Auteur de la notice : Aurélie Gavoille

Profession ou activité principale

Critique d’art, homme de lettres

Autres activités

Peintre, professeur de dessin, historien de l’art, traducteur

Sujets d’étude

Jacques-Louis David et son école, l’Antiquité, les arts italiens de la Renaissance, la littérature, l’opéra italien, le Salon

Carrière

1793-1795 : le peintre Godefroid, élève de Jacques-Louis David, lui apprend l’art du dessin

1795-1796 :  poursuit son apprentissage chez Charles Moreau, autre élève de David

1797-1801 :  se forme à l’atelier du maître du Serment des Horaces, Jacques-Louis David dont il restera proche jusqu’à son exil à Bruxelles en 1816

1801-1805 :  travaille dans un atelier de l’ancien couvent des Capucines aux côtés des peintres Jean-Auguste-Dominique Ingres, François-Marius Granet et du sculpteur Lorenzo Bartolini

1804 : commence sa carrière de peintre d’histoire

1807 : reçoit la commande d’une scène de l’Assomption de la Vierge (œuvre disparue) pour l’église Saint-Roch de Paris

1808 : première participation au Salon où il remporte une médaille de première classe avec son tableau La Mort d’Astyanax ; y expose également une toile intitulée L’Enlèvement d’Europe (œuvres non localisées)

1810-1811 : exécute une commande officielle de six médaillons représentant l’histoire de Daphnis et Chloépour le décor du salon doré du domaine de Malmaison ; au Salon de 1810, présente l’Évanouissement d’Alexandre et l’Enlèvement d’Hélène par Pâris avec succès (œuvres non localisées)

1812 :  présente quatre œuvres au Salon dont Herminie et Tancrède, les Mityléniens troublés pendant une fête religieuse et Sacrifice à Cérès (œuvres non localisées)

1814-1815 : suite aux événements de la campagne de France puis de l’occupation de Paris par les Alliés, réalise plusieurs aquarelles dont il fera don au château de Versailles : Les Prisonniers russes défilant sur le boulevard Saint-Martin, après la bataille de Montmirail, le 17 février 1814, les Blessés français rentrant à Paris après la bataille de Montmirail, février 1814 et Les Troupes alliées cantonnées à Paris en 1815 ; en vue du Salon de 1814, exécute Auguste et Cinna et y présente à nouveau La Mort d’Astyanax (œuvres non localisées)

À partir de 1815 : n’expose plus au Salon et renonce à réaliser de nouvelles commandes officielles

1815-1819 : le peintre suisse François-Gédéon Reverdin rencontré à l’atelier de David lui propose de reprendre son atelier, ce qu’il fait ; s’occupe également de professer l’art du dessin à des élèves en dehors de cet atelier

1819 : création par Charles Loyson du journal Le Lycée français ou Mélange de littérature et de critique, publié jusqu’au 30 septembre 1820, dans lequel Delécluze rend compte de l’actualité artistique (le Salon, les représentations d’opéra à Paris)

1820 : voyage en France avec son carnet de croquis d’Orléans à la région des Hautes-Pyrénées

1821 :séjourne en Auvergne en compagnie de son neveu Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc et en rapporte de très nombreux dessins

1822 :rend compte du Salon au Moniteur universel ; en novembre, est engagé à la rédaction du Journal des débats politiques et littéraires dirigé par les frères Bertin, succédant ainsi au critique Boutard ; y publiera jusqu’à sa mort en 1863. Son premier article y paraît le 25 novembre et rend hommage à Antonio Canova

1823-1824 : voyage en Italie pour la première fois grâce au Journal des débats politiques et littéraires et fréquente le salon de Madame Récamier lors de son étape romaine

1826 : séjourne en Angleterre

1828 : publie un Précis d’un traité de peinture, contenant les principes du dessin, du modelé et du coloris, et leur application à l’imitation des objets et à la composition ; précédé d’une introduction historique, et suivi d’une biographie des plus célèbres peintres, d’une bibliographie et d’un vocabulaire analytique des termes techniques

