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Maximilien Luce, voyage dans les collections de l’Institut national d’histoire de l’art
Mis à jour le 26 avril 2023
Les trésors de l'INHA
À Mantes-la-Jolie du 12 avril au 3 juillet 2023
Maximilien Luce, voyage dans les collections de l’Institut national d’histoire de l’artÀ Mantes-la-Jolie du 12 avril au 3 juillet 2023
Voisin de la magistrale collégiale Notre-Dame, le musée de l’Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie, abrite la plus grande collection européenne d’œuvres de l’artiste Maximilien Luce (1858-1941). Le parcours d’exposition permanent retrace sa vie et les temps forts de sa création, des toiles néo-impressionnistes aux sujets illustrant la Première Guerre mondiale ou encore la cause anarchiste. Ce printemps 2023, le musée propose une exposition articulant ses collections et celles de la bibliothèque de l’INHA.
Genèse de l’exposition
En 2021, la responsable du musée de l’Hôtel-Dieu a bénéficié du programme « Invitation de professionnel(le)s des musées territoriaux », initié par le ministère de la Culture et l’INHA. Elle a ainsi pu effectuer une recherche approfondie sur la riche collection d’estampes de Maximilien Luce de la bibliothèque de l’INHA, qui compte 124 pièces. Bien que la date d’entrée exacte de ces estampes dans les collections ne soit pas connue, la collection Luce est initiée par Jacques Doucet (1853-1929). En 1911, Noël Clément-Janin, responsable du cabinet des estampes modernes de la bibliothèque d’Art et d’Archéologie de Jacques Doucet, rédige une note sur cette politique d’acquisition, la structurant pour constituer une collection d’œuvres modernes, en choisissant des œuvres impressionnistes ou contemporaines. Clément-Janin donne ainsi la priorité « aux ouvrages du XXe siècle, [le cabinet d’Estampes modernes] devra être établi au double point de vue de l’encouragement à donner aux arts et de l’enseignement. Au point de vue de l’enseignement, il paraît indispensable qu’il contienne l’œuvre, aussi complet que possible, des graveurs et lithographes contemporains qui ont marqué par quelque supériorité. »
Maximilien Luce, Le Parlement, vers 1892, gravure sur bois, 26 x 36,1 cm. Paris, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, EM LUCE 16. Cliché INHA
Maximilien Luce, qui jouit d’une solide réputation de graveur et d’une certaine postérité de son vivant, semble faire partie de ces artistes choisis dès le début, dix-huit de ses dessins sont notamment vendus lors de la vente du 28 et 29 décembre 1917. L’ensemble aujourd’hui conservé par l’INHA est très complet et caractéristique. Il illustre tout à fait les thèmes chers à Luce, qu’il traite avec le même intérêt en peinture comme en dessin. En s’immergeant dans la collection on suit le fil de ses rencontres, de ses voyages de 1888 aux années 1920. La collection comportant presque autant de scènes d’intérieur et intimes que de paysages, le musée de l’Hôtel-Dieu, qui conserve déjà de nombreuses œuvres sur ce sujet, a souhaité présenter une sélection de paysages plus rares et jamais vus en ses murs, notamment ceux de Londres, des Pays-Bas, de Charleroi et de quelques autres destinations françaises en Normandie, Bretagne et Bourgogne. Les trouvailles réalisées sont révélées au public jusqu’au 3 juillet dans le cabinet d’arts graphiques à travers un accrochage de dix-huit œuvres.
Maximilien Luce
Pionnier du néo-impressionnisme, peintre anarchiste, vice-président du Salon des indépendants, Maximilien Luce eut une longue et prolifique carrière. Né en 1858 à Paris, il suit en 1871 des cours de dessin à l’École des arts décoratifs puis intègre les cours de peinture dans les ateliers de Diogène Maillart et de Carolus-Duran. Sa peinture prend un tournant radical en 1885, lorsqu’il découvre le travail de Georges Seurat qui venait de faire scandale au Salon des indépendants, avec sa toile Baignade à Asnières. Il adopte cette nouvelle manière divisionniste et intègre le groupe des peintres néo-impressionnistes. Au passage du siècle, Luce développe une manière plus personnelle. Il se concentre notamment sur la thématique du monde ouvrier qui lui est chère et sur la Commune de Paris. La mobilisation de son fils Frédéric pendant la Première Guerre mondiale est ensuite à l’origine d’une série de toiles sur la représentation des soldats dans les gares parisiennes. Après la guerre, il trouve l’apaisement à Rolleboise, à 9 km de Mantes, où il s’installe en 1921. Il y décède en 1941.
