En amont d’une présentation approfondie des usages de IIIF à l’INHA, ce billet se propose de présenter simplement ce protocole d’interopérabilité de plus en plus utilisé par les dépôts d’images numériques, bibliothèques ou autres.

IIIF (pour International Image Interoperability Framework) est d’abord le nom d’une initiative lancée par l’Université Stanford et par plusieurs grandes bibliothèques – dont la Bibliothèque nationale de France -, dans le but de faciliter la manipulation des images des bibliothèques numériques. Concrètement, ce projet a abouti à définir un ensemble de protocoles dont l’objectif est de doter les bibliothèques numériques d’un cadre technique commun pour la diffusion et la manipulation des images. Du point de vue de l’expérience utilisateur, ce cadre normalisé offre de nouvelles possibilités pour exploiter les documents.

Quelles sont les nouveaux usages permis par ce protocole ? Voici quelques exemples, souvent tirés de démonstrations faites par l’équipement d’excellence Biblissima, en pointe sur la question :

  • En utilisant une visionneuse compatible IIIF (Mirador, Universal Viewer, etc…), il devient possible de juxtaposer dans la même interface de consultation des documents issus de bibliothèques numériques différentes. Ce peut être utile afin d’observer les différences entre deux manuscrits du même texte, entre deux œuvres d’un même artiste, ou même pour reconstituer une bibliothèque entière dont les livres ont été dispersées entre plusieurs institutions, ce qui a été fait par exemple pour une partie de la bibliothèque du clerc lyonnais Florus dispersée entre la BnF et la Bibliothèque municipale de Lyon.
  • Sur le même principe et pour des projets plus complexes, il est possible de superposer sur une même page plusieurs états d’un document : cela permet de présenter de façon unifiée des documents dont des éléments ont enlevés et conservés ailleurs, comme pour ce manuscrit de la bibliothèque municipale de Châteauroux, dont des fragments ont été retrouvés à la BnF. Là aussi il s’agit d’assembler dans la même interface des images en provenance de différentes bibliothèques numériques.
  • Les fonctionnalités de manipulations des images sont enrichies : il devient possible, en utilisant une syntaxe spécifique, de zoomer sur une zone précise d’une image, de la redimensionner, ou de changer son orientation. Il est également possible de citer une zone précise d’une image.

La philosophie générale de IIIF est de faire des bibliothèques numériques des dépôts auxquels d’autres applications vont avoir accès pour pouvoir réutiliser les images. Il s’agit donc de développer l’interopérabilité des bibliothèques numériques avec d’autres types d’applications, pour que l’utilisateur ne soit plus dépendant de l’interface de consultation d’origine, mais puisse en utiliser d’autres, comme les visionneuses compatibles avec IIIF déjà citées, ou des outils d’annotation externe. Sans aborder trop en détail les points techniques, IIIF a rendu cela possible en définissant différentes API (pour application programming interface, interface de programmation), qui sont les points d’accès qui permettent à plusieurs dépôts ou applications web (par exemple une bibliothèque numérique et une visionneuse) de dialoguer entre elles.

Pour illustrer l’une des exploitations de ce protocole avec des images issues de la bibliothèque numérique de l’INHA, on a juxtaposé ci-dessous dans la visionneuse Mirador deux états d’une même estampe d’Henri de Toulouse-Lautrec : à gauche, le premier état avant la lettre issu de la bibliothèque numérique de l’INHA , à droite une épreuve de la pierre de trait en bleue, sans lettre, issue de Gallica.

Visionneuse Mirador : deux états d'une même estampe d'Henri de Toulouse-Lautrec : à gauche, le premier état avant la lettre issu de la bibliothèque numérique de l'INHA , à droite une épreuve de la pierre de trait en bleue, sans lettre, issue de Gallica

Autre exemple : la bibliothèque numérique de l’INHA contient les originaux numérisés de dessins parus par la suite dans la revue « La Plume », numérisée sur Gallica. On peut donc comparer dans l’interface de la visionneuse Mirador deux états du même dessin, à gauche le dessin original sans la lettre, conservé à l’INHA, et à droite la version finalement imprimée, conservée et numérisée par la BnF.

Visionneuse Mirador : deux états du même dessin, à gauche le dessin original sans la lettre, conservé à l'INHA, et à droite la version finalement imprimée, conservée et numérisée par la BnF.

Ces deux exemples illustrent deux des grandes utilités de IIIF : permettre l’exploitation des images indépendamment de leur présentation d’origine ainsi que le croisement d’éléments issus de collections différentes.

Aujourd’hui, le protocole IIIF est utilisé par un nombre croissant d’institutions scientifiques et patrimoniales, en France et à l’étranger : parmi les plus importantes on peut citer la Bibliothèque nationale de France (qui détaille ici selon quelles modalités utiliser IIIF sur Gallica) et la bibliothèque numérique de la Bodleian Library d’Oxford.

Johann Gillium (INHA) et Manon Demonfaucon (Stagiaire Master CEI, ENSSIB)

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