1829-1843 : rédige certains articles pour la Revue de Paris

1830 :  écrit pour la Revue française ; renouvellera cette expérience en 1839

1831 :  voyage et dessine en compagnie d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc de l’Auvergne au midi de la France ; achève son premier roman à succès, Mademoiselle de Liron, qui sera publié en 1832

1832-1840 :  collabore de manière ponctuelle à La Revue des deux mondes

1837 :publie une étude surFlorence et ses Vicissitudes 1215-1790

1838 : Chevalier de la Légion d’honneur

1840 : fait partie du Comité historique des arts et monuments aux côtés de Prosper Mérimée, Charles de Montalembert, Alexandre Du Sommerard et Ludovic Vitet

1841-1847 :  rédige des articles pour le journal La Renaissance, Chronique des arts et de la littérature

1855 : publie la première biographie consacrée à David sous le titre Louis David son École et son Temps.Son neveu Adolphe Viollet-le-Duc l’aide dans la rédaction de ses articles pour le Journal des débats politiques et littéraires

1862 : publie ses Souvenirs de soixante années et rédige plusieurs articles pour la Gazette des Beaux-Arts

24 janvier 1863 :publication de son dernier article publié dans le Journal des débats politiques et littéraires, consacré au peintre Horace Vernet

12 juillet 1863 : meurt à Versailles. Le critique Jules Janin lui rend hommage dans les pages du Journal des débats politiques et littéraires du 20 juillet 1863

Chevalier de la Légion d’honneur (1838)

Étude critique

Il a remarqué combien sa vie « a été divisée en deux parts : la première consacrée à la culture des arts, l’autre à celle des lettres (Souvenirs de soixante années. Paris, 1862, p. 1). Peintre formé à l’atelier de Jacques-Louis David dont il devient, d’après ses dires, l’un des élèves favoris, Étienne-Jean Delécluze retiendra de cette expérience des idées fondamentales qu’il s’appropriera et qu’il théorisera pour les mettre au service de son futur auditoire en tant que critique d’art. Autoproclamé « artiste obscur » (Louis David, son École et son Temps. Souvenirs. Paris, 1855 ; rééd. Paris, éd. Macula, 1983, p. 2) sous l’Empire, il devient critique d’art sous la Restauration à l’âge de 38 ans au sein de la rédaction du Lycée français, journal certes éphémère, mais qui lui donna l’occasion de pouvoir s’exprimer pour la première fois, de se faire connaître et de fidéliser un lectorat. Cette première expérience puis celle au Moniteur universel lui permettentde gagner en confiance. Il acquit légitimité et reconnaissance en devenant, à partir de 1822, le chroniqueur du Journal des débats politiques et littéraires, organe de presse conservateur, orléaniste, dirigé depuis 1799 par la famille Bertin qui en fit l’un des périodiques les plus importants de la monarchie de Juillet. La direction lui permet de travailler à l’écart des pressions politiques et de pouvoir jouir d’une grande liberté tant dans les sujets traités que dans son écriture pour se concentrer uniquement sur son domaine de prédilection, les beaux-arts. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait avec honnêteté en exprimant ses idées, en les valorisant et en les diffusant avec beaucoup de finesse et de succès. Auteur prolifique, il publie principalement des articles portant sur le Salon, les concours du Prix de Rome, les envois des pensionnaires de Rome, les séances publiques de l’Académie des beaux-arts, les commandes officielles et rédige parfois des nécrologies dont celles d’Antonio Canova, d’Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson ou encore de Léopold Robert. Il rédige également un ensemble considérable de chroniques aux sujets les plus diverses, voire étonnants, ce qui atteste tout le respect et toute la confiance que les frères Bertin ont en cet ancien élève de David. Parmi ces thématiques abordées, citons entre autres les constructions de prison, l’espace urbain et ses monuments, l’assainissement de la capitale, les concerts et surtout les représentations du Théâtre-Italien, auxquelles il voue une véritable passion. Il s’intéresse également aux nouvelles techniques au service de l’art, telles que le néorama ou le diagraphe. Malgré ces choix fort éloignés de ses goûts personnels et surtout de ses compétences premières, il entreprend la rédaction de ces articles avec le même enthousiasme et aborde l’ensemble de ces sujets avec une connaissance approfondie, presque de spécialiste, que reconnaissent ses collaborateurs du journal et ses contemporains.

