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Un catalogue d’ornements de Basile Masseron, sculpteur ornemaniste
Le 6 novembre 2015, la bibliothèque a acquis à une vente d’Enghien-Les-Bains un catalogue d’ornements du sculpteur ornemaniste Basile Masseron (v. 1821-1891). Celui-ci est constitué de 71 photographies, la plupart tirées en cyanotypie, procédé très bon marché et très facile à mettre en œuvre, qui fournit des épreuves d’un bleu cyan caractéristique.
Au procédé photographique près, la présentation de ce catalogue est dans la droite lignée des catalogues gravés plus anciens : chaque planche présente un choix d’ornements accompagnés de leur numéro de référence et de leurs dimensions. On peut le comparer, par exemple, au Recueil des dessins d’ornements d’architecture de la manufacture de Joseph Beunat, à Sarrebourg, et à Paris, publié vers 1810.
L’adresse de Masseron figure sur chaque planche : « MASSERON SCULr // 7 RUE DE LA FIDELITÉ 7 ». Le bâtiment qu’a connu Masseron existe toujours, à deux pas de l’église Saint-Laurent dans le 10e arrondissement de Paris. On ne saurait rien d’autre de cet artisan sans la magie d’Internet ni surtout, en l’espèce, de Gallica, qui fournit moult mentions de son activité, extraites de journaux et d’almanachs.
Masseron figure dans l’Annuaire-almanach du commerce à partir de 1861(en 1862: « sculptures sur bois, cadres, etc. »), déjà à cette adresse. Son activité est ainsi décrite en 1864: « ancienne maison Trouvé, sculpteur, la maison se charge d’expédier, soit en France ou à l’étranger, un salon complet, et de tous styles, tel que le plafond, lambris porte-panneaux, etc., le tout en belle menuiserie, blanchie et décorée en carton-pierre avec peinture et dorure, selon qu’il serait désiré, pouvant se monter et démonter avec grande facilité pour l’expor., r. de la Fidélité, 7 ». Exposant aux classes 14-15 réunies de l’exposition universelle de 1867(il est mentionné par Auguste Luchet dans L’Art industriel à l’exposition universelle de 1867 : « il y a aussi M. Masseron, mêlant le carton-pierre au bois, à faire volontiers prendre l’un pour l’autre »), il y obtient une mention honorable. La Commune et le siège de Paris compromettent sérieusement son activité. Le 15 décembre 1871, il est jugé en cessation de paiements. Mais la prospérité revient vite, puisqu’on le retrouve dans la classe 18 de l’exposition universelle de 1878.
Le 7 décembre 1882, ayant passé les soixante ans, Masseron s’associe avec Vernier, sans changer d’adresse. Mais la société Masseron et Vernier est dissoute à partir du 1er août 1887, suite à la maladie de Masseron.
Un curieux ouvrage du médecin Louis-Henri Goizet, La Vie prolongée au moyen de la méthode Brown-Séquard (1891), nous apprend en effet comment il soigna alors Masseron, son patient et voisin depuis 18 ans. Notre sculpteur était âgé de 69 ans quand Goizet fit une communication sur sa guérison devant la société de biologie, le 7 novembre 1890. Il était donc né vers 1821. Mais laissons parler le bon docteur : « M. Masseron, sculpteur, soixante-neuf ans, tempérament sanguin, d’une force musculaire bien au-dessus de la moyenne… n’avait jamais été malade avant 1887. Au mois de juillet de cette année, travaillant dans son jardin sous un soleil ardent, il s’affaissa tout à coup sans souffrance, ses jambes refusant de le porter… Depuis lors, les membres inférieurs ont toujours été lourds et sans forces. La paraplégie était incomplète, mais l’influx nerveux était insuffisant au bon fonctionnement des jambes… Au moral, la gaieté habituelle avait disparu, la mémoire avait considérablement baissé et la faculté de travail était presque nulle ». Masseron supplia Goizet de lui appliquer la méthode de l’inquiétant professeur Brown-Sequard, consistant en injections de suc testiculaire frais de jeunes cobayes. Quoi de mieux sans doute, pour requinquer un vieillard ? La première injection a lieu le 21 mai 1890. Le 25 juillet suivant et quelques injections plus tard la guérison était, aux dires du docteur Goizet, totale, et son patient gambadait dans la campagne.
Pourtant, une nouvelle dissolution de sa société est publiée par Le Radical le 8 juillet 1891, et Masseron mourut le 26 décembre suivant, laissant planer un doute sur les bénéfices réels du suc testiculaire. Pourtant, sa société paraît encore dans l’Annuaire de l’Union fraternelle du commerce et de l’industrie de 1896 et dans l’Annuaire Hachette de Paris de 1897; mais en 1903, elle a été reprise par Ed. Jourdilet a déménagé 1bis, cité Nys, à deux pas du musée Grévin.
Compte tenu de ces éléments chronologiques, ces cyanotypes qui ne portent que le nom de Masseron datent très probablement d’avant son association avec Vernier, le 7 décembre 1882. Ce fort volume relié en toile écrue et à coins de laiton rassemble majoritairement des ornements de plafond (rosaces, écoinçons, angles de gorge, frises, courants de larmier), de styles Renaissance, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI et « grec ». L’histoire ne dit pas pourquoi ont été ajoutées plus tard, en fin d’album, neuf photographies de pièces de dentelles.
Jérôme Delatour, service du Patrimoine