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FOURCAUD, Louis (de)
Mis à jour le 13 novembre 2008
(5 novembre 1851, Beaumarchès, Gers – 19 octobre 1914, Beaumarchès)
Auteur(s) de la notice : SCHNAPPER Laure
Profession ou activité principale
Critique d’art, de littérature et de musique, professeur à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris.
Autres activités
Historien d’art, poète, musicographe, musicien
Sujets d’étude
Peinture française du XVIIe siècle (Chardin) peinture, sculpture et arts décoratifs de son temps
Carrière
À partir de 1876 et jusqu’à sa mort : critique d’art et critique musical dans Le Gaulois
À partir de 1879 : collaboration à la Revue wagnérienne
À partir de 1881 : collaboration au Clairon
1884 : premier article dans la Gazette des Beaux-arts ; chargé du rapport général de l’exposition des arts décoratifs ; portrait par John Singer Sargent (1884) donné en 1915 au musée d’Orsay
1891 : nommé au Conseil supérieur des beaux-arts
1893 : professeur à l’École des beaux-arts à la suite d’Hippolyte Taine (chaire d’esthétique et d’histoire de l’art)
1913 : élu membre libre de l’Académie des beaux-arts
Étude critique
Louis de Bouses de Fourcaud était le type même de l’homme cultivé du XIXe siècle, ayant des connaissances dans de multiples domaines, et du polygraphe, pour reprendre l’expression de son biographe Rocheblave. Passionné d’art, il suivit des cours d’harmonie au Conservatoire, jouait du violoncelle et fut l’élève de Quicherat à l’École des Chartes.
Sa production énorme se déploya à la fois comme critique d’art des Salons, de critique musical, d’historien d’art, de musicographe, de professeur, d’homme de lettre. Il amassa une documentation énorme, restée sous forme manuscrite (en particulier ses cours). L’essentiel de sa production paraît dans Le Gaulois, journal de tendance monarchique, auquel il commence à collaborer en 1876, d’abord sous divers pseudonymes – notamment Lambert, George et Junius –, et dont il devient dès 1877 le « salonard » attitré. Il demeure fidèle toute sa vie à ce journal, même s’il ne lui fournit qu’une trentaine d’articles par an à la fin de sa vie, ce qui est peu en comparaison des premières années : on compte par exemple pas moins de 163 articles pour l’année 1878 et la variété des sujets abordés est énorme. Selon la formule de Rocheblave, « il avait contribué à la fortune du Gaulois ; le Gaulois contribuait à sa vie » (Samuel Rocheblave, Louis de Fourcaud et le mouvement artistique en France de 1875 à1914, 1926, p. 323).
Homme de conviction, il resta toute sa vie très attaché à l’art français, auquel il consacra l’essentiel de son enseignement à l’Académie des beaux-arts. C’est pourquoi il soutint les arts de son temps avec un ton subjectif et souvent teinté de moralisme, considérant l’art comme l’expression d’une vérité humaine.
Il recherchait dans le passé la source de l’art français et on lui doit plusieurs études consacrées à des peintres français du XVIIIe siècle (Watteau, Fragonard) mais aussi aux primitifs flamands. Ses publications vont de la brochure à l’in-octavo compact. Ce sont le plus souvent des études monographiques, parfois des comptes rendus très substantiels, à l’occasion des expositions universelles de 1889 et 1900, des rapports officiels ou encore des études en marge, sur tel art particulier.
Son ouvrage le plus développé, dont on peut dire qu’il n’a toujours pas été remplacé, François Rude, sculpteur, ses œuvres et son temps (quatre-cent-vingt-six pages de texte et quatre-vingt pages de répertoire chronologique), réunit treize articles parus dans la Gazette des Beaux-Arts, entre 1888 et 1891, consacrés à un même artiste, fait sans précédent dans cette revue. Cette monographie mêle la vie, l’œuvre et leur contexte historique.
C’est que pour Fourcaud, l’histoire de l’art est un peu celle de l’Homme et, de même que Pascal qui envisageait l’humanité à travers les siècles comme un homme qui continue, le développement de l’art est comparable à la succession des époques de la vie humaine. C’est de l’homme moral, mental que l’historien d’art devra partir. Son travail consiste en une interprétation raisonnée des idées et des sentiments qui se dégagent des productions artistiques de l’homme plutôt qu’en une théorie abstraite qu’on appliquerait à l’art. L’étude chronologique des principales œuvres de Rude est ainsi l’occasion pour Fourcaud d’un développement très documenté sur les circonstances qui l’accompagnent, avec une longue digression sur l’histoire politique et l’histoire des mœurs, qui nous rappellent que l’auteur avait suivi les cours de l’École des Chartes.