Le critique représente l’intermédiaire entre le public, les artistes et les œuvres présentées. Il se doit de remarquer les mouvements artistiques émergents, de définir le goût de son époque et de découvrir de nouveaux talents qu’il peut encourager ou au contraire précipiter dans l’anonymat en peu de temps. Quelles sont donc les qualités essentielles que doit avoir un critique pour juger au mieux les œuvres des artistes ? Honoré de Balzac prétend que « les caractères généraux du critique sont essentiellement remarquables, en ce sens qu’il existe dans tout critique un auteur impuissant » (Honoré de Balzac, Les Journalistes, monographie de la presse parisienne suivi Des Salons littéraires. Paris, Arléa, 1991, p. 75). Il considère la critique comme un refuge pour tout auteur qui n’ose s’affirmer en tant que tel, ce qui ne s’applique guère à Delécluze qui conjugue habilement sa carrière de critique à celle de romancier. La conception « delécluzienne » de la critique d’art fait l’objet d’un article dans la revue L’Artiste,en 1838, près de vingt après ses débuts dans cette profession, en 1819. Delécluze tente donc ici, de partager son expérience avec les futurs critiques et ses contemporains et dresse un premier bilan de sa vocation tardive. Ce document passionnant représente une sorte de charte de bonne conduite, du critique où il donne son point de vue sur cette profession et dispense certains conseils vis-à-vis des futurs critiques mais également de lui-même. Tout d’abord, un critique doit impérativement être instruit sur toutes les questions et sur tous les domaines se rapportant à son statut. Les qualités principales qu’il se doit de posséder sont, d’après Delécluze, la loyauté, la sincérité et le respect envers les artistes et le public. La flexibilité intellectuelle, la sensibilité, une culture personnelle indispensable et donc une indépendance d’esprit sont des valeurs essentielles pour pouvoir distinguer le bon du mauvais goût. Étienne-Jean Delécluze met en évidence les contraintes et l’exigence que requiert une telle vocation, où l’expérience et le temps sont essentiels. Il conseille donc aux plus jeunes qui souhaiteraient se lancer dans cette carrière d’attendre l’âge mûr comme lui l’a fait, puisque la jeunesse est synonyme de tempérament passionné, ce qui n’est aucunement profitable à ce métier. Il est bien évident qu’ici, Delécluze fait référence à sa propre expérience : « Il n’y a nul inconvénient à ce que le critique, lorsque son esprit est juste et cultivé d’ailleurs, se montre parfois exclusif dans son goût jusqu’à devenir injuste. […] C’est, de la part du critique, un aveu involontaire de son défaut, de la partie faible de ses jugements ; c’est enfin un avertissement donné à ses lecteurs, des cas où il est bon, sinon de se défier de l’écrivain, au moins d’écouter avec précaution ce qu’il va dire » (L’Artiste, 29 avril 1838, 2e série, t. I, 1re livraison, p. 7). Delécluze insiste également sur l’une des règles fondamentales à respecter dans cette profession, « trompez-vous le moins que vous pourrez, mais surtout ne mentez jamais !» (L’Artiste, 29 avril 1838, 2e série, t. I, 1re livraison, p. 7). L’honnêteté, encouragée par ce critique, est essentielle aux yeux du public mais aussi des artistes qui attendent beaucoup de ces articles, qui peuvent avoir des répercussions importantes sur l’évolution de leur carrière, sentiment bien connu par le chroniqueur du Journal des débats. Il est vrai que chaque critique possède une responsabilité et un rôle de premier plan lui permettant d’influer sur le goût et sur la « direction des arts » (L’Artiste, 29 avril 1838, 2e série, t. I, 1re livraison, p. 9) de son temps.

