Lordereau (éditeur), Athanase Coquerel, [1859], Compiègne, Musée national du château de Compiègne, © Musée national du château de Compiègne. Lithographie, 30,9 x 23 cm.

Auteur(s) de la notice :

AMIOT-SAULNIER Emmanuelle

Profession ou activité principale

Pasteur calviniste

Autres activités
Historien de l’art

Sujets d’étude
Art chrétien, art italien, Rembrandt, histoire du protestantisme

Carrière
1839-1843 : études de théologie à Genève, conclues par une thèse, Topographie de Jérusalem au temps de Jésus-Christ
1843 : appelé par le consistoire de Nîmes pour être suffragant au pasteur évangélique Jean-Jacques Gardes, est consacré à Nîmes le 26 octobre
1844-1848 : collabore au Lien, hebdomadaire de tendance libérale fondé par son père, Athanase-Charles Coquerel, en 1841
1848 : quitte Nîmes pour devenir aumônier du lycée Henri IV, à Paris, en remplacement de son père
1850-1860 : nommé suffragant du pasteur libéral Joseph Martin-Paschoud pour trois ans renouvelables, et non de manière permanente car ses opinions libérales inquiètent ; prédicateur à la renommée grandissante, principal rédacteur du Lien jusqu’en 1870, devient une figure essentielle du parti libéral, provoquant des remous dans le milieu protestant par ses prises de position extrémistes, en particulier concernant la liberté de conscience et la présence des extrémistes libéraux au sein des évangélistes ; en 1860, le consistoire refuse de le nommer pasteur titulaire ; publie ses premières études concernant l’art en Italie (1857)
1861-1864 : soutient la dissidence réunie dans L’Union protestante libérale, en fondant lui-même une Société des anciens catéchumènes du pasteur Athanase Coquerel fils, officiellement Société d’aide aux plus pauvres, mais que le consistoire perçoit comme une dissidence de plus ; en 1864, le consistoire décide de faire un exemple en ne renouvelant pas sa suffragance, l’empêchant ainsi de prêcher ; autour de lui s’organise une véritable communauté indépendante, mais qu’il refuse d’ériger en Église
1868-1869 : renoue avec son goût pour l’histoire de l’art en publiant successivement Libres Études et Rembrandt et l’individualisme dans l’art

1871 : se présente à l’Assemblée nationale, mais n’est pas élu

Étude critique

Bruno Foucart, dans son livre Le Renouveau de la peinture religieuse 1800-1860, présente le pasteur Josué Athanase Coquerel fils en termes révélateurs : « Athanase (II) Josué Coquerel, dit Coquerel fils (1820-1875) tient dans l’analyse de ce que pourrait être l’art protestant au XIXe siècle la place de Rio et de Montalembert. […] L’intérêt du fils pour l’art tient sans doute à l’influence du père qui connaissait Ingres et était très lié avec Scheffer. » C’est dire l’importance des écrits sur l’art de ce protestant engagé, qui a par ailleurs consacré sa plume à la religion autant qu’à la politique. S’inscrivant dans la continuité de son père, qui s’était essayé à la critique d’art, il adopte néanmoins une attitude positive, à l’inverse de celui-ci, qui avait déploré la fin d’un art vraiment religieux, les temps modernes n’étant plus l’âge de la foi. Dans une série d’articles publiés en 1856 dans Le Lien, réunis un an plus tard dans Des beaux-arts en Italie, au point de vue religieux. Lettres écrites de Rome, Naples, Pise, etc., il développe, sur le mode épistolaire du compte rendu de voyage, un point de vue spécifique sur l’art italien. Dès les premières pages, la voix nouvelle qui s’élève face à la critique catholique est explicitement protestante ; l’auteur fulmine : « On ne peut nier qu’à Naples l’Église catholique n’ait détruit ou défiguré à plaisir ce qu’elle-même avait produit de plus beau ». Coquerel réprouve l’annexion d’antiquités aussi remarquables que le Panthéon et fustige le goût de l’Église catholique, qu’il estime excessif et laid, privilégiant la pompe et l’ornement sur le sens religieux lui-même.

