Auteur(s) de la notice :

MEYER Anne-Doris

Profession ou activité principale

Avocat

Autres activités
Historien, historien d’art, homme politique

Sujets d’étude
Histoire, culture et beaux-arts de l’Alsace

Carrière
Vers 1816 : ses parents se fixent à Sainte-Marie-aux-Mines
1837-1838 : à Toulouse, collabore à la Revue du Midi en publiant des nouvelles
1839 : à Paris, collabore à La Revue du XIXe siècle
1840 : secrétaire de mairie à Sainte-Marie-aux-Mines
1841-1845 : études de droit à Strasbourg ; collabore au Courrier du Bas-Rhin
1845 : reçu avocat au barreau de Colmar
Mars 1848 : membre fondateur de la Société républicaine de Colmar
11 mars-9 août 1849 : sous-commissaire du gouvernement provisoire puis sous-préfet d’Altkirch ; 9 août : sous-préfet de Saverne
10 juin 1850-2 décembre 1851 : député du Bas-Rhin à l’Assemblée législative
1860-1861 et 1863-1864 : bâtonnier de l’ordre des avocats de Colmar
1862 ; 1867 à 1870 : membre du Conseil de l’ordre des avocats de Colmar
1872 : exil et transfert de son cabinet d’avocat à Nancy
1877 : membre de l’Académie de Stanislas à Nancy

Étude critique

Charles-Alexandre Gérard est d’abord un historien de l’Alsace. Le catalogue de sa bibliothèque d’alsatiques en témoigne, qui compte 131 numéros seulement consacrés aux beaux-arts, mais 514 à l’histoire politique et 975 à l’histoire locale. « J’ai commencé à sentir, à souffrir, à penser, à vivre véritablement dans ce pays », écrit-il en 1877 pour expliquer cet attachement viscéral à sa région d’adoption. Une évidence sous-tend cet engagement régional : l’Alsace est française et sa culture, son art, son histoire, participent de l’histoire de France. Cette certitude tranquille se transforme, le contexte aidant, en une conviction absolue, à laquelle rien ne résistera, pas même le regard critique de l’historien.

Aucun de ses biographes ne mentionne d’études sérieuses, mais des voyages et de petits travaux publiés ici ou là, parmi lesquels des études historiques remarquées par Augustin Thierry : un parrainage spirituel dont ses ouvrages à venir porteront tous la marque, notamment par l’usage qu’il fait du récit historique. En 1840, il rentre en Alsace et devient secrétaire de mairie à Sainte-Marie-aux Mines. Un différend juridique qui engage sa commune l’amène à rédiger un mémoire dont la pertinence est remarquée par l’avocat colmarien Ignace Chauffour. Celui-ci l’engage à commencer son droit à Strasbourg. Les années d’études de Gérard sont marquées par un engagement politique aux côtés de l’opposition libérale : il collabore notamment au Courrier du Bas-Rhin. En 1845, il est reçu avocat au barreau de Colmar, désormais sa ville d’élection. Ce choix n’est peut-être pas sans rapport avec la forte présence des libéraux dans le milieu juridique colmarien. Ses activités politiques l’amènent aux responsabilités après février 1848, mais le 2 décembre achève sa carrière publique.

Gérard revient à la vie civile pour désormais mener de front une carrière d’avocat et une activité d’historien. En 1853, il publie dans La Revue d’Alsace le premier chapitre du livre qui marque son entrée dans le monde de la recherche alsatique : L’Ancienne Alsace à table. Il s’y révèle un excellent compilateur de sources, matériau qu’il sait transformer en un récit vivant et alerte. Ce travail, paru sous forme d’ouvrage en 1862, obtient un franc succès et assoit sa réputation d’érudit local. Fortement impliqué dans le tissu social colmarien, il devient membre de plusieurs commissions municipales, ce dont témoigne l’ouvrage sur la restauration de la collégiale Saint-Martin. Après l’annexion de 1871, il participe un temps à l’administration municipale, mais prend dès 1872 la décision de s’exiler : exil paradoxal, puisqu’il rejoint sa Lorraine natale. Dans la préface de la réédition de L’Ancienne Alsace à table, il raconte ce départ et la déchirure qui s’est alors produite. Son cabinet d’avocat rouvert à Nancy, il poursuit encore son activité d’historien ; son discours de réception à l’Académie de Stanislas est l’occasion d’une dernière publication.

