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GUIMET, Émile
Mis à jour le 12 mars 2009
(2 juin 1836, Lyon – 12 octobre 1918, Fleurieu-sur-Saône)
Auteur(s) de la notice :
MACOUIN Francis
Profession ou activité principale
Industriel
Autres activités
Directeur du musée Guimet, compositeur
Sujets d’étude
L’Égypte ancienne, les religions de l’Antiquité, la diffusion des cultes égyptiens en Occident
Carrière
1860 : directeur de l’usine chimique de Fleurieu-sur-Saône (Rhône)
1865 : premier voyage en Égypte
1867 : membre de l’Académie de Lyon
1876 : voyage autour du monde
1879 : ouverture du musée Guimet à Lyon
1887 : président de la Compagnie des produits chimiques d’Alais et de la Camargue
1889 : inauguration du musée Guimet à Paris
1894 : représentation de son opéra Taï-Tsoung
1904 : jubilée des vingt-cinq ans du musée
1912 : recréation d’un musée Guimet à Lyon
Officier de la Légion d’honneur (1895), officier de l’instruction publique, commandeur de l’ordre impérial du Trésor sacré du Japon, chevalier de l’ordre royal du Cambodge ; membre correspondant de l’Institut (1917), président de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, vice-président de la Société franco-japonaise, membre de la Société asiatique, de la Société d’anthropologie de Paris ; président de la Compagnie des produits chimiques d’Alais et de la Camargue, président de la Compagnie de navigation mixte, administrateur de l’Aluminium français
Étude critique
Inclure Émile Étienne Guimet parmi les historiens de l’art relève a priori du paradoxe. L’homme est un industriel, un artiste, un collectionneur, il se passionne pour le théâtre, l’étude des religions, mais il touche à l’histoire de l’art, pour l’essentiel, seulement parce qu’il créa un musée consacré aux religions et que celui-ci est devenu, après la mort du fondateur, un célèbre musée d’art oriental.
Son éducation et sa formation demeurent inconnues, mais, né dans une famille bourgeoise riche et instruite, elles ne furent pas négligées ; il dut recevoir en son sein une instruction artistique sous l’impulsion de sa mère, elle-même peintre. La musique apparaît fondamentale pour lui. Il la pratiqua, la prit pour sujet d’étude et en composa toute sa vie. À titre social, en tant que patron paternaliste, il est responsable d’orphéon et de fanfare d’ouvriers ; à titre personnel, il l’associe à l’intérêt qu’il porte au théâtre. De la sorte, il écrivit deux oratorios, un ballet et surtout un opéra sur un thème chinois rédigé par Ernest d’Hervilly (Taï-Tsoung, créé à Marseille en 1894).
À vingt-quatre ans, il est contraint de s’engager dans les activités économiques familiales. Son père, Jean-Baptiste, ingénieur, avait mis au point en 1827 un outremer artificiel, le « bleu Guimet », à la fois matière colorante et azurant. Fabriqué à Fleurieu-sur-Saône près de Lyon, la vente de ce produit procura la fortune à son inventeur qui s’intéressa ensuite à la fabrication d’un nouveau métal, l’aluminium (1855). En 1860, son fils unique Émile prit la direction de l’usine et il demeura un chef d’entreprise toute sa vie, succédant à son père dans l’administration de la compagnie chimique qui deviendra Pechiney. Il en assure la présidence à partir de 1887 jusqu’à sa mort en 1918.
Cette personnalité fut un touche-à-tout qui, pris entre ses multiples activités, ne put consacrer que peu de temps à des recherches académiques. Les notes qu’il écrivait à partir de matériaux préparés par des assistants ne constituent pas une œuvre scientifique marquante. Il s’intéressait particulièrement à la diffusion, en Occident durant l’Antiquité, des divinités et des cultes orientaux, en particulier d’Isis. En dehors des conférences, les écrits en rapport avec l’art sont des textes de circonstance, liés aux activités du musée car sa contribution la plus valable quant à l’histoire de l’art fut la création d’un musée, auquel il consacra beaucoup de temps et d’argent. Cependant c’est curieusement l’inflexion qui a été donnée à l’institution par ses successeurs qui, en changeant son orientation, a assuré la survie du musée et fait une place à Émile Guimet dans le domaine des arts asiatiques.
