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BATISSIER, Louis
Mis à jour le 13 janvier 2009(29 juin 1813, Bourbon-l’Archambault – 8 juin 1882, Enghien) Pseudonyme : LEWIS, Bernard
Auteur(s) de la notice : LE GENDRE Armelle
Profession ou activité principale
Médecin, vice-consul à Suez
Autres activités
Archéologue, inspecteur des monuments historiques, critique d’art
Sujets d’étude
Études d’histoire locale, monuments et histoire du Bourbonnais, histoire générale de l’architecture, archéologie médiévale, archéologie orientale
Carrière
1831 : termine ses études secondaires à Paris
1831 : écrit dans l’Album de l’Allier, tout comme Achille Allier
1833 : est intégré à l’équipe constituée par Achille Allier et Adolphe Michel pour la préparation de l’Ancien Bourbonnais ; publie plusieurs travaux relatifs à l’histoire du Bourbonnais, dans le Patriote de l’Allier et le Journal du Bourbonnais
1834 : prend une part active dans la rédaction de la France catholique
1836-1841 : collabore régulièrement au journal L’Artiste
1836 : Adolphe Michel l’associe plus étroitement à la rédaction de l’Ancien Bourbonnais dont l’initiateur et principal artisan, Achille Allier, vient de décéder ; le « Voyage pittoresque » lui revient
1836-1837 : publie un « Guide pittoresque du voyageur en Bourbonnais » dans les Annuaires du département de l’Allier pour les années 1836 et 1837
1836-1842 : collabore à la rédaction de l’Art en province, revue de « décentralisation artistique » publiée à Moulins, où il rédige notamment en 1836-1837 un « Cours d’archéologie nationale » comprenant l’ère celtique et l’ère gallo-romaine
1838 : succède à Adolphe Michel au titre de correspondant du Comité des arts et monuments
1839-1859 : inspecteur des monuments historiques de l’Allier
1840 : reçoit une médaille du ministère de l’Instruction publique pour ses rapports archéologiques
1842 : reçu docteur en médecine à Paris avec une thèse intitulée Origine de la classification et de l’action thérapeutique des eaux minéro-thermales ; délaisse cette profession pour se consacrer à l’archéologie
1842 : partage son temps entre Paris et Moulins
1845 : correspondant de la Société archéologique du Bourbonnais nouvellement créée
1846 : chargé d’une mission en Grèce, Syrie et Asie Mineure afin d’effectuer des recherches sur les monuments élevés par les chrétiens aux temps des croisades
1846 : l’Académie des inscriptions et belles-lettres lui accorde une mention honorable pour son Histoire de l’art monumental
1847 : publication en cinquante livraisons de l’Eure historique et monumentale : annoncée par Jean-François Beuzelin, elle ne peut aller à son terme ; Louis Batissier publie alors une Description de la cathédrale d’Évreux en 1849 et l’éditeur emploiera quelques-unes des planches exécutées en vue de cet ouvrage pour Les Plus Beaux Monuments de l’Eure, album archéologique et pittoresque (1856)
1848-1861 : occupe les fonctions d’agent consulaire rétribué ayant le titre de consul de France à Suez
1861 : se retire à Enghien
Chevalier de la Légion d’honneur (26 décembre 1855)
Étude critique
Dans l’ouvrage qu’il consacre à Achille Allier en 1942, Léon Côte n’accorde qu’une place dérisoire à cet autre historien d’origine bourbonnaise, ce « piètre écrivain », ce médecin, archéologue et critique d’art dont les « essais de résurrection du passé sont secs et sans flamme ». À ce jugement sévère nous ne pouvons qu’opposer une vue plus nuancée de son œuvre, soulignant l’ambition et l’esprit méthodique qui l’animent.