Maximilien Luce, Maison de la Lande, à Camaret, vers 1893, lithographie en couleurs, 29 x 42 cm. Paris, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, EM LUCE 118. Cliché INHA
Le dessin est le fondement de l’art de Maximilien Luce. Il en apprend les bases dès ses plus jeunes années, à 13 ans. Ses parents ne s’opposent pas à sa vocation artistique et l’encouragent au contraire à devenir graveur. Henri-Théophile Hildibrand, graveur interprète de Gustave Doré, le prend en 1872 comme apprenti et lui transmet le savoir-faire de la gravure sur bois. Fort de cet apprentissage, Maximilien Luce trouve un travail quatre ans plus tard dans l’atelier d’Eugène Froment, fournisseur d’illustrations pour les romans de grands auteurs et de célèbres revues comme L’Illustration ou Le Magasin pittoresque. Il met ensuite son talent au service de la cause anarchiste. À partir de 1887, il fournit des dessins de presse incisifs pour les plusieurs journaux tels La Révolte, Les Temps nouveaux, Le Père Peinard. Son œuvre peint ne se dissocie pas de son œuvre graphique, mais y puise au contraire sa force.
Lithographies, gravure sur bois ou en taille-douce
Les techniques de l’estampe occupent Luce pendant les trente premières années de sa vie artistique. Il réalise principalement des lithographies, où le dessin à l’encre ou au crayon sur la pierre est immédiat (le gras de l’encre ou du crayon est ensuite fixé sur la pierre par une solution acidulée et de gomme arabique qui maintient le dessin sous la presse à imprimer). Mais aussi des gravures sur bois qui demandent une grande technicité pour faire apparaître en relief le dessin, en creusant le bois. Cette technique permet à Luce de jouer avec les pleins et les vides de la feuille pour traiter un de ses sujets favoris : le crépuscule qu’il aime aussi peindre avec une palette restreinte. Luce travaille aussi la pointe sèche, procédé de taille-douce sur plaque de métal qui consiste à creuser les lignes du dessin qui seront ensuite encrées. Ces derniers tirages à la pointe sèche sont plus rares car la reproduction est plus délicate, mais Luce excelle particulièrement dans cette technique. Il réussit à donner des effets veloutés à ses paysages, tout en soulignant certains détails avec une grande précision de trait. L’admiration constante du travail de Rembrandt, grand maître de la pointe sèche a sans doute inspiré Luce. Ces techniques sont toutes illustrées dans l’exposition.
Collection Maximilien Luce au musée de l’Hôtel-Dieu © Ville de Mantes-la-Jolie
Voyages et paysages
Jusqu’à ses 52 ans, Luce effectue plusieurs voyages à l’étranger. S’imprégnant de ces nouvelles découvertes paysagères et urbaines, il en retire une production d’estampes plus importante que ses paysages parisiens. C’est en 1877 qu’il voyage pour la première fois en Europe, il accompagne alors Froment à Londres. Mais il n’a pas le temps de dessiner ou graver pour lui-même. C’est lors de sa deuxième visite en 1892 qu’il exécute croquis, pochades et peintures sur les bords de la Tamise. La même année, il se rend en Belgique. Il réalise quatre autres séjours en 1895, 1896, 1897 et 1899, parfois pour exposer à Bruxelles, mais surtout, il visite les régions du Borinage et Charleroi. Il est fasciné par le pays noir, par la noirceur des terrils et la puissance des hauts-fourneaux et le fourmillement ouvrier. Il représente les bords de la Sambre, les usines, aciéries, fonderies. Préférant le Nord, Luce se rend également en 1907 aux Pays-Bas, sur l’invitation insistante de Kees Van Dongen. À Rotterdam, il s’intéresse là aussi au port, à la monumentalité des machines et des dragues.
Maximilien Luce, Chantier de Rotterdam, vers 1907-1908, pointe sèche, 32 x 40 cm. Paris, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, EM LUCE 62. Cliché INHA
Grand paysagiste, Luce nourrit aussi son répertoire dans plusieurs régions françaises, notamment au fil de ses vacances estivales. Louant des fermes ou étant accueilli avec sa famille par des amis, il arpente la Normandie et la Bretagne mais aussi la Bourgogne. Il découvre la vallée de la Cure en 1905 et à partir de 1908, il ne passe plus ses étés que là-bas. Les estampes de Bourgogne sont nombreuses, l’INHA en conserve une quinzaine. Les sujets sont très variés : villes et villages dominés par un clocher, des vallons et lacs. Ces paysages dégagent un sentiment de tranquillité et sont parfois peuplés de quelques baigneurs ou de pêcheurs. De façon plus rare, Luce a produit quelques lithographies en couleur, qui ne représentent pas un ensemble chronologique ou thématique cohérent. Toutefois, les premières impressions sont réalisées entre 1891 et 1898, à Eragny, Vernon, Gisors dans l’Eure, où Luce fréquente les Pissarro. Dans ces paysages, son dessin hachuré, les couleurs vives et complémentaires ne sont pas sans rappeler ses travaux divisionnistes contemporains.
Jeanne Paquet
Pour aller plus loin
Informations pratiques musée de l’Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie
Informations sur le programme « Invitation de professionnels et professionnelles des musées territoriaux »
Les estampes de Maximilien Luce sur la bibliothèque numérique de l’INHA