En affirmant que « pour bien apprécier ce qui est grand, beau et aimable, il faut observer et connaître toutes les choses qui ont les qualités contraires » (L’Artiste, 29 avril 1838, 2e série, t. I, 1re livraison, p. 9), Delécluze expose ici sa méthode visant à synthétiser l’ensemble des mouvements existants afin d’en distinguer d’une part les principales théories et les artistes les illustrant et d’autre part d’en extraire une histoire du goût français. Pour ce faire, il doit conserver toute objectivité et toute « flexibilité d’esprit » (L’Artiste, 29 avril 1838, 2e série, t. I, 1re livraison, p. 9), critères d’élection que les futurs critiques se doivent d’acquérir pour appréhender au mieux les enjeux artistiques et doctrinaux liés à leur profession. C’est ainsi qu’un critique peut déterminer la valeur esthétique de chaque sculpture ou de chaque projet architectural pour ce qu’il est et non par rapport à certaines idées préconçues ou par rapport au nom de son auteur. À travers ce plaidoyer, Delécluze présente très certainement une vision idéale du métier de critique d’art, prônant tout un ensemble de qualités contribuant sans doute à anoblir sa profession. Ici, Delécluze acquiert le statut d’un mentor à la réputation vertueuse montrant le droit chemin aux futures vocations. Il aurait probablement souhaité devenir un chef d’école non pas dans le domaine de la peinture mais dans celui de la critique d’art.

Surnommé le Nestor artistique du Journal des débats politiques et littéraires en raison de la longévité de sa carrière, Étienne-Jean Delécluze a, en apparence, toujours été fidèle aux principes enseignés par Jacques-Louis David, « l’élève s’appliquait à mériter l’affection de son maître » (Robert Baschet, Étienne-Jean Delécluze témoin de son temps 1781-1863. Paris, Boivin & Cie éditeurs, 1942, p. 26) qu’il admirait tant. Il se pose ainsi en héritier naturel de l’enseignement du maître qu’il professe à son tour : la primauté du dessin, l’influence de l’antique et l’idée d’une beauté vertueuse. Malgré son enthousiasme à l’égard de l’auteur du Serment des Horaces (Paris, musée du Louvre), il conserve toutefois une distance et son esprit critique : « Quelle a été la vie de David ? Celle d’un artiste très heureusement doué pour exercer, et même perfectionner la peinture, mais qu’une manie insensée de devenir législateur a interrompue, troublée et flétrie » (Louis David, son École et son Temps. Souvenirs. Paris, Didier, 1855, rééd. Paris, Éditions Macula, 1983, p. 289). La théorie esthétique de Delécluze se rattache à l’école classique fondée sur une conception platonicienne de la notion du beau (Jean-Luc Chalumeau, Les Théories de l’art, philosophie, critique et histoire de l’art de Platon à nos jours. Paris, Vuibert, 1994, p. 21-22) et renvoie en particulier à l’idéalisme formulé par Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy, Toussaint-Bernard Émeric-David, qui considérait l’idéal grec comme le beau réel, et Victor Cousin. À l’image de ces auteurs, sa conception suppose l’art antique comme étendard, mais pas seulement.

