En 2017, Nicole Thierry, née Barbet en 1925, offrait généreusement le fonds « Nicole et Jean-Michel Thierry » à la bibliothèque de l’INHA. Ce fonds, qui rassemble la documentation scientifique et photographique produite par elle-même et par son époux, Jean-Michel Thierry de Crussol (1916-2011), constitue une ressource exceptionnelle pour l’étude du patrimoine architectural et artistique du monde byzantin et de ses périphéries. Dès les années 1950 et jusqu’au début du XXIe siècle, Nicole et Jean-Michel Thierry ont parcouru, photographié et documenté de manière systématique les églises et les monastères d’Anatolie et du Caucase du Sud principalement, tout en étendant leurs explorations à l’ensemble du pourtour méditerranéen et jusqu’en Asie centrale, sans d’ailleurs s’y limiter.

Tout en étant médecins de profession, M. Thierry en tant que chirurgien et Mme Thierry en tant qu’anesthésiste, ce couple a développé une carrière parallèle de chercheurs en histoire de l’art et en archéologie, se spécialisant respectivement dans l’architecture médiévale arménienne et les arts monumentaux de la Cappadoce et de la Géorgie médiévales. Si leur objectif initial était de documenter et faire connaître des monuments inédits ou peu connus, leur documentation devint rapidement le fondement de leurs propres travaux scientifiques et les deux savants laissèrent une empreinte profonde dans leur domaine de recherche.

Un fonds riche, qui dépasse le cadre de l’archéologie et de l’histoire de l’art

L’apport de la documentation photographique et scientifique des Thierry dépasse largement le cadre de l’étude de l’art de l’Arménie, de la Géorgie et de la Cappadoce médiévales. Le fonds photographique révèle leur intérêt pour des monuments d’autres aires culturelles – notamment islamiques ou de l’Antiquité classique – pour l’architecture domestique et urbaine, mais aussi pour les paysages, la faune, la flore et les habitants des régions visitées. Les carnets de voyage, tenus principalement par Nicole Thierry, témoignent de leur curiosité pour l’actualité politique des pays traversés, les sociétés locales et leur culture, allant des croyances religieuses jusqu’aux pratiques culinaires. Ces données revêtent une grande valeur, car rares étaient les chercheurs européens à s’aventurer dans ces régions, en particulier l’Anatolie centrale et orientale et le Caucase du Sud soviétique. C’est souvent grâce à des autorisations spéciales ou au gré de leurs aventures qu’ils purent accéder à des territoires isolés, documentant ainsi un patrimoine architectural parfois négligé, voire menacé. Dans certains cas, les photographies des Thierry constituent les seuls témoignages visuels de monuments désormais disparus ou endommagés.

Une journée d’étude pour inaugurer le projet

Pour préserver et valoriser cette documentation unique, un projet de recherche et de valorisation scientifique est actuellement mené à l’INHA, en collaboration entre le département des études et de la recherche, le département de la bibliothèque et de la documentation et le service numérique de la recherche. Ce projet se déploie en deux volets : une édition numérique enrichie du journal des itinéraires des Thierry, dont la publication est prévue en juillet 2025 sur la plateforme PENSE, et une entreprise de numérisation du fonds photographique qui a pu être lancée en octobre 2024 grâce à une subvention du DIM PAMIR (Région Île-de-France). Pour inaugurer ce projet, une journée d’études se tiendra le jeudi 21 novembre 2024 en salle Vasari, de 9h à 17h. Elle rassemblera des chercheurs et chercheuses spécialistes de la Cappadoce, de l’Arménie et de la Géorgie médiévales qui analyseront le contexte de constitution du fonds et exploreront les nouvelles perspectives de recherche offertes par sa valorisation pour de nombreux champs disciplinaires.

Sipana Tchakerian, pensionnaire pour le domaine « Histoire de l’art du IVe au XVe siècle », département des Études et de la recherche, INHA