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CLERMONT-GANNEAU, Charles
Mis à jour le 13 janvier 2009
(17 février 1846, Paris – 15 février 1923, Paris)
Auteur(s) de la notice : DARDAILLON Ella
Profession ou activité principale
Orientaliste (archéologue et épigraphiste)
Autres activités
Enseignant, diplomate
Sujets d’étude
Archéologie du Proche-Orient ancien (Levant), épigraphie sémitique, grecque, romaine et arabe, ethnologie, Crète, Éléphantine (Égypte).
Carrière
1867 : drogman-chancelier du consulat de Jérusalem
1869-1870 : découverte et publication de la stèle de Mesha
1871-1872 : proposition par le marquis de Vogüé, ambassadeur de France à Constantinople d’un poste de troisième drogman interprète
1873-1874 : repart en Palestine pour le compte de la Palestine Exploration Fund
1876 : répétiteur à l’École pratique des hautes études, chargé d’une conférence d’archéologie orientale
1881 : nommé vice-consul à Jaffa ; secrétaire-interprète pour les Langues orientales
1882 : première note concernant la création d’un Institut d’archéologie en Syrie
1889 : élu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
1890 : chaire d’épigraphie sémitique au Collège de France créée pour lui à la demande d’Ernest Renan
1903 : chargé de l’enquête sur la « tiare de Saïtaphernès » par le ministère de l’Instruction publique
1906 : nommé ministre plénipotentiaire honoraire
1907-1908 : fouilles d’Éléphantine
1920 : création de la revue Syria
1922 : fondation en Syrie de l’Institut français d’archéologie et d’art musulman rattaché au ministère des Affaires étrangères
Étude critique
Avant tout homme de terrain maîtrisant les langues locales des pays dans lesquels il séjourne, Charles Simon Clermont-Ganneau illustre parfaitement l’orientaliste diplomate du XIXe siècle. Disciple d’Ernest Renan, il doit sa connaissance des langues à ses professeurs de l’École des langues orientales : Caussin de Perceval, Pavet de Courteille et Jules Mohl. Cette solide formation est complétée par son travail sur le terrain qu’il foule dès ses 21 ans. C’est, en effet, la découverte de la stèle de Mesha et la publication de son texte, alors plus ancien témoin d’écriture alphabétique connu, qui lui assurent une renommée internationale dans le cercle des épigraphistes sémitisants. « Mais il ne suffit pas de vouloir s’adonner à la science ; il faut vivre », écrit René Cagnat (« Notice sur la vie et les travaux de M. Ch. Clermont-Ganneau », 1924, p. 11) à son sujet. C’est, entre autres, pour cette raison que Clermont-Ganneau fut aussi diplomate et enseignant. En effet, rien ne prédispose ce fils orphelin de père sculpteur, protégé de Théophile Gautier, à la diplomatie ou à la recherche. Nommé drogman-chancelier du consulat de Jérusalem, il s’embarque pour la Terre sainte dès 1867. Contrairement à d’autres chercheurs que l’activité diplomatique éloigne de leur terre d’élection, Clermont-Ganneau a la chance de pouvoir combiner activité « professionnelle » et passion. Mais ce que l’on retient avant tout de cette riche biographie est son activité scientifique. Elle débute dès l’âge de 23 ans avec la publication de la fameuse stèle de Mesha, qu’il découvre en 1869 et qui évoque le pays de Moab cité dans le deuxième Livre des rois. La stèle intègre ensuite le département des antiquités orientales du musée du Louvre créé en 1881. Soucieux de la sauvegarde des monuments et de leurs inscriptions, il pratique alors de nombreux estampages. « Inscriptions phéniciennes, araméennes et arabes, manuscrits turcs et persans, sceaux sémitiques, ossuaires juifs, monuments gréco-romains, sceaux byzantins, monuments des croisades, rien ne laissait sa curiosité indifférente », écrit alors Harald Ingholt (« Bibliographie de Charles Clermont-Ganneau », 1923, p. 344). Il a aussi à son actif la publication de la stèle araméenne de Neirab, de l’inscription araméenne de Teima, des inscriptions nabatéennes de Madaba et de Medain Salih ainsi que de certains monuments de Palmyre. Il est alors associé au projet de Corpus Inscriptionum Semiticarum d’Ernest Renan. Sa bibliographie est majoritairement composée d’articles et de « notules », la plupart rassemblés dans les Études d’archéologie orientale (1880-1892) et les Recueils d’archéologie orientale (1888-1923). Dans ces articles, ce maître incontesté de l’épigraphie sémitique n’hésite pas à revendiquer la paternité de certaines découvertes.