Delécluze et Quatremère de Quincy, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, se rejoignent sur certaines idées dont la prédominance du dogme de l’antiquité grecque puisque seuls les Grecs possèdent « le don des arts » (Robert Baschet, Étienne-Jean Delécluze témoin de son temps 1781-1863. Paris, Boivin & Cie éditeurs, 1942, p. 250) et l’idée du primat de la sculpture sur la peinture. Le critique voit dans la statuaire la formation première pour s’initier à l’art et souhaite ainsi renverser la hiérarchie des arts faisant de la sculpture l’art premier par excellence sur lequel les peintres pourraient prendre exemple pour corriger lignes et contours de leurs motifs et ainsi parfaire leur formation : « on n’apprend à connaître et à surprendre les mystérieuses beautés de la ligne et du contour qu’en les suivants avec curiosité et intérêt sur le relief » (Journal des débats, 22 avril 1845, p. 1). Dans ses comptes rendus publiés dans le Journal des débats politiques et littéraires, on constate qu’il s’intéresse aux arts mal exposés et donc peu valorisés, du moins au Salon, comme la sculpture, la gravure ou encore l’architecture ce qui montre clairement sa volonté d’embrasser l’ensemble des techniques artistiques présentés et de revaloriser ces arts presque invisibles. Quatremère de Quincy et Delécluze ont également en commun le « dogme de l’italianisme » (Robert Baschet, Étienne-Jean Delécluze témoin de son temps 1781-1863. Paris, Boivin & Cie éditeurs, 1942, p. 259) où Florence fait figure de « l’Athènes de l’Italie » (Journal des débats, 30 octobre 1823, p. 4) et représente un idéal artistique et esthétique qui constitue le passage obligé pour tous ceux qui s’intéressent à l’Antiquité. Delécluze n’a pas fait exception, il s’y est rendu entre 1823 et 1824. Alors que le secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts s’enferme dans cette conception platonicienne de l’art, Delécluze, lui, se préoccupe davantage de l’art contemporain. Le seul but de Delécluze étant la contemplation de la beauté, il souhaite uniquement : « qu’une statue ou un tableau parlent à son imagination, à son cœur et lui donnent à réfléchir et à penser » (Journal des débats, 25 mars 1842, p. 2). Les œuvres de Jean-Auguste-Dominique Ingres correspondent à cet idéal pictural. Ils sont issus tous deux de la même génération et amis depuis leur rencontre dans l’atelier de David. Delécluze défendra tout au long de sa carrière l’auteur de Monsieur Bertin (Paris, musée du Louvre) qui tend, d’ailleurs, à s’éloigner des principes esthétiques davidiens. Les figures emblématiques du Salon durant cette période, Ingres et Eugène Delacroix, cristallisent presque à eux seuls la fameuse bataille entre le classicisme et le romantisme qui n’a pu échapper à la verve de Delécluze. Lorsqu’il s’attelle à définir ces deux mouvements, il essaie de rester le plus objectif possible, pour éviter que ses goûts personnels ne l’influencent. Le mouvement romantique apparaît au moment où Delécluze commence sa nouvelle carrière en rendant compte du Salon de 1819, où Théodore Géricault fait scandale avec Le Radeau de la Méduse (Paris, musée du Louvre). Renonçant à opposer romantisme et classicisme, Delécluze leur préfère les qualificatifs de « shakespearien » et d’« homériste », rendant hommage aux auteurs littéraires pour mieux cerner les idées prônées par ces mouvements. À la lecture de ses articles, il est évident qu’il se passionne pour ce romantisme naissant qu’il tente de comprendre. En effet, il s’intéressa de plus en plus à la manière d’un Delacroix, en particulier lorsqu’il s’approprie des sujets académiques tels la Médée furieuse exposée au Salon de 1838 (Lille, musée des Beaux-Arts) où il décèle « un jet, une ardeur, une existence charnelle, je ne trouve pas d’autre expression, qui remue le spectateur avec force » (Journal des débats, 8 mars 1838, p. 1). Cet intérêt croissant pour le romantisme montre qu’il se distingue de l’image à laquelle il a toujours été réduit, celle « du gardien inflexible du Temple menacé par les mauvaises doctrines » (Pontus Grate, Deux Critiques d’art de l’époque romantique, Gustave Planche et Théophile Thoré. Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1959, p. 19).

Tout en restant fidèle à ses idées, Delécluze s’est constitué un feuilleton qu’il a « fait à son image » (L’Artiste, 15 décembre 1865, p. 265) pendant près de quarante et un ans pour étudier l’art et en particulier celui de son temps auquel on le prétend réfractaire en tout point : « on aurait tort de croire que je ne reconnais pour bon dans les arts que ce qui est sérieux et beau » (Robert Baschet, Étienne-Jean Delécluze témoin de son temps 1781-1863. Paris, Boivin & Cie éditeurs, 1942, p. 272). Son Salon de la rue Chabanais où il y disserte de littérature et d’art avec les rédacteurs du Globe, en faveur de l’avant-garde, reflète bien l’ouverture d’esprit dont fait preuve ce « témoin privilégié de la vie artistique et littéraire de son temps » (Louis David, son École et son Temps. Souvenirs. Paris, Didier, 1855 ; rééd. Paris, Éditions Macula, préface et notes par Jean-Pierre Mouilleseaux, 1983, p. V).

