Auteur(s) de la notice :

CAUBET Annie

Profession ou activité principale

Orientaliste, conservateur au musée du Louvre

Autres activités
Enseignant au Collège de France

Sujets d’étude
Histoire et archéologie du Proche-Orient ancien

Carrière
À partir de 1908 : activité éditoriale déterminante, notamment dans la direction de la Revue de l’histoire des religions

1910 : conservateur au département des Antiquités orientales du musée du Louvre

À partir de 1910 : enseigne à l’École du Louvre où il occupe la chaire d’archéologie orientale ; toute sa vie au Collège de France – comme suppléant de Charles Clermont-Ganneau et de Samuel Berger – et à l’École d’anthropologie

1920 : fonde avec Edmond Pottier et Gaston Migeon la revue Syria, afin de rendre compte des progrès de la recherche dans les pays du Mandat ; la dirige attentivement jusqu’à sa mort

1923 : élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres au fauteuil de Clermont-Ganneau ; anime la Commission d’Asie de Syrie et Palestine occidentale : à ce titre, joue un rôle déterminant dans la création d’un service des antiquités dans les pays du Levant placés sous mandat de la France après la Première Guerre mondiale (voir Nicole Chevalier, La Recherche archéologique française au Moyen-Orient : 1842-1947, 2002) ; encourage l’ouverture de grands chantiers de fouilles (Byblos, Ras Shamra-Ougarit, Mari) et suit leur évolution et leur publication

1928-1935 : chef du département des Antiquités orientales du musée du Louvre ; catalogue notamment les antiquités palestiniennes et judaïques

1937 : secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres

Étude critique

Elie-Pierre-René Dussaud est de ces orientalistes qui ont su établir un pont entre les divers champs de l’histoire antique de la Méditerranéenne.

Ingénieur de formation, il s’oriente rapidement vers l’étude du Proche-Orient en suivant l’enseignement de Charles Clermont-Ganneau, titulaire de la chaire d’épigraphie et antiquités sémitiques au Collège de France. Celui-ci l’encourage à entreprendre des voyages qui, de 1895 à 1901, le conduisent à visiter l’ensemble du Liban et la Syrie occidentale. De ses explorations, il rapporte les copies de très nombreuses inscriptions safaïtiques, nabatéennes, grecques et latines, les matériaux pour sa thèse sur les Nosairîs de la région de Massyaf (1900), des ouvrages en collaboration avec Frédéric Macler (1901, 1903) et les bases de son monumental travail sur la topographie historique de la Syrie (1927). Il en rapporte également des photographies (musée du Louvre) qui comptent parmi les premières exécutées en Syrie intérieure. Dussaud conservera sa vie durant cet intérêt pour le monde arabe préislamique (1907, 1955). Il est aussi un des premiers à analyser les différentes civilisations de la Méditerranée orientale du IIe millénaire et à en reconnaître les affinités.

C’est ainsi que les premières découvertes crétoises d’Arthur Evans l’attirent en Crète : il s’y rend avec Victor Bérard et publie son ouvrage Civilisations préhelléniques (1910), dont une deuxième édition presque doublée tient compte du progrès des trouvailles (1914). Puis, en 1929, c’est la découverte de Ras Shamra, site du IIe millénaire sur le littoral syrien ; Dussaud en fait confier l’exploration à Claude Schaeffer dont il oriente les travaux et accompagne les publications. Dès la première année de fouille, une bibliothèque de tablettes d’argile est mise au jour, contenant des textes en langue mésopotamienne, l’akkadien, déchiffré depuis le XIXe siècle, et d’autres rédigés dans une écriture alphabétique notant une langue encore inconnue, rapidement déchiffrée par les savants Édouard Dhorme et Hans Bauer. Ces tablettes livrent le nom antique de la ville, Ougarit ; des milliers de textes administratifs, juridiques, historiques, rituels et mythologiques donnent la parole aux civilisations levantines que l’on ne connaissait que par la Bible et les poèmes homériques. Dussaud établit le rapport entre la culture intellectuelle d’Ougarit avec celle de l’Ancien Testament (1937, 1941) ; il met en évidence les parallèles que présente la culture matérielle de Ras Shamra avec celle du monde égéen (tombes à chambre, meubles en ivoire, vaisselle de faïences, orfèvrerie notamment), et expose les composantes de l’art levantin du IIe millénaire (1949).

