En 2013, la Société des amis de la Bibliothèque d’art et d’archéologie a fait don à la bibliothèque de l’INHA de ce document remarquable : intitulé Max Klinger Beethoven. XIV Kunst Ausstellung der Vereinigung Bildender Künstler Österreichs Secession, il fut publié par Adolf Holzhausen à Vienne en 1902, sur un papier fabriqué par Gustav Roeder & C°. Il s’agit du catalogue de la quatorzième exposition de la Sécession viennoise, l’une des manifestations les plus marquantes de ce groupement d’artistes, fondé en 1897, en révolte contre l’esthétique et les pratiques académiques alors en cours.

L’exposition se tint d’avril à juin 1902, dans le célèbre bâtiment construit en 1898 par Joseph-Maria Olbrich. Sa présentation avait été confiée à un autre architecte de grande renommée, Josef Hoffmann. Ce dernier conçut une mise en scène prodigieuse, à la hauteur de l’hommage que la Sécession entendait rendre à Beethoven par la présentation du monument que le sculpteur allemand Max Klinger venait d’achever, après quinze années de labeur, et de la fresque de Gustav Klimt inspirée par la Neuvième symphonie.

Ce fut l’occasion, ainsi que le rappelle le peintre Ernst Stöhr dans le catalogue, de mettre fin aux accrochages traditionnels de tableaux en créant un espace unitaire monumental que viendraient ensuite orner tableaux et sculptures. Pour se faire une idée de la réussite de l’entreprise il faut se reporter aux admirables photographies que publia la revue  Deutsche Kunst und Dekoration. En effet, le catalogue ne contient ni vue de salle ni reproduction des œuvres exposées, celles-ci n’apparaissant que sous la forme d’une nomenclature.

Le livret n’en constitue pas moins un petit chef-d’œuvre du graphisme viennois, dont la bibliothèque ne possédait jusqu’alors aucun témoignage. Édité par la Sécession elle-même, il se situe dans la lignée directe de Ver Sacrum (Printemps sacré), revue d’un grand raffinement créée par les sécessionnistes en 1898. C’est du reste le peintre et dessinateur Alfred Roller, l’un des principaux collaborateurs de Ver Sacrum et successeur en cette année 1902 de Klimt à la présidence de la Sécession, qui est le maître d’œuvre du catalogue. Il en a notamment dessiné la page de garde qui, comme l’affiche de la manifestation, reprend le thème, en le transformant en motif décoratif abstrait, d’une de ses compositions picturales, Die Sinkende Nacht (La tombée du jour). À Ver Sacrum, le catalogue doit son petit format proche du carré – module appelé à devenir l’emblème des Wiener Werkstätte fondés en 1903 par Hoffmann et Koloman Moser -, ses illustrations originales  – privilégiant la gravure sur bois -, soumises aux lois de la bidimensionnalité, ainsi que l’orthogonalité rigoureuse de sa mise en page, qu’il s’agisse du plan des galeries ou de la liste des œuvres salle par salle, des exposants, des membres et correspondants étrangers.


XIV Kunst Ausstellung der Vereinigung Bildender Künstler Österreichs Secession, Holzhausen, Vienne, 1902, p. 5, bibliothèque de l’INHA, 12 Res 1581. Cliché INHA

Même les placards publicitaires, parmi lesquels on ne manquera de relever le nom de manufactures acquises à l’esthétique sécessionniste telles que Kohn (bois courbé), Backhausen  (tapis et  textiles) ou encore Bakalowits (verrerie), sont traités dans un style géométrique abstrait. Ce style triomphe dans la composition des monogrammes des artistes, rassemblés et imprimés en noir et blanc pages 73-75 ou dispersés dans le catalogue en bichromie noir et orange. Inscrites dans un carré, les lettres deviennent ornement tout en acquérant cette valeur constructive dont la Sécession entendait doter tout ornement.

Référence bibliographique

Philippe Thiébaut, département des Études et de la recherche