Aurélie Gavoille

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Roméo et Juliette, nouvelle de Luigi da Porto, traduite en français et suivie de quelques scènes traduites de la Juliette de Shakespeare par Monsieur Étienne-Jean Delécluze. Paris : Sautelet, 1827.
  •  Précis d’un traité de peinture, contenant les principes du dessin, du modelé et du coloris, et leur application à l’imitation des objets et à la composition ; précédé d’une introduction historique, et suivi d’une biographie des plus célèbres peintres, d’une bibliographie et d’un vocabulaire analytique des termes techniques. Paris : bureau de l’ « Encyclopédie portative », 1828.
  •  Mademoiselle Justine de Liron et Le mécanicien-Roi, nouvelles. Paris : C. Gosselin, 1832.
  •  Le Vatican : extrait des lettres écrites d’Italie en 1824. Paris : Lachevardière, 1833 [noté s.d. sur BNF OPALE].
  •  Florence et ses Vicissitudes 1215-1790. Paris : C. Gosselin, 1837, t. I.
  •  Notice sur la vie et les ouvrages de Léopold Robert, suivie de la description des quatre tableaux de ce peintre : L’Improvisateur Napolitain, La Madone de l’Arc, les Moissonneurs, Les Pêcheurs de l’Adriatique, gravés par Z. Prévost. Paris : Rittner et Goupil, 1838.
  •  François Rabelais, 1483-1553. Paris : impr. H. de Fournier & Cie, 1841.
  •  La Divine Comédie de Dante Alighieri. Paris : Charpentier, 1841.
  •  Dona Olimpia. Paris : V. Magen, 1842.
  •  Dante Alighieri, ou la Poésie amoureuse. Paris : Amyot, 1848.
  •  Exposition des artistes vivants, 1850. Paris : Comon, 1851.
  •  Louis David, son École et son Temps. Souvenirs. Paris : Didier, 1855 ; 2e éd., Paris : Macula, préface et notes de Jean-Pierre Mouilleseaux, 1983 (« Collection Vivants piliers »).
  •  Les Beaux-Arts dans les deux mondes en 1855. Paris : Charpentier, 1856.
  •  Les Girondins, gravure de Édouard Girardet d’après le tableau de Paul Delaroche. Paris : Goupil, 1858.
  •  Les Deux Prisonniers de Windsor, Charles d’Orléans, Jacques 1er d’Écosse. Paris : impr. de P.-A. Bourdier, 1860.
  •  Souvenirs de soixante années. Paris : Michel Lévy frères, 1862 (« Bibliothèque contemporaine »).
  •  L’Hémicycle du Palais des beaux-arts, peinture murale exécutées par Paul Delaroche et gravée au burin par Henriquel-Dupont. Notice explicative. Paris : Goupil, 1866.
  •  Dante Alighieri. – La Divine Comédie précédé de La Vie nouvelle de Dante Alighieri, trad. par A. Brizeux et É.-J. Delécluze. Paris : G. Charpentier, 1886.
  •  Carnet de route d’Italie (1823-1824). Impressions romaines. Paris : Boivin 1942.
  •  Journal de Delécluze : 1824-1828. Introduction et notes par Robert Baschet. Paris : Éd. B. Grasset, 1948.

