Auteur de la notice : MAINGON, Claire

Profession ou activité principale

Historien de l’art, conservateur au musée du Louvre

Sujets d’étude

Peinture française

Carrière

1884 : normalien

1887 : agrégé des lettres

1887-1890 : membre de l’École française d’Athènes

1888-1891 : dirige plusieurs campagnes de fouilles en Béotie, sur le territoire de Thespies, dans la vallée de Muses

1890 : attaché libre au musée du Louvre, au département des Antiquités orientales et de la céramique antique

1902-1919 : conservateur adjoint au département des Antiquités orientales et de la céramique antique

1909 : réorganise le musée de Valenciennes

1919-1936 : conservateur adjoint au département des Peintures, de la Chalcographie et des Dessins

1934-1936 : conservateur au département des Peintures

1936 : prend sa retraite et siège au Conseil des musées jusqu’à sa mort

Distinctions

1919 : Chevalier de la Légion d’honneur

1929 : Officier de la Légion d’honneur

1932 : membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Étude critique

Le nom de Paul Jamot est associé à l’exposition Les peintres de la réalité en France au XVIIe siècle organisée en 1934 au musée de l’Orangerie, à Paris. Cette manifestation marque le point culminant des travaux menés par cet historien de l’art et conservateur du Louvre pendant plus de trente ans sur l’école française. L’exposition (qui associe le jeune historien de l’art Charles Sterling, rédacteur de notices pour le catalogue) fait notamment découvrir l’œuvre de Georges de la Tour et encourage une relecture de la peinture du XVIIe siècle. Érudit d’origine rémoise, Jamot est tout d’abord un fin connaisseur de l’œuvre de Poussin, auquel il consacre plusieurs études dans la Gazette des Beaux-arts et L’Art et les artistes entre 1911 et 1930. Après sa mort, ses articles seront réunis sous forme d’ouvrage et une Société Poussin sera fondée autour de son souvenir. Au-delà de Poussin, Jamot a cherché à réhabiliter les talents plus modestes du XVIIe siècle. Après Champfleury, il mène les premiers grands travaux d’importance sur la fratrie Le Nain, composée de trois frères : Antoine, Louis et Mathieu, tous membres de la jeune Académie royale de peinture et de sculpture. En s’appuyant sur des critères stylistiques (son approche est subjective), il dresse une chronologie et met en évidence l’importance de Louis, auquel il attribue Le repas de paysans de la collection La Caze (entré au Louvre en 1869) et une œuvre de sa propre collection, La famille heureuse ou Le retour du baptême (qu’il lègue au Louvre après sa mort). Jamot voit dans le réalisme français une forme particulière de poésie, la recherche d’un équilibre entre raison et sentiment qui constitue une forme de tradition nationale poursuivie par Chardin et Corot.

En tant que conservateur, Paul Jamot a largement contribué à la vie du Louvre et à la recherche scientifique internationale. Son parcours est atypique puisqu’il passe de l’archéologie à la conservation des peintures (il fut également peintre amateur à ses heures). Au début de sa carrière, alors qu’il est attaché libre de conservation dans le département des Antiquités orientales et de la céramique antique, ce philhellène réalise le récolement des collections de céramique puis mène un important travail sur la Minerve à la ciste du Louvre. Ses connaissances dans le domaine antique lui permettent d’émettre en 1894 un avis sur une hypothèse formulée par l’historien de l’art Adolf Furtwängler concernant l’Athena Lemnia dont l’originale disparue est attribuée à Phidias. Selon ce dernier, la réunion d’un buste de femme des collections du musée de Dresde et d’une tête d’antique conservée à Bologne aboutirait à la reconstitution d’une copie exacte du chef-d’œuvre antique. À l’aide d’une méthodologie inductive, en revenant aux sources antiques, Paul Jamot conteste cette hypothèse. Il occupe à cette époque la fonction de secrétaire de publication des Monuments Piot (entre 1894 et 1919) et publie dans La revue des études grecques.