Son livre majeur, Les Artistes de l’Alsace pendant le Moyen Âge, est aussi son seul livre d’histoire de l’art. Il semble y avoir travaillé dès les années 1860 et l’ouvrage est publié à Colmar en 1872 et 1873, après l’annexion et au moment même où Gérard prend la décision de l’exil. La préface illustre clairement les opinions de l’auteur et le parti pris sur lequel l’ouvrage repose : « L’Alsace, en redevenant française en 1648, apportait à la France l’héritage de ses gloires anciennes », écrit-il, francisant d’un coup l’ensemble du passé alsacien. Erwin de Steinbach, maître d’œuvre de la cathédrale de Strasbourg au XIIIe siècle, devient sous sa plume « un maître purement français, né en France, formé en France, et venu très jeune à Strasbourg. » L’opiniâtreté avec laquelle il défend ces arguments renvoie bien plus au plaideur qu’à l’historien ; le livre est dans bien des cas un monument de mauvaise foi au service de la cause francophile. L’attachement à la France, au mépris parfois des évidences historiques, était déjà présent dans son récit de la bataille de Turckheim, publié en 1851. La préface des Artistes de l’Alsace pendant le Moyen Âge, datée de 1872, est certes le reflet des événements historiques, mais dit aussi combien pour Gérard la cause est ancienne. Étudié sous l’angle d’une historiographie de l’histoire de l’art, le livre se révèle plus complexe. « Je voulais retracer le spectacle du travail et montrer l’action et la vie », écrit-il dans la préface, après avoir expliqué qu’il s’attacherait peu à étudier les monuments ou les œuvres d’art. Un propos qui évoque directement Augustin Thierry, son maître de jeunesse qui cherchait à « représenter en action les hommes, les mœurs, les caractères ». L’ouvrage, chronologique et biographique, se présente comme une vaste compilation de sources toujours livresques. Gérard s’y montre un parfait homme d’archives, dépouillant minutieusement les documents les plus divers. Il établit ainsi l’existence d’un grand nombre d’artistes, mais ne cherche jamais à faire se correspondre des corpus anonymes avec les noms ainsi mis au jour. Il ne semble pas qu’il ait pratiqué l’archéologie de terrain : l’écrit fait foi, non l’étude des œuvres. Dans le catalogue de sa bibliothèque d’alsatiques, les sources imprimées dont il s’est servi sont répertoriées sous la mention « archéographie » ; le terme illustre assez une conception de l’histoire de l’art tributaire de la discipline historique.

Toutes ces publications importantes se situent après 1868 et apparaissent comme le fruit d’un long travail de collecte et de dépouillement de sources diverses, commencé dès les années 1840. Ses notes d’érudition, conservées en divers dépôts, illustrent cette façon de travailler. Au vu du dépôt nancéen, il semble que sa mort ait interrompu un travail sur les artistes lorrains. Enfin, dans ses opinions d’historien d’art, Gérard est un homme de son temps. Les « artistes » dont il parle sont peintres, graveurs, mais aussi ornemanistes, céramistes, verriers ou orfèvres, architectes, voire fondeurs de cloches. On chercherait en vain ici une réflexion sur le statut et la hiérarchie des métiers d’art dans la ville médiévale. De même, la place importante qu’il accorde aux « artistes » féminines apparaît comme un anachronisme naïf. Efficace et précis dans le dépouillement des archives anciennes, il l’est moins dans l’interprétation des articles de ses contemporains et se fourvoie quelquefois dans des conclusions erronées. La recherche ainsi menée aboutit souvent à un propos encombré d’anecdotes, de digressions personnelles assez polémiques, mais aussi de véritables non-sens historiques.

Ni médiéviste ni historien d’art, Gérard ne possède de ces deux domaines aucune conception qui lui serait propre. Il développe par endroits l’idée d’une génération des formes par elles-mêmes, ainsi de l’art gothique, directement issu des principes architectoniques romans. Le morcellement du livre en biographies successives et l’absence d’analyse d’œuvres rendent toutefois caduque toute tentative de synthèse approfondie. Le livre, d’ailleurs, échappe en partie à l’histoire de l’art : la démarche de l’auteur, sa méthodologie surtout, sont d’un historien. Dans l’Allemagne voisine, le questionnement sur l’histoire de l’art était commencé depuis longtemps, mais Gérard ne semble pas y avoir été sensible.