À l’occasion d’un premier voyage en Égypte, en 1865, il se passionne pour la religion ancienne du pays et commence une collection d’antiquités. Apparaissent alors un goût prononcé pour les voyages, un intérêt profond pour les religions où il cherchait des réponses aux problèmes sociaux et une activité intense de collectionneur que ses moyens financiers favorisaient. Les réalisations qui en découlèrent étaient sous-tendues par une démarche scientifique qui le poussa à se rapprocher des milieux académiques (participation au premier Congrès des orientalistes à Paris en 1874), ainsi que par une action sociale qui l’incita à transformer sa collection personnelle en institution publique vouée à la science et à l’éducation. L’occasion lui en a été donnée par le succès d’un périple fait autour du monde en 1876-1877. Débutant par Philadelphie où se tenait une Exposition universelle, il voyagea à travers les États-Unis accompagné du peintre Félix Régamey (1844-1907), ensuite il gagna le Japon avant de se rendre en Chine, puis en Inde. Le but affiché du voyage était de mener des études sur les religions car, comme il le déclara plus tard il voulait « toucher le croyant ». Il bénéficia au Japon de circonstances exceptionnelles qui lui permirent d’acquérir images et statues cultuelles en grand nombre ainsi que des livres, car il n’a jamais dissocié les objets et les textes devant fournir l’explication de l’iconographie, des croyances et des pratiques religieuses. Cette moisson n’a nullement été faite au hasard des disponibilités, mais elle résulte d’acquisitions conduites méthodiquement avec l’aide parfois des ecclésiastiques, comme l’abbé du Tôji pour la réplique du mandala sculpté de son monastère.
Une des conséquences qui découle de ces idées et de ces circonstances fut donc la création d’un musée à Lyon installé dans un bâtiment construit à cet effet. Cependant avant qu’il ne soit terminé, Émile Guimet préféra donner ses collections à l’État contre l’assurance de la construction, à Paris, d’un édifice respectant le projet architectural initial. De la sorte, un musée qui porte son nom est inauguré en 1889, année d’une Exposition universelle à Paris. On y trouve rangée d’une manière systématique, selon les doctrines et non la chronologie ou le style, une large représentation de divinités illustrant principalement les religions de l’Antiquité et de l’Extrême-Orient. http://www.guimet.fr/. Néanmoins, le domaine couvert pouvait s’étendre à l’ethnographie avec la collection sur la Corée, à l’art décoratif avec la céramique japonaise ou simplement aux beaux-arts avec un buste d’Alexandre de Macédoine aujourd’hui au Louvre.
Émile Guimet a exposé plusieurs fois les idées qui guidaient son action. Très vite, dès sa visite au musée de Boulaq en 1865, il acquiert la conviction forte que les objets doivent être documentés, que leur provenance et les circonstances de leur découverte doivent être soigneusement notées, sinon ils n’apprennent rien, dit-il. Le musée, il en a acquis la conviction à l’exemple des musées de Copenhague visités en 1874, ne doit pas être élitiste, mais à la disposition de tous ; il doit s’adresser à l’intelligence, avoir un rôle éducatif et nécessairement une activité scientifique. De cette façon, il est primordial de diffuser la connaissance aussi bien par la parole que par l’écrit, ce qui justifie la mise en œuvre imposante d’une politique éditoriale de haut niveau (les Annales du musée Guimet, la Revue de l‘histoire des religions, etc.). Enfin il faut susciter les recherches et les financer. L’exemple le plus significatif est l’appui accordé à Albert Gayet (1856-1916) pour mener à bien les fouilles archéologiques d’Antinoé en Égypte. Quelques mots d’une note qu’il rédigea rageusement en 1913, parce que le ministère de l’Instruction publique lui demandait si le musée était artistique ou scientifique, résument ses conceptions : « Les musées sont des œuvres d’enseignement. Les musées d’art qui ne sont pas scientifiques ne sont pas des musées. Ce sont des magasins que le public peut visiter. On ne peut faire une galerie égyptienne rien qu’avec des statues. Il y faut des textes et les mobiliers funéraires. […] Le document complète, explique, éclaire, anime l’esthétique. […] Le musée Guimet est un musée philosophique démontré par les plus beaux spécimens de l’art religieux de l’Orient et de l’Antiquité. Il est forcément artistique. »
On peut estimer, en définitive, que la principale contribution d’Émile Guimet dans le domaine artistique réside dans l’établissement d’un musée qui reposait sur une conception solide transcendant son sujet et qui a continué à s’appliquer lorsque celui-ci passa des religions à l’art de l’Asie. Il a ainsi concouru puissamment à ancrer le domaine oriental dans le système muséal français.