Son action est surtout remarquable pendant la Grande Guerre. Trop âgé pour être mobilisé, ce jeune veuf se consacre pendant quatre ans à la protection des caisses contenant les chefs-d’œuvre du Louvre remisées aux Jacobins de Toulouse. À la fin de la guerre, nommé conservateur adjoint au département des Peintures, il travaille aux côtés de Jean Guiffrey à la réinstallation des collections. Dans ce cadre, Jamot met en application ses propres théories sur l’esprit français, dont il soutient la spécificité mais non la primauté exclusive (sa vision de l’art n’est pas nationaliste mais elle entend souligner les qualités intrinsèques à chacun des foyers d’art). À cette époque, Jamot s’est éloigné du milieu de l’Action française, auquel il a appartenu avec d’autres intellectuels de son temps (Louis Dimier, Jean-Louis Vaudoyer, Georges Grappe ou encore Camille Mauclair) dans le but de créer une nouvelle revue littéraire catholique qui ferait contrepoids à la Nouvelle Revue Française, jugée anticléricale. Le conservateur cherche à réhabiliter l’importance des Primitifs italiens et français, et prône la remise en valeur de certaines écoles italiennes, comme celle de Bologne. Jamot défend l’hypothèse d’une transmission culturelle entre l’Italie, les Flandres, l’Espagne et la France, employant pour cela la métaphore des Fleuves (déjà choisie avant lui par Hippolyte Taine).

La modernité du nouvel accrochage du Louvre, dévoilée progressivement entre 1919 et 1921, est inspirée de la muséologie allemande (notamment de la Pinacothèque de Munich), ce qui vaut aux deux conservateurs des critiques dans ces temps d’après-guerre. Ils sont également accusés d’avoir dénaturé le Salon carré, qui était traditionnellement le tabernacle des chefs-d’œuvre du Louvre. Opposés à une lecture vasarienne de l’histoire de l’art, qui isolerait les génies, ils font de cette pièce historique une grandiose introduction à l’art vénitien et ventilent les chefs-d’œuvre dans les collections. La Joconde se retrouve ainsi accrochée dans la Grande Galerie, où elle jouit néanmoins d’un dispositif spécial, appelé la Tribune. Ces grands travaux précèdent les remaniements engagés par Henri Verne dans les années Trente, et auxquels Jamot participera également en se voyant confier l’accrochage des œuvres de la Renaissance italienne. Son rôle s’exerce également au sein du Conseil des musées qui décide des acquisitions d’œuvres. Il va notamment encourager l’entrée de Primitifs français (École d’Avignon, Maître de Saint-Gilles) dans l’entre-deux-guerres.

Paul Jamot s’intéresse aussi à la peinture française du XIXe siècle. Depuis 1906, il est l’auteur de nombreux articles dans des revues (notamment la Gazette des Beaux-arts) et publie plusieurs ouvrages sur Delacroix (il est l’un des fondateurs de la Société des Amis de Delacroix et participe au sauvetage de l’atelier), Corot, Manet ou Degas. Il s’interroge notamment sur les correspondances entre les styles et les influences, rapprochant le romantisme de Delacroix du ténébrisme de Rembrandt ou de la quête de l’idéal poursuivie par Michel-Ange. Concernant Manet, Jamot est associé à l’organisation de l’exposition qui célèbre le centième anniversaire de la naissance du peintre en 1932 et publie avec Georges Wildenstein le catalogue critique de ses œuvres. Durant ces années Trente, Jamot est associé à tous les projets d’importance consacrés aux impressionnistes par le musée de l’Orangerie : l’exposition Renoir en 1933, l’exposition Cézanne en 1936.

Paul Jamot est également sensible à l’art de son temps (Eugène Carrière, Ernest Laurent, Albert Besnard, Jean Lebasque, Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri Matisse, Maurice de Vlaminck, Raoul Dufy…) qu’il collectionne depuis 1896 avec les maîtres anciens. Jamot n’adhère pas à l’art le plus moderne et se tient à l’écart de l’abstraction mais publie une étude consacrée à Auguste Perret (1927). Jamot entend y montrer le lien entre la modernité du gothique et l’architecture contemporaine, au travers de la maîtrise des enjeux techniques. Paul Jamot avait aussi la carrure d’un mécène. Il apporte sa contribution au musée de Reims, dont il devient le directeur en 1927 et auquel il lègue une partie de sa collection, partagée avec le musée du Louvre. Sa donation composée d’un ensemble exceptionnel de 148 toiles, dessins, sculptures et objets d’art de Le Nain, Corot, Delacroix, Gauguin, Redon, Rodin, Degas, Seurat… fera l’objet d’une exposition au musée de l’Orangerie au printemps 1941, au début de l’Occupation, avant d’être répartie entre les deux musées. Le reste de sa collection est vendu aux enchères en 1943.