Ce mélange des genres apparaît notamment à propos de la décoration de l’Arc de triomphe, qualifiée de « proclamation des droits du mouvement ». Rude « fait rugir » et non pas seulement « parler » l’histoire du siècle.
Homme de convictions, Fourcaud se sent la mission de défendre les artistes qu’il apprécie. Il écrit ainsi les monographies de Bastien-Lepage, Ribot et Roll, puis Gallé, qu’il a tous connus – Gallé, dont il est le premier biographe, lui offre d’ailleurs en 1904 un vase dédicacé, connu sous le nom de « vase Fourcaud », aujourd’hui déposé au musée de Nancy.
Il défend Bastien-Lepage (album in-folio de trente-six pages de texte, paru en 1885) après la mort prématurée de celui-ci en décembre 1884 et prononce un discours pour l’inauguration de sa statue à Damvillers en 1889.
La monographie de Ribot est plus brève et incomplète, puisqu’elle fut écrite six ans avant la mort de l’artiste. Celui-ci représente l’un des types de l’art réaliste que souhaite Fourcaud : « On ne fait ni plus beau ni plus vrai que nature ». Dans son introduction en 1896 au livre sur Alfred-Philippe Roll, il montre que ce peintre résout deux des grands problèmes de l’art contemporain : la vie moderne dans ses grandes scènes et la peinture du plein air. Fourcaud, qui soutint Courbet, Manet, Cazin, Monet, Ribot, Roll et leurs émules, complète ce cycle par la glorification de deux personnalités placées aux deux pôles de la « décoration », Émile Gallé et Puvis de Chavannes. La plaquette in-quarto qu’il consacre à Émile Gallé en 1903, parue d’abord sous forme de quatre articles dans la Revue de l’art ancien et moderne en 1902, montre l’engagement de son auteur pour la réconciliation de l’art industriel et du « grand art », ainsi que la promotion d’autres arts : « La peinture et la sculpture ont leur place, à coup sûr, au cœur des arts, mais elles ne sauraient régner seules » (Émile Gallé, p. 8).
Occupant l’ancienne chaire de Taine à l’École des beaux-arts à partir de 1893, Fourcaud consacre désormais ses biographies plutôt à des artistes du passé, en particulier du XVIIIe siècle, comme Watteau, Fragonard, les pastellistes de l’époque, où il réfute à l’occasion Charles Blanc. Selon lui, le développement de la sculpture et de la peinture à travers les âges avait son terme naturel dans la France du XVIIIe siècle, l’art français ayant rompu avec l’italianisme au XVIe siècle.
Dans la courte étude parue en 1900, J.-B. Siméon Chardin, Fourcaud le considère comme le peintre le plus sincère issu de l’ascension de la bourgeoisie moderne au XVIIIe siècle. La manière dont il l’oppose à Greuze est typique de sa posture, qui mêle considérations esthétiques et sociales : Chardin, bourgeois fruste, sensé, loyal, serait supérieur à Greuze, philosophe inquiet, cherchant à moraliser à propos de tout, à tirer des leçons larmoyantes du spectacle arrangé par lui des petites mœurs.
Homme de son temps, Fourcaud défendit également les musiciens et les hommes de lettres qu’il appréciait. Il milita ainsi pour le renouveau de la musique instrumentale française, incarné notamment par Berlioz, Franck, Saint-Saëns, Gounod et Ambroise Thomas. Il entretint notamment des relations étroites avec César Franck, qui mit en musique l’un de ses poèmes. Cela ne l’empêcha pas d’être un wagnérien de la première heure. Wagner, dont il eut la révélation à Bayreuth en 1879, était pour lui un « vrai musicien », qui n’appartient pas un seul pays : ce qu’on voit chez Wagner c’est « la vérité de l’homme » (Le Gaulois, 14 mai 1895). Il rencontra le musicien et entreprit une immense biographie, interrompue par sa mort. Il fréquenta également les hommes de lettres contemporains, tels que Gustave Flaubert, Barbey d’Aurevilly, Émile Augier, Alexandre Dumas fils, Alfred de Musset et Victor Hugo. Il admirait ce dernier tout en regrettant qu’il mît son art au service de la politique, reprochait à Flaubert son excès de description, et surtout à Zola son idéologie naturaliste républicaine, le naturalisme excessif nuisant selon lui à l’art. Enfin, en tant que poète lui-même, Fourcaud s’inscrivit en 1876 au Parnasse contemporain.
Laure Schnapper
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Les Maîtres modernes. Bastien-Lepage, sa vie, ses œuvres. Paris : Baschet, 1885.
- Les Maîtres modernes. Théodule Ribot, sa vie et ses ceuvres. Paris : Baschet, 1885.
