie, menant au DEA.
Mes recherches universitaires ont porté sur deux sujets : premièrement une étude comparée des trois éditions de Le Surréalisme et la peinture d’André Breton, en 1928, 1945 et 1965 . Deuxièmement, un mémoire sur l’œuvre de Philippe Favier, artiste contemporain né en 1957 qui m’a donné l’opportunité de l’interviewer et d’appréhender pour la première fois mon futur métier de journaliste.
Avez-vous fréquenté la salle Labrouste pendant vos études ?
J’ai fréquenté assidûment la salle Ovale dans les années 1990, qui abritait alors la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet, notamment pour la préparation de mon mémoire sur l’étude comparée des éditions du Surréalisme et la peinture. La salle Labrouste m’a fortement impressionné à l’époque. Les fois où j’ai eu la chance d’y travailler, je me souviens avoir été absorbé par l’architecture et avoir mis du temps à me mettre au travail. J’avais une préférence pour la salle Ovale, plus chaleureuse, avec une âme particulière. C’était un véritable plaisir de se retrouver chaque semaine dans cet environnement, au milieu des livres, avec des bibliothécaires si sympathiques et dévoués. Cet univers de la Bibliothèque d’art et d’archéologie a été déterminant dans ma passion pour le livre d’art.
Qu’est-ce qui vous a mené au journalisme ?
La passion pour ce métier et ce qui allait devenir une vocation sont nées assez rapidement, dès le lycée. En découvrant l’histoire de l’art, j’ai ressenti un vif intérêt pour l’écrit, notamment pour la critique d’art. D’ailleurs, j’ai très tôt commencé à écrire sur l’art : je me souviens, pour l’anecdote, d’une semaine de l’art organisée par la commune où j’habitais, pour laquelle je m’étais occupé de réaliser une brochure qui ressemblait presque à un journal ! C’est vraiment ce rapport à l’écriture, qui est selon moi intimement lié à l’histoire de l’art, qui m’a plu dès le départ. Et ce n’est pas un hasard si, par la suite, pour mon sujet de maîtrise, je me suis intéressé à André Breton, dont l’ouvrage phare, Le Surréalisme et la peinture, est constitué d’une série d’articles publiés dans les revues, les catalogues d’exposition, etc.
Bien entendu, la rencontre avec Philippe Favier a compté elle aussi. J’avais découvert son travail en classe de terminale, par hasard, en visitant le Centre Pompidou. J’avais été tellement touché par son travail que j’ai eu l’envie de lui écrire un catalogue, ce que j’ai fait ! Je lui ai alors rédigé un texte intitulé « Monsieur Favier est un voileur », que j’avais imprimé sur rhodoïdpour compliquer la lecture du texte. Je me souviens m’être beaucoup investi dans la fabrication de l’objet livre.
Il n’y a pas de voie royale qui mène à la critique d’art ou au journalisme artistique, en France. Après mes études à l’université Paris 1, je suis donc entré en tant qu’assistant de rédaction dans une agence de presse spécialisée dans l’édition de titres internes et externes pour les entreprises. Ainsi j’ai fait mes premières armes de journaliste pour SFR, Renault, Cetelem, la Poste… De fait, je quittais l’histoire de l’art, mais cela a eu le mérite de m’apprendre le métier : de réfléchir au support, de concevoir des magazines, de me familiariser avec les techniques rédactionnelles, d’apprendre aussi les problématiques liées aux images, à la mise en page, etc., autant de savoir-faire qui me servent aujourd’hui, chaque jour, en tant que rédacteur en chef.
Après une dizaine d’années passées dans la presse d’entreprise, j’ai eu l’opportunité d’intégrer la rédaction du magazine d’art L’Œil. Un dimanche de l’année 2005, où je sortais d’une visite du tout nouveau MAC VAL, le musée d’art contemporain de Vitry-sur-Seine, j’ai vu une annonce émanant d’un magazine d’art dont le nom n’était pas mentionné, et qui cherchait son rédacteur en chef adjoint pour le lancement de sa nouvelle formule. Cela nécessitait des connaissances spécialisées en histoire de l’art et une expérience conjointe très technique dans le métier de la presse, ce qui répondait exactement à mon profil. Inutile de vous dire que j’ai envoyé CV et lettre de motivation le soir même ! Dès le lundi matin, j’étais contacté et le processus de recrutement s’est déroulé très rapidement. Le magazine en question, c’était L’Œil. J’en ai assuré la rédaction en chef adjointe jusqu’en 2011. Puis, au départ du rédacteur en chef, Jean-Christophe Castelain, appelé aux mêmes fonctions au Journal des arts, ce dernier m’a proposé d’assurer la rédaction en chef du magazine. Cela fera onze ans en janvier prochain que j’aurai le plaisir de diriger ce très beau magazine.
Comment pourriez-vous nous présenter L’Œil ?
L’Œil est un magazine d’art généraliste né en janvier 1955. Il a été fondé par un couple de journalistes : Rosamond Riley, alors correspondante pour Vogue à Paris, et Georges Bernier. En contact avec le milieu artistique, tous deux décident à l’époque de créer une revue d’art en prise à la fois avec la création et la recherche contemporaines. Ainsi peut-on lire dès le premier numéro un article sur Fernand Léger (qui alors est encore vivant) et un autre sur l‘École de Fontainebleau que l’on redécouvre alors. La direction artistique est confiée à Robert Delpire, qui n’a pas 30 ans, et qui deviendra le grand spécialiste de photographie et éditeur de livres photo que l’on sait. C’est d’ailleurs lui qui, dès les premières parutions de L’Œil, fait appel à Sabine Weiss, à Robert Doisneau et à d’autres grands photographes humanistes pour photographier les artistes dans leurs ateliers.
