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GIRODIE, André
Mis à jour le 27 novembre 2008
(23 juin 1874, Bordeaux – 1946, ?)
Auteur(s) de la notice :
MARTIN François-René
Profession ou activité principale
Bibliothécaire, conservateur de musée
Autres activités
Critique, historien de l’art
Sujets d’étude
Art alsacien, art du XVIIIe siècle, arts décoratifs, relations culturelles entre la France et les États-Unis
Carrière
1898 : publie divers essais littéraires (La Tendresse ! la verduresse ! et à deux sous, Paris)
1898-1910 : secrétaire puis directeur des Actes d’art et d’archéologie
1902-1914 : collabore régulièrement à la Revue alsacienne illustrée
1910-1914 : secrétaire de la Bibliothèque Jacques Doucet
1914-1918 : engagé volontaire dans un bataillon de chasseurs à pied ; grièvement blessé en 1915 à Souain
1915 : Croix de guerre
1919-1926 : sans situation après la guerre, collabore régulièrement aux Archives alsaciennes d’histoire de l’art
1927 : nommé conservateur du musée de la Coopération franco-américaine de Blérancourt, qui est ouvert au public et donné aux Musées nationaux en 1929
1940 : repli du musée de Blérancourt au château de Fougères en Blésois
1945 : retrouvant les bâtiments de Blérancourt dévastés, s’emploie à y réinstaller le musée et à y créer un Institut d’histoire franco-américaine
Chevalier de la Légion d’honneur (1931)
Étude critique
« Dans le domaine de l’art, l’Allemagne n’a rien inventé », écrivait Émile Mâle, en ouverture de son livre à charge L’Art allemand et l’art français du Moyen Âge, pensé à la suite du bombardement de la cathédrale de Reims et publié en 1917. Cette idée, exprimée ici sans nuance, fut partagée, il faut bien l’admettre, par plusieurs générations d’historiens de l’art qui écrivirent entre deux guerres, celle qui avait été perdue en 1870, entraînant l’annexion de l’Alsace-Lorraine, et celle que nombre d’entre eux préparèrent ou appelèrent de leurs vœux dans leurs travaux. André Girodie est l’un de ces historiens de l’art qui chercha à faire valoir les droits des régions perdues, tout en relativisant ou contestant ceux de l’Allemagne à figurer dans la « société des grandes nations créatrices », pour reprendre là encore les termes d’Émile Mâle.
Sa vie personnelle elle-même illustre cet engagement : n’ayant jamais séparé son activité savante et la revanche symbolique sur les prétentions politiques et intellectuelles de l’Allemagne, Girodie se porte volontaire dès le début de la Première Guerre mondiale. Rien pourtant ne semblait prédestiner ce Bordelais de naissance à s’intéresser à l’art alsacien, qui pourtant le préoccupera toute sa vie ou quasiment. Autodidacte, Girodie est engagé par Jacques Doucet en 1898 comme secrétaire, puis comme directeur des Actes d’art et d’archéologie. À partir de 1910, il prend part à la création de la Bibliothèque Doucet — qui deviendra la Bibliothèque d’art et d’archéologie. Chargé de mettre en œuvre un Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art de la France, il compile alors une impressionnante littérature sur les écoles régionales. Et il surveille le travail de l’abbé Requin à qui, avec Doucet, il avait confié le vaste domaine des artistes provençaux. Mais les retards de ce dernier — qui s’était engagé sur près de 2000 noms — dans la livraison des notices conduiront au conflit entre l’érudit avignonnais et ses commanditaires parisiens. Durant cette période, Girodie publie quelques études dans les Notes d’art et d’archéologie, reprises ensuite en fascicules par l’éditeur Ducloz, à Moutiers. Elles dessinent l’espace intellectuel à l’intérieur duquel le premier Girodie développe son histoire de l’art. Dans Les Musées d’artistes français dans leurs provinces (1903), c’est une conception explicitement régionaliste de l’art et de l’organisation des musées qui y est défendue. Invoquant les « rigoureux jugements de Quatremère de Quincy », Girodie y recommande même de démanteler le musée du Louvre, en rendant l’art ancien et l’art moderne français, « d’après l’origine ou les affinités de chaque artiste » et selon les droits respectifs des musées de chaque province. Le même motif régionaliste et anti-étatique est développé l’année suivante dans La Sculpture bourguignonne et les droits du musée de Dijon (1904) : « […] quelle que soit la valeur de notre musée du Louvre, les collections de nos rois, les conquêtes de la Révolution et de l’Empire doivent lui suffire. Il peut augmenter ce fonds, en raison du budget dont il dispose, mais il ne doit le faire que dans le sens de la peinture ancienne étrangère. Quant au dépouillement systématique du patrimoine artistique de nos provinces qu’il pratique avec tant de désinvolture, ni ses origines, ni son rôle actuel ne l’y autorisent, car le véritable, le seul témoignage de l’art historique français, avant l’intrusion de l’italianisme, fut et resta régional tant par ses origines que par sa destination. » À l’opposé des idées que défend un Louis Dimier au même moment, Girodie en vient alors à scinder l’art français en deux parts : l’une constituée par « voie de collection » — l’art « officiel », dont le style bellifontain initié par François Ier ou le Louvre sont deux illustrations remarquables ; et l’autre part, celle de l’art authentique, née par « voie de création », dans les milieux « naturels » que forment les provinces. Ainsi l’exemple de la sculpture bourguignonne du XVe siècle, que Girodie met en exergue en 1904, relève d’un foyer créateur autonome, dont les dépouilles « légales » devraient toutes être rendues au musée de Dijon.
C’est cependant à l’Alsace qu’est consacré l’essentiel de son travail, avant 1914. À travers la figure d’Eugène Müntz, à qui il rend hommage en 1902, dans un élogieux portrait de l’historien, « prototype », selon Girodie, « de la mentalité alsacienne, analyste précis de l’art et […] trait d’union entre l’esthétique allemande et l’histoire de l’art, tel que Taine voulut qu’elle soit en France ». À travers celle également de la collection de l’industriel Georges Spetz à Issenheim, symbole du combat culturel contre les Allemands, dans laquelle il voit le dernier refuge de l’« âme alsacienne ». Collaborateur régulier de la Revue alsacienne illustrée, lié à Pierre Bucher et Maurice Barrès, Girodie défend alors la mémoire de Jean-Jacques Henner, faisant l’apologie des racines rurales et alsaciennes de son art. Et il tente à plusieurs reprises de briser le mythe « Grünewald » qui se forme alors en France comme en Allemagne, en séparant les médiocres œuvres « allemandes », des peintures du Retable d’Issenheim, dont l’inspiration doit tout selon lui au commanditaire, Guido Guersi, et non au « manœuvre passif » qu’aurait été l’artiste allemand.
L’effort pour arracher l’art alsacien à la sphère stylistique germanique culmine dans son ouvrage Martin Schongauer et l’art du Haut-Rhin en France (1911), dans lequel Girodie tente de projeter sur les artistes actifs en Alsace au XVe siècle les thèses qu’Henri Bouchot et Raymond Kœchlin développent sur l’art flamand-bourguignon après Louis Courajod. L’art « alsacien » du Moyen Âge, en effet, jusqu’à son apogée avec Schongauer, se serait construit en accomplissant un équilibre entre l’assimilation des innovations flamandes ou bourguignonnes et l’« accent » allemand qui n’altéra pas cependant la « langue » stylistique spécifiquement française, parlée par ces artistes.
Après la guerre, ce n’est plus à l’art alsacien de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance que Girodie s’attache, mais à celui du XVIIIe ou du XIXe siècle : Jacques-Philippe Loutherbourg, le davidien Jean-Jacques Karpff ou le paysagiste Louis-Clément Faller, et surtout le peintre de fêtes galantes Jean-Frédéric Schall, à qui il consacre en 1927 une imposante monographie. Un autre ouvrage projeté, sur Martin Drolling, restera inachevé. Entre-temps, grâce à l’intervention de Kœchlin, Girodie est chargé de constituer le musée de la Coopération franco-américaine de Blérancourt : pour l’essentiel, ses derniers travaux d’érudit se seront tournés vers l’histoire des relations entre la France et les États-Unis.
