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COSTE, Numa
Mis à jour le 5 janvier 2009
(31 août 1843, Aix-en-Provence – 10 juin 1907, Aix-en-Provence)
Auteur(s) de la notice :
MASSU Claude
Profession ou activité principale
Peintre, critique, historien de l’art
Autres activités
Journaliste
Sujets d’étude
Patrimoine provençal : archéologie, art et architecture, histoire
Carrière
1862-1875 : engagement dans l’armée
1880 : co-fondateur de L’Art libre
1881 : retour définitif à Aix-en-Provence
Vers 1885 : délaisse la peinture
1885 : entre comme rédacteur au Sémaphore de Marseille ; correspondance suivie avec Émile Zola ; collabore à diverses revues savantes provençales : les Annales de la Société d’études provençales, Le Mémorial d’Aix, la Revue historique de Provence
1894-1906 : fait paraître plusieurs brochures d’histoire locale
Étude critique
Maître cordonnier de la garnison d’Aix-en-Provence, le père de Numa Coste était aussi passionné d’histoire. Il a ainsi donné à son fils le prénom qui fait référence au second roi légendaire de Rome et lui a transmis le goût des études historiques dès l’enfance.
Numa Coste commence par être peintre. Il suit les cours du soir de l’École de dessin d’Aix-en-Provence dirigée par Joseph Gibert et installée dans l’ancien prieuré de l’ordre de Malte. Tout en étant clerc chez un notaire aixois, il fréquente à Aix l’atelier de Joseph Villevieille, peintre d’histoire et portraitiste.
En 1862, il s’engage dans l’armée et entre dans le corps des ouvriers d’administration de la garnison à Paris. Il fréquente les ateliers et visite les musées de la capitale, mais il n’expose guère aux Salons. À cette époque, il se rend aux jeudis de Zola à la villa de Médan. Avec Émile Zola et Paul Alexis, il forme une société littéraire d’expatriés aixois, Le Bœuf nature, et il en organise les dîners. En 1875, il reçoit un riche héritage. Libéré de tout souci matériel, il démissionne alors de l’armée. En 1880, il fonde avec Émile Zola, Paul Alexis, Marius Roux et Dujardin-Beaumetz le journal L’Art libre d’où naîtra le Salon des Indépendants, opposé à l’Académie et au Salon. Dans cette tribune des artistes, il apporte son soutien à la cause impressionniste. En 1881, il revient s’établir définitivement à Aix et partage sa résidence entre une maison au centre ville et une bastide à Célony qui servira de modèle à Zola pour la maison d’Antoine Macquart aux Tulettes.
Dès lors, Numa Coste délaisse la peinture et s’engage dans des activités d’archéologue, de critique d’art et d’historien de l’art. En 1885, il devient correspondant du Sémaphore de Marseille. Sous le pseudonyme de Pierre Tournel, il y écrit des articles sur la vie politique tandis que sous son vrai nom, il publie une chronique hebdomadaire intitulée la Lettre du lundi qui porte sur l’art, l’archéologie et l’histoire en Provence. Devenu correspondant du Comité des Sociétés des beaux-arts des départements à Aix, il présente régulièrement à ce titre des communications lors de congrès de sociétés savantes. Publiées sous forme de brochures, ces communications forment l’essentiel de son travail historique. Cette œuvre d’historien est restée centrée sur le territoire provençal, en particulier aixois. Elle est de ce fait peu connue et peu diffusée en dehors d’Aix-en-Provence.
Né à Aix-en-Provence, Numa Coste a eu des relations avec nombre d’Aixois de sa génération. Il a connu Émile Zola, Paul Cézanne et le sculpteur Philippe Solari qui appartenait au cercle des rencontres et des amitiés cézanniennes. Ami d’enfance du peintre, il l’a toujours défendu ; par exemple en 1882, dans un article paru dans la revue L’Art libre pour lequel Cézanne l’a remercié dans une lettre en date du 5 janvier 1883. Coste est resté lié avec Émile Zola et il a entretenu une correspondance suivie avec l’écrivain.
Lors de l’inauguration du buste d’Émile Zola par Philippe Solari à la bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence, le maire Joseph Cabassol se félicite d’avoir à ses côtés Numa Coste, louant en lui « l’érudit impeccable […], le savant toujours prêt à mettre les trésors de son érudition au service de ceux que tentent les études provençales ». En effet, Numa Coste est surtout connu comme historien et défenseur de toutes les formes du patrimoine de Provence à la fin du XIXe siècle – si son œuvre participe du mouvement de reconnaissance et de promotion de la culture provençale, l’appartenance de Numa Coste au félibrige, association spécifiquement dévolue à la défense de cette culture, reste incertaine.