Les premiers numéros de « L’Œil » dans le libre accès de la bibliothèque de l’INHA. Cliché INHA
Couverture du premier numéro de L’Œil, daté du 15 janvier 1955, F. Léger, détail de la Grande Parade (1er état, 1952). Cliché Rédaction de L’Œil.
Nécessairement, L’Œil a dû et su s’adapter au gré des évolutions de l’époque et du milieu de l’art, puisqu’on est passé d’un milieu relativement restreint dans les années 1950, à un secteur économique très ouvert, où la visite des musées et des galeries s’est démocratisée, où les expositions ont été démultipliées et où l’art a désormais une place dans la société.
Depuis plus de soixante ans, L’Œil accompagne cette mutation en relevant les défis qui se posent à lui, comme la multiplication de la presse concurrente.
En quoi L’Œil est-il différent aujourd’hui et que propose-t-il à ses lecteurs ?
Nous nous sommes adaptés aux habitudes de lecture d’aujourd’hui, en diversifiant les formats : enquête, reportages, portraits, visites d’expositions, chroniques de livres, etc. Destiné à un public large, L’Œil a pour mission de démocratiser l’art, en guidant ses lecteurs à travers la diversité de l’actualité – en établissant par exemple chaque mois une sélection d’expositions à voir ou non – et en leur permettant de comprendre le monde dans lequel ils vivent : les tendances de la création contemporaine, les défis qui se posent aux musées, le décryptage du marché de l’art, etc. Après une enquête sur la présence des faux dans les musées, nous publions par exemple en décembre un dossier sur ces artistes qui veulent changer le monde, sur le plan politique, climatique ou sociétal.
Couverture du numéro de décembre 2021 de L’Œil. Cliché Rédaction de L’Œil.
Comment L’Œil se positionne -t-il par rapport au numérique ?
Le mensuel L’Œil appartient à un groupe indépendant, Artclair Éditions, qui édite deux autres titres : Le Journal des arts, un bimensuel tourné vers l’actualité et destiné aux professionnels, et le lejournaldesarts.fr, qui est, lui, un site d’information mis en ligne au tout début des années 2000. Ce support est alimenté par les articles de L’Œil, par ceux du Journal des arts et par une production quotidienne d’information. Par ailleurs, nous sommes présents comme il se doit sur les réseaux sociaux, Facebook, Twitter et Instagram.
Disposez-vous d’une documentation au siège du magazine L’Œil ?
Notre archive première est constituée par les numéros de L’Œil, que nous conservons depuis bientôt soixante-dix ans. Nous avons dans ces numéros des témoignages de première main extraordinaires : ainsi des visites d’ateliers ou d’appartements comme celui de Léonor Fini ou encore des interviews d’artistes, à l’instar de Miró ! Les numéros du Journal des arts, également archivés depuis sa création en 1994, viennent compléter ce fonds.
Nous disposons naturellement d’une petite bibliothèque générale avec quelques ouvrages de référence, mais nous n’avons pas vocation à constituer une bibliothèque, pour des raisons d’espace et parce que nous laissons cela aux professionnels. D’ailleurs, même si, accaparé par mes fonctions, je quitte peu la rédaction du journal, il va de soi que les journalistes de L’Œil se rendent régulièrement dans les bibliothèques, dont celle de l’INHA.
Et bien sûr, chacun d’entre nous, qu’il soit journaliste ou critique d’art, peut compter sur sa bibliothèque personnelle généralement étoffée.
Parlez-nous de « L’art entre les lignes », le nouveau cycle de conférences de l’INHA ?
L’INHA et son directeur général, Éric de Chassey , m’ont contacté peu avant la pandémie de covid. Ils voulaient relancer les Dialogues de la salle Labrouste dans un nouveau format, et ils avaient vu, je crois, notre intérêt pour l’édition d’art. Le constat partagé est que le livre d’art n’a pas ou pas suffisamment de relais médiatiques. Le livre d’art est au mieux considéré comme un beau livre à offrir, mais jamais comme un outil de recherche ou de connaissance. Il est très étonnant que ce secteur pourtant très dynamique n’ait pas une visibilité médiatique égale à l’histoire ou aux essais, alors que certains livres peuvent intéresser un public large.
L’ambition de « L’art entre les lignes », que nous pilotons avec Marine Kisiel, conseillère scientifique à l’INHA rattachée au laboratoire InVisu, et Olivier Mabille, chef du service du Catalogue au département de la Bibliothèque et de la documentation, est de défendre et de promouvoir le livre d’art auprès d’un public élargi : bien entendu les spécialistes et les professionnels, mais aussi les étudiants et les amateurs d’art, parfois éloignés des milieux artistiques, et qui n’ont pas toujours connaissance de l’actualité de l’édition. Nous avons donc imaginé un format de discussions – il ne s’agit pas de conférences – vivant, rythmé à la manière d’un plateau de télévision ou de radio, avec plusieurs intervenants, des lectures d’extraits, des coups de cœur… L’enjeu est, je le pense, de changer la vision de l’histoire de l’art, vue encore comme un domaine élitiste. Il faut aussi convaincre les médias de s’intéresser à ce secteur de l’édition. C’est un enjeu citoyen.
Entretien mené par Christine Camara et Olivier Mabille
En savoir plus
- Les numéros du magazine L’Œil sont en libre accès, au niveau 2 du magasin central, à la cote PER N2 OEIL.
- Suivre le précédent épisode de « L’art entre les lignes » : En quoi les musées sont-ils essentiels ?, autour de l’ouvrage de Krzystof Pomian.