- Revue de l’Exposition universelle de 1889. Collab. F. G. Dumas ; Paris : Motteroz, 1889.
- Évolution de la peinture au XIXe siècle. Paris : Imprimerie nationale, 1890.
- La Salle Pleyel. Collab. A. Pougin et L. Pradel. Paris : Librairies-imprimeries réunies, 1893.
- Cours d’esthétique et d’histoire de l’art, trois années, 60 leçons. Paris : Imprimerie nationale, 1893.
- L’Œuvre de Alfred-Philippe Roll. Paris : Armand Guérinet, 1896.
- J.-B. Siméon Chardin. Paris : Ollendorff, 1900.
- Les Artistes de tous les temps. Émile Gallé. Paris : Librairie de l’art ancien et moderne, 1903.
- François Rude sculpteur, ses œuvres et son temps. Paris : Librairie de l’art ancien et moderne, 1904.
- Hieronymus Van Acken, dit Jérôme Bosch. Paris : Baranger, 1912.
- Alfred de Curzon, peintre (1820-1895), sa vie, son ceuvre. Paris : Laurens, 1914, 2 vol.
- Richard Wagner. Les étapes de sa vie, de sa pensée et de son art. Paris : Hachette, 1923 (posthume).
Articles On compte des centaines d’articles, dont certains ont été réunis en livres (en particulier le livre consacré à Rude), dont on ne citera que quelques-uns :
- Onze articles sur Rubens sur le centenaire de Rubens dans Le Gaulois à partir de 1876.
- « Gustave Flaubert ». Le Gaulois, 4 mai 1877 ; 9 mai 1880.
- « La politique d’un poète » [Victor Hugo]. Le Gaulois, 19 mars 1878.
- Vingt-trois articles en 1879 dans la Vie moderne.
- « Le Salon de 1884 ». Gazette des Beaux-Arts, XXIX, juin 1884, p. 483.
- « Mort de Bastien-Lepage ». Le Gaulois, 11 déc. 1884.
- « Bastien-Lepage ». Gazette des Beaux-Arts, février 1885.
- « La Statue de Bastien-Lepage ». Le Gaulois, 29 septembre 1889.
- « Rapport général de la huitième exposition de l’Union centrale des arts décoratifs, la pierre, le bois de construction, la terre et le verre ». Revue des arts décoratifs, janvier 1885.
- « Bordeaux » ; « Notre Dame de Paris » ; « Rouen » ; « Château de Pau ». In Henry Havard, dir. La France artistique et monumentale. Paris : Société de l’art français, 1892-95.
- « Introduction ». In François-Guillaume Dumas, Paris, ses vues, places, monuments. Paris : Librairie des imprimeries réunies, 1889.
- Introduction des catalogues de vente J.-B. Jongkind du 7 décembre 1891 et du 17 décembre 1902.
- « Les Arts de la femme au palais de l’industrie », La Grande Dame, 1, 1893.
- Les Origines de l’architecture gothique et la question de Saint-Front de Périgueux. Paris, 1892.
- « Le Hanap d’or émaillé et les vases d’orfèvrerie, étude sur l’art décoratif au Salon de 1896 ». La Grande Dame, juillet 1896.
- « Watteau ». Revue de l’art ancien et moderne, février 1901.
- « Siegfried ». Le Gaulois, 19 décembre 1901.
- « Berlioz et Wagner ». Le Gaulois, 7 mai 1903.
Bibliographie critique sélective
- Le Parnasse contemporain. Paris : A. Lemerre, 1866.
- « Nécrologie ». Bulletin de la Société française de musicologie, 1re année, fasc. 1, 1917, p. 17.
- Curzon Henri de.– Bibliographie générale de l’œuvre de Louis de Fourcaud. Paris, Belles-Lettres, 1926.
- Rocheblave Samuel.– Louis de Fourcaud et le mouvement artistique en France de 1875 à 1914. Publications de la faculté des lettres de Strasbourg, Gap, 1925 ; rééd. Les Belles Lettres, 1926.
- Thieme Hugo Paul.– Bibliographie de la littérature française de 1800 à 1930. Paris : Droz, 1933.
- Prevost M., Roman d’Amat, Tribout de Morembert H., dir.– Dictionnaire de biographie française. Paris : Librairie Letouzey et Ané, 1979.
- Morel Guillaume.– Louis de Fourcaud, critique d’art, 1880-1900. Mémoire de maîtrise dactylographié, université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, 1998.
- Fauquet Joël-Marie, dir.– Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle. Paris : Fayard, 2003.
Sources identifiées
Paris, École nationale supérieure des beaux-arts
- Ms. 792 et 793 : brouillons des cours de Fourcaud à l’École des beaux-arts
En complément : Voir la notice dans AGORHA