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CORNU, Paul
Mis à jour le 7 octobre 2008
(15 août 1881, Livry – 29 décembre 1914, Commercy)
Auteur(s) de la notice : SIMIER Amélie
Profession ou activité principale
Bibliothécaire
Autres activités
Historien, historien de l’art
Sujets d’études
Histoire du Nivernais, histoire du costume, arts décoratifs
Carrière
1901-1906 : étudie à l’École des chartes ; parallèlement, suit des cours de l’École des hautes études, section Sciences historiques et philologiques ; reçu archiviste-paléographe en janvier
1906 : thèse : Étude sur les forêts du Nivernais, particulièrement du XVe à la fin du XVIIIe siècle
1904 : secrétaire de la Revue de l’art pour tous
1906-1907 : secrétaire de la Revue d’histoire moderne et contemporaine
1908 : crée les Cahiers nivernais, qu’il dirige jusqu’en 1909 ; nommé bibliothécaire adjoint au musée des Arts décoratifs
1914 : chargé de la section du costume à la Bibliothèque d’art et d’archéologie, collections Jacques Doucet
1914 : mobilisé comme sergent-fourrier d’un régiment de réserve, meurt au front de la fièvre typhoïde en décembre
1915 : prix posthume de l’Académie française (Fondation Charles-Blanc) pour l’ensemble de son œuvre, le 19 août
Étude critique
Esprit éclectique formé à la recherche par l’École des chartes, Paul Cornu est d’abord un historien. Pendant sa brève carrière – il meurt à 33 ans pendant la Première Guerre mondiale –, il abordera des sujets très variés, dont une partie seulement concerne l’histoire de l’art. Ce fils d’instituteur né dans la Nièvre fait de sa région natale son premier terrain d’étude. Sa thèse de l’École des chartes est intitulée Étude sur les forêts du Nivernais, particulièrement du XVe à la fin du XVIIIe siècle (1906). Il publie des articles sur des sujets locaux dans des revues savantes du département – « La Création à Nevers de la manufacture de faïence dite “Manufacture royale”, 1755 » (1905), ou encore les « Notes et documents relatifs à l’élection de Clamecy XVIe-XVIIIe siècles » (1908). Régionaliste convaincu, il fonde en 1908, sur le modèle des Cahiers de la quinzaine de Charles Péguy, les Cahiers nivernais, devenus Cahiers nivernais et du Centre en s’ouvrant à l’Allier, au Cher et à la Saône-et-Loire en 1909. Il les dirige jusqu’en 1910 et il y collabore jusqu’à sa mort. Les Cahiers nivernais abordent des questions locales d’ordre historique, sociologique, littéraire et parfois artistique : Cornu publiera ainsi un article sur son contemporain le dessinateur et graveur Bernard Naudin (1912).
Sa contribution majeure à l’histoire de l’art est sans doute la publication, sous la direction de la Société de l’Histoire de l’Art français, d’outils de recherches précieux : la Table des procès-verbaux de l’Académie royale de peinture et sculpture 1648-1793 (1909), répertoire par nom d’artiste, titre d’œuvre ou sujet ; puis la Table générale de la Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome avec les surintendants des Bâtiments publiée par Anatole de Montaiglon et Jules Guiffrey (1912). Ainsi, à chaque article des tables correspond une synthèse de la carrière académique de l’artiste cité. Ce travail de dépouillement systématique, pour austère et contraignant qu’il paraisse, est en quelque sorte la marque de fabrique du travail de Cornu. Secrétaire de la Revue d’histoire moderne et contemporaine en 1906-1907, il avait déjà collaboré au répertoire méthodique et à la bibliographie des articles publiés entre 1868 et 1897, avec « la réputation d’un travailleur que rien ne rebute et d’un consciencieux qui vient à bout des tâches les plus ardues » (Jean Bonnerot, 1916, p. 277). Il collaborera aussi au Répertoire des sources manuscrites de l’histoire de Paris publié en 1915 (ibid., p. 281).
