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DAREMBERG, Charles
Mis à jour le 9 mars 2009
(14 mars 1817, Dijon –24 octobre 1872, Le-Mesnil-le-Roy [Yvelines])
Auteur(s) de la notice :
GOUREVITCH Danielle
Profession ou activité principale
Bibliothécaire, à l’Académie de médecine puis à la Mazarine
Autres activités
Médecin, historien de la médecine, professeur
Sujets d’étude
Histoire de la médecine
Carrière
1836 : externe des hôpitaux de Paris
1840 : interne à l’hôpital de Dijon
1841 : docteur de Paris
1842-1849 : médecin des écoles et bureaux de bienfaisance
1846 : bibliothécaire de l’Académie de médecine
1847 : chargé de cours au Collège de France, pour la première fois
1849-1850 : mission en Italie avec Ernest Renan ; renvoyé de l’Académie du fait de son absence ; nommé à la Mazarine
1855 : premier contrat avec Hachette pour le Dictionnaire
1864 : chargé de cours au Collège de France, pour la deuxième fois
1868 : associé libre de l’Académie de médecine
1870 : très impliqué pendant le siège de Paris et la Commune (ainsi que son fils Georges (1850-1907), alors étudiant en médecine)
1871 : professeur à la faculté de médecine de Paris
1872 : se fait suppléer dans ce cours
Chevalier de la Légion d’honneur (1862)
Docteur honoris causa de plusieurs universités étrangères (dont Wrocław et Bruxelles)
Étude critique
Né de parents inconnus à Dijon en 1817 chez une sage-femme, Victor Charles (sans nom de famille), « connu dans le monde sous le nom de Daremberg », reçoit à l’issue du procès d’usage, le 11 novembre 1865, le droit de s’appeler Charles (Victor) Daremberg. Il était très probablement de fort bonne famille, d’un côté au moins, puisqu’il avait été élevé par les soins du Dr Descuret, sous la haute protection de la famille de Broglie. Il fait ses études de médecine à Dijon et à Paris où il devient docteur en 1841 avec une thèse d’une teneur et d’un ton très inhabituels, Exposition des connaissances de Galien sur l’anatomie, la physiologie et la pathologie du système nerveux. Il gagne sa vie comme médecin des écoles et des bureaux de bienfaisance, jusqu’au jour où il est nommé bibliothécaire de l’Académie de médecine. Sa jeune notoriété d’érudit lui permet aussi d’obtenir une charge de cours en histoire de la médecine au Collège de France, en même temps qu’il se lance dans des éditions et des traductions de textes médicaux, avec un Hippocrate et un premier tome d’Oribase.
Les révolutions européennes de 1848 lui fournissent l’occasion d’obtenir une mission ministérielle pour visiter les principales bibliothèques d’Italie (avec Ernest Renan) à la recherche de manuscrits médicaux, grecs et latins (1849-1850). Ce séjour italien obligera le jeune homme, savant mais peu cultivé, à se plonger dans l’histoire de l’art, comme on peut le voir dans ses notes de voyage (voir Danielle Gourevitch, La Mission de Charles Daremberg en Italie (1849-1850), 1994). À son retour en France, se rendant compte qu’il ne savait pas grand chose de l’Antiquité, ni des antiquités, hormis la médecine, et qu’il n’existait pas de bon dictionnaire français sur ce sujet, il s’en ouvre à Louis Hachette qu’il connaissait. Celui-ci, né en 1800, ancien normalien écœuré par les méthodes de Frayssinous, grand maître de l’université, avait quitté la carrière universitaire pour l’édition, privilégiant volontiers, en courant de grands risques financiers, l’édition érudite, avec par exemple le Dictionnaire latin-français de Jules Quicherat ou le fameux Dictionnaire de la langue française d’Émile Littré. Hachette accepte de bon cœur le projet de Daremberg et un premier contrat est signé le 25 juillet1855 pour un Dictionnaire universel des antiquités orientales, grecques, latines et du moyen âge, ouvrage illustré dont ni Hachette, mort en 1864, ni Daremberg, mort en 1872, ne devaient voir une page.