François-René Martin, professeur à l’École nationale supérieure des beaux-arts
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- La Collection Spetz. Moutiers : imprimerie F. Ducloz, 1901.
- François-Louis Français. Moutiers : imprimerie F. Ducloz, 1902.
- Les Musées d’artistes français dans leurs provinces. Moutiers : imprimerie F. Ducloz, 1903.
- La Sculpture bourguignonne et les droits du musée de Dijon. Paris : Librairie de l’art ancien et moderne, 1904.
- Un peintre alsacien de transition. Clément Faller. Strasbourg : Édition de la Revue alsacienne illustrée, 1907.
- Les Mines d’argent de la Croix-aux-Mines en Lorraine au XVIe siècle. Nancy : Éditions de la Revue lorraine illustrée, 1909.
- Martin Schongauer et l’art du Haut-Rhin au XVe siècle. Paris : Librairie Plon, 1911.
- Les Artistes décorateurs du bois, répertoire alphabétique des ébénistes, menuisiers, sculpteurs, doreurs sur bois, etc., ayant travaillé en France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Collab. de Vial Henri et Marcel André ;
t. I, A à L, Paris : Bibliothèque d’art et d’archéologie, 1912 ;t. II, M à Z, La Roche-sur-Yon : impr. Centrale de l’Ouest ; Paris : Jean Schemitt, 1922. - Un peintre des fêtes galantes : Jean-Frédéric Schall (Strasbourg 1752-Paris 1825). Strasbourg : Compagnie alsacienne des arts photomécaniques A. et F. Kahn, éditeurs-imprimeurs, 1927.
- Musée national historique de Blérancourt. Haute-Picardie. Coopération franco-américaine. Catalogue sommaire. Paris : impr. L. Maretheux, 1928.
- Les États-Unis et la France au XVIIIe siècle. Paris : Hôtel Jean Charpentier, 1929.
- Jacques Sarazin, 1592-1660. Blérancourt et Chauny : impr. A. Baticle, 1934.
- Exposition du Centenaire de La Fayette. Paris : Musées nationaux, 1934.
- Musée de l’Orangerie. À la gloire de la marine à voiles du XVIe au XXe siècle. Paris : Édition des Musées nationaux, 1935.
Articles
- « Eugène Müntz ». Revue alsacienne illustrée, IV, 1902, p. 65-75.
- « Observations sur la sculpture en Alsace ». Revue alsacienne illustrée, VI, 1904, p. 14-22.
- « Les Musées d’Alsace. Le Musée de Colmar ». La Revue de l’art ancien et moderne, t. XVI, juill.-déc. 1904, p. 421-436 ; t. XVII, janv.-juill. 1905, p. 5-19.
- « Les Musées d’Alsace. Les musées de Strasbourg. I. Le musée de peinture et de sculpture ; II. Musées archéologiques et historiques ». La Revue de l’art ancien et moderne, t. XXII, juill.-déc. 1907, p. 175-191, p. 277-292.
- « Note d’art et d’archéologie. La dernière incarnation de Mathias Grünewald ». Le Messager d’Alsace-Lorraine, samedi 12 Août 1905, p. 1-3.
- « L’Art ancien de la Lorraine ». La Lorraine affranchie. L’art et les artistes, seconde série de guerre, n°2, 1916, p. 75-100.
- « Deux notes sur les peintres strasbourgeois Jean Weyler et Jean-Frédéric Schall ». Archives alsaciennes d’histoire de l’art, V, 1926, p. 223-226.
- « Deux peintres versaillais d’origine alsacienne : Karpff et Wachsmuth ». Archives alsaciennes d’histoire de l’art, X, 1931, p. 183-188.
- « La Noce de Village, de Martin Drolling ». Archives alsaciennes d’histoire de l’art, XII, 1933, p. 123-128.