Natif de Bourbon-l’Archambault et lié à l’historien et archéologue Achille Allier, Louis Batissier fait ses premiers pas en archéologie dans le milieu moulinois des années 1830-1840. Il y rencontre notamment l’historien Adolphe Michel, qui exerce sur lui une influence déterminante, l’éditeur Desrosiers et l’ornemaniste Aimé Chenavard. Signalons d’emblée que son attachement pour le Bourbonnais est manifeste, mais n’a rien d’exclusif. Il publie nombre d’articles dans L’Art en province tout en livrant quelques « Lettres sur la province » dans la revue parisienne L’Artiste. Descriptions archéologiques et comptes rendus d’ouvrages côtoient des textes critiques où il affiche son refus des principes académiques qui donnent une « uniformité désespérante » à l’art pictural et architectural. Il s’attaque tout autant aux « académiciens entêtés » qu’aux maniaques du Moyen Âge, récusant toute forme de pastiche en matière d’art et soulignant l’importance de l’idée dans la création. Il dit son admiration pour l’œuvre de Théodore Géricault et publie en 1841 une vie de l’artiste après avoir recueilli de précieux détails biographiques auprès de Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy, ami du peintre. Mais l’œuvre de Batissier est avant tout marquée par son goût pour l’archéologie monumentale et, à ses débuts du moins, pour sa région natale.
Ses premiers écrits sont empreints d’une inspiration toute romantique et conservent pour plusieurs d’entre eux la structure d’un récit de voyage ou plutôt d’une déambulation propice à la rêverie et à l’exaltation du sentiment. Le but alors avoué de Batissier est de montrer que le Bourbonnais « n’est pas si pauvre en pittoresque qu’on affecte de le répéter dans tous les livres ». Dans son Guide du voyageur ou dans le Voyage pittoresque qu’il rédige pour L’Ancien Bourbonnais son regard embrasse tout à la fois passé et présent, il y souligne la diversité des situations géographiques et la variété des paysages architecturaux. « Chaque province a pour ainsi dire un genre d’architecture à part, comme elle a une langue, un patois qui lui appartiennent en propre […]. Cette topographie monumentale est à peine ébauchée. » (L’Artiste, 1839). Batissier y contribue évoquant les paysages et les richesses minérales du Mont-Dore en écho à sa thèse de médecine consacrée aux bienfaits du thermalisme. Il s’intéresse encore à la Bourgogne et nourrit pendant un temps le projet d’une description des monuments de l’Eure. « On a remarqué que le caractère physique et moral de l’homme se liait intimement à la nature et à la configuration du sol qu’il habite », et l’analyse de cette physionomie particulière révélée dans la langue, les coutumes mais aussi dans les monuments est au fondement même de son travail, elle s’exprime jusque dans sa Physiologie du Bourbonnais, véritable satire sociale et régionale qu’il publie sous le pseudonyme de Bernard Lewis.
Son travail excède rapidement le cadre régional, et les principes d’une géographie humaine et monumentale qui affleurent dès ses premiers écrits sont appliqués au champ bien plus vaste d’une histoire universelle. Loin des réflexes antiquaires, il définit l’archéologie comme une science en devenir inséparable de l’histoire à laquelle elle donne corps et dont elle prend le caractère encyclopédique. Dès 1836, il compose un Cours d’archéologie empruntant la voie ouverte par Arcisse de Caumont et Raoul Rochette. L’engouement pour l’archéologie et l’accroissement du nombre des publications rendent nécessaire la parution de manuels simples et maniables : l’architecte Daniel Ramée en publie un premier en 1842, l’ecclésiastique Jean-Baptiste Oudin un autre en 1845, tandis que Batissier fait paraître ses Éléments d’archéologie nationale en 1843. L’entreprise est immense, toutes les civilisations de l’Occident, de l’Orient ou des Amériques sont envisagées, même si l’art du Moyen Âge français tient une place de choix. Cet ouvrage dénote une fois dans l’évolution positive de l’industrie, fille de l’instinct et de l’intelligence, vers l’art qui « procède tout à la fois de l’imagination, de l’étude et du génie », une croyance en la mutation de l’art du simple vers le composé. Batissier explicite son admiration pour l’art du Moyen Âge qui « a moins pour but l’imitation parfaite de la nature que la manifestation de la pensée religieuse ». Au sujet des monuments médiévaux « qui portent l’empreinte de notre nationalité », il critique le pittoresque d’Abel Hugo, les imprécisions de Jean-Jacques Bourassé ou encore la classification des styles architectoniques établie par Arcisse de Caumont sans pour autant échapper aux généralisations. Par ailleurs, il fait montre d’arguments fantaisistes, soulignés par Jean Nayrolles, invoquant par exemple l’action de la franc-maçonnerie dans l’unification des multiples écoles provinciales préludant à l’avènement du style gothique. Ce livre n’en reste pas moins un bon témoignage des acquis de l’archéologie dans les années 1840 que vient compléter une bibliographie de plus de cinquante pages, œuvre de ce « redoutable bibliophage ». Éléments d’archéologie rencontrent le succès et une nouvelle version du texte est publiée peu de temps après sous le titre Histoire de l’art monumental.
