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L’Almanach des maisons vertes, d’Utamaro
Mis à jour le 20 mars 2024
Les trésors de l'INHA
Auteur : Alexis Dégé pour la Nuit de la lecture
La Nuit de la lecture 2024 a été l’occasion d’ouvrir la bibliothèque de l’INHA à une classe d’élèves en terminale option « Histoire des arts » du lycée Léon Blum de Créteil. Le thème de la Nuit, le corps, s’articulait parfaitement avec celui de leur programme, autour des « Femmes, féminisme, féminité », et leur a permis de porter leur regard sur des estampes de la collection. Après un travail de plusieurs semaines, la Nuit de la lecture a été l’occasion pour ces apprentis historiens et historiennes de l’art de lire leur texte sur une estampe de leur choix. Quelques-uns de ces textes sont publiés sur le blog de la bibliothèque, comme celui d’Alexis, après celui d’Enzo.
J’ai choisi de vous parler de Kitagawa Utamaro et de l’Almanach des maisons vertes.
Kitagawa Utamaro artiste graveur est né dans la période d’Edo, au XVIIe siècle, au Japon. Il faisait partie du mouvement ukiyo-e, tout comme Hokusai. L’ukiyo-e est particulièrement diffusé par une technique d’impression et de peinture sur bois, datant du XVIIe au XIXe siècle. Celle-ci était alors la plus répandue au Japon.
L’Almanach des maisons vertes consiste en un recueil de poésie explicative et de gravure ukiyo-e. Pour cette gravure, Utamaro a utilisé du bois de bout, c’est-à-dire du bois coupé horizontalement au tronc, plus dur, ce qui donne un trait fin et donc permet de donner plus d’espace et de faire plus de détails.
L’Almanach nous présente les « maisons vertes », c’est-à- dire le quartier des plaisirs en parlant du quotidien des maisons closes. Ce fut l’un des plus gros succès d’Utamaro.
Cette double page du recueil a tout de suite capté mon regard, car Utamaro joue avec l’angle de la composition et la perspective. Dans l’angle supérieur, à droite, plusieurs femmes se pressent sur le seuil de la porte d’une des chambres. Elles sont toutes serrées les unes contre les autres et aucune d’entre elles n’ose franchir le pas de la porte. Bien que donnant l’impression de former une grappe, Kitagawa les individualise et donne à chacune de la personnalité, un visage différent. Avec humour, il fait trébucher l’une d’entre elles qui se retrouve déséquilibrée.
Que font ces femmes ? Que viennent-elles voir ? Au milieu de la pièce, un maître peint un majestueux phénix sur le mur de la chambre. L’homme, totalement absorbé par sa tâche, ne se laisse pas déranger par le mouvement et les bruits alentours. Autour de lui, son jeune apprenti a installé l’atelier et prépare les pigments. La chambre spacieuse, le maître, son apprenti et surtout le phénix superbe, occupent presque toute l’image. C’est la seule page de l’Almanach dans laquelle les courtisanes ne sont pas le sujet central.
Bien que reléguées dans un angle de l’image, Utamaro a pris soin de les vêtir des traditionnels kimonos aux motifs floraux raffinés et aux couleurs chatoyantes qui dissimulent entièrement leur corps. Leur teint très pâle contraste avec le noir profond de leur chevelure épaisse et de leur coiffure sophistiquée. Elles rivalisent ainsi avec les plumes colorées du phénix. Elles sont, tout comme lui, des œuvres d’art. Mais contrairement à lui, leur beauté n’est pas éternelle.