Mais c’est surtout contre l’art de la Contre-Réforme que le pasteur s’élève, de manière tout à fait cohérente avec son identité religieuse. Les excès du faste romain, de l’art transformé en véritable industrie au service du pouvoir spirituel, selon ses propres mots, lui inspirent les réflexions les plus amères : « Il n’est pas possible de douter que le goût des Jésuites pour le clinquant n’ait contribué puissamment à l’abaissement de l’art catholique ». Il n’est pas jusqu’à l’autorité des papes, qui ont « asservi » l’art au service de leur pouvoir, qui provoque sa colère ; évoquant Sixte IV et Jules II : « Ces papes, et plus tard Léon X, comprenaient l’incalculable empire que les arts de leur époque allaient prendre sur l’esprit humain et devaient exercer sur l’avenir. Entourés d’une foule d’artistes éminents, contemporains de Michel-Ange et de Raphaël, ils se firent de leur génie des instruments de domination, et la rivalité même de ces grands hommes, comme peintres, sculpteurs, architectes et ingénieurs, fut habilement mise à profit. » La Contre-Réforme se voit condamnée pour avoir exhibé aux yeux des fidèles les excès de luxe de l’Église romaine, pour n’avoir pas hésité à mettre sous leurs yeux les scènes de martyre les plus épouvantables. Néanmoins, et là commence l’étude constructive : « à nos yeux, l’Église catholique a le droit de prétendre une seule chose : il fut un moment, glorieux pour elle, où elle répondait à la piété et à la pensée de tous ; alors Dante écrivit, alors Giotto et Angelico da Fiesole peignirent leurs pieux chefs-d’œuvre ». Sur ce point, Coquerel rejoint, de manière inattendue, le point de vue catholique défendu par Alexis François Rio->2522] et Charles Forbes de Montalembert : les temps les plus pieux, les plus inspirés, de l’art chrétien, sont ceux de Giotto, de Pérugin, de Fra Angelico, d’Orcagna. Mais c’est là le seul point commun avec la pensée des théoriciens catholiques. La vision de la Renaissance selon Coquerel se sépare nettement de cette dernière. Les responsables de la déchéance de l’art, au point culminant de la Renaissance, se trouvent à l’inverse couronnés : Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-Ange, sont ceux qui émancipent les arts de la tutelle catholique, précisément, par leur connaissance de l’Antique et de la nature, annonçant, par leur force et leur individualisme, la Réforme dans le domaine religieux. Selon Coquerel, Michel-Ange, en particulier, est un protestant avant la lettre, par son indépendance d’esprit et sa religiosité austère. L’artiste est véritablement porté aux nues dans ses Libres Études, publiées en 1868, alors que son libéralisme politique et religieux a valu au pasteur de se voir interdire de chaire. Michel-Ange, Raphaël, sont les peintres, qui ont porté leur art à leur perfection, parfois jusqu’à la monstruosité pour le premier, mais avec une force qui lui vaut cet hommage : « Il paraît impossible de vivre en communauté de pensées et d’émotions avec Michel-Ange, et de ne pas grandir en force de caractère, en largeur d’idées, en indépendance d’esprit, en profondeur de sentiment, en énergie de résolution ». Raphaël, quant à lui, recueille les mots les plus laudatifs, et s’il n’était que deux tableaux au monde, Coquerel avoue son penchant : ce serait la Madone de Dresde et La Transfiguration, tableau honni des auteurs catholiques, et qui, aux yeux de Coquerel, n’annonce pas la décadence du maniérisme, mais la puissance consolante de l’art. « Voici l’art dans sa puissance créatrice ! Voici la religion, sublime, consolante, se donnant à l’homme pour le bénir, et le dominant pour l’élever à elle ! », écrit-il dès 1857. Après ce point sublime, l’art sombre dans tous les excès jésuitiques que nous avons évoqués, pensée à laquelle Ernest Renan fait écho dans un compte rendu du livre de Coquerel de 1857 (voir Renan, « L’Art religieux ». In Œuvres complètes. Nouvelles études d’histoire religieuse. Paris, 1924). Pourtant, c’est sur une tentative plus positive que se clôt la réflexion du pasteur et historien de l’art : à travers ses écrits, il n’a de cesse de définir un art protestant, réaffirmant l’importance de la Réforme dans la conquête de la liberté, liberté dont bénéficient aussi les arts. En France, ces artistes protestants qui ont lutté contre l’hégémonie de l’influence italienne et maintiennent l’éclat de la tradition française se nomment Jean Goujon pour la sculpture, Bernard Palissy pour la céramique, Jean Cousin pour la peinture, les Androuet du Cerceau et Salomon de Brosses dans l’architecture, et, pour la musique, Claude Goudimel, le maître de Palestrina. À cette liste, nous pourrions ajouter Eustache Le Sueur, qui séduit par sa simplicité et sa foi. Le Sueur, à ce moment, incarne vraiment la peinture française, dans les écrits de Louis Vitet également, qui fait de lui un Raphaël français. Mais les peintres contemporains européens, hormis Ary Scheffer, ne trouvent pas grâce aux yeux de Coquerel, certains, tels Paul Delaroche, ayant succombé à la tentation débilitante de la reconstitution historique au détriment du sentiment. Quant au primitivisme de Friedrich Overbeck, il n’est que le désir illusoire de revenir à un état perdu. En 1869, enfin, Coquerel rédige son ultime étude d’histoire de l’art, réunissant le matériau de conférences données après de multiples voyages en Hollande : Rembrandt et l’Individualisme dans l’art. S’opposant vigoureusement aux théories d’Hippolyte Taine, qui font du génie le produit d’une culture et d’une époque, il voit en Rembrandt le héraut de l’art libre — et de l’art protestant—, transcendant les frontières, à la portée universelle. Lui a su créer, par sa maîtrise de la lumière, « un enchantement, un prestige inconnu, qui sans attenter aux lois de la nature, semble les dépasser, et transporte le spectateur confondu dans un monde fantastique, tour à tour sombre et resplendissant, où cependant tout est vrai ». Rembrandt est bel et bien, sous sa plume, le peintre capable d’incarner l’aspiration au religieux, comme Fra Angelico avait semblé aux catholiques le modèle divin par excellence.

