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CHARVET, Léon
Mis à jour le 5 décembre 2008
(15 mai 1830, Lyon – 1916, Paris)
Auteur(s) de la notice : PEREZ Marie-Félicie
Profession ou activité principale
Architecte, professeur de dessin, inspecteur des écoles d’art et des musées
Sujets d’étude
Architectes et édifices lyonnais, arts décoratifs, enseignement du dessin
Carrière
Études à l’École des beaux-arts de Lyon sous la direction d’Antoine-Marie Chenavard
1848 : premier prix d’architecture de l’école ; entre dans le cabinet de Chenavard, architecte du département du Rhône et des diocèses de Lyon et de Belley
1852-1861 : entrée au cabinet de René Dardel : assistant dans la direction du chantier du Palais du commerce jusqu’en 1855 ; inspecteur de la construction jusqu’en 1861
1862-1868 : architecte du département de la Savoie ; exerce aussi dans toute la région, pour des particuliers ou des institutions (poursuivra jusqu’en 1884 sa pratique de l’architecture)
1868-1884 : directeur du musée d’Art et d’Industrie et professeur d’art décoratif à l’École impériale des beaux-arts de Lyon où il enseigne aussi, à partir de 1874, la géométrie pratique et la perspective
1879 : nommé inspecteur de l’enseignement du dessin et des musées par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pour le département du Rhône
1884 : ayant donné sa démission de l’École des beaux-arts de Lyon, s’établit à Paris, nommé inspecteur général de l’enseignement du dessin et des musées pour le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts ; participe à diverses commissions et présente des rapports sur l’enseignement du dessin et certains musées d’art industriel (par exemple le rapport sur le musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne en 1887)
1903 : se retire de ses activités avant 1903
1916 : décès à Paris, annoncé le 6 avril devant la Société académique d’architecture de Lyon ; éloge prononcé par l’architecte Sainte-Marie Perrin
Membre d’un grand nombre de sociétés savantes, en particulier de la Société académique d’architecture de Lyon (1865-1884) et du comité des Sociétés des beaux-arts des départements (1878-1894) ; membre fondateur de la Société de topographie historique de Lyon en 1872 et trésorier-archiviste de cette Société jusqu’en 1884
Étude critique
L’activité intellectuelle de Léon Étienne Gabriel Charvet est en relation étroite avec les centres d’intérêt successifs de son activité professionnelle qui le vit passer, sans rupture mais plutôt en cumulant les fonctions, de la responsabilité de chantiers à l’enseignement du dessin et à la direction d’un musée d’art et d’industrie, puis à l’inspection des écoles d’art. Il ne sera pas question ici du premier aspect : l’architecture, domaine dans lequel il fut actif jusqu’en 1884, mais dont il a donné lui-même le détail dans son œuvre majeur : Lyon artistique – Architectes lyonnais, publié en 1899.
Très vite, Charvet passa de la pratique de l’architecture à l’histoire de celle-ci à Lyon et dans la région, faisant des recherches sur les édifices mais surtout sur ses prédécesseurs célèbres comme Sebastiano Serlio, Philibert Delorme, les Royers de La Valfenière, Ferdinand Delamonce, Jacques-Germain Soufflot, etc. Il fit preuve d’une érudition solide et nouvelle à Lyon à son époque, fondée sur les archives, les sources imprimées et les publications érudites de son temps. Ces recherches, souvent présentées aux réunions des Sociétés des beaux-arts des départements, ou dans des revues comme la Revue du Lyonnais, furent résumées dans le gros volume Lyon artistique – Architectes lyonnais déjà cité, qui reste la référence pour toute étude sur les architectes actifs à Lyon, à partir du XVIe siècle et jusqu’au XIXe ; pour les derniers, Charvet donne des informations de première main (y compris sur lui-même).
Il est difficile de trouver une ligne directrice dans les publications scientifiques de Charvet car ce sont, pour la plupart, des notices historiques, sérieusement documentées et dont l’ambition est l’érudition et peut-être la volonté de montrer l’importance de la création en province dans le passé, mais il faut retenir que, pour beaucoup d’artistes actifs à Lyon, même au-delà des architectes, ses travaux furent pionniers et demeurent valables (par exemple pour Étienne Martellange, Thomas Blanchet, les Sevin).
Il est plus aisé de détecter une démarche cohérente dans le domaine des arts décoratifs. Charvet présenta à partir de 1878, lors des réunions annuelles des Sociétés des beaux-arts des départements, plusieurs communications qui constituent une histoire de l’enseignement du dessin à Lyon depuis le XVIIIe siècle à la fois érudite et militante, car il est persuadé, par l’exemple lyonnais, de l’importance économique du dessin appliqué à l’industrie, la soierie plus précisément, dont l’excellence est à l’origine de la réputation de Lyon. Son étude de l’École de dessin de Lyon lui donna l’occasion de rappeler que celle-ci – à laquelle il était particulièrement attaché puisque son aïeul Jean-Gabriel Charvet (1750-1829) qui en fut élève, devint un dessinateur pour papiers peints reconnu – fut à l’origine de la prospérité de la soierie lyonnaise par la qualité de ses dessinateurs, tout en formant les principaux représentants de l’école lyonnaise de peinture au XIXe siècle (Fleury Richard, Pierre Révoil, Claude Bonnefond, etc.).