Batissier souhaite donner une autre direction à ses travaux en explorant des territoires encore mal connus. Encouragé par Paul Delaroche, il demande une mission auprès du ministre de l’Instruction publique afin d’étudier les monuments élevés par les chrétiens de l’Occident à l’époque des croisades. En juin 1846, il est à Smyrne et s’apprête à poursuivre son périple en passant par Beyrouth, Saint-Jean-d’Acre et Jérusalem ; deux lettres publiées l’attestent. Après ces premières recherches, il souhaite visiter les régions allant du delta du Jourdain à la mer Morte, sortant ainsi des « sentiers battus » et portant son attention aux monuments grecs, romains ou encore byzantins et arabes. La mission tant souhaitée ne peut être accordée par le ministère ; les informations recueillies au cours de son premier voyage lui permettent néanmoins d’apporter des précisions notables à son Histoire de l’art monumental, dont une seconde édition refondue paraît en 1860 elles ne suffiront pas en revanche pour la parution d’un ouvrage sur l’architecture des régions de Syrie et Palestine.
Suite à sa nomination au poste d’agent consulaire à Suez en 1848, ses publications se font plus rares même si son intérêt pour l’archéologie reste vif. L’influence dont jouit la France en Égypte est alors sensible ; les consuls, outre leur rôle d’observateurs de la vie politique locale, deviennent de remarquables pivots de l’influence française dans des domaines aussi divers que le commerce ou l’archéologie. En poste à Suez, Batissier se tourne naturellement vers l’égyptologie. Il se lie d’amitié et correspond avec Auguste Mariette, fait l’acquisition de plusieurs objets anciens comme en attestent ses dons au musée du Louvre, la stèle de Tapéret entrée au musée en 1851 notamment, ou encore une vingtaine d’objets provenant du site de Memphis envoyés en 1879 au musée de Moulins.
Armelle Legendre
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Allier Achille. – L’Ancien Bourbonnais. Gravé et lithographié, Aimé Chenavard, dir., d’après les dessins et documents de M. Dufour, par une Société d’artistes [continué par A. Michel et L. Batissier]. Moulins : Desrosiers fils, 1833-1838, 2 vol. et un atlas.
- Les Douze Dames de rhétorique. D’après les manuscrits de la Bibliothèque royale, avec une introduction par Louis Batissier et ornées de gravures par Schaal. Moulins : P. A. Desrosiers fils, 1838.
- Le Mont-Dore et ses environs. Par M. Louis Batissier, un des auteurs de L’Ancien Bourbonnais ; planches lithographiées par F. Lehnert. Moulins ; Clermont-Ferrand : P. A. Desrosiers ; A. Veysset, 1840.
- Géricault. Rouen : impr. de D. Brière, s. d. [1841]. Extrait de la Revue du XIXe siècle. Repris dans Géricault raconté par lui-même et par ses amis, Vésenaz. Genève : Pierre Cailler éditeur, 1947, p. 23-72.
- Éléments d’archéologie nationale, précédés d’Histoire de l’art monumental chez les anciens. Paris : Leleux, 1843.
- La France nationale : province de Bourgogne. Collab. d’ Alex Ducourneau, Amans Monteil et Louis Batissier. Paris : impr. de Maulde et Renou, 1844, 2 vol.
- Histoire de l’art monumental dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Suivi d’un Traité de la peinture sur verre. Paris : Furne, 1845.
- Dulaure Jacques-Antoine. – Histoire de Paris et ses monuments : nouvelle édition refondue et complétée jusqu’à nos jours, Louis Batissier (nouv. éd. refondue et complétée par). Paris : Furne et Cie, 1846.
- Éléments d’archéologie nationale. Précédés d’une Histoire de l’art monumental chez les anciens. Paris : Leleux, 1848.
- Description de la cathédrale d’Évreux. Rouen : impr. de A. Péron, 1849. Extrait de la Revue de Rouen et de Normandie, août, septembre et octobre 1849.
- Histoire de l’art monumental dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Suivie d’un Traité de la peinture sur verre. 2e éd. entièrement refondue. Paris : Furne et compagnie, 1860.