Daremberg n’est pas un historien de l’art professionnel, mais il se justifie de son audace dans une lettre du 1er mars 1856 à dom Pitra, alors à Solesmes, qui l’a manifestement chapitré (voir Danielle Gourevitch, « Une lettre de Daremberg à dom Pitra », Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1996) : « […] je vous demande raison de la façon un peu leste dont vous mettez sur le carreau mon futur dictionnaire. Et d’abord il n’est pas aussi facile pour un archéologue qui n’a pas vu de malades de faire une encyclopédie médicale qu’à un médecin qui a vu les monuments et qui a beaucoup lu les anciens de donner une encyclopédie des antiquités. En second lieu, ce n’est pas précisément le médecin qui fait le dictionnaire, il le dirige et s’est associé les archéologues les plus autorisés qui lui prêtent un concours actif et dévoué. Le médecin se croit assez de discernement et peut-être de critique pour revoir et coordonner les articles. » Effectivement, Hachette faisait confiance à Daremberg, qui prenait l’entreprise très au sérieux : la bibliothèque de la Sorbonne possède un important registre (Ms 150) qui lui a été donné par Léon Renier (1809-1885), l’épigraphiste bien connu, qui était alors son conservateur en chef – ses papiers devaient être classés par Cagnat et Héron de Villefosse ; en fait le travail semble avoir été fait par Mowat (livret 20 de l’École pratique des hautes études, Sciences historiques et philologiques). Dans ce gros cahier, on trouve : 1) le brouillon d’un « prospectus » du 11 janvier 1857 (I-VII), que Daremberg s’est efforcé de calligraphier alors qu’il a une écriture difficile ; 2) Une note sur le contenu du registre et la façon de l’utiliser (VIII-IX) ; 3) Un schéma montrant les divisions à donner aux articles, et les relations à établir entre eux ; 4) Une page-modèle XII) ; 5) Une liste des abréviations (XIII-XIV). Enfin et surtout, une longue liste (246 pages) de mots à traiter, tant grecs que latins, empruntés au livre de William, Dictionary of Greek and Roman antiquities (Londres, 1842), dont Daremberg pensait d’abord s’inspirer. La liberté totale qu’il avait de choisir ses collaborateurs lui donnait aussi une plus libre inspiration, les deux rubriques qui intéressent le plus l’historien de l’art étant les arts et métiers, et les monuments. L’idée que le livre serait en vente en 1860 relevait du rêve ! Écrasé de travail (et aussi, il faut bien le dire, un peu dispersé), souffrant d’une angine de poitrine, Daremberg accepte un nouveau contrat qui lui assure l’aide d’Edmond Saglio (5 mars 1865), à nouveau modifié le 1er avril 1872 par un autre, économiquement favorable à ce dernier.
On a souvent dit que le dictionnaire ne mérite pas d’être à son tour « connu dans le monde sous le nom de Daremberg et Saglio ». Certains suggèrent le surnom de « Saglio », tout court, d’autres de « Saglio-Pottier ». Le rôle exact de Pottier est clarifié dans sa notice (comme aussi celui de Martigny qui se chargea des antiquités chrétiennes). Quant à Saglio (1828-1911) (voir Salomon Reinach, « Notice nécrologique de Saglio », Revue archéologique, 1911, 2, p. 456-458, et Ulysse Chevalier, « Notice sur la vie et les travaux d’Edmond Saglio », Paris, 1913), c’est à ses débuts un juriste qui travaille pour Le Magasin pittoresque, revue d’instruction populaire lancée par son beau-père, Édouard Charton. Quand Napoléon III achète sa collection au marquis Campana, il est de ceux qui organisent son exposition au musée Napoléon III. En 1865, il n’avait en la matière guère écrit qu’un compte rendu de la traduction française du dictionnaire de Rich (Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, accompagnée de 2000 gravures d’après l’antique, représentant tous les objets de divers usages d’art et d’industrie…), mais avec sa gentillesse et sa fermeté, il devint exactement the right man in the right place, acceptant de classer le matériel reçu, de réécrire certains articles s’il le fallait, de procurer ceux dont personne n’avait voulu, de choisir les illustrations et de corriger les épreuves. Il entrait dans la carrière des musées, d’abord comme assistant puis comme conservateur au Louvre et, en 1893, comme directeur du musée de Cluny, quand il devient responsable du dictionnaire : il accepte le plan général fixé par Daremberg, mais en resserre le champ. Le 15 novembre 1877, un nouveau contrat établit que Saglio serait dorénavant mieux rétribué. Dans la préface au premier fascicule, datée fictivement de 1873, pour une série d’exemplaires qui ne fut pas mise en vente – en fait sur le marché en 1877 –, il insiste modestement non sur ses mérites mais sur ceux de ses collaborateurs, alors qu’il était doté d’une grande puissance de travail et que, sur les instances de la maison d’édition, il avait fini par se rendre à Rome pour la première fois en 1874 pour vérifier ses connaissances livresques ! Il préfère oublier quelques déboires parfois cuisants, comme ceux qui l’avaient opposé à Émile Soldi (1846-1906), lequel l’avait attaqué publiquement avec Les Erreurs d’un érudit. Lettre à M. E. Saglio, publié chez Leroy en 1879. On peut donc considérer que le dictionnaire mérite bien son appellation de « Daremberg et Saglio », Daremberg pour l’idée générale et le lancement du programme, Saglio pour ses efforts persévérants – Pottier ayant relancé une affaire difficile et Georges Lafaye, gendre de Saglio, l’ayant terminée après la mort de celui-ci (le dernier contrat date de 23 octobre 1914).