Il faut enfin souligner l’engagement de Jamot dans les voies du catholicisme, ce qui n’est pas indifférent à sa proximité avec la ligue politique de l’Action française avant la Grande Guerre. Proche de Maurice Denis, peintre religieux qui défend le renouveau de l’art catholique et lui remet son épée d’académicien en 1932, Jamot préside la Société de Saint-Jean pour le développement de l’art chrétien (fondée en 1839) qui chapeaute en quelque sorte les Ateliers d’art sacré fondés par Maurice Denis et George Desvallières en 1920.

Principales publications

Ouvrages

  • A. G. Perret et l’architecture du béton armé. Paris et Bruxelles : Librairie nationale d’art et d’histoire, G. Vanoest, 1927.
  • Eugène Delacroix. Conférence faite au grand amphithéâtre de la Sorbonne, le 11 mai 1927. Paris : H. Laurens, 1928.
  • Les Le Nain, biographie critique illustrée de 24 reproductions hors texte, coll. Grands artistes, leur vie, leur œuvre. Paris : H. Laurens, 1929.
  • La peinture en France. Paris : Plon, 1933.
  • Les peintres de la réalité en France au XVIIe siècle [Préface : Paul Jamot ; Introduction : Charles Sterling], cat. expo. (Paris, musée de l’Orangerie, 1934), Paris, Musées Nationaux, 1934 [réimpr. en fac-similé dans Pierre Georgel (dir.), Orangerie 1934 : Les « peintres de la réalité », Paris, RMN, 2006].
  • Corot. Paris : Plon, 1936.
  • Rubens. Paris : Floury, 1936.
  • La peinture en Angleterre. Paris : Plon, 1938.
  • La peinture en Espagne. Paris : Plon, 1938.
  • Degas. Paris : A. Skira, 1939.
  • Dunoyer de Segonzac. Paris : Floury, 1941.
  • Maurice Denis. Paris : Plon, 1945.
  • Introduction à l’histoire de la peinture. Paris : Plon, 1947.
  • Connaissance de Poussin. Paris : Floury, 1948.
  • Georges de la Tour. Paris : Floury, 1948.
  • Carpeaux ; peintre et sculpteur. Paris : Magellan, 2014.