Francis Macouin, conservateur au musée Guimet
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- À travers l’Espagne, lettres familières avec des post-scriptum en vers par Henri de Riberolles. Lyon : C. Méra, 1862.
- Cinq jours à Dresde (juillet 1865). Lyon : imprimerie d’Aimé Vingtrinier, 1865, 60 p.
- Cinq jours à Dresde, relation de la grande fête des chanteurs du 22 au 26 juillet 1865. Lyon : C. Méra, 1866, 108 p.
- Croquis égyptiens : journal d’un touriste. Paris : J. Hetzel, 1867, 298 p.
- L’Orient d’Europe au fusain, notes de voyage. Paris : J. Hetzel, 1868, 230 p.
- La Musique populaire. Discours de réception à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. Lyon : Association typographique, 1870, 32 p.
- De l’Ascia des Égyptiens. Lyon : imprimerie d’Aimé Vingtrinier, 1872.
- Esquisses scandinaves, relation du congrès d‘anthropologie et d‘archéologie préhistorique. Paris : J. Hetzel, 1875.
- Aquarelles africaines, études et correspondances. Paris : J. Hetzel, 1877.
- Rapport au ministre de l‘Instruction publique et des Beaux-Arts sur la mission scientifique de M. Émile Guimet dans l‘Extrême-Orient. Lyon : imprimerie Pitrat aîné, 1878, 16 p.
- Promenades japonaises. Ill. de Félix Régamey. Paris : G. Charpentier, 1878, 212 p.
- Promenades japonaises : Tokio-Nikko. Ill. de Félix Régamey. Paris : G. Charpentier, 1880, 288 p.
- Le Théâtre au Japon : conférence faite au cercle Saint-Simon, le 16 avril 1884. Ill. de Félix Régamey. Paris : imprimerie de Léopold Cerf, 1886, 32 p.
- Sécurité dans les théâtres. Lyon : imprimerie de Pitrat aîné, 1887, 42 p.
- Conférences faites au musée Guimet. Paris : Ernest Leroux, 1905 (« Annales du musée Guimet, Bibliothèque de vulgarisation », t. XVII).
- Sur le théâtre en Chine : conférence faite le 26 février 1905 à l‘Association des anciens élèves de la Martinière. Lyon : Léon Sézanne, 1906.
- Comité-conseil du musée Guimet : exposé de M. Émile Guimet. Lyon : 1907.
- Observations sur la fabrication des vases égyptiens de l‘époque préhistorique : présentées à la Société d’anthropologie de Lyon, dans la séance du 9 janvier. Lyon : imprimerie A. Rey et Cie, 1909.
- Les Portraits d’Antinoé au musée Guimet. Paris : Hachette, 1914 (« Annales du musée Guimet, Bibliothèque d’art », t. V), 40 p.
- Un problème d‘harmonie : l‘accord de quinte augmentée. Lyon : A. Rey, 1918.
Articles
- « Travaux de M. Chabas sur les temps de l’exode : compte rendu ». Mémoires de l‘Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 1875.
- « III. De l’origine des anciens peuples du Mexique ». In De l‘origine des anciens peuples du Mexique. Lyon : Secrétariat de la Société de géographie, 1875, p. 25-40.
- « Note sur les outremers ». Mémoires de l‘Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 1877.
- « Hospice des enfants trouvés à Canton ». Mémoires de l‘Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 1878.
- « Chants populaires du Lyonnais. Rapport sur le concours pour le prix Christin et de Ruolz ». Mémoires de l‘Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, 1882, 36 p.
- « Huit jours aux Indes ». Le Tour du monde, 1885, XLIX, p. 209-272 ; 1888, LVI, p. 65-96.
- « Le Dieu d’Apulée ». Revue de l‘histoire des religions, 1895, t. 32, p. 242-248.
- « L’Isis romaine ». Comptes rendus de l‘Académie des inscriptions et belles-lettres, 1896, p. 155-160, 18 pl.
- « Les Fouilles d’Antinoë ». Revue générale internationale, scientifique, littéraire et artistique, 14, août 1897, p. 225-234.
- « Plutarque et l’Égypte ». La Nouvelle Revue, 1898, t. 110, p. 454-469, 637-652.
- « La Chine ancienne et moderne ». Bulletin de la Société normande de géographie, 1er cahier, 1898, p. 1-19.
- « Les Isiaques de la Gaule ». Revue archéologique, 1900, I, p. 75-86 ; 1912, XX p. 197-210 ; 1916, III, p. 184-210.