- « Jacques Sarazin, sculpteur noyonnais ». In Société archéologique, historique et scientifique de Noyon (éd.), Jacques Sarazin, sculpteur noyonnais : 1592-1660, Noyon : Impr. Finet, 1992.
Bibliographie critique sélective
- Réau Louis. – « Martin Schongauer. À propos d’un livre récent ». Revue alsacienne illustrée, vol. XIII, 1911, p. 97-101.
- S[eidlitz] W[oldemar] (V[on]). – « André Girodie. Martin Schongauer et l’art du Haut-Rhin au XVe siècle ». Repertorium für Kunstwissenschaft, XXXIV, 1911, p. 469.
- Schommer Pierre. – « Nécrologie. André Girodie (1874-1946) ». Bulletin des musées de France, XII, février 1947, p. 30-31.
- Haug Hans. – « André Girodie (1874-1946) [avec une bibliographie alsacienne d’A.G.] ». In Trois siècles d’art alsacien (1648-1948). Strasbourg : Édition des archives alsaciennes d’histoire de l’art ; Paris : Librairie Istra, 1948, p. 203-206.
- Chapon François. – Mystères et splendeurs de Jacques Doucet. Paris : J. C. Lattès, 1984 .
- Fuchs François-Joseph. – « Girodie André ». In Prévost Michel, Roman d’Amat, Tribout de Morembert Henri, Dictionnaire de biographie française. t. XVI, Paris : Librairie Letouzey et Ané, 1985, p. 290-291.
- Dubois Isabelle. – La Fortune critique des primitifs allemands en France 1800-1914. Thèse de doctorat en histoire de l’art sous la direction de Roland Recht. Strasbourg : université Marc-Bloch, 2001.
- Martin François-René. – « “Périégèse” de l’Alsace. André Girodie et les primitifs du musée d’Unterlinden à Colmar ». Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, XLIV, 2001-2002, p. 133-155.
- Martin François-René. – « Réception croisée et confrontations de Schongauer et de Grünewald, en France, entre 1840 et 1914 ». In Gaehtgens Thomas W., Fleckner Uwe, De Grünewald à Menzel : l’image de l’art allemand en France au XIXe siècle. Paris : Maison des sciences de l’homme, 2004, p. 57-84.
Sources identifiées
Chicago, The Art Institute of Chicago, The Libraries, Ryerson and Burnham Archives
- 3 lettres et une carte postale de G. à André Mellerio, 1923-24, André Mellerio Papers, Série IV, General Correspondence
Colmar, Bibliothèque municipale
- Envoi autographe à André Waltz, conservateur du musée d’Unterlinden de Colmar, du Bulletin de l’art ancien et moderne, du 5 août 1905, dans lequel fut publié l’article « Jean-Jacques Henner » (Br. 5498)
Los Angeles, Getty Research Institute, Research Library
- Correspondance entre Georges Turpin et G., Georges Turpin Journal and Letters, 1914-1952, Série II. Letters
Paris, bibliothèque centrale des Musées nationaux
- Envoi autographe à Édouard Drumont de Les musées d’artistes français dans leurs provinces (1903) (8°o243(1))
Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet
- Manuscrits, notes et correspondances relatives au Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art de la France. Orfèvres – monnayeurs
- 1) et 2) documents divers
- 3) Provence (correspondance entre G, l’abbé Requin et Labande au sujet de la collaboration de Requin au projet de Dictionnaire)
Paris, Bibliothèque nationale de France, département de l’Imprimé et de l’Audiovisuel
- Envoi autographe à Maurice Barrès de La collection Spetz (1902), accompagné d’une carte autographe de Georges Spetz jointe au volume (ZBARRES-19880)
- Envoi autographe à Fernand Mazerolle de Jacques Sarazin, 1592-1660 (1934) (8-LN27-74143)
Strasbourg, musées de la Ville de Strasbourg
- Papiers et notes de G. relatives à l’ouvrage inachevé sur Martin Drolling, citées par Haug (1948) (non localisées)
En complément : Voir la notice dans AGORHA