Le souvenir de Dussaud reste aussi attaché à la Préhistoire de la France : c’est lui qui intervient de façon décisive dans « l’affaire de Glozel », du nom d’un village de l’Allier, où un gisement préhistorique avait livré des plaques portant des signes d’apparence phénicienne. Il démasque la fraude par une démonstration impeccable (Autour des inscriptions de Glozel, 1927). La forgerie a cependant la vie dure, sans doute en raison de son caractère nationaliste qui tend à faire croire que l’écriture aurait ses racines non au Proche-Orient, mais au cœur du territoire de la France (voir Jean-Pierre Adam, L’Archéologie devant l’imposture, Paris, 1975).

Annie Caubet, conservateur général honoraire du patrimoine, membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Histoire et Religion des Nosairîs. Paris : E. Bouillon, 1900 (« Bibliothèque de l’École pratique des hautes études. Sciences philologiques et historiques », 129).
  • Mission dans les régions désertiques de la Syrie moyenne. Collab. de Frédéric Macler. Paris : E. Leroux, 1903.
  • Notes de mythologie syrienne. Paris : E. Leroux, 1903-1905.
  • Les Arabes en Syrie avant l’Islam. Paris : E. Leroux, 1907.
  • Les Civilisations préhelléniques dans le bassin de la mer Égée, études de protohistoire orientale. Paris : P. Geuthner, 1910 ; 2e éd. rev. et augm. 1914.
  • Les Monuments palestiniens et judaïques (Moab, Judée, Philistie, Samarie, Galilée). Paris : E. Leroux, 1912. (« Musée du Louvre, département des Antiquités Orientales »).
  • Les Origines cananéennes du sacrifice israélite. Paris : E. Leroux, 1921 ; éd. mise à jour, Paris : Presses universitaires de France, 1941.
  • Topographie historique de la Syrie antique et médiévale. Paris : Librairie orientaliste de Paul Geuthner, 1927 (« Bibliothèque archéologique et historique », t. IV.
  • Autour des inscriptions de Glozel. Paris : librairie Armand Colin, 1927.
  • Catalogue d’exposition d’antiquité orientale. Fouilles de Tello, Suse et de Syrie. Paris, musée de l’Orangerie, octobre-novembre 1930. Paris : Musées nationaux, 1930.
  • La Lydie et ses Voisins aux hautes époques. Paris : Librairie orientaliste de Paul Geuthner, 1930.
  • Les Découvertes de Ras Shamra (Ugarit) et l’Ancien Testament. Paris : Paul Geuthner, 1937 ; 2e éd. rev. et augm., 1941.
  • L’Art phénicien du IIe millénaire. Paris : P. Geuthner, 1949.
  • La Pénétration des Arabes en Syrie avant l’Islam. Paris : P. Gueuthner, 1955 (« Bibliothèque archéologique et historique », 59) [refonte de l’ouvrage de 1907].
  • Prélydiens, Hittites et Achéens. Paris : P. Geuthner, 1953

Cours prononcés

  • 1904-1905 : Épigraphie et Antiquités sémitiques, Collège de France, suppléant de Charles Clermont-Ganneau
  • 1905-1910 : Langues et Littératures chaldaïques et syriaques, Collège de France, suppléant de Samuel Berger
  • Préhistoire orientale, École d’anthropologie

Bibliographie critique sélective

  • Merlin Alfred – Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et des belles-lettres (CRAI), du 21 novembre 1958. Paris : De Boccard, 1958, p. 3-14.
  • Ryckmans Gonzague – Ephemerides Theologicae Lovanienses. Louvain-la-Neuve : Université catholique de Louvain, 1958, 2.
  • Eissfeldt Otto. – Zeitschrift der Deutschen Morganländischen Gesellshaft. Wiesbaden, 1959, Bd 109.
  • Seyrig Henri. – « René Dussaud ». Syria 36. Damas : Institut français du Proche-Orient, 1959, p. 1-7.
  • Adam Jean-Pierre. – L’Archéologie devant l’imposture. Paris : Robert Laffont, 1975.
  • Chevalier Nicole. – La Recherche archéologique française au Moyen-Orient : 1842-1947. Paris : Éd. Recherche sur les civilisations, 2002, p. 467-471, 630 p.
  • AL-MAQDISSI Michel (éd.). – Pionniers et protagonistes de l’archéologie syrienne 1860-1960. D’Ernest Renan à Sélim Abdulhak. Damas : Direction générale des antiquités et des musées, 2008 (« Documents d’Archéologie Syrienne », 14).

Sources identifiées

Paris, Institut de France

Paris, musée du Louvre, département des Antiquités Orientales

  • Cours à l’École du Louvre ; photographies de voyages en Orient ; archives de Syria

En complément : Voir la notice dans AGORHA