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CHIPIEZ, Charles
Mis à jour le 17 juin 2010
(11 janvier 1835, Écully [Rhône] – 9 novembre 1901, Paris)
Auteur(s) de la notice : MONTEIX Nicolas
Profession ou activité principale
Architecte, professeur de dessin
Autres activités
Historien de l’art
Sujets d’étude
Art antique, architecture grecque, ordres architecturaux, restitution architecturale
Carrière
1853 : élève à l’École des beaux-arts de Lyon
1856-1863 : élève dans les ateliers de Constant Dufeux, Eugène Viollet-le-Duc et Jean-Charles Danjoy
1867-1886 : professeur puis chef d’atelier à l’École centrale d’architecture (qui devient l’École spéciale d’architecture en 1870)
1874 : réalisation du monument commémorant le Siège de Paris à Buzenval
1878 : accessit du Prix Louis Fould pour son Histoire critique des origines et de la formation des ordres grecs, Paris, Morel, 1876
1879 : inspecteur de l’enseignement du dessin, puis inspecteur principal
1882 : contrôleur des services d’architecture du ministère de l’Instruction publique
1884-1885 : réalisation de l’École nationale d’enseignement supérieur et d’enseignement professionnel d’Armentières (Nord)
1890 : Prix Louis Fould partagé avec Georges Perrot pour leur Histoire de l’art de l’Antiquité, Paris, Hachette, 1882
1901 : inspecteur général de l’enseignement du dessin
Chevalier de la Légion d’honneur (1881) ; officier de l’Instruction publique (1883) ; officier de la Légion d’honneur (1889)
Étude critique
« Ce collaborateur indispensable, cet architecte soucieux de la théorie et instruit du passé de son art, la fortune l’avait mis sur mon chemin ; le laisser échapper aurait été folie. » Par ces mots, Georges Perrot concluait une collaboration de plus de deux décennies avec Jérôme-Charles Chipiez. Si cette association entre l’historien de l’art et l’architecte, qui a permis de donner le jour à l’Histoire de l’art dans l’Antiquité, a été essentielle pour la carrière scientifique de ce dernier, elle ne saurait occulter les autres contributions qu’il a pu donner. Le trait le plus frappant de ses premières œuvres, publiées à partir de la seconde moitié des années 1870, est que, si elles s’insèrent parfaitement dans les questions de son temps, elles proposent des solutions neuves – à défaut d’être toujours fécondes – à des problèmes largement rebattus. Ainsi, son ouvrage princeps sur l’origine des ordres grecs tend à repousser les différentes hypothèses alors en vigueur pour leur préférer une proposition audacieuse : une architecture mixte mêlant bois et métal, de forme différente selon qu’elle provient des rives orientales de la Méditerranée ou du Moyen-Orient.
Avec la présentation en décembre 1877 à l’Académie des inscriptions et des belles-lettres d’un mémoire « sur certaines dispositions architecturales des temples grecs », publié comme « mémoire sur le temple hypæthre », Charles Chipiez reprend l’un des principaux points de focalisation de la réflexion architecturale depuis le début du XIXe siècle. La solution qu’il soumet permet tout à la fois de suivre le passage de Vitruve et de protéger les statues de culte des intempéries, tout en offrant un éclairage semi-direct : il suffirait de percer le toit à la verticale de l’espace situé entre le mur du naos et la colonnade interne. Alors qu’il aurait volontiers adapté cet ingénieux système de couverture à tous les temples doriques présentant une colonnade interne, et après avoir restitué la toiture du Parthénon de cette façon dans une maquette au 1/20 destinée au Metropolitan Museum de New York, il finit par l’abandonner définitivement en 1898.
Ces deux premiers travaux, écrits en marge de son activité d’enseignement, lui permettent d’être remarqué par Georges Perrot, qui a été pendant près de vingt-cinq ans un « ami actif et dévoué [qui] se charge de [ses] affaires », réussissant à faire sortir de l’ombre cet architecte parfois qualifié de laborieux. Si leur rencontre tient quelque peu du hasard, d’anciens élèves de Perrot partageant régulièrement les repas de Chipiez dans une pension parisienne, l’auditeur du tout nouveau cours d’archéologie en Sorbonne finit par accepter, vers la fin de 1878, de participer à la réalisation de ce monstre éditorial qu’a été l’Histoire de l’art de l’Antiquité. C’est très certainement l’entregent de Perrot qui permet à Chipiez de publier différents articles dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Charles Daremberg et Edmond Saglio, tout en lui facilitant sa carrière, en lui faisant obtenir en 1879 les fonctions d’inspecteur de l’enseignement du dessin, puis celles de contrôleur des services d’architecture du ministère de l’Instruction publique en 1882.