Mais il faut une forte personnalité comme celle de Clermont-Ganneau pour mener de front ces différentes activités de chercheur, enseignant et diplomate, pour tenir tête à certaines commissions d’achat des musées et remonter les filières des faussaires. Il dénonce à plusieurs reprises des faux dont les plus célèbres sont les Moabitica, le manuscrit du Deutéronome et « la tiare de Saïtaphernès ». Les Moabitica sont acquis par le musée de Berlin, suite à la découverte de la stèle de Mesha, alors que le manuscrit du Deutéronome faillit être acheté par le Bristish Museum. Clermont-Ganneau est missionné par le ministère de l’Instruction publique pour tirer au clair l’affaire de la « tiare de Saïtaphernès », qui est en fait l’œuvre d’un orfèvre d’Odessa. Son avis d’expert en archéologie orientale devient vite incontournable et il est consulté pour d’autres affaires. L’identification de la cité antique de Gezer avec Tell Djezer a déjà permis d’asseoir sa réputation. Mais son intérêt pour l’archéologie ne se limite ni aux âges du bronze et du fer, ni au Levant. Ainsi, son étude de la mosquée d’Omar de Jérusalem, mieux connue sous le nom de dôme du Rocher, remet en question la datation et la chronologie des différentes phases de construction. Il s’intéresse aussi aux monuments croisés, au « folklore palestinien », etc. En 1884, un navire de guerre est mis à sa disposition pour explorer certaines îles de la mer Rouge. En 1896, c’est la Cyrénaïque et la Crète qui retiennent son intérêt. Après sa dernière mission de terrain à Éléphantine en Égypte (1907-1908) pendant laquelle sa santé se dégrade, il se consacre à ses recherches, à l’enseignement et à la réalisation de différents projets. À la même période (1907), Edmond de Rothschild, alors confrère de Clermont-Ganneau à l’Institut, prend part au projet de fouille de la colline de l’Ophel à Jérusalem. L’orientaliste cherche la nécropole des rois de Juda et notamment les tombes de David et de Salomon. Son intérêt se porte aussi plus au nord, sur les nouvelles découvertes de Sidon à partir de 1913, sur Byblos (1919), ou encore sur l’Euphrate avec les fouilles de Doura Europos. Ces différentes missions à l’étranger permettent, entre autres, d’enrichir les collections du musée du Louvre, que ce soit le département des antiquités orientales ou celui des antiquités égyptiennes. Son travail sur le terrain, dans des conditions parfois difficiles, le sensibilise très tôt au besoin de créer une structure d’accueil pour les chercheurs au Levant. Cette idée est, entre autres, inspirée des Écoles françaises d’Athènes, de Rome, et de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire qui existaient déjà (respectivement créées en 1846, 1876 et 1880). Dès 1882, il fait part de ce projet dans une note au ministère de l’Instruction publique, qu’il reprend en 1899 dans la Revue archéologique. Selon lui « une telle institution devait pouvoir remplir quatre missions essentielles : une reconnaissance systématique de la région par une série de campagnes d’explorations entrecoupées de séjours d’études afin d’étudier les matériaux recueillis, la préparation des publications au fur et à mesure des découvertes, le relevé des monuments et les fouilles en des points déterminés, enfin l’acquisition sur place des antiquités pour les collections nationales » (Nicole Chevalier, La Recherche archéologique française au Moyen-Orient (1842-1947), 2002, p. 74).
La zone d’étude devait inclure Chypre, le territoire allant du littoral syrien jusqu’à l’Euphrate et au Tigre et, plus au sud, la péninsule Arabique. Ce n’est qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, c’est-à-dire après le démantèlement de l’empire ottoman et la mise en place du mandat français en Syrie et au Liban, que ce projet vit le jour. Dès 1919, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, à laquelle Clermont-Ganneau appartient, patronne une mission archéologique permanente et une École française d’archéologie rattachée à l’école biblique Saint-Étienne à Jérusalem (sous mandat britannique). La Syrie et le Liban sont alors dotés d’un service des antiquités et Edmond Pottier rappelle le soutien de Clermont-Ganneau à la création de la revue Syria où peuvent être publiées les fouilles de Byblos (dirigées par Pierre Montet), de Doura Europos (dirigées par Franz Cumont), etc. C’est en 1922, un an avant la mort de l’illustre chercheur, que « l’Institut français d’archéologie et d’art musulman », rattaché au ministère des Affaires étrangères, s’installe au palais Azem à Damas. Mais il faut attendre la fin du mandat français pour que le souhait de Clermont-Ganneau de créer un Institut à Beyrouth soit réalisé par Henri Seyrig avec l’inauguration, en octobre 1946, de l’Institut français d’archéologie de Beyrouth (IFAB), devenu en 1977 l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient (IFAPO).
