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Sauvages Nudités. Peindre le Grand Nord
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Mis à jour le 25 septembre 2024
Les trésors de l'INHA
Auteur : Nadia Pizanias
À l’occasion des journées européennes du patrimoine, la bibliothèque de l’INHA a présenté une exposition intitulée Artistes et historiens d’art en voyage. Une des dix vitrines était consacrée au peintre français François-Auguste Biard (1799-1882). Cet artiste a effectué de nombreux voyages qui ont constitué pour lui une source d’inspiration certaine, comme en témoigne le titre du catalogue de la vente de 1865 : « Catalogue de Tableaux et études peintes d’après nature par M. Biard en Amérique, en Laponie, en Orient, en Espagne, en Suisse et en France ; objets étrangers, armes, instruments de musique, vases, parties de costumes, quelques meubles, etc., etc. ; le tout provenant de son atelier. » Parmi ses voyages, celui au pôle Nord a été mis avant.
Dans les années 1830, le grand Nord commençait à éveiller l’intérêt des artistes européens, comme l’a rappelé le catalogue de l’exposition organisée au Festival d’histoire de l’art de 2019, Sauvages nudités. Peindre le Grand Nord. Un des premiers artistes à effectuer un voyage dans ces contrées fut le norvégien Peder Balke (1804-1887) en 1832. Cet attrait pour le Nord faisait en réalité écho à un intérêt bien plus large : il touchait aussi bien les sphères artistique, culturelle que scientifique, voire politique. Ainsi, des expéditions scientifiques furent organisées pendant cette période et ce fut à l’occasion de l’une d’entre elles que François-Auguste Biard put effectuer en 1839 un voyage au pôle Nord, « pas tout à fait exempt de perturbations », écrit-il le 13 septembre de la même année dans une de ses lettres, conservée dans les collections de l’INHA.
Cette expédition scientifique était conduite par le savant naturaliste Joseph Paul Gaimard (1793-1858) et avait pour but l’exploration du Spitzberg et de la Laponie. Méconnue, elle constitue néanmoins une des expéditions scientifiques majeures du XIXe siècle. Elle était voulue par le ministère de la Marine qui avait demandé à l’Académie des sciences d’en encadrer les recherches. À cet effet, les savants les plus importants de l’époque rédigèrent les instructions à son intention : Antoine Becquerel (1788-1878) élabora celles sur l’électricité, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861) celles sur la zoologie, Adolphe Brongniart (1801-1876) sur la botanique et Léonce Elie de Beaumont (1798-1874) sur la géologie.
Le peintre avait été sollicité, par l’entremise de sa fiancée Léonie d’Aunet (1820-1879), par Gaimard, qui connaissait et appréciait son travail. Ainsi le couple rejoignait l’expédition en 1839 et embarquait à bord la corvette La Recherche. Biard n’était pas le seul artiste à être présent à bord. Trois autres peintres faisaient partie de ce voyage d’exploration scientifique : Auguste Mayer (1805-1890), Barthélemy Lauvergne (1805-1871) et Charles Giraud (1819-1892). Rien d’étonnant à leur présence : les innombrables dessins qu’ils réalisèrent sur place servirent à garder un témoignage visuel des différentes observations réalisées. Cependant, les œuvres constituaient bien plus que des outils scientifiques : elles permettaient aussi de diffuser plus largement la connaissance.
Les dessins réalisés par les différents artistes présents pendant les explorations ont été utilisés à des fins de vulgarisation scientifique. Par exemple, ils ont servi à illustrer l’Atlas historique et pittoresque, des trois expéditions, en 1849. Les publications ne sont pas les seuls moyens dont disposent les savants pour diffuser leurs découvertes au plus grand nombre. Ainsi, une institution comme le Muséum national d’histoire naturelle commanda en 1851 à François-Auguste Biard plusieurs tableaux qui servirent à décorer le vestibule de la galerie de Minéralogie et de Géologie. L’ensemble des peintures illustrait l’expédition scientifique de 1839. Elles représentaient notamment des scènes de chasse au sein de paysages de glaces.
Dans ce contexte, François-Auguste Biard a servi la science et a aidé à la diffusion de la connaissance mais il faut souligner qu’il en retira également un bénéfice : ses peintures sur le Nord permettaient d’accroître sa notoriété. Comme beaucoup d’artistes il exposa dans les salons, comme à celui de 1841, où l’État lui acheta le spectaculaire Magdalena-Bay, vue prise de la presqu’île des Tombeaux, au nord du Spitzberg ; effet d’aurore boréale, aujourd’hui conservé au musée du Louvre. Il exposa également dans d’autres villes, comme à Lyon, sa ville natale, ce qu’atteste une photographie de la photothèque de l’INHA. Il y montra en 1868 son tableau Le baiser dans les glaces, actuellement conservé au musée d’art et d’histoire Baron Gérard à Bayeux. Il permettait ainsi au public de découvrir ces paysages inconnus mais alimentait aussi clairement l’imaginaire romantique du Nord, avec les deux personnages qui s’embrassent, perdus au milieu de ces étendues glacées.
À travers son voyage au Nord de l’Europe, François-Auguste Biard montra ses qualités de peintre et d’observateur au service de la science et de l’art.
Nadia Pizanias, service du Patrimoine