Cette même année, paraît le premier volume matérialisant l’association entre les deux hommes. Déterminer les apports de l’un ou de l’autre dans cette œuvre monumentale est une entreprise aussi délicate qu’illusoire. De façon évidente, une partie des illustrations représentant des restitutions en plan, en coupe et en perspective ont été réalisées par Chipiez. L’excellent et novateur parti pris de cette collaboration a été de multiplier les vues « restaurées » au détriment des figurations « d’état actuel », substituts de vues photographiques générales encore en voie de développement. De plus, ces dessins n’ont pas été utilisés comme de simples illustrations, mais bien comme des supports aux développements du discours. Le meilleur exemple de cet art du dessin d’architecture est constitué par la proposition de restitution idéale du Temple de Jérusalem en se fondant sur le texte du prophète Ezéchiel. Parue une première fois en 1887 dans le tome IV de l’Histoire de l’art de l’Antiquité, cette étude a été republiée en 1889, en tant que monographie, fortement allégée de son apparat de notes, en format grand in-folio pour permettre une meilleure vision des planches. Une fois la topographie du mont Moria décrite et les différents textes critiqués, la restitution commence. L’intégralité des données provenant du texte du prophète est analysée pour progressivement peupler l’esplanade du sanctuaire, d’abord en plan puis en élévation. Au fur et à mesure de la description, des dessins de plus en plus complets et riches viennent compléter la vision proposée. Il serait également assez réducteur de ne considérer Charles Chipiez que comme l’illustrateur d’un texte majoritairement rédigé par Georges Perrot, que comme le « résurrecteur », selon le terme employé par ce dernier, des bâtiments antiques. Il a également écrit partiellement voire intégralement les chapitres plus spécifiquement consacrés à l’architecture. Il est plus difficile ici de déterminer la part prise par lui, que ce soit en termes d’explications préalables, de relectures ou de corrections des textes rédigés par Perrot sur les questions architecturales.
Enfin, il ne faudrait pas passer sous silence la carrière menée par Chipiez parallèlement et grâce à l’Histoire de l’art de l’Antiquité. En effet, à partir des années 1880, il devient un maillon entre l’archéologie et l’ordre des architectes. Membre de la Commission d’archéologie de la Société centrale des architectes, il publie régulièrement des comptes rendus de lecture dans L’Architecture. Ses mémoires, articles du Dictionnaire des antiquités grecques et romaines et autres présentations à l’Académie des inscriptions et belles-lettres lui permettent également de se voir adresser certains ouvrages traitant d’architecture grecque pour en discuter le contenu dans la Revue archéologique. Par-delà le caractère nécessairement convenu de ce genre d’exercice, Chipiez a trouvé par ce biais le moyen le plus clair pour exprimer ses vues théoriques sur son métier d’architecte, artiste des restaurations monumentales. Il profite ainsi de la justification du décor conçu pour la scène de la Comédie-Française lors des représentations d’Antigone pour donner sa définition du dessin de restitution architecturale, énoncée comme les données d’un problème. À terme, il faudrait que l’architecte, oubliant le carcan de ses principes théoriques, puisse « rétablir cet édifice dans son intégrité ». Il utilise aussi ses comptes rendus pour adresser un vibrant plaidoyer en faveur des relevés d’architecture précis, cotés et lisibles, qu’ils soient ensuite destinés à l’inspiration des architectes contemporains ou à l’étude de l’art antique.
Nicolas Monteix, membre de l’École française de Rome
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Histoire critique des origines et de la formation des ordres grecs. Paris : Vve A. Morel, 1876.
- Histoire de l’art dans l’Antiquité, t. I-VII. Collab. de Georges Perrot. Paris : Hachette, 1882-1898.
- Le Temple de Jérusalem et la Maison du Bois-Liban d’après Ézéchiel et le Livre des Rois. Collab. de Georges Perrot. Paris : Hachette, 1889.
Articles
- « Capitulum », « Caryatides », « Columna », « Fenestra ». In Daremberg Charles, Saglio Edmond, éd., Dictionnaire des antiquités grecques et romaines. Paris : Hachette, 1877-1919, s. v.
- « Mémoire sur le temple hypæthre (lu à l’Académie des inscriptions et belles-lettresdans la séance du 28 décembre 1877) ». Revue archéologique, n. s., 19e année, 35e vol., 1878, p. 180-187, 209-219 [Encyclopédie d’architecture. Revue mensuelle des travaux publics et des particuliers, 2e semestre, 7, 1878, p. 49-56].
- « L’Ornementation expressive. L’expression plastique de la douleur morale sur les tombes populaires des cimetières de Paris ». La Revue politique et littéraire, 2e semestre, 9e année, 1880, n° 28, p. 655-659.