Ella Dardaillon, chercheur associé au laboratoire Archéorient (CNRS, UMR 5133 Maison de l’Orient et de la Méditerranée, MOM), université Lumière Lyon 2
Principales publications
- La bibliographie exhaustive a été publiée par Harald Ingholt, « Bibliographie de Charles Clermont-Ganneau ». Revue archéologique, 5e série, t. XVIII, 1923, p. 139-158.
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Jerusalem Researches. Londres : Palestine Exploration Fund, 1874.
- La Palestine inconnue. Paris : Leroux, 1875 (1876, d’après Dussaud).
- La Coupe phénicienne de Palestrina. Paris : Leroux, 1880.
- L’Imagerie phénicienne et la Mythologie iconologique chez les Grecs. Paris, 1880.
- Études d’archéologie orientale. Paris, 1880-1892, vol. 1 ; vol. 2.
- Mission en Palestine et en Phénicie. Rapport dans les Archives des missions scientifiques et littéraires. Paris, 1882-1884.
- Les Fraudes archéologiques en Palestine, 1885.
- Recueil d’archéologie orientale. Paris, 1888-1923, 8 vol.
- Archaeological Researches in Palestine during the Years 1873-1874. 1869-1899, vol. 1 ; vol. 2.
- « Deux projets archéologiques : 1. Création d’un fonds spécial pour antiquités ; 2. Création en Syrie d’une station archéologique ». In Répertoire d’épigraphie sémitique. Paris : 1900-1914, 2 vol.
Articles
- « Un sacrifice à ‘Athtar’ ». Journal asiatique, 1870, I, p. 302-329.
- « Un plan de la ville de Dibon ». Revue archéologique, 1871, p. 159-160.
- « La Stèle de Mesha ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1870, p. 18.
- « Nom et Souvenir des Philistins dans la tradition populaire des Fellahin de Palestine ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1870, p. 200-201.
- « Lettre à M. de Saulcy sur la pierre de Bohan et la limite des territoires de Benjamin et de Juda ». Revue archéologique, 1870-1871, p. 116-123.
- « La Stèle de Dhiban, Lettre à M. le comte de Vogüé ». Revue archéologique, 1870, p. 184-207.
- « La Stèle de Dhiban, suite et fin ». Revue archéologique, 1870, p. 357-386.
- « L’Abbaye de Sainte-Anne et le Bazar de Jérusalem ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1871, p. 332.
- « Une stèle du temple de Jérusalem ». Revue archéologique, 1872, p. 214-234.
- « Monument himyarite ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1872, p. 366-367.
- « Nouveaux Ossuaires juifs avec inscriptions grecques et hébreux ». Revue archéologique, 1873, I, p. 398-414.
- « Tombe et Portrait d’un évêque croisé de Palestine ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1874, p. 273-282.
- « Où était Hippos de la Décapole ? ». Revue archéologique, 1875, I, p. 362-369.
- « Observations sur quelques points des côtes de la Phénicie et de la Palestine d’après l’itinéraire du pèlerin de Bordeaux ». Bulletin de la Société de géographie de Paris, 1875, p. 43-55.
- « Horus et Saint Georges, d’après un bas-relief inédit du Louvre. Revue archéologique, 1876, II, p. 196-204 et 372-399.
- « Le Dieu Satrape et les Phéniciens dans le Péloponèse : notes d’archéologie orientale ». Journal asiatique, 1877, II, p. 157-236.
- « Mythologie iconographique ». Revue critique, 1878, p. 215-223 et 232-230.
- « Origine perse des monuments araméens d’Égypte, 1re partie [seule parue] ». Extrait de Revue archéologique, août 1878 et janvier 1879. Paris : Didier, 1880.
- « King Ahiram and Baal of Libanon ». The Athenaeum, 1880, p. 502-504 ; Palestine Exploration Quaterly, 1880, p. 174-181.