Anne-Doris Meyer, docteur en histoire de l’art

Principales publications

Ouvrages et catalogues d’expositions

  • Mémoire sur la demande des annexes de Sainte-Marie-aux-Mines pour obtenir leur érection en commune. Paris : s. n., 1841.
  • Annuaire du département du Haut-Rhin. Colmar : Librairie Decker, 1853.
  • Les Annales et la chronique des dominicains de Colmar, édition complète d’après le manuscrit de la Bibliothèque royale de Stuttgart, avec traduction en regard, notes et éclaircissements, etc. Collab. de Joseph Liblin. Colmar : Librairie Decker, 1854.
  • L’Ancienne Alsace à table, étude historique et archéologique sur l’alimentation, les mœurs et les usages épulaires de l’ancienne province d’Alsace. Colmar : Librairie Decker, 1862 ; 2e éd. augm, Paris : Berger-Levrault et Cie, 1877 ; 3e éd. augm. avec préf. de Jean-Pierre et Paul Haeberlin, enrichie d’une nouvelle iconographie par Roland Oberlé, Strasbourg : Éditions Alsatia, 1971.
  • Projet de restauration de l’église Saint-Martin de Colmar. Colmar : imprimerie Charles Hoffmann, 1868.
  • La Bataille d’Entzheim (4 octobre 1674). Colmar : Librairie Eugène Barth, 1869.
  • La Bataille de Turckheim (5 janvier 1675). Colmar : Librairie Eugène Barth, 1870.
  • Essai d’une faune historique des mammifères sauvages de l’Alsace. Colmar : Librairie Eugène Barth, 1871.
  • Nomenclature des voies publiques de la ville de Colmar. Colmar : Éditions de la Préfecture, 1872.
  • Les Artistes de l’Alsace pendant le Moyen Âge. 2 vol. : vol. 1, Colmar : Librairie Eugène Barth ; Paris : Imprimerie A. Aubry, 1872 ; vol. 2, Colmar : Librairie Eugène Barth ; Paris : Imprimerie A. Aubry, Sandoz, Fischbacher, 1873 ; nouv. éd. : Nogent-le-Roi : Librairie des Arts et métiers, éditions Jacques Laget, 1977.
  • Les Patois lorrains. Discours de réception à l’Académie de Stanislas le 24 mai 1877. Nancy : Imprimerie Berger-Levrault et Cie, 1877.

Articles

  • « De l’origine de l’esclavage ». Revue du Midi, 1838, 15, p. 157-191.
  • « Coup d’œil sur l’industrie et le commerce de l’Alsace au 16e siècle ». La Revue d’Alsace, 1850, I, p. 55-73.
  • « La Bataille de Turckheim ». La Revue d’Alsace, 1851, II, p.1-23, 377-419.
  • « Henri Hartmann (1782-1856) ». La Revue d’Alsace, 1857, VIII, p. 37-43.
  • « Un mot sur le manuscrit de Colmar, acheté par la bibliothèque de Munich ». La Revue d’Alsace, 1858, IX, p. 553-561.
  • « L’Ancienne Alsace à table ». La Revue d’Alsace, 1853, IV, p. 241-265 ; 1859, X, p. 49-74, 385-410 ; 1860, XI, p. 5-30, 107-131, 481-506 ; 1861, XII, p. 5-27, 289-314, 433-462.