- « Récentes Découvertes archéologiques faites en Égypte ». Bulletin trimestriel de la Société des anciens élèves de la Martinière, 1902, p. 614-634.
- « Symboles asiatiques trouvés à Antinoë (Égypte) ». Annales du musée Guimet, Grande bibliothèque, t. XXX 3e partie, 1903, p. 145-152, 7 pl.
- « Les Musées de la Grèce ». Bulletin trimestriel de la Société des anciens élèves de la Martinière, 1903, p. 691-713.
- « Des antiquités de la Syrie et de la Palestine ». Bulletin trimestriel de la Société des anciens élèves de la Martinière, 1904, p. 1-23.
- « Lao-Tzeu et le Brâhmanisme ». Verhandlungen des II. Internationalen Kongresses für Allgemeine Religionsgeschichte in Basel 30. August bis 2. September 1904. Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 1905, p. 168-183.
- « Le Dieu aux bourgeons ». Comptes rendus de l‘Académie des inscriptions et belles-lettres, 1905, t. I, p. 121-125, 8 pl.
- « Note sur l’anthropologie des Chinois ». Archives d’anthropologie criminelle, n° 157, 1907, p. 1-2.
- « Les Chrétiens et l’Empire romain ». La Nouvelle Revue, 1909, t. 11, p. 49-66, 203-217.
- « Lucien de Samosate : philosophe ». In Conférences faites au musée Guimet. Paris : Ernest Leroux, 1910 (« Annales du musée Guimet, Bibliothèque de vulgarisation », XXXV), p. 1-66.
- « Les Âmes égyptiennes ». Revue de l‘histoire des religions, t. LXVIII, 1913, p. 1-17.
Bibliographie critique sélective
- Le Jubilée du musée Guimet : le vingt-cinquième anniversaire de sa fondation 1879-1904. Paris : Ernest Leroux, 1904.
- Émile Guimet : 1er janvier 1860-1er janvier 1910, cinquantenaire. Lyon : imprimerie P. Legendre, [1910]. 83 p.-[2] p. de pl., [2] portraits, [40] photogr., [3] p. de fac-sim.
- David Louis. – Histoire du musée 1772-1982 : Guide du musée Guimet d‘histoire naturelle de Lyon. Lyon : Édition de l’association régionale de Paléontologie-Préhistoire et des Amis du Muséum de Lyon, 1982.
- L‘Âge du japonisme : la France et le Japon dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Tokyo : Société franco-japonaise d’art et d’archéologie, 1983.
- Frank Bernard. – L‘Intérêt pour les religions japonaises dans la France du XIXe siècle et les collections d‘Émile Guimet. Paris : PUF, 1986.
- Frank Bernard. – « Les Collections japonaises d’Émile Guimet : un manuel d’iconographie bouddhique en trois dimensions ». In Hartmut O. Rotermund, éd., Religion, Science et Pensées au Japon : actes du 4e Congrès international de l‘EAJS [European Association for Japanese Studies], Paris, 1985. Paris : Atelier Alpha bleue, 1988, p. 9-32, 37 ill.
- Omoto Keiko, Macouin Francis. – Quand le Japon s‘ouvrit au monde. Paris : Gallimard, 1990 (« Découvertes »).
- Frank Bernard. – « Les Collections bouddhiques d’Émile Guimet : histoire et présentation ». Revue du Louvre et des musées de France, 1991, n° 3, p. 8-12.
- Frank Bernard. – Le Panthéon bouddhique au Japon. Collections d‘Émile Guimet. Paris : Réunion des musées nationaux, 1991.
- Omoto Keiko. – « Émile Guimet et le Japon ». L‘Œil, n° 448, 1993, p. 20-25.
- Jarrige Jean-François. – « Émile Guimet (1836-1918), un novateur et un visionnaire ». Comptes rendus de l‘Académie des inscriptions et belles-lettres, novembre-décembre 2000, p. 1361-1368.
- Chappuis Françoise, Macouin Francis, dir. – D‘outremer et d‘Orient mystique… les itinéraires d‘Émile Guimet. Suilly la Tour : Éditions Findakly, 2001.
- Calament Florence. – La Révélation d‘Antinoé par Albert Gayet : histoire, archéologie, muséographie. Le Caire : Institut français d’archéologie orientale, 2005, 2 vol.
Sources identifiées
Paris, musée Guimet
- Archives administratives complètes du musée (Lyon, puis Paris), correspondances d’Émile Guimet avec ses collaborateurs, papiers divers. Archives majoritairement non inventoriées