Il avait lui-même appris le dessin à l’École des beaux-arts de Lyon et, plus tard, il suivit la construction du Palais du commerce pourvu, dès l’origine, d’une collection d’art décoratif dont il fut chargé ; enfin, son enseignement à l’École des beaux-arts porta d’abord sur l’ornement, puis sur la perspective et le dessin en général. Il fut ainsi amené à réfléchir sur la situation du dessin d’ornement par rapport au dessin « artistique » et à déplorer qu’un « mépris injuste ait entouré les œuvres dites d’art décoratif et que certains artistes se soient plu à élever une barrière entre ce qu’ils nomment le grand art et les productions d’art industriel ».
Sa démarche fut à la fois encyclopédique et historique. Ainsi le fonds de documents déposé par ses descendants au musée historique de la ville (musée Gadagne) comporte, à côté d’un recueil de détails d’architecture relevés dans des édifices lyonnais, parfois détruits dès son époque, un album de motifs décoratifs de toutes origines (n° 2339) : armoiries, lettrines tirées de manuscrits ou d’étiquettes, détails de titres de cartes géographiques, lettres chinoises, ex-libris, étiquettes Art nouveau, tout cela témoignant d’un esprit encyclopédique. Son grand œuvre fut un manuel important par le nombre des vignettes (1228), intitulé Enseignement de l’art décoratif, comprenant son histoire générale, l’étude des caractéristiques des époques, ses procédés industriels et la théorie de la composition décorative, publié en 1888 et qui faisait la somme de ses recherches. Dans la préface, Charvet déclare : « Cet ouvrage n’est pas un recueil de motifs d’ornements ou d’objets d’art, comme il en existe un grand nombre ; ce n’est pas, non plus, un manuel de curiosité ou une œuvre d’érudition. Faire un livre qui permette de se rendre compte de l’histoire des grandes périodes de l’art décoratif, d’étudier les caractéristiques du style dans les types qui peuvent être considérés comme certains et beaux, de rechercher les influences antérieures ou parallèles et, enfin, de déduire de ces exemples les règles générales de la composition, tel est le but qu’on s’est proposé d’atteindre. » Construit sur un schéma rigide et invariable, cet ouvrage est, en fait, une histoire générale de l’art décoratif qui fait la part belle à l’Antiquité et, surtout, au Moyen Âge au sujet duquel Eugène Viollet-le-Duc est souvent convoqué, mais Charvet passe très vite sur la période moderne et ignore pratiquement le XIXe siècle. Il dut avoir un certain succès pour l’enseignement car André Rouveyre en donna, en 1914, une nouvelle édition. Il témoigne, dans les débats qui s’attachent, à la fin du XIXe siècle, à l’enseignement artistique pratique, d’un attachement sans faille aux modèles du passé. Toute la pensée de Charvet, qui ne pouvait admettre l’infériorité dans laquelle était tenu l’enseignement professionnel du dessin, est inspirée par un regret de la conception artisanale de l’art ancien, selon laquelle le maître inculquait les bons principes à l’élève et la corporation encadrait la pratique. Faute de revenir au passé, Charvet milita pour un enseignement artistique général et aussi pour l’enseignement de l’art industriel qui trouverait dans le passé des modèles pour l’avenir.
L’unité profonde de la démarche intellectuelle de Charvet est finalement donnée par lui-même : « Ces dates [celles que l’érudit recherche dans les documents] sont autant d’armes pour nous, dans la reconstitution d’une véritable histoire de l’art qui, nous l’espérons, coïncidera avec de sages et prudentes réformes dans son enseignement. »
Marie-Félicie Perez, professeur émérite d’histoire de l’art, université Lumière-Lyon 2
Principales publications
La bibliographie complète à cette date est donnée par Charvet dans Lyon artistique, 1899.
Ouvrages et catalogues d’expositions
- De l’enseignement des beaux-arts au point de vue de leur application à l’industrie lyonnaise. Lyon : Vingtrinier, 1870.
- Inventaire des richesses d’art de la France. Histoire et description de l’hospice de La Charité à Lyon. Paris : E. Plon-Nourrit et Cie, 1877.
- La Bibliothèque du palais des Beaux-Arts de Lyon. Rapport du comité d’inspections au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Lyon : Mougin-Rusand, 1878.
- Enseignement primaire du dessin (en coll. avec J. Pillet), première partie, livre du maître, avec 74 modèles. Paris : Delagrave, 1883. Rééd. 1885 et 1891.