Articles

  •  « Quatorzième lettre à un Parisien sur l’Italie. (Suite. Voyez le Numéro d’hier.) Dulces ante omnia Musœ. Florence, 9 juillet 1823 ». Journal des débats politiques et littéraires, 30 octobre 1823, p. 1-4.
  •  « Beaux-Arts. Exposition du Louvre 1824. n° III. ». Journal des débats politiques et littéraires, 8 septembre 1824, p. 1- 4.
  •  « Salon de 1831. (Troisième article) ». Journal des débats politiques et littéraires, 7 mai 1831, p. 1-3.
  •  « De la critique en matière d’art ». L’Artiste, 29 avril 1838, 2e série, t. I, 1re livraison, p. 7-10.
  •  « Salon de 1838. (Second Article. Voy. Le numéro du 3 mars.) Peinture. MM. Ziegler, E. Delacroix, Winterhalter et Court ». Journal des débats politiques et littéraires, 8 mars 1838, p. 1-2.
  •  « Exposition de 1842. (Troisième Article.) Peinture. MM. Marat, Blanchard, Dubouloz, Loustreau, Carbillet, J. Jouy, E. Dubufe, Bouchot, Maréchal (de Metz), Sturler, A. Roger, Revel, A. Hesse, K. Girardet, Glaize, Q. Bohn, Jacquand, Bouterwek, Gué, L. Coulon, Cermi, H. Bellangé, Cl. Boulanger, Vinchon, Omer, Charlet, Brémont, A. Leloir, Ch. Langlois ». Journal des débats politiques et littéraires, 25 mars 1842, p. 1-3.
  •  « Salon de 1845. (Quatrième Article.) Sculpture. MM. Bosio, Pradier, Jouffroy, Bartolini, David, Etex, Feuchère, Garraud, Simart ». Journal des débats politiques et littéraires, 22 avril 1845, p. 1-2.

Bibliographie critique sélective

  • Janin Jules. – « M. Delécluze ». Journal des débats politiques et littéraires, 20 juillet 1863, p. 3-4.
  •  Janin Jules. – « Les Historiens de l’art, M. Delécluze ». L’Artiste, 15 décembre 1865, t. II, p. 265-268.
  •  Sirven Alfred. – Journaux et Journalistes. I. Le Journal des débats avec les portraits des rédacteurs, photographiés par Pierre Petit. Paris : F. Cournol, 1865.
  •  Larousse Pierre. – Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, littéraire, artistique, scientifique, etc.  Paris : Larousse, 1870, t. VI, p. 347.
  •  Lenormant Amélie. – Mme Récamier, les Amis de sa jeunesse et sa Correspondance intime, par l’auteur des « Souvenirs de Mme Récamier ». 2e éd. Paris : Michel-Lévy frères, 1874.
  •  Aumal (duc d’) et al. – Le Livre du centenaire du Journal des débats, 1789-1889. Paris : Plon, 1889.
  •  Tourneux Maurice. – Salons et Expositions d’art à Paris, 1801-1870. Paris : J. Schemit, 1919.
  •  Baschet Robert. – Étienne-Jean Delécluze, témoin de son temps 1781-1863, thèse principale pour le doctorat ès lettres présentée à la faculté des lettres de l’Université de Paris. Paris, Boivin, 1942
  •  Viollet-le-Duc Geneviève. – Les Viollet-le-Duc : bourgeois de Paris. Paris : Le Vieux Papier, 1962, 8 p.
  •  Roman d’Amat Jean-Charles et Limouzin-Lamothe Roger. – Dictionnaire de biographie française, t. X. Paris : Letouzey et Ané, 1965.
  •  Werner Hofmann. – « Les Écrivains-Dessinateurs. Dictionnaire des artistes ». La Revue de l’art, 1979, n° 44, p. 20-56.
  •  Stendhal (Henri Beyle, dit). – Souvenirs d’égotisme. Éd. présentée, établie et annotée par Béatrice Didier. Paris : Gallimard, 1983 (« Collection Folio »).
  •  Parsons Christopher et Ward Martha, dir. – A bibliography of Salon criticism in Second Empire Paris. Londres, New York, Melbourne : Cambridge university press, 1986, 288 p. (« Cambridge studies in the history of art »).
  •  Taylor Joshua Charles, éd. – « Étienne-Jean Delécluze. “The Beards” of 1800 and “The Beards” of Today (1835) ». In Nineteenth-Century Théories of Art. Berkeley, Los Angeles, Londres : University of California press, 1987, p. 206-219.
  •  Balzac Honoré (de). – Les Journalistes : monographie de la presse parisienne, suivi Des Salons littéraires. Paris : Arléa, 1991.
  •  Mc William Neil et al.A Bibliography of Salon criticism in Paris from the Ancien Régime to the Restauration, 1699-1827. Cambridge, New York, Melbourne : Cambridge university press, 1991(« Cambridge studies in the history of art »).
  •  Mc William Neil. – A Bibliography of Salon criticism in Paris from the July Monarchy to the Second Republic, 1831-1851. Cambridge, New York, Melbourne : Cambridge university press, 1991(« Cambridge studies in the history of art »).
  •  Mc William Neil. – « Presse, Journalistes et Critique d’art à Paris de 1849 à 1860 ». Quarante-huit /Quatorze, 1993, n° 5, p. 53-62.
  •  Wrigley Richard. – The origins of French art criticism : from the Ancien Regime to the Restauration. Oxford : Clarendon press ; New York : Oxford University press, 1993.
  •  Leniaud Jean-Michel. – Viollet-le-Duc ou les Délires du système. Paris : Mengès, 1994.
  •  Delacroix Eugène. – Journal 1822-1863, préface de Hubert Damisch, introduction et notes par André Joubin ; éd. rev. par Régis Labourdette. Paris : Plon, 1996, 942 p.
  •  Crow Thomas. – L’Atelier de David : émulation et Révolution. Paris : Gallimard, 1997 (« Bibliothèque illustrée des histoires »).
  •  Chaudonneret Marie-Claude. – L’État et les Artistes : de la Restauration à la monarchie de Juillet (1815 – 1833). Paris : Flammarion, 1999, 270 p. (« Art, histoire, société »).
  •  Viollet-le-Duc Geneviève. – Les Viollet-le-Duc. Documents et correspondances. Histoire d’une famille. Sommières ; Genève, Romain Pages éditions Slatkine, 2000, 352 p.
  •  Frangne Pierre-Henry et Poinsot Jean-Marc. – L’Invention de la critique d’art : actes du colloque international, Rennes, 2, 24-25 juin 1999. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2002.
  •  Dresdner Albert. – La Genèse de la critique d’art dans le contexte historique de la vie culturelle européenne. Paris : École nationale supérieure des beaux-arts, 2005, 278 p. (« D’art en questions »).
  •  Thiers Adolphe. – Adolphe Thiers, critique d’art : Salons de 1822 et de 1824, éd. présentée et annotée par Marie-Claude Chaudonneret. Paris : H. Champion, 2005 (« Histoire culturelle de l’Europe »).
  •  Allard Sébastien et Chaudonneret Marie-Claude, dir. – Ingres : la réforme des principes, 1806-1834, postface d’Andrew Carrington Shelton. Lyon : Fage éd., 2006, 172 p. (« Varia »).
  •  Gavoille Aurélie. – « Étienne-Jean Delécluze, critique d’art sous la monarchie de Juillet », mémoire de master II d’histoire de l’art, université de Paris-Sorbonne, 2006 [non publié].
  •  Gavoille Aurélie. – « Les Articles publiés par Étienne-Jean Delécluze, entre 1857 et 1863 et leur réception critique », mémoire d’étude de l’année de muséologie, École du Louvre, 2007 [non publié].

