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Yaëlle Biro
Mis à jour le 5 novembre 2024
Paroles
Auteur : Yaëlle Biro
Yaëlle Biro a rejoint en octobre 2024 les équipes du département des études et de la recherche de l’INHA en tant que coordinatrice scientifique, après avoir été conservatrice pour les arts africains au Metropolitan Museum de New York pendant plus de dix ans. Spécialiste reconnue des arts classiques de l’Afrique et de leur circulation, de l’histoire du marché de l’art et des collections, elle évoque ici certains temps forts de sa carrière de chercheuse, son rôle à l’INHA et les projets qu’elle entend y développer.
Vous, en quelques mots ?
Je m’appelle Yaëlle Biro, je suis une historienne de l’art spécialisée dans les arts de l’Afrique. Je suis également conservatrice de musée, une fonction que j’ai occupé au Metropolitan Museum de New York où j’ai été responsable des arts africains de 2010 à 2021. J’ai pu y assurer le commissariat de plusieurs expositions, comme African Art, New York and the Avant-Garde en 2012, In and Out of the Studio: Photographic Portraits from West Africa en 2015 ou encore The Face of Dynasty: Royal Crests from Western Cameroon en 2017. Dans le cadre de mes recherches, je m’intéresse plus spécifiquement à l’histoire du marché des arts africains, qui constituait le sujet de ma thèse de doctorat soutenue à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, publiée en 2018 sous le titre Fabriquer le regard. Marchands, réseaux et objets d’art africains à l’aube du XXe siècle. La question des réseaux marchands et de circulation transnationale des objets continuent à m’occuper aujourd’hui.
Que faites-vous à l’Institut national d’histoire de l’art ?
Le but de ma présence à l’INHA est de fédérer les différents projets, passés ou en cours, liés aux provenances et au marché de l’art. Il faut dire que cette institution a été, pour la France, pionnière sur ces questions, et compte à son actifs plusieurs réalisations importantes. Je pense au « Répertoire des acteurs du marché de l’art sous l’Occupation », au programme « Collectionneurs, collecteurs et marchands d’art asiatique en France 1700-1939 » (qui a donné lieu en 2023 à une exposition au musée des Beaux-Arts de Dijon), ou encore à la cartographie « Le Monde en musée », qui se concentre pour sa part sur la présence des objets africains et océaniens dans les collections muséales françaises. Au-delà de ce rôle de coordination, je voudrais initier à l’INHA un projet de collecte d’histoire orales de marchands, dans l’esprit du travail réalisé par les Archives of American Art, qui depuis les années 1950 rassemblent des entretiens avec des artistes, marchands et collectionneurs qui constituent une importante ressource pour l’histoire de l’art. Je souhaiterais mener un projet similaire d’archives orales autour de l’histoire du marché en France, avec, du moins dans un premier temps, un focus sur les objets du continent africain.
Comment votre sujet de recherche peut-il contribuer à notre compréhension de la société contemporaine ?
Le domaine de recherche dans lequel je me situe résonne avec les questions fréquemment soulevées dans la société actuelle, et qui concernent notamment l’histoire coloniale de la France, les mouvements autour des demandes de restitutions, ou encore la place des objets concernés dans les collections françaises et européennes. Ces questionnements permettent un recentrement sur les objets en provenance d’Afrique, qui avaient un peu été délaissés par la recherche au cours des deux dernières décennies à la faveur des productions contemporaines. Je suis donc optimiste au sujet de l’importance des recherches et des travaux sur les provenances et le marché pour œuvrer à une meilleure compréhension des objets eux-mêmes.
Un objet, une image, une personnalité qui vous inspire en tant qu’historienne de l’art ?
Tout au long de ma carrière, j’ai eu la grande chance de voir se développer toute une génération d’historiennes et d’historiens de l’art créatifs, innovants, et passionnés, qui cherchent de nouvelles manières, plus collaboratives, plus décentrées, de présenter les arts d’Afrique à un public de plus en plus curieux et de plus en plus critique aussi. Je pense tout particulièrement à Susan Elizabeth Gagliardi, qui interroge en nous forçant à repenser les catégories, les terminologies, ou plus généralement la manière avec laquelle la discipline de l’histoire de l’art à conditionné notre regard sur les objets africains. Je pense aussi à certains de mes anciens stagiaires au musée, comme James Green ou Kristen Windmuller-Luna qui poursuivent une formidable trajectoire.
Un souvenir marquant face à l’art ?
La première expérience dont je me souvient face à des objets africains c’est la grande exposition Africa: The Art of a Continent, présentée en 1995 à la Royal Academy of Arts de Londres. À quinze ans, je ne comprenais pas les enjeux d’une telle exposition mais c’était une révélation esthétique. Cet événement m’a fait réaliser l’importance et la puissance des expositions, leur caractère marquant dans une trajectoire de chercheuse ou de chercheur.
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Paroles de chercheuse : rencontre avec Yaëlle Biro, historienne de l’art spécialisée dans les arts de l’Afrique.