Bibliographie critique sélective

  • Grad Charles. – Les Recherches de M. Gérard sur la faune historique, présentées à la Société d’histoire naturelle de Colmar. Colmar : Librairie Decker, 1872.
  • Poincaré Léon. – Réponse aux récipiendaires lue à la séance publique de l’Académie de Stanislas le 24 mai 1877. Nancy : imprimerie Berger-Levrault, 1877.
  • Spach Louis. – « Charles Gérard ». Strassburger Zeitung, 10 août 1877.
  • Maître Péronne. – Discours prononcé le 26 juillet 1877 sur la tombe de Charles Gérard, avocat à la cour d’appel. Nancy : imprimerie nancéienne, 1877.
  • Mossmann Xavier. – « Note biographique sur Charles Gérard lue au Comité du musée historique de Mulhouse ». Bulletin du musée historique de Mulhouse, 1878, III, p. 4-16 ; tiré à part : Mulhouse : Librairie Bader et Cie, 1878.
  • Ristelhuber Paul. – « La Jeunesse de Charles Gérard ». Bulletin du musée historique de Mulhouse, 1879, IV, p. 91-98 ; tiré à part : Mulhouse : s. n., 1879.
  • Bibliothèque de la Ville de Mulhouse. – Catalogue de la collection d’alsatiques de feu Charles Gérard. Mulhouse : imprimerie Brustlein & Cie, 1882.
  • Mossmann Xavier. – « Gérard, Charles-Alexandre ». Biographies alsaciennes, 1887, IV, 6.
  • Sitzmann Édouard. – Dictionnaire biographique des hommes célèbres de l’Alsace. Paris : Éditions du Palais Royal, 1983, I, p. 584-585.
  • Dictionnaire de biographie française. Paris : Letourzey, 1981, XV, p. 1206.
  • Heitz Fernand J. – Le Barreau de Colmar 1712-1870. Colmar : imprimerie Alsatia, 1932, p. 290-291.
  • Encyclopédie d’Alsace. Strasbourg : Éditions Publitotal : 1984, VI, p. 3349.
  • Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne. Strasbourg : Fédération des Sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace, 1988, t. XII.

Sources identifiées

Colmar, Archives départementales du Haut-Rhin

  • Sous-préfets : dossiers individuels, 1844-1870 (2 M 15-16)

Colmar, Bibliothèque municipale

  • Manuscrit autographe du livre Les Artistes alsaciens pendant le Moyen Âge (M 716)
  • Notes d’érudition
    • Campagne de Turenne de 1674-1675
    • Campagne de Bernard de Saxe-Weimar, Lavalette, de la Force et Turenne de 1634-1639
    • Condé, Turenne, Guébriant, 1639-1644
    • Campagnes de Condé, de Luxembourg et de Créqui de 1675-1678
    • Bernard de Saxe-Weimar, 1634-1640
    • Négociations de Munster
    • Le général Horn et les Rhingraves, 1632-1634
    • Strasbourg en 1681
    • Relations avec les États allemands et la Suède, 1626-1634
    • Mansfeld en Alsace, 1621-1622
    • De la paix de Nimègue à la restauration
    • Administration de Louis XV (sic)
    • Prolégomènes
    • Dépopulation, ravages, terrorisme religieux, chansons, satires (M 779)
  • Notes d’érudition : abbaye de Marbach (M 779a)
  • Notes d’érudition : guerre des paysans, 1525 (M 779b)
  • Souvenirs historiques relatifs à l’Alsace, depuis la conquête française jusqu’à la Révolution, tirés des historiens et écrivains français (M 180)
  • Les Quatre Émeutes de Colmar, poème héroï-comique en quatre chants par Jean-Joseph Laurent, professeur au collège de Colmar en 1842 ; copie de Charles Gérard (I.CH.95)

Mulhouse, Archives municipales

  • Acquisition de la bibliothèque Gérard, 1878-1885 (Aa 10)

Mulhouse, Bibliothèque municipale

  • État des seigneuries de l’Alsace au XVIe siècle, avec une carte de Daniel Speckel (sic) de 1576 (M 1015)
  • Catalogue de ma collection alsatique préparé pour le cas de la vente (M 1039)

Nancy, Archives de l’Académie de Stanislas

  • Dossier personnel de Charles Gérard

Nancy, Bibliothèque municipale

  • Répertoire bibliographique pour servir à la biographie des artistes de la Lorraine (M 438)
  • Statistique monumentale et archéologique des Vosges (M 439)
  • Statistique monumentale et archéologique de Meurthe-et-Moselle (M 440)
  • Statistique monumentale et archéologique de la ville de Nancy (M 441)
  • Glossaire de quelques patois lorrains (M 455)

Paris, Archives nationales

  • Dossiers individuels de préfets, sous-préfets, secrétaires généraux, conseillers de préfecture, an VIII/1800 à 1880 (F1b/155 à 180)
  • Procès-verbaux de recensement général des élections générales et partielles à l’Assemblée législative, 1849-1851 (C1330 à C 1335)

Strasbourg, Archives départementales du Bas-Rhin

  • Sous-préfets. Nomination, installation, congés, indemnités, renseignements et notices confidentielles, an VIII/1870 (1 M 8 55)
  • Sous-préfets de l’arrondissement de Saverne (1 M 10 55)
  • Élection complémentaire pour la nomination des députés à l’Assemblée législative, 10 juin 1850 (2 M 100)