Après sa nomination comme bibliothécaire adjoint au musée des Arts décoratifs en 1908, Paul Cornu se tourne volontiers vers des sujets touchant à son nouveau domaine d’exercice. Avec l’Essai bibliographique sur les recueils de modes au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle (1911), il offre aux chercheurs une bibliographie commentée qui fait l’état des lieux de l’iconographie disponible en la matière. C’est sans doute au titre de spécialiste de l’histoire du costume que Jacques Doucet le charge de la section du costume de sa bibliothèque en 1914. Il produit par ailleurs un intéressant Rapport adressé à Mr le Sous-Secrétaire d’État des Beaux-Arts sur l’état et les tendances actuelles de l’art décoratif en Hollande (1914). Son analyse fine, étayée de citations de publications récentes et d’exemples vus durant sa mission, couvre tous les domaines des arts décoratifs, allant jusqu’à l’architecture, l’enseignement et les modes de production. Il en conclut qu’il est dans la nature de la Hollande « non pas d’échapper aux influences, mais de les attirer » ; elle les subit donc quand elle est faible – c’est le cas pour une partie du mobilier contemporain –, elle les assimile quand elle est forte – ainsi pour les édifices de Berlage.
Cornu est aussi l’auteur d’une réflexion pertinente sur sa profession. Dans la conférence qu’il donne en 1913, « Les Bibliothèques d’art de Paris », il définit les bibliothèques en fonction de leurs usagers : d’une part, « les artistes et les artisans, qui viennent se renseigner sur les œuvres du passé ou du présent pour réaliser, en s’en inspirant […], des œuvres nouvelles » – et pour ceux-là, il faut fournir « des images » ; d’autre part, « les écrivains d’art, historiens, critiques, journalistes… », qui recherchent « des livres ». Au premier type correspond la bibliothèque de l’Union centrale des arts décoratifs, destinée aux « travailleurs » – Cornu fait alors l’apologie du don généreux de Jules Maciet ; au deuxième type correspond la Bibliothèque d’art et d’archéologie de Jacques Doucet, ouverte aux érudits. Il prône la politique d’accès de cette dernière, l’opposant à celle de la Bibliothèque nationale, lieu à « l’attraction incompréhensible », trop largement ouvert au tout-venant, et qui devrait être réservé à quelques spécialistes habilités à manipuler des documents originaux précieux.
Ce socialiste convaincu, militant pour l’éducation de l’ouvrier, est aussi l’auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation tirés de ses travaux d’érudit. Ainsi voit le jour une biographie de Corot (1911) issue du travail de recherche qu’il aurait effectué pour les publications d’Étienne Moreau-Nélaton (Jean Bonnerot, 1916, p. 282). La vie et l’œuvre du peintre sont présentés sous un jour attrayant : les chapitres, anecdotiques et illustrés, s’intitulent « L’Enfance, la jeunesse » ; « L’Homme » ; « L’Artiste » ; « La Critique, les jurys » ; « Galeries publiques et privées » ; « La Mort, la gloire officielle ». Il publie néanmoins à la fin de l’ouvrage une partie de la correspondance de l’artiste avec un appareil de notes et, dans un paragraphe concernant les faux Corot, dresse un tableau comparé de reproductions de signatures du peintre. Il est aussi l’auteur, en lien avec l’éditeur de diapositives Gustave Vitry, d’une série de brochures destinées aux conférences avec projection et consacrées à l’histoire du costume (1909), à celle du mobilier (1909), à l’histoire de Paris (1910-1913) ou à une visite du musée des Arts décoratifs (1911). Elles sont largement illustrées de reproductions d’œuvres des musées nationaux ou du musée des Arts décoratifs. Les salles et les œuvres de ce dernier sont encore à l’origine des illustrations de ses ouvrages de la collection « Les Styles à portée de tous », publiés par Albin Michel en 1912 « à l’usage des artisans » (Jean Bonnerot, 1916, p. 282). Enfin, comme nombre de ses confrères, il écrit quelques articles sur des artistes de son temps dans des publications non érudites : dans Les Hommes du jour, il rend un hommage posthume, qui s’appuie sur des biographies récentes et des témoignages, au sculpteur Jules Dalou (1909), dont les idéaux politiques et sociaux lui sont proches ; dans Art et décoration, il présente l’illustrateur Cortègle (1912) puis le peintre Georges Desvallières (1913), qu’il a sans doute interrogés.