Articles

  • « Terres cuites archaïques de Tanagra ». Bulletin de correspondance hellénique, 14, 1, 1890, p. 204-223.
  • « Stèle votive trouvée dans l’Hiéron des Muses ». Bulletin de correspondance hellénique, 14, 1, 1890, p. 546-551.
  • « Fouilles à Thespies et à l’Hiéron des Muses de l’Hélicon. Fragment d’une statue en bronze ». Bulletin de correspondance hellénique, 15, 1, 1891, p. 381-403.
  • « Vénus pudique, statuette de bronze ». Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, 1, 2, 1894, p. 151-164.
  • « L’Athéna Lemnia de Phidias – Réponse à M. Furtwaengler ». Revue Archéologique, 1895, p. 3-35.
  • « Vénus à la coquille, deux figurines de terre cuite ». Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, 2, 2, 1895, p. 171-184.
  • « Le buste d’Elche ». Gazette des Beaux-arts, janvier-juin 1898, p. 239-250.
  • « Les Salons de 1906 (1er article). La peinture à la Société nationale des Beaux-arts ». Gazette des Beaux-arts, mai 1906, p. 353-392.
  • « Les Salons de 1906 (2e article). La peinture à la Société des artistes français ». Gazette des Beaux-arts, juin 1906, p. 470-498.
  • « Ernest Laurent ». Gazette des Beaux-arts, mars 1911, p. 173-203.
  • « Degas (1834-1917) ». Gazette des Beaux-arts, avril-juin 1918, p. 123-166.
  • « À propos de la réouverture de la Grande Galerie du musée du Louvre ». Revue de l’art ancien et moderne, 1919, p. 213.
  • « L’Atelier de Courbet au Louvre ». Bulletin de l’art ancien et moderne, 25 janvier 1920, p. 10.
  • « Au musée du Louvre. Le Salon carré, la Tribune et la Grande Galerie ». La Revue hebdomadaire, 1920, p. 7.
  • « La vénus marine de Chassériau ». La revue de l’art ancien et moderne, juillet-août 1920, p. 71.
  • « Poussin à l’Italie ». L’Art et les artistes, novembre 1920, p. 314.
  • « Études sur Nicolas Poussin ». Gazette des Beaux-arts, IV, août-septembre 1921, p. 81-100.
  • « Les frères Le Nain II. Essai de classement de l’œuvre des Le Nain ». Gazette des Beaux-arts, avril 1922, p. 219-233 ; mai 1922, p. 293-308.
  • « Corot, Rousseau et le paysage en France vers 1830 ». Revue de Paris, 3, 1923, p. 588-595.
  • « Nouvelles études sur Nicolas Poussin à propos de l’exposition du Petit Palais ». Gazette des Beaux-arts, juillet-août 1925, p. 73-114.
  • « À propos d’un Primitif français prêté par le musée d’Amsterdam au Louvre ». La revue de l’art ancien et moderne, juin 1927, p. 155.
  • « Études sur Manet ». Gazette des Beaux-arts, janvier-juin 1927, p. 381-390.
  • « Salles de l’Orangerie. À propos de l’exposition Ernest Laurent ». Bulletin des musées de France, 4, 1929, p. 84-85.
  • « Sur la naissance du paysage dans l’art moderne : du paysage abstrait au paysage humaniste ». Gazette des Beaux-arts, XIX, 1930, p. 233-250.
  • « Un tableau religieux inconnu de Louis Le Nain : la Cène ». Gazette des Beaux-arts, 1930, p. 233-250.
  • « Goethe et Delacroix ». Gazette des Beaux-arts, 1932, p. 279-298.
  • « Autour des Le Nain. Un disciple inconnu : Jean Michelin ». La revue de l’art, LXIII, mai 1933, p. 206-218.
  • « Shakespeare et Velasquez ». Gazette des Beaux-arts, 1934, p. 122-123.
  • « Georges De La Tour. 1. À propos de quelques tableaux nouvellement découverts ». Gazette des Beaux-arts, XXI, avril 1939, p. 243-252 ; II, p. 271-286.
  • « Le Génie même de la peinture. Velazquez ». Jardin des Arts, 5, mars 1955, p. 257-264.
  • « La Rivalité de Ingres et Delacroix ». Jardin des Arts, 12, octobre 1955, p. 731-738.
  • « La Nature vue par les peintres anglais ». Jardin des Arts, 16, février 1956, p. 242-247.
  • « Un peintre de l’élégance, Reynolds ». Jardin des Arts, 30, avril 1957, p. 335-340.

Bibliographie critique sélective

  • Babelon Jean. – « La collection Paul Jamot au musée du Louvre ». L’Illustration, 26 avril 1941, p. 436-437.
  • Benoist Luc. – « La collection Paul Jamot ». L’Amour de l’art, mai 1926, p. 165-177.
  • Champlon Christiane et Verneuil Martine. – Paul Jamot. Conservateur, collectionneur et écrivain d’art. Paris : mémoire de l’École du Louvre, muséologie, sous la direction de Michel Hoog, 1991.
  • Georgel Pierre (dir.). – Orangerie 1934 : Les « peintres de la réalité », cat. expo. (Paris, musée de l’Orangerie, 22 mars 2006-5 mars 2007). Paris : RMN, 2006.
  • Jamot Paul. – Préludes et allégories (Avant-propos : Thérèse Bertin-Mourot. Paul Jamot, ses idées sur l’art et sur la vie. Conférence par le père Regamey. Peintures de l’auteur). Paris : éd. Helleu, 1945.
  • Maingon Claire. – Le musée invisible. Le Louvre et la Grande Guerre (1914-1921). Paris et Rouen : éd. du Louvre/PURH, 2016.
  • Rey Robert. – « La nouvelle salle des Etats au musée du Louvre ». La Revue de l’art, 6 décembre 1921, p. 56-59.
  • Roques Mario. – « Éloge funèbre de M. Paul Jamot, membre de l’académie libre ». Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 83, 6, 1939, p. 625-636.
  • Cat. expo. Donation Paul Jamot (Préface : Maurice Denis). Paris : musée de l’Orangerie, 1941.
  • Cat. expo. Les donateurs au Louvre. Paris : RMN, 1989, p. 236.
  • Annuaire des musées de France de 1939 à 1945. 1946, p. 179.

Sources identifiées

Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales

  • Archives des musées nationaux liées à l’histoire du Louvre

Reims, archives du musée des beaux-arts

  • Dossier Paul Jamot

En complément : Voir la notice dans AGORHA