- « Restitution du Temple de Jérusalem d’après Ézéchiel ». Collab. de Georges Perrot. Revue de l’architecture et des travaux publics, 42, 1885, p. 151-167, 191-233, pl. 34-36.
- « La Loi de l’harmonie dans l’art grec par M. Swiecianowski. Rapport à la Commission d’archéologie ». L’Architecture. Journal hebdomadaire de la Société centrale des architectes français, 3, 1890, p. 270-272.
- « Le Théâtre de Polyclète reconstitué d’après un module par K. Dumon ». Revue archéologique, 3e semestre, 17, 1891, 1, p. 93-99.
- « Le Panthéon de Rome et la Salle hypostyle de Karnak ». L’Architecture, 4, 1891, p. 380-381, fig. p. 376-379.
- « Le Système modulaire et les Proportions dans l’architecture grecque ». Revue archéologique, 3e semestre, 19, 1892, p. 1-44.
- « Commission d’archéologie ». In Collections du musée Allaoui, publiées par M. de la Blachère, Paris, Firmin-Didot, 1890 ». 5, 1892, p. 125-126.
- « Rapport de la Commission d’archéologie sur Théorie des proportions en architecture ». L’Architecture, 6, 1893, p. 378-380.
- « L’Architecture préhomérique. Le palais mycénien du décor d’Antigone ». L’Architecture, 7, supplément au n° du 29 septembre, 1894, p. I-VIII et pl. XI, p. 694.
- « Description des antiquités de la régence de Tunis (mission accomplie en 1885 par H. Saladin) ». L’Architecture, 9, 1896, p. 32-33.
- « Les Édifices d’Épidaure. Remarques et observations critiques ». Revue archéologique, 3e semestre, 28, 1896, 1, p. 38-59.
- « Réponse à M. Lechat ». Revue archéologique, 3e semestre, 28, 1896, 1, p. 380-382.
Bibliographie critique sélective
- Maspero Gaston. – « 246. – Histoire critique des origines et de la formation des ordres grecs… ». Revue critique d’histoire et de littérature, n. s., vol. II, n° 50, [9 décembre] 1876, p. 374-377.
- Perrot Georges. – « L’Origine des ordres grecs ». Journal des savants, 1877, p. 689-700, 736-749.
- Rochemonteix Camille (de). – « La Grande Salle hypostyle de Karnak. Reconstitution par M. Chipiez ». L’Architecture. Journal hebdomadaire de la Société centrale des architectes français, 4, 1891, p. 473-478, 481-483.
- « Charles Chipiez ». In Charvet Étienne-Léon-Gabriel, Lyon artistique. Architectes. Notices biographiques et bibliographiques avec une table des édifices et la liste chronologique des noms. Lyon : Bernoux & Cumin, 1899, p. 81-84.
- « Charles Chipiez ». L’Architecture, 14, 1901, p. 389-392.
- Lucas Charles. – « Nécrologie. Charles Chipiez ». La Construction moderne, 23 novembre 1901, p. 95-96.
- Perrot Georges. – « Charles Chipiez ». In Catalogue de la bibliothèque de feu M. Charles Chipiez. Vente après décès, les 7 et 8 mars 1902 à l’Hôtel Drouot. Paris, 1902.
- Perrot Georges. – « Avis au lecteur ». In Chipiez Charles, Perrot Georges, Histoire de l’art dans l’Antiquité. Paris : Hachette, 1903, t. VIII, p. VII-XV.
- Richter Gisela Marie Augusta. – « The Model of the Parthenon ». The Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 6,
n° 7, [juillet] 1911, p. 152-153.
Sources identifiées
New York, Metropolitan Museum of Art
- Maquette restituée de la salle hypostyle du temple de Karnak, 1891 [sans inventaire ; en prêt longue durée auprès du Frank H. McClung Museum, University of Tennessee, Knoxville]
- Maquette restituée du Panthéon, 1891 [inv. n° 90.35.2 ; détruit]
- Maquette restituée du Parthénon, 1889 [inv. n° 90.35.3]
- Maquette en l’état de Notre-Dame de Paris, 1892 [inv. n° 90.35.5 ; détruit]
Paris, Archives nationales
- Série de dessins proposant une restitution de l’architecture orientale (F/21/2064)
- Rapport détaillé de Chipiez sur une mosaïque découverte à Saint-Paul-Trois-Châteaux, extrait du Petit Marseillais du 12 mars 1884 (F/21/2205)
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie
- Maquette pour le diplôme de l’École spéciale d’architecture (SNR-3 [Chipiez])
Paris, Bibliothèque nationale de France, département de l’Imprimé et de l’Audiovisuel
- Catalogue de la bibliothèque de feu M. Charles Chipiez. Vente après décès, les 7 et 8 mars 1902 à l’Hôtel Drouot (Delta 42899)
En complément : Voir la notice dans AGORHA