Auteur(s) de la notice :

BAUDOUX-ROUSSEAU Laurence

Profession ou activité principale

Ecclésiastique

Autres activités
Professeur, archiviste, historien de l’art

Sujets d’étude
Art de la Flandre avant le XVe siècle, peintres flamands des XIVe et XVe siècles, histoire générale de l’art de la Flandre et du Hainaut

Carrière
1852 : premier travail imprimé (étude sur les populations catholiques du Liban)
1853 : participe à la fondation du collège Saint-Jean à Douai, où il est nommé professeur de rhétorique et d’histoire
1857 : mémoire sur l’origine, les progrès et la décadence des abbayes situées dans l’arrondissement de Douai
1860 : collabore à la Revue de l’art chrétien fondée par l’abbé Corblet et à la Revue des sciences ecclésiastiques fondée par l’abbé Bouix
1862 : commence ses recherches sur la vie et l’œuvre de Jean Bellegambe
1863 : archiviste et bibliothécaire adjoint de Douai, chargé des manuscrits et des médailles
1864 : secrétaire de la Société des amis des arts de Douai et membre correspondant de la Commission historique du département du Nord
1866 : participe à la fondation et à la rédaction de la Semaine religieuse du diocèse de Cambrai
1868 : étude sur les manuscrits autographes des poésies de Marcelline Desbordes-Valmore
à partir de 1876 : publication de l’Inventaire sommaire des archives de plusieurs communes de la Flandre
1878 : catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Douai
1868 : correspondant du ministère de l’Instruction publique pour les travaux historiques et archéologiques
1871 : archiviste du département du Nord ; chargé de l’inspection et de la surveillance des dépôts d’archives des communes et des établissements hospitaliers ; membre titulaire de la Commission historique du département du Nord
1873 : rapporteur de la Commission d’enseignement pour la création d’une Université catholique à Lille
1873-1897 : président de la Commission historique du Nord
1874 : création de l’Académie catholique, association pour le progrès des lettres, des arts et des sciences au point de vue religieux ; membre de l’Académie d’Arras
1876 : président de la Commission historique du département du Nord
1879 : membre de la Société des antiquaires de la Morinie
1882 : démissionne de ses fonctions d’archiviste pour participer à la fondation de l’Université catholique de Lille, dont il devient le secrétaire général ; membre de la Société des antiquaires de France
1883 : membre de la Commission de surveillance des archives départementales et communales du Nord
1884 : vice-recteur de l’Université catholique ; aumônier de la maternité Sainte-Anne de la faculté de médecine de l’Université catholique
1884 : prélat de la Maison pontificale (Léon XIII)
1886 : vice-recteur honoraire de l’Université catholique
1887 : membre la Société française d’archéologie
1888 : président de la Société des sciences, des arts et d’agriculture de Lille ; secrétaire du comité pour l’érection d’un monument à la mémoire de Dupleix à Landrecies (Nord)
1889 : membre du Congrès international pour la protection des œuvres et des monuments
1891 : membre associé de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ; président de la commission d’archéologie du musée de Lille

Étude critique

« Notre existence a été consacrée à des recherches sur l’histoire de l’art dans le nord de la France ». « Dans les recherches et dans leur exposé, nous nous sommes fait une loi de suivre les règles de la critique la plus sévère et d’éviter les interpolations, les citations inexactes et les conjectures hasardeuses que plusieurs écrivains se sont permises » (Recherches sur le retable de Saint-Bertin et sur Simon Marmion). Ces deux phrases résument de manière explicite la vie et les exigences intellectuelles de Mgr l’abbé Chrétien César Auguste Dehaisnes, dont la bibliographie est riche de deux cent quatre-vingts titres.

Bien que ses fonctions successives et son ardeur à la tâche l’aient conduit à aborder des sujets divers, historiques, littéraires et linguistiques entre autres, son champ d’étude est essentiellement la Flandre, celle du duché de Bourgogne qui recouvre les anciens comtés de Flandre, d’Artois et du Hainaut. Et si son Nord monumental et artistique se veut un panorama des arts depuis l’époque des grandes invasions jusqu’à la fin du monde moderne, c’est presque exclusivement à l’art du XIVe jusqu’aux premières années du XVIe siècle (au contact de la Renaissance, l’art du nord de la France perd toute originalité) qu’il consacre ses travaux. Leur dénominateur commun est l’art chrétien : c’est alors, lui semble-t-il, que s’exprime le plus intensément la sensibilité flamande, celle des primitifs imprégnés de la spiritualité de la devotio moderna. Dans cet esprit, et en s’appuyant sur le Grand cartulaire de l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer, rédigé au XVIIIe siècle par Charles de Witte, et le récolement et l’étude minutieuse de sources inédites, Mgr Dehaisnes authentifie avec certitude l’auteur du retable de Saint-Bertin de Saint-Omer, pour lequel le nom de Simon Marmion avait été avancé par Michiels en 1866. De même, au terme d’une recherche archivistique rigoureuse, il met en lumière la personnalité et l’œuvre du Douaisien Jean Bellegambe, ce « maître de la couleur » en qui certains voient le dernier « ymagier » du Moyen Âge, d’autres le premier peintre de la Renaissance. Ses démonstrations, dépourvues d’arrogance et d’une rare rigueur scientifique, demeurent un modèle du genre : l’historien reste humble devant les documents, les scrute, les confronte, bannit toute interprétation et ne s’autorise que les hypothèses qu’ils veulent bien lui livrer.