Les études publiées par Numa Coste couvrent un large éventail chronologique depuis le Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle. Elles concernent aussi bien la sculpture monumentale, la peinture que l’architecture. La cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence a fait l’objet de plusieurs recherches savantes et de publications. D’autres contributions portent sur les monuments funéraires des comtes de Provence ou sur les origines de l’école de dessin d’Aix et du futur musée Granet.
On doit à Numa Coste deux études sur des peintres provençaux du XVIIe siècle : le peintre et graveur aixois Laurent Fauchier (1643-1672) et le peintre d’origine bruxelloise établi à Aix Jean Daret (1613-1668). Le texte sur Laurent Fauchier est représentatif de la démarche de Numa Coste. Ce peintre s’est cantonné dans le genre du portrait dans lequel il cherchait à imiter Van Dyck. Il a peint des portraits de la noblesse provençale de l’époque, dont celui du duc de Vendôme. Le Parlement a commandé à Laurent Fauchier les soixante-six portraits des présidents, conseillers et gens du roi qui le composaient, mais seuls vingt auraient été achevés. Numa Coste porte un jugement nuancé sur l’œuvre de ce peintre : « Faute d’échantillons authentiques de son talent, nous sommes contraints de juger Fauchier sur les œuvres qu’on lui attribue et qui appartiennent à deux manières différentes. Le portrait de Mme de Grignan, légué par Mme de Surian au musée de Marseille, ne se distingue guère des ouvrages gracieux, mais sans accent, si à la mode à l’époque des Mignard et des Vanloo, tandis que d’autres toiles sont traitées avec une certaine ampleur et peintes avec une solidité et une rudesse de touche voisine de la lourdeur ». Cet exemple traduit les jugements mesurés portés par Numa Coste sur les artistes qu’il étudie. Dans ses différents textes, Numa Coste fait preuve d’une érudition minutieuse. Chaque étude est suivie de la transcription d’un certain nombre de pièces justificatives rédigées en latin et consultées dans des fonds d’archives locaux. Grâce à cette méthode rigoureuse, Numa Coste procède à des attributions argumentées ou corrige des erreurs répandues. Le savant reconnaît les difficultés pour trouver les prix-faits et analyser les minutes notariales. Il lui arrive de souligner « la confusion inextricable au milieu de laquelle il faut se débattre pour recueillir les matériaux de l’histoire locale ».
De nature tempérée, l’homme était cependant capable d’attitudes non conformistes. Il l’a montré lors de l’inauguration en 1906 du buste d’Émile Zola sculpté par Philippe Solari pour la bibliothèque Méjanes. Dans son discours, il célèbre « l’œuvre de l’écrivain de vérité que fut Émile Zola ». À ceux qui reprochent au romancier une vision trop noire de la nature humaine, Numa Coste affirme que « Zola n’a fait que décrire, avec une impitoyable et cruelle sincérité, l’humanité qu’il avait sous les yeux ». Le romancier reste pour Coste un modèle de liberté d’esprit. Comme le rappelle le rédacteur de sa notice nécrologique parue dans L’Écho des Bouches-du-Rhône en juin 1907, Numa Coste n’était ni un « donneur d’eau bénite de cour », ni un « complaisant faiseur de compliments ».
Derrière les rigueurs de l’érudit et de l’historien surgit au détour d’anecdotes une personnalité de conviction encline à dénoncer toute forme d’injustice. À propos d’une intervention d’Anne d’Autriche dans le cours de la justice dans les années 1630, il remarque : « Avec la justice on ne se gênait pas plus à cette époque qu’aujourd’hui. » Dans l’historique de l’ancien couvent des Récollets d’Aix, il note qu’« en 1720, au moment de la peste, la ville s’était emparée du couvent. Les documents de cette époque constatent le sans-gêne des chirurgiens et des infirmiers qui s’étaient appropriés les meilleurs locaux au détriment des malades ».
