Jean-Baptiste Pillement, dit Jean puisqu’il signait de cet unique prénom, naît en 1728 dans une famille d’artistes installés à Lyon depuis la fin du XVIIe siècle. Après un apprentissage auprès du peintre Daniel Sarrabat (1666-1748), il arrive en 1743 à Paris pour parfaire sa formation de dessinateur. Dès 1745, il entame une série de voyages à travers l’Europe. Il se rend en Espagne, au Portugal, en Angleterre, en Autriche où il travaille pour le prince Joseph Wenzel de Liechtenstein (1696-1772) et en Pologne où il devient le peintre du roi Stanislas Auguste (1732-1798). De retour en France, il obtiendra également en 1778 le titre de peintre de Marie-Antoinette (1755-1793).

Apprécié pour ses qualités d’aquarelliste et de paysagiste, c’est surtout en tant qu’ornemaniste qu’il trouve grâce aux yeux de ses contemporains. Ses dessins, notamment ses fleurs et ses chinoiseries, sont reproduits par de nombreux graveurs parmi lesquels François-Antoine Aveline (1718-178?), Jean-Jacques Avril (1744-1831), Pierre-Charles Canot (1710-1777) ou les Gautier-Dagoty. Ses compositions servent de modèles à tous les corps de métiers : papiers peints, tissus d’ameublement, pièces de mobilier, porcelaine…, ses motifs sont reproduits par de célèbres manufactures comme celle de tapisseries des Gobelins ou celle de toiles imprimées de Jouy-en-Josas.

Jean-Jacques Avril d'après Jean Pillement, [2ème planche d'une Suite de douze pêcheurs et chasseurs], 1771, Gravure, Bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet, FOL RES 237 (3). Cliché INHA ; Tapisserie d'Aubusson conservée au Calouste Gulbenkian Museum (Lisbonne), Inv. 32 C
Jean-Jacques Avril d’après Jean Pillement, [2e planche d’une Suite de douze pêcheurs et chasseurs], 1771, Gravure, Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, FOL RES 237 (3). Cliché INHA ; Tapisserie d’Aubusson conservée au Calouste Gulbenkian Museum (Lisbonne), Inv. 32 C

S’il connut quelques succès de son vivant, il semble tomber rapidement dans l’oubli, peu cité au XIXe siècle si ce n’est en des termes bien réducteurs comme lorsqu’Edmond de Goncourt (1822-1896) le décrit comme « Un chinoiseur faisant de la chinoiserie rococo au goût du temps, et des petits paysages proprets avec un crayon taillé menu, menu, menu » (La maison d’un artiste, Tome 1, 1881).
Il faudra attendre 1928 pour que soit organisée par la Galerie Cailleux la première exposition rétrospective le concernant, et 1945 pour que paraisse la première monographie. Son auteur Georges Pillement (parent éloigné de l’artiste) la débute ainsi : « Voici le premier livre consacré à Jean Pillement. Après avoir fait longtemps les délices de quelques collectionneurs qui le recherchaient en secret, il est maintenant à la mode ».
En effet, l’intérêt pour l’artiste renaît et l’accent est porté sur la diversité de son œuvre. Ses peintures, gouaches et pastels dépeignent une nature idéale et poétique, les arbres sont tordus, les torrents fougueux, les rochers tourmentés. Pillement varie ses sujets avec une attirance marquée pour les fleuves et la mer mais aussi pour les animaux puisqu’il n’est pas rare qu’un troupeau vienne animer le paysage. Il porte également une attention toute particulière à l’éclairage, aux effets produits de l’aube au soir, du soleil levant au soleil couchant. Pillement n’est pas dans une quête de représentation fidèle de la nature et sa main d’ornemaniste s’exprime dans les formes des rochers, des végétaux ou des nuages.

James Mason d'après Jean Pillement, Le Repos des Voyageurs, [vers 1760], Gravure, Bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet, FOL RES 237 (1). Cliché INHA
James Mason d’après Jean Pillement, Le Repos des Voyageurs, [vers 1760], Gravure, Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, FOL RES 237 (1). Cliché INHA

Pillement est reconnu comme l’un des ornemanistes les plus inventifs de son époque. Il combine subtilement les éléments du style rocaille avec ceux des chinoiseries. Une faune et une flore féeriques peuplent ses compositions aux traits libres et aériens. Exotisme et fantaisie se mêlent dans ses panneaux d’ornements où transparait son attrait pour la ligne courbe et les détails. Jean Pillement est un artiste aux multiples talents. Vers la fin de 1763, un mémoire adressé au ministre des Beaux-Arts, le marquis de Marigny (1727-1781), dévoile ses recherches sur les procédés industriels appliqués à la décoration des étoffes. Ce document, publié ultérieurement par Jules-Joseph Guiffrey (1840-1918) dans les Nouvelles Archives de la Société de l’Histoire de l’Art Français (1888, SER3-T4), évoque la carrière de Pillement en ces termes : « Indépendamment de son talent dans la peinture et le dessein, il a acquis en Angleterre une manière de graver, dans laquelle il pourroit former des élèves pour le paysage. Mais l’objet de ses études qu’il regarderoit comme le plus utile au commerce est l’invention d’une impression de desseins et de fleurs colorées sur les étoffes de soye unies, supérieure à tout ce que les étoffes des Indes, nommées péquins, offrent de plus brillant. Ses couleurs, en général très éclatantes, sont solides, pénètrent l’étoffe et résistent à l’eau même en frotant. Il n’employe aucun des moyens dont on se sert dans les fabriques de toiles peintes, et il imprime avec bien plus de propreté, de finesse et de célérité ». Réelle innovation comme le laisse penser le mémoire cité ci-dessus ou simple « procédé de peinture sur tissus de soie comme ceux plus ou moins industriels exploités à la même époque » comme l’envisage l’historien de l’art spécialiste des textiles Henri Algoud (1869-1951) en 1935 ? Le mode opérationnel de Pillement n’est malheureusement pas clairement décrit et les deux petites bordures de fleurs conservées à la Bibliothèque de l’INHA en deviennent un exemple d’autant plus précieux.

Dessinateur, peintre, graveur, coloriste… Pillement a montré une rare habileté dans bien des domaines. La diversité et l’abondance de sa production rend sa classification complexe. Ses gravures, notamment, furent réimprimées à diverses reprises avec des variantes dans le nombre des planches, dans leur numérotage et indications. Cahiers, suites de cahiers, nouvelles suites de cahiers, livres, études, recueils… l’œuvre gravé s’avère particulièrement embrouillé. D’autant plus qu’il est difficile de distinguer les décorations de sa main tant Pillement inspira ses contemporains mais aussi les générations suivantes car plus de deux siècles après son décès les motifs Pillement figurent toujours parmi les indémodables des tissus d’ameublement.

Références bibliographiques

Élodie Desserle, service de l’informatique documentaire