- Enseignement de l’art décoratif, comprenant son histoire générale, l’étude des caractéristiques des époques, ses procédés industriels et la théorie de la composition décorative. Paris : Librairies et Imprimeries réunies, 1888, grand in 4°, 1 228 gravures ; 2e éd. A. Rouveyre, dir. Paris : Flammarion, s. d. [1914].
- Lyon artistique. Architectes. Notices biographiques et bibliographiques avec une table des édifices et une liste chronologique des noms, illustré de 20 portraits d’architectes. Lyon : Bernoux et Cumin, 1899.
Articles
- « Sébastien Serlio ». Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, vol. 1, 1867-1868, p. 89-184.
- « Étienne Martellange ». Revue du Lyonnais, 1873, II, p. 10-36. Rééd. Lyon : Vingtrinier, 1874, avec 12 pl.
- « René Dardel ». Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, vol. 3, 1871-1872, p. 1-115.
- « Jehan Perréal, Clément Trie et Édouard Grand ». Annales de la Société académique d’architecture de Lyon, vol. 4, 1873-1874, p. 1-232.
- « Les Origines de l’enseignement public des arts du dessin à Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècles ». Réunions des Sociétés des beaux-arts des départements, séance du 20 mars 1878, vol. 2, 1879, p. 121-130.
- « Recherches sur l’organisation de l’enseignement de l’École publique de dessin de Lyon au XVIIIe siècle (1756-1793) ». Réunions des Sociétés des beaux-arts des départements, séance du 3 mars 1879, vol. 3, 1880, p. 171-183.
- « L’Influence de l’école de dessin de Lyon à la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe ». Réunions des Sociétés des beaux-arts des départements, avril 1880, vol. 4, p. 49-58.
- « Philibert de l’Orme à Saint-Denis », Bulletin de la Société d’Histoire de l’Art français. Paris, 1891, vol. 7, p. 257-262.
- « Les Delamonce, peintres, dessinateurs et architectes lyonnais ». Réunions des Sociétés des beaux-arts des départements, 1892, vol. 16, p. 176-189.
- « Recherches sur la vie et l’œuvre de Thomas Blanchet, peintre et architecte ». Réunions des Sociétés des beaux-arts des départements, 1893, vol. 17, p. 85-169.
- « Les Sevin, peintres, dessinateurs et décorateurs ». Réunions des Sociétés des Beaux-arts des départements, 1894, p. 135-203.
- « Notice sur la vie et sur les ouvrages de Jean-Gabriel Charvet ». La Revue du Vivarais. Tiré à part : Privas : 1896, avec 7 pl.
Bibliographie critique sélective
- Charvet Étienne. – « Étienne Charvet ». Lyon artistique. Architectes. Notices biographiques et bibliographiques avec une table des édifices et une liste chronologique des noms, illustré de 20 portraits d’architectes. Lyon : Bernoux et Cumin, 1899, p. 69-74.
- « Éloge de Léon Charvet, prononcé devant la Société académique d’architecture de Lyon par Sainte-Marie Perrin ». Annales de la Société. Lyon : Rey, 1919, t. XIX, p. 241-147.
- Perez Marie-Félicie et Ternois Daniel. – « L’Érudition à Lyon ». Revue de l’art, éditorial, n° 47, 1980, p. 4-10.
- Les Donateurs du Louvre. [catalogue de l’exposition], Paris : musée du Louvre, 1989.
- Stéphane Laurent. – L’Art utile. Les Écoles d’arts appliqués sous le Second Empire et la Troisième République. Paris : L’Harmattan, 1998, 320 p.
Sources identifiées
Lyon, Archives municipales
- 84 WP 18 : École des beaux-arts, personnel, dossier Charvet
Lyon, Bibliothèque municipale
- Fonds général : ms 5392, 38 lettres, dont quatre cartes, de l’architecte et érudit Clair Tisseur (Nizier de Puitspelu) à Charvet, entre 1880 et 1895, depuis Nyons (Drôme)
Lyon, musée historique Gadagne
- Fonds provenant du dépôt par les héritiers de l’artiste en 1924 et 1932
- D 93
- Boîte I, 1 à 49 : divers dossiers constitués par Léon Charvet : références d’archives, notes, plans, coupures de journaux, pour la plupart concernant des édifices lyonnais
- Boîte II : dossiers sur l’archéologie et les édifices lyonnais, brouillon de l’étude sur Delamonce
- N° 873 (petit carnet de 164 p.) « L. Charvet aide architecte à la préfecture du Rhône 1er avril 1852 » : notes de chantiers
- N° 2337. Enseignes, devises, écussons et encadrements du vieux Lyon dessinés par L. Charvet architecte, Lyon, MDCCLV
- N° 2338. Autographes et dessins recueillis par Léon Charvet (XIXe siècle) [en fait correspondance avec divers savants, 1854-1879]
- N° 2339. Album constitué par Léon Charvet et comprenant animaux, héraldique, cachets, ex-libris, ensemble de 1 241 pièces selon Eugène Vial [semble préparer la publication de 1888 sur les arts décoratifs]
En complément : Voir la notice dans AGORHA