Cette aptitude à l’analyse alliée à l’esprit de synthèse aboutit en toute logique au souci de vulgariser ses connaissances : après avoir dépouillé et transcrit des milliers d’actes, qui sont autant de documents destinés aux chercheurs, aux spécialistes, Mgr Dehaisnes les rapproche, en tire des vues d’ensemble, en extrait à l’intention du public une synthèse sous forme de monographies des villes du Nord et du Pas-de-Calais : Arras, Cambrai, Douai, Lille, Saint-Omer, Valenciennes, entre autres, regagnent ainsi leur place dans la nomenclature des foyers artistiques de la fin du Moyen Âge (L’Histoire de l’art dans la Flandre, l’Artois et le Hainaut avant le XVe siècle). On retrouve là l’enseignant, soucieux de « faire connaître les monuments et les objets d’art […], donner une idée de ce qu’ils représentent sous le rapport de l’art de l’archéologie et de l’histoire, contribuer ainsi à les sauver de l’incurie et de la destruction » (Le Nord monumental et artistique). À cette fin, celui dont les recherches se doublent d’une expérience sur le terrain met au point les cadres d’un recensement méthodique, qui servira de guide aux conservateurs des antiquités et objets d’art des départements (circulaire de janvier 1892). Et lorsque l’archevêché de Cambrai décide la mise en place d’un inventaire des objets mobiliers des églises paroissiales, c’est naturellement vers lui qu’il se tourne.

Sa connaissance des sources (ses inventaires de bibliothèques et d’archives demeurent une référence, en dépit d’une désaffection certaine pour la période moderne) et sa maîtrise de la classification, unanimement saluées par sa nomination comme archiviste du département du Nord en 1871, lui permettent aussi d’aborder les champs que l’historiographie contemporaine redécouvre : les déplacements d’artistes (liens entre peintres picards et primitifs flamands ; émigration des artistes et des œuvres de Bruges vers l’Espagne au XVe siècle), les liens des artistes avec leurs commanditaires, l’influence du milieu social et économique sur la création artistique, la place de l’art dans la société bourgeoise de la fin du Moyen Âge. Mais Mgr Dehaisnes s’intéresse aussi aux techniques, et démontre que l’utilisation de l’huile chez les peintres flamands est antérieure de plus d’un siècle à Van Eyck.

Ses recherches ne pouvaient laisser indifférent le Comité flamand de France, fondé par Edmond de Coussemaker en 1853 avec pour triple objectif la recherche, l’étude et la conservation des documents historiques et littéraires en langue flamande. Ce ressourcement culturel s’inscrit naturellement dans le grand mouvement post-romantique d’identification des origines, celui-là même qui donne naissance aux courants régionalistes de la seconde moitié du XIXe siècle. Qu’il s’agisse de ses recherches sur la peinture du XVe siècle ou sur les monuments du Moyen Âge, Mgr Dehaisnes y trouve naturellement sa place.

Conscient de ce qu’il lui doit, le département du Nord décide l’érection d’un monument en son honneur dans l’église Saint-Maurice de Lille (1899-1901).

Laurence Baudoux-Rousseau, maître de conférences, université d’Artois

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • De l’art chrétien en Flandre. Peinture. Douai : Vve Adam, 1860.
  • Les Annales de Saint-Bertin et de Saint-Vaast, suivies de fragments d’une chronique inédite. Paris : Vve Renouard, 1871.
  • Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Nord. Archives civiles. Série B. Chambre des comptes de Lille. Tome II, Lille : Danel, 1872 ; tome III, Lille : Danel, 1877 ; tome IV, Lille : Danel, 1881.
  • État général des registres de la chambre des comptes de Lille relatifs à la Flandre. Lille : Lefebvre-Ducrocq, 1873.
  • Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements. Douai, Paris : Imprimerie nationale, 1878, t. VI.
  • Histoire de l’art dans la Flandre, l’Artois et le Hainaut avant le XVe siècle. Lille : Danel, 1886.
  • La Vie et l’Œuvre de Jean Bellegambe. Lille : Danel, 1890.
  • Recherches sur le retable de Saint-Bertin et sur Simon Marmion. Lille-Valenciennes : Quarré, Giard, 1892.
  • Fêtes et marches historiques en Belgique et dans le Nord de la France. Lille : Danel, 1893.
  • Le Nord monumental et artistique. Lille : Danel, 1897.