Les notices nécrologiques qui lui sont consacrées en 1915 et 1916 déplorent la perte d’un honnête homme et d’un chercheur passionné, qui aurait renouvelé en particulier l’étude du costume s’il en avait eu le temps. Le prix de l’Académie française qui lui est décerné après sa mort pour l’ensemble de son œuvre témoigne de l’estime de ses contemporains.
Amélie Simier
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Table des procès-verbaux de l’Académie royale de peinture et sculpture 1648- 1793. Paris : Jean Schemit, 1909.
- Essai bibliographique sur les recueils de modes au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Paris : Manzi et Joyant, 1911.
- Corot. « Les Écrits et la vie anecdotique et pittoresque des grands Artistes ». Paris : Louis Michaud, 1911.
- Table générale. t. XVIII. In Anatole de Montaiglon, Jules Guiffrey dir., Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome avec les surintendants des Bâtiments. Paris : Jean Schemit, 1912.
- La Collection Besselièvre. Étoffes et broderies du XVe au XVIIIe siècle. Paris : A. Calavas, s. d. [1912].
- Meubles et objets de goût 1796-1830. 678 documents tirés des journaux de mode et de la « collection » de La Mésangère. Paris : Librairie des arts décoratifs, A. Calavas, s. d. [1914].
- La Galerie des modes et costumes français dessinés d’après nature, 1778-1787. Paris : Librairie centrale des beaux-arts, 13 livraisons de mars 1911 à mai 1914.
- Les Styles à la portée de tous. Décoration intérieure et mobilier. Paris : Albin Michel, s. d.
- Les Styles à la portée de tous. Architecture. Paris : Albin Michel, s. d. [1912 ?].
- Étude sur les forêts du Nivernais : particulièrement du XVe à la fin du XVIIIe siècle. Thèse de l’École des chartes, 1906. Nevers : Société académique du Nivernais, 1981.
Articles
- « Histoire religieuse de la paroisse d’Alligny, près Cosne (Nièvre) (1789-1802) ». Mémoires de la Société académique du Nivernais, 1904, t. XII.
- « La Création à Nevers de la manufacture de faïence dite “Manufacture royale”, 1755 ». Mémoires de la Société académique du Nivernais, 1905, t. XIII.
- « Le Château de Béarn (ancienne Maison de l’Électeur) à Saint-Cloud ». La Revue de l’histoire de Versailles, février et mai 1907.
- « Portraits d’hier : Jules Dalou (1838-1902) ». Les Hommes du jour, 1er juillet 1909, n° 8, p. 228-255.
- « Bernard Naudin dessinateur et graveur ». Les Cahiers du Centre, mars 1912.
- « Carlègle ». Art et décoration, janvier 1912, p. 1-12.
- « Georges Desvalières ». Art et décoration, mars 1913, p. 69-82.
- « Les Reliures du musée des Arts décoratifs ». Revue des bibliothèques, janvier-mars 1912, n° 1-3.
- « Les Bibliothèques d’art de Paris ». Bibliothèques, livres et librairies, 1913, p. 97-126.
- « Le Château de la Brosse dans le Parc de Saint-Cloud ». Archives de l’art français, 1916, t. VIII [Mélanges Jules Guiffrey], p. 220-229.
Bibliographie critique sélective
- [Stein Henri ?]. – « Paul Cornu ». Bibliothèque de l’École des chartes, 1915, t. LXXVI, p. 226-227.
- [s. n.]. – « Prix de l’Académie française ». Bibliothèque de l’École des chartes. Paris, Librairie Alphonse Picard et Fils, 1915, t. LXXVI, p. 453.
- Bonnerot Jean. – « In Memoriam. Paul Cornu (1881-1914) ». Revue des bibliothèques, avril 1915-décembre 1916, n° 4-12, p. 275-285.
Sources identifiées
Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet
- plusieurs dons autographes, sans dédicataire
Paris, bibliothèque de l’Union centrale des arts décoratifs
- (XJ42) : don autographe d’un tapuscrit, annoté et corrigé : Rapport adressé à Mr le Sous-Secrétaire d’État des Beaux-Arts sur l’état et les tendances actuelles de l’art décoratif en Hollande, [1914] ; plusieurs dons autographes, sans dédicataire
En complément : Voir la notice dans AGORHA