- Excursions photographiques : vues et monuments les plus remarquables de l’Univers. Paris, 1863.
- Le Nouveau Cabinet des fées, contes choisis, précédés d’une notice sur les fées et les génies. Paris : Furne, 1864.
Sous le pseudonyme de Bernard Lewis
- Lewis Bernard. – Physiologie du Bourbonnais. Illustrée de 60 gravures par Pottin. Moulins : P.-A. Desrosiers, 1842.
Articles
- « Guide pittoresque du voyageur en Bourbonnais ». In Annuaire de l’Allier et guide pittoresque du voyageur en Bourbonnais pour 1836. Moulins : impr. P.A. Desrosiers, s. d.
- « Cours d’archéologie nationale : Introduction », « Histoire de l’art monumental en France : ère celtique », « Histoire de l’art monumental : ère gallo-romaine ». L’Art en province : cours d’archéologie nationale par une Société d’artistes et de littérateurs de la province, 2e année, 1836-1837, p. 1-8, 25-34, 53-61, 85-94, 137-145, 169-176 et 193-199.
- « Sur l’art monumental ». L’Artiste, t. XI, 1836, p. 1-4.
- « Études relatives à l’histoire de l’art ». L’Artiste, t. XI, 1836, p. 52-54, 67-70 et 80-82.
- « Guide pittoresque du voyageur en Bourbonnais ». In Annuaire de l’Allier et guide pittoresque du voyageur en Bourbonnais pour 1837. Moulins : impr. P.A. Desrosiers, s. d.
- « Musée d’architecture ». L’Artiste, t. XIV, 1837, p. 17-23.
- « Considérations générales sur la statistique monumentale du Bourbonnais ». Bulletin monumental, t. IV, 1838, p. 212-220.
- « Rapport adressé à M. le ministre de l’Instruction publique, par M. Batissier, chargé, en 1846, d’une mission en Grèce, en Syrie et en Asie Mineure ». Archives des missions scientifiques et littéraires publiées sous les auspices du ministère de l’Instruction publique et des Cultes, pour l’année 1850, 1re série, t. I, p. 415-428 ; t. II, p. 198-211.
Bibliographie critique sélective
- Quérard Joseph-Marie. – La Littérature française contemporaine. 1827-1840 : continuation de la France littéraire, t. I. Paris : Daguin Frères, éditeurs, 1842, p. 185.
- « L. Batissier ». Bulletin de la Société d’émulation de l’Allier, 1886, t. XVII, p. 28-30.
- Bruel Georges. – « Le Docteur Batissier (Yves, Louis, Joseph) ». Bulletin de la Société d’émulation du Bourbonnais, 1925, t. XXVIII, p. 209-210.
- Côte Léon. – Achille Allier : historien, conteur, imagier bourbonnais, 1807-1836. Thèse, faculté des lettres de Strasbourg. Moulins : Crépin-Leblond éditeur, 1942, p. 227-228.
- Les Donateurs du Louvre [catalogue de l’exposition], Paris, musée du Louvre, 4 avril-21 août 1989. Paris : Réunion des musées nationaux, 1989, p. 142.
- Tety Marie-Thérèse. – « Louis Batissier : une vie d’écrivain sous le signe de l’archéologie ». In Actes du 61e congrès de la Fédération des Sociétés savantes du Centre de la France : Moulins, 24-25-26 mai 2002. Moulins : Société d’émulation du Bourbonnais, 2003, p. 99-116.
- Nayrolles Jean. – L’Invention de l’art roman à l’époque moderne (XVIIIe-XIXe siècles). Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 251-255 et 265.
Sources identifiées
Moulins, Archives départementales de l’Allier
- 4 T 44 : rapport de Louis Batissier concernant les monuments de l’Allier
- 4 T 49 : arrêté de nomination de Louis Batissier comme inspecteur des monuments historiques
Moulins, Archives municipales
- 3 R 14 : don d’objets provenant de Memphis fait par Louis Batissier au musée de Moulins
- 3 R 84 : testament et legs Batissier
Paris, Archives nationales
- F 17 2936-2 : correspondants du ministère, membres résidants et non résidants du Comité des travaux historiques et scientifiques : dossier Batissier
- F 17 2936-1 : archives des missions scientifiques et littéraires : dossier n° 9, Louis Batissier
En complément : Voir la notice dans AGORHA