Articles

  • « Étude sur le retable d’Anchin ». Revue de l’art chrétien, IV, 1860, p. 449-488, 539-553.
  • « Recherches sur la vie et l’œuvre de Jehan Bellegambe, peintre douaisien du XVIe siècle ». Collab. d’A. Asselin. Revue de l’art chrétien, VI, p. 428-445, 454-467.
  • « Recherches sur l’art à Douai aux XIVe, XVe et XVIe siècles et sur la vie de Jean Bellegambe, auteur du retable d’Anchin ». Collab. d’A. Asselin. Mémoires lus à la Sorbonne. Archéologie, 1863, p. 243-264.
  • « Inventaire du trésor de la collégiale Saint-Amé de Douai, 1382 à 1627 ». Souvenirs de la Flandre wallonne, V, p. 26-48, 146-179 ; VI, p. 38-48.
  • « Art chrétien. De l’ornementation des nouvelles églises gothiques. De la peinture sur verre dans les églises gothiques. Digression sur le pseudo-vitrail moderne ». Semaine religieuse du diocèse de Cambrai, I, p. 688-670, 694-698, 725-729.
  • « Étude sur la châsse de sainte Gertrude de Nivelles ». Collab. d’A. Asselin. Mémoires lus à la Sorbonne. Archéologie, année 1866, p. 245-257.
  • « L’Art à Douai dans la vie privée des bourgeois du XIIIe au XVIe siècle ». Collab. d’A. Asselin. Mémoires lus à la Sorbonne. Archéologie, année 1867, p. 219-233.
  • « Inventaire des objets d’art et d’archéologie contenus dans les églises, chapelles et établissements hospitaliers du département. Douai. Église Saint-Pierre ». Bulletin de la Commission historique du département du Nord, XI, 1871, p. 243-250.
  • « Manuel élémentaire d’archéologie nationale ». Bulletin scientifique, historique et littéraire du département du Nord et des pays voisins, VI, 1875, p. 261-268 ; VII, 1875, p. 12-16.
  • « Rapport sur les monuments historiques du département du Nord, présenté par la Commission historique du département ». Bulletin de la Commission historique du Nord, XIII, 1877, p. 383-401 ; rééd. Bulletin scientifique, historique et littéraire du département du Nord et des pays voisins, IX, p. 806-808, 821-824.
  • « La Tapisserie de haute-lisse à Arras avant le XVe siècle, d’après des documents inédits ». Réunion des sociétés savantes et des sociétés des beaux-arts des départements, 1879, p. 125-139.
  • « L’Espagne a-t-elle exercé une influence artistique dans les Pays-Bas ? Une étude historique ». Bulletin de la Commission historique du Nord, XIV, 1880, p. 427-449.
  • « L’Évangéliaire de Saint-Mihiel ». Revue des sciences ecclésiastiques, XLV, 1882, p. 69-75.
  • « Documents inédits concernant Jean Le Tavernier et Louis Liédet, miniaturistes des ducs de Bourgnogne ». Bulletin des commissions royales d’art et d’archéologie, 1882, XXI, p. 20-38 ; reéd. L’Enlumineur, avril-septembre 1890.
  • Le Nord de la France et les fêtes du quatrième centenaire de la découverte de l’Amérique. [manuscrit, 1892].
  • « Notices descriptives sur les monuments historiques conservés dans le département du Nord : extraits relatifs aux monuments de la Flandre maritime ». Bulletin du Comité flamand de France, II, 1894-1899.

Bibliographie critique sélective

  • Justin Deschamps de Pas. – « Les volets de retable peints par Hans Memlinc pour l’abbaye de Saint-Brttin ». Bulletin de la Société des Antiquaires de la Morinie, 189e livraison, 1899, p. 336-346.
  • M. Hénault. – Les Marmion (Jehan, Simon, Mille et Colint). Peintres amiénois du XVe siècle. Paris, 1907.
  • F. Winkler. – « Simon Marmion als Miniaturmaler ». Jahrbuch der Köningliche Preussische Kunstsammlungen, 1913.
  • E. Michel. – « À Propos de Simon Marmion ». Gazette des Beaux-Arts, 1927.
  • É. Warren-Hoffman. – « Simon Marmion reconsidered ». Miscellanea F. Lyna, Scriptorium, XXIII, 1969, p. 243-271 et pl. 80-98.
  • É. Warren-Hoffman. – « Simon Marmion and “ the Master of the altarpiece of Saint-Bertin ”. A problem of attribution ». Scriptorium, 1973, t. XXVII, p. 263-290.
  • Hélène Servant. – Artistes et gens de lettres à Valenciennes à la fin du Moyen Âge (1400-1507). Paris : Klincksieck, 1998.
  • Marc Gil et Ludovic Nys. – Saint-Omer gothique. Valenciennes : Presses universitaires de Valenciennes, 2004, p. 156-166 et p. 217-219, n. 75-10.

Sources identifiées

Lille, Archives départementales

  • Série 3T