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Trousse de travail du graveur Paul-Émile Colin (1867-1949)
Mis à jour le 13 janvier 2022
Les trésors de l'INHA
Auteur : Marie-Anne Sarda
Tous les jours 20 ans !
Pour les 20 ans de la création de l’INHA, les agents et agentes de l’institut ont sélectionné des documents entrés dans les collections de la bibliothèque ces vingt dernières années et vers lesquels leur cœur les portait. Patrimoniaux ou plus courants, ces documents seront exposés au centre de la salle Labrouste tout au long du mois de janvier 2022, à raison d’un par jour, accompagné d’un texte écrit par la personne qui l’a choisi. Ces présentations reflètent les rapports personnels que nous entretenons toutes et tous à l’art, à son histoire et ses sources, au-delà de la dimension scientifique. Vous retrouverez également ces textes au fil des jours sur le blog de la bibliothèque.
Trousse de travail de Paul-Émile Colin (1867-1949)
Tissu, 49 outils
32 × 80 cm
INHA, Archives 114/1/1
Achat en vente publique, Est Enchères (Metz), 25 janvier 2004
27 burins, 2 gouges, une pointe-sèche, un couteau de poche appelé « canif », 4 couteaux à peindre sans doute utilisés pour broyer les couleurs, 2 brunissoirs-grattoirs… : quel art ces outils servent-ils et quelle est leur place au sein des collections de la bibliothèque de l’INHA ?
Acquis en 2004 avec quelques matrices et divers papiers du graveur Paul-Émile Colin (1867-1949), cette trousse de travail fait figure de reliquat de son fonds d’atelier, la bibliothèque de l’INHA étant le dépositaire attitré de son œuvre depuis l’action de son premier conservateur des estampes.
Si Jacques Doucet acquiert dès 1906 des eaux-fortes d’Édouard Manet, alors même qu’il lance avec son secrétaire particulier Albert Vuaflart son projet de bibliothèque d’art, c’est à Noël Clément-Janin, critique d’art engagé par Doucet en 1911, que l’on doit la définition de la politique d’acquisition du fonds d’estampes modernes de la Bibliothèque d’art et d’archéologie. Souhaitant se démarquer de celui de la Bibliothèque nationale, le fonds développé rue Spontini est d’abord volontairement ouvert à la création étrangère. De plus, et suivant en cela l’instinct de Doucet qui avait acheté non seulement des tirages définitifs mais aussi des épreuves uniques ou des épreuves d’essai et d’état, Clément-Janin recommande l’acquisition des croquis et dessins préparatoires aux estampes. Il devance ainsi de près d’un siècle la formalisation d’une approche génétique en histoire de l’art, en tant que documentant les mécanismes de la création.
À cette fin, Clément-Janin entre en contact avec les artistes contemporains afin qu’ils proposent eux-mêmes des ensembles les plus complets de leur œuvre gravé. Comme il l’explique dans son Exposé de quelques idées générales concernant le cabinet des estampes modernes de la bibliothèque d’art et d’archéologie (1911) [1], ces fonds feront de la BAA le lieu incontournable voire unique d’étude de leur œuvre, rencontrant en cela l’exigence d’originalité et d’excellence de Doucet. Comptant de nos jours plus de 1 000 pièces, ce fonds Paul-Émile Colin constitue d’après le conservateur le modèle de ce fonds idéal et ultime, dont la formation soutient la création artistique tout en anticipant son étude comme l’enseignement des techniques. Manifestement lié d’une longue amitié avec Colin, médecin devenu graveur à part entière peu après 1900, Clément-Janin publie d’ailleurs en 1913 le catalogue de son œuvre gravé, comprenant 235 numéros et 660 œuvres, en comptant les différents états [2].
Rétroactivement symbolique de l’extrême rapidité de la constitution du cabinet des estampes modernes et contemporaines de la Bibliothèque d’art et d’archéologie et de la diversité des techniques qui y sont représentées, cette acquisition récente de la bibliothèque de l’INHA témoigne non seulement d’une prise en compte plus englobante de la culture matérielle par l’histoire de l’art, mais aussi de l’évolution de la politique patrimoniale publique qui peut voir l’acquisition d’un fonds d’atelier dans son entièreté par une collectivité publique, lors de la cessation d’une activité artistique [3]. Enfin, l’espace d’un moment partagé avec eux, ces outils, cette trousse demeurée bien fournie, nous restituent un instant de partage sensible avec l’artiste au travail et l’œuvre en train de se faire.
Marie-Anne Sarda, département des Études et de la recherche
[1] INHA, Autographes 42, 19. Ce texte resté inédit vient d’être publié : Un Cabinet d’estampes moderne(s), Paris, Comité national de l’estampe-Nouvelles de l’estampe, 2021.
[2] Catalogue de l’œuvre gravé de P.-E. Colin décoré de dix bois originaux inédits, Paris, 1913, INHA, 12 Res 1962. Clément-Janin avait précédemment publié un premier texte sur le graveur : P.-E. Colin, Paris, 1912, INHA, 4 Pièce 1127.
[3] À titre d’exemple, citons l’acquisition par les Archives départementales des Hauts-de-Seine en 2005, lors de sa fermeture définitive, de l’ensemble du fonds d’atelier Brière, maîtres verriers installés à Levallois-Perret depuis 1896.