Emmanuelle Amiot-Saulnier, docteur en histoire de l’art

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

Articles

« L’Œuvre de Paul Delaroche ». Le Lien, 6 et 13 juin 1857.

Bibliographie critique sélective

  • Dantès Alfred. – Dictionnaire biographique et bibliographique : alphabétique et méthodique des hommes les plus remarquables dans les lettres, les sciences et les arts, chez tous les peuples, à toutes les époques. Paris : A. Boyer, 1875.
  • Glaeser Ernest. – Biographie nationale des contemporains. Paris : Glaeser, 1878.
  • Vapereau Gustave. – Dictionnaire universel des contemporains : contenant toutes les personnes notables de la France et des pays étrangers. 6e éd. Paris : L. Hachette, 1893.
  • Renan Ernest. – « L’Art religieux ». In Nouvelles études d’histoire religieuse. Paris : Calmann-Lévy, 1924, p. 395-412.
  • Foucart Bruno. – Le Renouveau de la peinture religieuse en France 1800-1860. Paris : Arthéna, 1987, ch. IX.
  • Encrevé André. –Les Protestants. In Encrevé André, Mayeur Jean-Marie et Hilaire Yves-Marie, dir., Dictionnaire du monde religieux de la France contemporaine, t. V. Paris : Beauchesne, 1993 [fiche numérisée Archives biographiques françaises, fiche III 118, p. 288-290].

Sources identifiées

Paris, Archives biographiques françaises

  • Microfiches I p. 249, 326-329 ; III, p. 118, 288-290

Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet

  • Topographie de Jérusalem, Genève, 1843 (thèse publiée à Strasbourg, imprimerie G. L. Schuller)