 Sources identifiées

 Paris, Archives nationales

  • ET/LVIII/856 : inventaire après décès de monsieur Delécluze, 20 juillet 1863
  • LH709125 (5P) : dossier de la Légion d’honneur d’Étienne-Jean Delécluze
  • F/17/2848 : Comité des travaux historiques
  • F/18/368 : Journal des débats, Bertin, Armand, Bertin Éd., Bertin L. Fr., Bertin de Veaux L.

Paris, archives des Musées nationaux

  • P 30 : faire-part de décès de Delécluze, daté du 12 juillet 1863
  • P 6 1810 : dossier évoquant une série de portraits de hauts dignitaires en 1810
  • X – Salon 1808 : dossier sur le Salon de 1808
  • X– Salon 1810 : dossier sur le Salon de 1810
  • X – Salon 1812 : dossier sur le Salon de 1812
  • X – Salon 1814 : dossier sur le Salon de 1814

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie

  • Z- 47 (2) – Boîte 4 : « Documentation manuscrite sur le peintre J.-L. Gérôme et la réception de son œuvre », années 1850-1851, Delécluze, Exposition des artistes vivants, 1850
  • SNR-3 DELECLUZE (Étienne-Jean) : « Recueil. Œuvre de Étienne-Jean Delécluze »

En complément : Voir la notice dans AGORHA