- « Le Melis Kriseim de Chypre ». Revue critique, 1881, 4, p. 15.
- « Nouvelle Interprétation de l’inscription araméenne de la table à libation du Serapeum, conservée au musée du Louvre ». Revue critique, 1883, 1, p. 415-418.
- « La Stèle araméenne de Teima ». Revue critique, 1884, II, p. 265-266.
- « Sur l’utilité et l’urgence d’un plan de Carthage et de ses environs ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1896, p. 439-444.
- « Les Sépulcres à fresques de Guigariche et le Culte de Mithra en Afrique ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1903, p. 357-363.
- « Inscription égypto-phénicienne de Byblos ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1903, p. 378-383.
- « L’Aphrodite phénicienne de Paphos ». Revue archéologique, 1908, I, p. 328.
- « Inscription bilingue minéo-grecque découverte à Délos ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1908, p. 546-560 et 611.
- « Deux vases à épigraphes puniques trouvés en Égypte ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1908, p. 312.
- « Une dédicace à “Astarté Palestinienne” découverte à Délos ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1909, p. 307-317 (rectification ibid. 1910, p. 412-413).
- « Les Nabatéens en Égypte ». Revue de l’histoire des religions, 1919, II, p. 1-29.
- « Le Paradeisos royal achéménide de Sidon ». Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1920, p. 405-408.
- « Mosaïque juive de ‘Ain Doûq ». Syria, 1921, p. 172-174.
- « La Dédicace du temple de Aingaddia ». Revue de l’histoire des religions, 1921, I, p. 109-118.
- « Deus Geneas ». Revue de l’histoire des religions, 1921, I, p. 123-124.
- « Empereurs ou Dieux ». Syria, 1922, p. 270-271.
Bibliographie critique sélective
- Cagnat René. – « Notice sur la vie et les travaux de M. Ch. Clermont-Ganneau ». Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris : Institut de France, 1924.
- Chevalier Nicole. – La Recherche archéologique française au Moyen-Orient (1842-1947), Centre de Recherche d’archéologie orientale, université de Paris I, n° 14. Paris : Éditions Recherche sur les civilisationsm, 2002.
- Lipinski Edward, dir. – Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique. Turnhout : Brepols, 1992, p. 115.
- Duchêne Hervé. – « La Guerre du faux n’aura pas lieu ». Dossiers d’archéologie, 2006, n° 312, p. 2-7.
- Duchêne Hervé. – « La Tiare de Saïtaphernès ». Dossiers d’archéologie, n° 312, p. 8-15.
- Dupont-Sommer André. – Un dépisteur de fraudes archéologiques : Charles Clermont-Ganneau (1846-1923). Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris : Institut de France, 1974.
- Dussaud René. – « Les Travaux et les Découvertes archéologiques de Charles Clermont-Ganneau ». Syria, 4, 1923, p. 140-173.
- Gran-Aymerich Ève et Jean. – « Charles Clermont-Ganneau à la recherche des Phéniciens ». Archeologia, n° 222, 1987, p. 71-79.
- Gran-Aymerich Ève. – Naissance de l’archéologie moderne : 1798-1945. Paris : CNRS Éditions, 1998.
- Gran-Aymerich Ève. – Dictionnaire biographique d’archéologie (1798-1945). Paris : CNRS Éditions, 2001, p. 181-183.
- Ingholt Harald. – « Bibliographie de Charles Clermont-Ganneau ». Revue archéologique, 5e série, t. XVIII, 1923, p. 139-158.
- Pottier Edmond. – « Charles Clermont-Ganneau ». Syria, 4, 1923, p. 83-84.
Sources identifiées
Paris, Archives nationales
- Sous-série F17
- Instruction publique : dossier correspondant aux missions individuelles (F17 2930)
- Institut français du Caire : projet de création d’une station archéologique orientale en Syrie (F17 2930)
- Divers : rapport du consulat de France sur les fouilles à Jérusalem (F17 2756)
- Carte de visite de Clermont-Ganneau classée parmi les traités (CAOM, fonds ministériels, traités, carton 5, dossier 549)
Paris, bibliothèque de l’Institut de France
- Lettres, papiers : Mss. 4108-4117, 7695
Paris, ministère des Affaires étrangères
- Papiers d’agents et archives privées : PA 49 (années 1880-1915), 6 vol.
En complément : Voir la notice AGORHA