Politiquement neutre lors de sa conception, le dictionnaire deviendra, après la guerre de 1870 et la Grande Guerre, une « œuvre française », ce qui n’était pas dans le programme de départ. Lafaye en témoigne avec satisfaction dans son article conclusif de la Revue archéologique, « l’achèvement d’une œuvre française » (voir Salomon Reinach, Esquisse d’une histoire de la collection Campana, Paris, 1905). Aujourd’hui, même si et la documentation et l’interprétation qui en est donnée paraissent bien de leur temps, ce dictionnaire reste très utile et très employé – parfois trop – par les étudiants pressés. Souvent cité sur la toile, il est relativement onéreux. Avant de tomber dans le domaine public (1er juin 1987), il a fait l’objet d’un retirage en fac-similé en 1962-1963 à Graz par l’Akademische Druck- und Verlagsanstalt. Les cinq tables établies en 1929 sont fort utiles, particulièrement celle des auteurs modernes qui, avec ses 174 noms, donne un excellent tableau des « antiquaires de France » sous le Second Empire et la Troisième République, et peut servir de base à l’histoire de l’érudition antiquisante de cette période. C’est à Daremberg que nous le devons : c’est la revanche de l’enfant abandonné.
Danielle Gourevitch, directeur d’études à l’École pratique des hautes études (Sciences historiques et philologiques)
Principales publications
Ouvrages
- Dictionnaire des antiquités grecques et romaines. Paris : Hachette, 1877 (posthume).
- La Mission de Charles Daremberg en Italie (1849-1850). Présenté, édité et annoté par Danielle Gourevitch. Mémoires et documents sur Rome et l’Italie méridionale, n. s. 5. Naples : Centre Jean Bérard, 1994.
Bibliographie critique sélective
- Mistler Jean. – La Librairie Hachette de 1862 à nos jours. Paris : Hachette, 1964.
- Gourevitch Danielle. – « La Mission médico-historique de Daremberg et de Renan à Rome (octobre 1849-juillet 1850) : le problème du rapport ». Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1990, p. 232-242.
- Gourevitch Danielle. – « Charles Daremberg, William Alexander Greenhill et le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales en 100 volumes ». Histoire des sciences médicales, 26 (3), 1992, p. 207-213.
- Gourevitch Danielle. – « Un épisode de l’histoire du Dictionnaire des antiquités connu sous le nom de “Daremberg et Saglio” la publication du Dictionnaire des antiquités chrétiennes de l’abbé Martigny ». In Les Archéologues et l’Archéologie = Caesarodunum, 1993, XXVII, p. 79-95.
- Gourevitch Danielle. – « Un épisode de la longue histoire du “Daremberg et Saglio” : l’affaire Morel ». Caesarodunum,1994, XXXXI, (Mélanges Raymond Chevallier, 1994, II, 1), p. 31-38.
- Gourevitch Danielle. – « Un médecin antiquaire dans la tourmente de 1848 à Paris : Charles Daremberg ». Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1992, p. 30-45.
- Gourevitch Danielle. – « Une catastrophe dans les relations entre les érudits français et allemands : la guerre de 1870. L’exemple de Daremberg et de son ami Haeser ». In Danielle Gourevitch, Médecins érudits, de Coray à Sigerist. Paris : de Boccard, 1995, p. 131-152.
- Gourevitch Danielle. – « Histoire du Dictionnaire des antiquités chrétiennes de l’abbé Martigny, émule de J. B. de Rossi ». In Acta XIII congressus internationalis archaeologiae christianae. Editionem curaverunt Nenad Cami et Emilio Marin, Split, sept.1994. Cité du Vatican – Split, 1998, p. 363-372.
- Gourevitch Danielle. – « Une lettre de Daremberg à Dom Pitra ». Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1996, p. 125-128.
- Gourevitch Danielle. – « (Nicolas) Lucien Leclerc, médecin major, membre de la Société des antiquaires de France, fondateur de l’histoire de la médecine arabe (1816-1893) ». Bulletin de la Société des antiquaires de France, (1997) 2001, p. 99-107.
- Gourevitch Danielle, dir. – « Textes de Daremberg en ligne » : http://web2.bium.univ-paris5.fr/liv….
Bibliothèque interuniversitaire de médecine et d’odontologie. Consulté le 10 mars 2009. - Gourevitch Danielle. – « Called simply Daremberg et Saglio », automne 2008, (http://www.greek-language.gr/greekL…)
- Gourevitch Danielle. – « Daremberg, his friend Littré and positivist medical history« . In Huisman F. et Warner J. H. éd., Locating medical history : the stories and their meanings. Baltimore – Londres : 2004, chap. III, p. 53-73.
Sources identifiées
Paris, Académie de médecine
Paris, Archives de Paris
- F 17 20518
Paris, Archives Hachette
Paris, Archives parisiennes de Sainte-Marie-de-la-Source
Paris, bibliothèque de la Sorbonne
- Ms 150
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
- NAF 12927 : archives de Saglio à l’École française de Rome
Paris, musée de la Vie romantique