Coste ne s’interdit pas d’exprimer des convictions artistiques. Dans son étude des grandes portes de l’église Saint-Sauveur d’Aix, il regrette l’éclectisme de certaines formes à la fois gothiques et de la Renaissance qui témoignent selon lui d’hésitations dans la commande. Ailleurs, il lui arrive de s’enthousiasmer pour la qualité de certains décors ou de certaines formes. Dans son étude sur le peintre Jean Daret, il laisse entendre son admiration pour la décoration de l’escalier de l’hôtel de Châteaurenard à Aix.
Il réserve ses remarques critiques les plus vigoureuses pour dénoncer des pratiques de vandalisme artistique, en particulier pendant la période révolutionnaire, mais pas uniquement. Dans Documents inédits sur le mouvement artistique au XVe siècle à Aix-en-Provence, il s’en prend au « vandalisme imputable aussi bien aux iconoclastes de 1793 qu’aux parlementaires blasonnés qui firent disparaître les derniers vestiges de l’occupation romaine ». Il regrette les changements du goût qui ont abouti à partir du XVIe siècle à rejeter les traces d’art gothique. La raison en est selon lui que « la critique n’a guère commencé à s’intéresser aux choses de l’Art qu’à la fin du seizième siècle, c’est-à-dire à une époque où tout ce qui avait une allure gothique commençait à être excommunié ». Il déplore la négligence ou l’indifférence de ses contemporains à l’égard du patrimoine. Dans le même temps, sa fierté provençale lui fait dénoncer certains excès du tourisme naissant : si le Tholonet est le bois de Boulogne d’Aix, il est aussi envahi par la foule des visiteurs. Dans ses écrits, Numa Coste fait l’éloge des configurations géologiques et des paysages de Provence, à commencer bien sûr par la montagne Sainte-Victoire.
En dehors de ses brochures qui rassemblent l’essentiel de ses études historiques, Numa Coste a écrit de nombreux articles dans le Sémaphore, les Annales de la Société d’études provençales, la Revue historique de Provence. On ne dispose pas encore à ce jour de répertoire systématique de ces nombreuses pages éparses.
Claude Massu, professeur à l’université de Paris-I-Panthéon -Sorbonne
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Documents inédits sur le mouvement artistique au XVe siècle à Aix-en-Provence. Paris : Plon-Nourrit, 1894.
- Les Architectes, les sculpteurs et maîtres d’œuvre de l’église Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence au XVe siècle. Paris : Plon, 1894.
- Le Portail et les grandes portes de la métropole Saint-Sauveur à Aix-en-Provence . Paris : Plon-Nourrit, 1896.
- Le Peintre Laurent Fauchier. Paris : Plon-Nourrit, 1900.
- Jean Daret peintre bruxellois. Paris, Plon-Nourrit, 1901.
- Les Tombeaux des comtes de Provence à Saint-Jean-de-Malte. Aix : Makaire, 1902.
- L’Ancien Couvent des Récollets d’Aix. Aix : Makaire, 1904.
- Les Origines de l’école de dessin et du musée d’Aix-en-Provence. Paris : Plon-Nourrit, 1905.
- Coste Numa et Cabassol Joseph, Compte rendu de l’inauguration du buste d’Emile Zola à la bibliothèque Méjanes . Aix-en-Provence : Bourély, 1906.
Articles
- « Pierre Puget à Aix ». In Revue des Sociétés des beaux-arts départementales. Marseille : Archives départementales, t. XXII , p-775, 1898.
- « Une loterie au XVe siècle à Aix-en-Provence ». In Revue historique de Provence, 1901, p. 35-39.
- « Recherches sur l’art provençal ». In Revue historique de Provence, 1901, p. 294, 438, 489.
Bibliographie critique sélective
- Notice nécrologique parue dans L’Écho des Bouches-du-Rhône, 16 juin 1907, 58e année, n. 2934, p.2.
- Raimbault Maurice. – Nécrologie de Numa Coste. Annales de la Société d’études provençales, 4e année, 1907, p. 259-262.
- Barré Henri . – Les Bouches-du-Rhône. Encyclopédie départementale.Marseille, archives départementales des Bouches-du-Rhône t. XI, 1913, p. 142-143.
- Baille Franck. – Les Petits Maîtres d’Aix à la Belle Epoque (1870-1914). Aix-en-Provence : éd. de l’imprimerie Paul Roubaud, 1981.
- Athanassoglou-Kallmeyer Nina Maria. – Cézanne and Provence. The Painter in his culture. Chicago et Londres : University of Chicago press, 2003.
Sources identifiées
Pas de sources recensées à ce jour